Votre Excellence,
l'économie cambodgienne a connu une progression
remarquable les dernières années.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de son
développement depuis 1993, ainsi que les
principales données macro-économiques
actuelles ?
Les résultats enregistrés depuis
1993 sont satisfaisants dans la mesure ou nous
avons pu répondre aux besoins les plus
urgents du pays. Cependant les résultats
les plus remarquables ont été obtenus
à partir de 1999. En effet, durant la période
de 1993 à 1999 nous n'étions ni
en paix ni en guerre, c'est une période
pendant laquelle nous n'avions pas tout le temps
nécessaire pour nous consacrer au développement
du pays et résoudre les problèmes
de base tel que la lutte contre la pauvreté.
A cette époque, nous travaillions d'une
main pendant que la seconde tenait le fusil, car
il y avait encore des factions de Khmer Rouge
armées dans certaines régions. Ce
n'est qu'avec la " win-win " stratégie
du Gouvernement Royal du Cambodge que nous avons
pu démanteler l'organisation politico-militaire
des khmers Rouges. Cela a permit de rétablir
la paix sur l'ensemble du Royaume et unifier physiquement
et politiquement le pays.
A partir de 1999, le royaume vit sous une seule
constitution, un seul Roi, un seul gouvernement,
avec une seule loi applicable sur l'intégralité
du territoire ; il n'y a donc plus de région
en sécession par rapport au gouvernement
central. Avec cette paix renforcée de jour
en jour, nous avons pu également renforcer
l'esprit de réconciliation nationale. Tous
ces facteurs ont bien entendu contribué
à un développement accru, aussi
bien social qu'économique, mais surtout
à une plus grande stabilité politique
qui a permit au gouvernement de raffermir la stabilité
macro-économique du pays.
Les trois premières années du second
mandat du gouvernement, nous avons réussi
à atteindre les objectifs que nous nous
étions fixés en terme de croissance
économique, avec en moyenne 7% du PIB de
1999 à 2001, et ce malgré les importantes
calamités naturelles telles que les inondations
et sécheresses répétées.
Notre objectif en règle générale
est de maintenir une croissance comprise entre
6 et 7%, ces premières années ont
donc étés des années fastes
pour le Cambodge. Cependant en 2002, nous avons
du réviser à la baisse nos prévisions
de croissance, due à une conjoncture d'incertitude
au niveau international, à l'attaque du
11 septembre, et encore une fois aux désastres
naturels répétés. Dans la
loi de finance 2002, au lieu de 6% nous avons
fixé comme objectif d'atteindre 5%. En
ce qui concerne nos estimations des résultats
pour l'année 2002, qui sont bien entendu
étayées par la banque asiatique,
elles sont à hauteur de 5.5%. Pour l'année
en cours, pendant laquelle nous espérions
une reprise générale, à cause
de la mauvaise surprise du SRAS, qui a entraîné
une chute de 37% de notre industrie touristique,
ainsi qu'un climat d'incertitude générale
due à la guerre d'Irak et d'autres facteurs,
nous avons du re-estimer ces données à
la baisse, d'une première esquisse optimiste
de 6% présentée à l'Assemblée
Nationale en début d'année, à
un taux plus modeste de 4,7%.
Ceci pour vous donner un aperçu de l'évolution
de notre économie. Il faut également
souligner la politique du gouvernement en terme
de maîtrise de l'inflation pour laquelle
notre objectif est de nous situer en dessous de
la barre des 4%. Les trois premières années
elle était quasiment nulle, pour atteindre
en l'an 2002 les 3%, ce qui reste raisonnable.
Il faut souligner que dans notre économie
nationale l'inflation est très néfaste,
en effet il s'agit avant tout du bien être
de notre population. Notre économie nationale
étant fortement dollarisée, et les
salaires étant payés en Riels, une
variation, même infime, se traduit directement
par une perte de pouvoir d'achat. Cette année
2003 a été dans ce sens très
délicate, car le Riel s'est déprécié
durant les 6 derniers mois de 6%. Il faut bien
entendu considérer qu'en juillet se tiendrons
les élections et malgré le bon climat
actuel cela entraîne toujours une certaine
incertitude.
En ce qui concerne les réserves du pays,
elles couvrent habituellement 3 mois et demi de
nos importations. Cependant, encore une fois due
à une mauvaise conjoncture internationale
et régionale nous avons du nous limiter,
cette année, à deux mois et demi
de réserves.
Je pense avoir partager avec vous les principales
données macro-économiques du Cambodge
durant les dernières années. Il
y a cependant un dernier point que j'aimerais
souligner ; Il y a actuellement dans notre pays
une polémique générale sur
la redistribution des bienfaits de ces indicateurs
vers notre population. En effet certains affirment,
en y incluant l'UNDP, que la redistribution n'est
pas efficiente. Je donne un exemple concret, lorsque
nous construisons une route et nous permettons
à nos populations de réduire leur
temps et coûts de transport, cela n'a-il
pas un impact direct positif sur la pauvreté
? Il ne faut pas se limiter à l'analyse
des simples indicateurs sociaux mais avoir une
vision plus large et surtout à plus long
terme de l'impact de la politique de notre gouvernement
sur le bien être de nos populations.
Au cours de ce second mandat du gouvernement
nous avons fortement mis l'accent sur la construction
de notre infrastructure, et en particulier sur
les routes, car désenclaver le pays et
permettre aux flux physiques de pouvoir y circuler
avec plus de facilité est pour nous une
priorité dans le cadre de notre Stratégie
Nationale de Réduction de la pauvreté.
En ce qui concerne le budget national, pouvez
vous nous donner un aperçu de ce dernier
en terme de provenance et de répartition
vers les différents portefeuilles ?
Je souhaiterais tout d'abord partager avec vous
certains chiffres en terme de pression fiscale,
afin d'introduire les finances de notre gouvernement.
Au cours du premier mandat du gouvernement la
pression fiscale ne s'élevait qu'entre
6 et 6,5 de notre PIB, ce qui est très
faible. Au cours de notre second mandat, grâce
à notre reforme des finances publiques,
nous avons pu accroître ce chiffre pour
atteindre de 8,5 à 9%. En règle
générale nous avons augmenté
les revenus du gouvernement d'environ 1% de notre
PIB par an. Cet effort de mobilisation des revenus
est nécessaire afin de financer les services
publics ainsi que les investissements en infrastructures,
bien que ces derniers aient été
bien évidement financés en partie
par des prêts et des aides multi et bilatérales.
Dans ce cadre j'aimerais vous présenter
quelques chiffres qui présentent nos projections
en terme de recettes et de dépenses de
l'Etat sur les prochaines années ;
Table 2.1. Cambodia: Key Macroeconomic Indicators,
1999-2007
(in percent of GDP, unless otherwise indicated)
1999(Act.) 2000(Act.) 2001(Act.) 2002(Act.) 2003(Proj.)
2004(Proj.) 2005(Proj.) 2006(Proj.) 2007(Proj.)
Real GDP growth, % 6.9 7.7 6.3 5.5 4.7 5.8 6.0
6.3 6.5
Per capita GDP nominal 264 262 260 273 282 289
298 308 319
GDP (CR, B, current price) 12587 12932 13357 14377
15474 16863 18403 20149 22103
GDP (US$, M, current price) 3300 3351 3404 3659
3869 4058 4299 4570 4866
CR/US$, average official rate 3813 3859 3924 3917
3995 4115 4238 4365 4495
CPI (% increase, Q4/Q4) 0.0 0.5 -0.5 3.0 4.0 4.0
4.0 4.0 4.0
Budget revenue 10.6 11.2 11.7 12.2 11.6 12.6 13.9
14.3 14.5
Budget expenditure 14.7 16.4 17.7 19.4 19.4 19.9
19.4 19.7 20.2
Current budget deficit/surplus 1.6 1.5 1.2 1.5
0.0 0.5 1.3 1.3 1.2
Overall budget deficit -4.0 -5.2 -6.0 -7.2 -7.6
-7.3 -5.5 -5.4 -5.7
Domestic export (US$, M) 921 1206 1295 1659 1926
2204 2448 2692 2961
Retained import (US$, M) 1219 1662 1809 2230 2480
2821 3074 3350 3685
External C/A (US$, M) 1/ -295 -336 -426 -406 -441
-470 -481 -493 -496
A travers notre politique de dépenses
publiques, nous cherchons avant tout à
assurer une stabilité macro-économique.
En effet tous ces facteurs sont directement liés
; si nous connaissons une inflation importante,
et notre stabilité macro-économique
est mise en péril, il en va directement
de notre stabilité politique, ce point
est donc stratégique pour le développement
du pays. Nous entendons respecter ce cadre, avec
l'aide de nos partenaires tel que le FMI, pour
que notre stabilité macro-économique
soie assurée.
Si nous nous référons à
cette année 2003, de la même manière
que nous avons révisé à la
baisse notre croissance, nous allons également
devoir le faire avec nos prévisions en
terme de recettes. Cependant les dépenses
vont être maintenues, et c'est à
ce niveau là que se situe le problème
; nous avons une pression importante due à
la mauvaise conjoncture et, une fois encore, à
la tenue des prochaines élections. Cependant
je reste optimiste car après les élections
nous connaîtrons un regain de confiance
sur le marché national, nous avons déjà
connu ce phénomène en 1998.
En terme d'allocation des ressources il faut
souligner que nous avons réduis les dépenses
militaires et sécuritaires de 6,9% du PIB
en 1994, à environ 3% actuellement. Ces
réductions sont bien évidement en
faveur des dépenses sociales, qui représentent
aujourd'hui 3% en comparaison avec le 1% de 1994.
Ces dépenses se dirigent essentiellement
sur 4 ministères prioritaires qui sont
; le ministère de la santé, le ministère
de l'éducation, le ministère de
l'agriculture et enfin le ministère du
développement rural.
Il y a un autre point qu'il est important de
souligner dans le cadre de notre reforme des finances
publiques ; La proportion des recettes tarifaires
et des recettes provenant du marché interne
s'inverse. Auparavant, les taxes douanières
représentaient 80% et le marché
interne 20%. Nous avons réussi à
inverser cette tendance afin de conforter notre
position au sein de l'ASEAN ainsi que notre prochaine
adhésion à l'Organisation Mondiale
du Commerce ; Au jour d'aujourd'hui, cette proportion
est de 54% pour les recettes internes au pays
et 46% pour les recettes tarifaires. C'est également
une performance, car si nous n'avions pas mis
en place et respecté nos reformes nous
n'aurions pu atteindre ces résultats qui
sont nécessaires afin de faire face à
l'échéance de notre adhésion
à l'OMC. Il s'agit d'un enjeu important
; notre intégration régionale tout
d'abord et internationale par la suite.
PROVENANCE DES TAXES COLLECTEES EN POURCENTAGE
DU PIB
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Comme vous nous l'avez mentionné, renforcer
les capacités de l'état par une meilleure
mobilisation des ressources est une étape
essentielle afin de pouvoir garantir les services
minimums et ainsi créer un climat favorable
à l'investissement. Dans ce cadre, plusieurs
réformes sont en cours tel que la reforme
douanière, des taxes ainsi que le renforcement
de la gestion du budget nationale. Pouvez-vous nous
décrire les principaux résultats obtenus
au jour d'aujourd'hui ?
Nous pouvons mesurer les résultats de
ces reformes tout d'abord par les performances
de l'administration des impôts, des douanes
et par la meilleure gestion de notre budget. Affirmer
que nous sommes satisfaits de ces résultats,
non pas encore, nous avons encore un long chemin
à parcourir. Affirmer que nous sommes à
l'aise, non, nous ne sommes pas encore dans une
situation ou nous avons une certaine marge de
manuvre. La pression des demandes de dépense
est telle que notre ministère a des difficultés
à gérer cette situation. C'est la
raison pour laquelle nous avons tiré une
sonnette d'alarme au Premier Ministre, qui nous
a écouté. Parallèlement nous
devons faire face à d'autres obligations,
au niveau international en tant que président
de L'ASEAN par exemple, et national avec les demandes
de la population pour un investissement croissant
dans les infrastructures au niveau rural. Là
encore, j'aimerais répondre à ceux
qui prétendent que la décentralisation
n'apporte rien ; au contraire nous travaillons
actuellement pour que les services publics puissent
atteindre la base de notre population, en d'autres
termes les zones rurales. Dans ce cadre les infrastructures
sont, bien entendu, un point crucial mais il y
a également d'autres commodités
tel que l'électrification du pays, l'accès
à l'eau potable, etc.
Il faut considérer que nous n'avons joui
jusqu'à présent que de moins de
cinq années de paix, et il est impossible
en ce laps de temps de tout réaliser, cependant
les progrès sont là, malgré
les difficultés. Dans ce cadre nous faisons
face à un problème important de
liquidités, de cash-flow. Ceci est dû
en partie au fait que l'Etat avait pris certains
engagements et que l'heure venue l'argent avait
déjà été dépensé
pour faire face à la série de calamités
climatiques qu'a connues le pays. Nous sommes
de bonne volonté mais nous devons bien
évidement parer au plus pressé.
Suite aux calamités climatiques, notre
population a beaucoup souffert mais grâce
à notre action immédiate nous avons
pu alléger part de cette souffrance et
limiter les conséquences économiques
de ces évènements en sauvant une
grande partie des récoltes agricoles.
Nous sommes un pays très jeune, nous avons
à peine commencé à nous engager
sur un long chemin qui nous mènera très
certainement à la prospérité
pour le pays et sa population. Cependant ce chemin
est juché d'embûches et nous devons
y faire face au quotidien. Nous sommes actuellement
en train d'établir les bases qui permettront
un développement, et nous entendons y arriver
pas à pas. Nous sommes déjà
membre de l'ASEAN et prétendons à
l'adhésion au sein de l'OMC, nous voulons
nous situer au même niveau que les autres
pays. Je dois également confesser que pendant
les années 1993/94 j'étais très
pessimiste en ce qui concerne le développement
des ressources humaines, cependant la jeune génération,
malgré que leurs diplômes ne soient
pas aux standards internationaux, bénéficie
aujourd'hui d'une éducation de base qui
s'est considérablement amélioré.
Cette jeune génération a réussi
à me redonner confiance en leur contribution
à l'avenir de ce pays. En témoignage
de cette confiance je dois vous avouer que cette
jeune génération fait partie intégrante
de mon équipe et me démontre au
quotidien leurs qualités. Pour la petite
histoire, beaucoup d'entre eux ont également
été choisis par le Premier Ministre
afin de l'assister dans sa lourde tache de gérer
le pays, tel que le Dr. Moniroth, le Dr. Naron,
Sok Chenda, Yanara, etc. Ce qui témoigne
de leur qualité et de la confiance que
nous pouvons avoir dans cette relève.
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La création
d'un environnement propice à l'investissement
est essentielle pour le développement du
secteur privé. Celui-ci joue en effet un
rôle croissant dans la création de
richesses. Dans ce cadre, quelles sont les actions
entreprises par votre gouvernement afin de favoriser
son développement ainsi que celui des PME,
qui garantissent à terme le dynamisme de
l'économie nationale ?
Le soutien au secteur privé est un point
essentiel de la politique de notre gouvernement
que je vais vous présenter en trois volets
; tout d'abord la philosophie générale
du gouvernement, en second lieu les développements
au niveau sectoriel et en dernier lieu les actions
concrètes qui ont été entreprises
dans ce sens.
Je pense que vous l'aurez déjà
entendu de notre Premier Ministre, notre Ministre
du Commerce ainsi que nos collègues du
CDC ; nous considérons le secteur privé
comme le moteur de la croissance de l'économie
nationale et nous travaillons afin que ce concept
devienne une réalité. Tout d'abord
en garantissant un environnement favorable ; au
niveau légal, mais aussi au niveau de la
gouvernance afin que le secteur privé puisse
s'épanouir. Dès la première
année de la seconde ère du Royaume,
et j'insiste sur ce terme car il ne s'agit pas
du second Royaume, nous avons beaucoup misé
sur l'Aide Publique au Développement (APD).
Cependant nous savons que cette politique ne peut
être appliquée sur le long terme,
car tous les pays ont leurs propres contraintes.
Dans ce cadre, la principale source de mobilisation
des ressources doit être le secteur privé
; qu'ils soient nationaux ou étrangers,
nous devons les encourager à investir sur
le territoire national.
Nous avons distingué dès le début,
j'ai d'ailleurs rédigé un document
qui a été approuvé par le
Conseil des Ministres et présenté
aux pays donateurs, la séparation des tâches
entre l'Etat et le secteur privé. Pour
cette raison, dès 1995 nous avons introduit
dans notre loi des finances les privatisations
à venir. L'Etat ne va pas s'impliquer dans
l'industrie, le commerce, les services ou les
finances (mis à part les finances publiques)
pour laisser les principaux pôles économiques
aux mains du secteur privé. Dans le cadre
des plus grands projets de privatisation déjà
planifiés, je peux citer notre industrie
du caoutchouc ou encore notre Banque du Commerce
Extérieur. Notre philosophie est de substituer
les déclins en APD par l'investissement
privé. Notre objectif est d'atteindre 30%
de notre PIB en investissement aussi bien publique
que privé afin que l'économie du
pays décolle réellement. Actuellement
nous sommes aux alentours des 20%, mais dès
à présent je considère que
c'est le secteur privé qui va prendre la
relève pour le développement du
pays. Et nous sommes prêts, dans le cadre
d'une stratégie "win-win" entre
celui-ci et notre gouvernement, à leur
concéder tous les avantages possibles.
Dans ce cadre nous avons adopté les formules
de BOT, par exemple pour notre aéroport,
avec le Groupe Vinci.
Il faut également souligner, dans l'application
de cette vision, les points forts et les points
plus faibles. Nous devons actuellement tout reformer
; car pour un secteur privé fort, il faut
développer un service public qui puisse
servir au mieux ses intérêts. L'administration
doit être amicale avec le secteur privé
et non pas seulement régalienne. La reforme
de notre administration, de nos institutions légales
et judiciaires, est donc une nécessité
car il faut être en ligne avec les normes
internationales ainsi qu'avec nos partenaires
tel que l'ASEAN et bientôt l'OMC. Ceci va
renforcer la confiance du secteur privé.
Dans ce cadre nous avons fait d'important progrès,
mais le secteur privé reste insatisfait.
Afin de palier à cette situation nous avons
crée un forum entre le gouvernement et
le secteur privé. Sok Chenda en est le
Secrétaire Générale, quant
à moi je suis le coordinateur de ce forum
avec d'autres ministres afin d'encadrer les sept
groupes de travail qui ont été créés.
Avec M. Sciaroni, qui travaille dans une firme
de droit, nous nous occupons du groupe de travail
qui traite de gouvernance, taxes et lois. Grâce
à ces groupes de travail nous débattons
directement avec le secteur privé sur les
grandes orientations de notre politique publique,
ainsi que sur leurs préoccupations dans
les divers domaines de compétence de chaque
groupe, avant de passer les reformes au Conseil
des Ministres. Nous avons ainsi pu amender, en
collaboration avec le secteur privé, notre
loi sur les investissements, notre loi sur les
taxes et notre loi sur la comptabilité
et l'audit. Nous disposons également de
notre propre Institut de Comptabilité et
notre Conseil de Comptables qui proviennent tous
deux du secteur privé. Nous avons également
collaboré pour la réduction de la
contre-bande.
Nous considérons le secteur privé
comme un partenaire pour le développement
du pays. Récemment nous avons également
préparé un code civil et avons,
bien entendu demander l'aval du secteur privé.
Ceux-ci ont répondu en affirmant qu'ils
nécessitaient du temps afin d'étudier
en profondeur ce code, nous avons donc fait le
pas de demander à notre Ministre de la
Justice de différer son adoption afin que
nous puissions prendre en compte les recommandations
de notre partenaire privé, avant de le
présenter au Conseil des Ministres. Pour
vous démontrer l'importance que nous accordons
à leurs opinions ; lorsque nous avons un
désaccord sur un dossier particulier, nous
présentons les deux avis à notre
Conseil Interministériel afin que celui-ci
fasse office de juge et prenne la décision
finale ; à deux reprises, le conseil des
ministres a tranché en faveur du secteur
privé. Au même titre que le gouvernement
ils sont directement impliqués dans le
débat pour l'ameiloration de notre climat
général d'investissement.
Cependant il y a encore un point sur lequel ils
ne sont pas satisfaits, il s'agit des dessous
de tables. Sur ce point j'aimerais insister sur
le partage des responsabilités entre le
gouvernement et le secteur privé. En effet,
certaines entreprises du secteur privé,
au lieu de régler leurs litiges ou problèmes
par la voie officielle, préfèrent
régler leur problème à l'amiable
directement avec des officiels du gouvernement.
Au lieu de choisir de régler le problème
d'une forme générale, ils préfèrent
s'atteler à leurs problèmes individuels.
Si le secteur privé ne joue pas le jeu
de la transparence, il a distorsion du système,
il faut donc une plus grande conscientisation
de ce problème de la dynamique du système
des acteurs.
En ce qui concerne le développement des
Petites et Moyennes Entreprises (PME), elles représentent
un point essentiel pour le bien être de
notre population tout d'abord, et bien entendu
pour le dynamisme de notre économie. Le
principal problème se situe en terme de
financement et nous travaillons dans ce cadre
avec plusieurs partenaires tel que l'Allemagne,
la France ou encore le IFC afin de pourvoir garantir
un financement minimum pour le développement
de ces PMEs.
Le secteur financier est bien entendu un point
stratégique aussi bien pour le développement
des petites et moyennes entreprises que pour le
soutien au secteur privé dans son ensemble.
C'est pourquoi nous avons défini un road
map pour le développement du secteur pendant
les dix prochaines années. Nous allons
compléter la première phase qui
s'étend jusqu'en 2004, ce road map devant
être achevé en 2010. Ceci inclus
le développement de notre système
bancaire et des assurances, ainsi que nos systèmes
de leasing, des marchés des capitaux et
autres produits financiers. Dans ce cadre le gouvernement
ne joue qu'un rôle de régulateur.
Nous travaillons en collaboration avec la Banque
Asiatique de Développement (BAD) et la
Banque Mondiale, en conservant à l'esprit
les reformes nécessaires pour notre adhésion
à l'OMC.
Si nous nous focalisons essentiellement sur
l'investissement direct dans le pays. Quels sont
les principaux constats et les challenges à
venir pour le Cambodge ?
Le challenge à relever au jour d'aujourd'hui
reste la mise en place d'un environnement favorable
à l'investissement à travers le
renforcement de notre système juridictionnel
et de notre bonne gouvernance, ainsi que la capacité
du gouvernement à assurer les services
minimums à moindre coût pour le secteur
privé. Dans ce cadre j'inclus bien évidement
le développement de nos ressources humaines.
Notre ministère contribue activement dans
ce processus avec la création de notre
propre Institut Economique et Financier qui forme
beaucoup de nos commis de l'Etat, avec le soutien
de plusieurs donateurs et du secteur privé.
Ces derniers temps nous avons observé
un fléchissement de l'investissement direct
dans tout le sud est asiatique, au bénéfice
de la Chine. Cependant le Cambodge à fait
des progrès considérables, même
si nous ne sommes pas encore satisfaits, nous
devons souligner les évolutions positives
dans ce sens. Les progrès ne se mesurent
pas uniquement en terme de déclaration
d'intention mais surtout en terme de concrétisation.
Avant 1998, nous avons délivré un
nombre important de licences, cependant le taux
de concrétisation se situait aux alentour
des 25%. Aujourd'hui ce même taux atteint
les 75%.
Comme vous nous l'avez également mentionné,
le Cambodge est membre de l'ASEAN et présente
sa candidature à l'OMC. Cette intégration
ouvre bien entendu de nouvelles opportunités
au pays mais présente également
de réelles menaces, particulièrement
pour le secteur de la confection, qui demeure
l'un des piliers de votre économie. Pouvez-vous
nous faire part de vos commentaires sur cette
intégration croissante du pays ?
Je pense que nous devons être très
réalistes sur ce sujet, l'industrie de
la confection reste dans ce domaine le talon d'Achille
de notre économie. Cependant même
si nous n'avons plus accès à un
traitement de faveur, je pense que le Cambodge
dispose de certains avantages comparatifs par
rapport à ses principaux concurrents. Ces
avantages ne se situent pas uniquement en terme
de bas coût de main d'uvre, mais surtout
en terme de standards de production. Les Américains,
ainsi que beaucoup de pays européens, ne
sont plus disposés à acheter des
produits en provenance de " sweat shops "
dans lesquelles les conditions minimums de travail
ne sont pas respectées. Nous acceptons
les règles du jeu et avons établi
dans notre pays une politique triangulaire incluant
non seulement les propriétaires de ces
entreprises et le gouvernement mais également
les travailleurs, tout cela sous la superstition
de l'ILO (International Labour Organisation).
Nous devons utiliser cette politique comme un
avantage comparatif pour le Cambodge, certes les
prix de nos produits ne sont pas les plus compétitifs
cependant nous garantissons non seulement la qualité
de ces derniers, mais surtout le respect des normes
internationales de travails.
Nous sommes également intéressés
par l'homme derrière l'institution. Vous
avez accompagné le développement
du pays en faisant partie de tous les gouvernements
depuis 1960, pouvez vous nous en dire plus sur
votre parcourt professionnel ?
J'ai une formation d'ingénieur civil du
génie maritime et en génie atomique
et avant de venir au Cambodge, je travaillais
en France dans la recherche thermonucléaire.
Cependant j'ai considéré que je
serais plus utile dans mon pays alors je suis
revenu, malgré qu'il n'y ait aucun programme
nucléaire à développer au
Cambodge. En revenant, je suis devenu directeur
général d'une société
de construction civile avec laquelle nous avons
réalisé et/ou réhabilité
un nombre important d'ouvrages tel que la route
Nationale de Phnom Penh vers Sihanoukville, l'actuel
aéroport de Phnom Penh, ect. Et à
travers cette expérience j'ai acquis une
bonne connaissance du territoire cambodgien. Les
conditions de travail n'étaient pas toujours
les meilleures, nous avions des délais
très court de réalisation et plus
d'une fois nous avons du finir nos ouvrages de
nuit car nous devions prendre gare aux intempéries,
en cas de pluie par exemples, à chaque
minute nous perdions 100 USD.
Puis le Prince Sihanouk, à l'époque,
considérant mon background en sciences
et mathématiques, m'a honoré en
me demandant de fonder l'université en
province, l'Université Royale de Kampong
Cham. J'en étais le premier recteur. Suite
au succès de ce projet, j'ai été
appelé à la tête du ministère
de l'industrie, ce qui correspondait assez bien
avec ma formation car je suis par ailleurs ingénieur.
Il me manquait cependant, considérant que
j'avais essentiellement une expérience
en entreprise, une approche de l'économie
sectorielle, que j'ai acquis grâce à
cette expérience.
Puis la guerre éclata et le pays fut scindé
en deux. A ce moment là je suivis le Roi
à Pékin, qui représentait
à cette époque la résistance,
afin de l'assister en tant que ministre à
la présidence du Conseil des Ministres.
Je suis ensuite rentré au Cambodge avec
le Roi pendant l'époque des Khmers Rouges,
et j'ai survécu par chance, car depuis
1978 j'étais devenu une cible. Bien heureusement,
l'intervention des troupes de Hun Sen avec les
volontaires vietnamiens m'a permis de m'échapper
avec le Roi à New York.
Cependant étant séparé de
ma famille depuis 3 ans et n'ayant pas de leurs
nouvelles je ne pouvais partir et je me suis rendu
à la frontière thaïlandaise
afin d'assurer leur sécurité. J'ai
tout d'abord retrouvé mon fils, que j'ai
envoyé à l'étranger ainsi
que ma femme. On m'a ensuite assuré que
ma fille était en lieu sûr. Une fois
rassuré j'ai quitté le Cambodge,
pour rejoindre Paris et travailler dans une entreprise
privée en tant que directeur des opérations
internationales. Ensuite j'ai rejoint L'UNIDO
comme co-directeur pour le management stratégique
du développement industriel dans l'ancien
Zaïre. Cette expérience m'a permis
d'acquérir une nouvelle dimension de l'économie,
celle de la macro-économie en collaboration
avec la Banque Mondiale, le FMI, ect. En 1992
je suis rentré au Cambodge en tant que
consultant pour l'UNDP. J'ai ensuite été
nommé conseiller du Gouvernement de l'Etat
du Cambodge de notre actuel Premier Ministre Samdech
Hun Sen avant les élections. En 1993, j'ai
été nommé Vice-Premier Ministre
pour le gouvernement provisoire, avant d'être
promu au poste de ministre d'Etat pour la réhabilitation
et le développement du pays. Suite à
une crise ministérielle et au départ
de Sam Rainsy, j'ai pris le poste de Ministre
de l'Economie et des Finances depuis octobre 1994,
jusqu'à présent.
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