CAMEROON
The new locomotive of Western Africa








Report




Interview de

M. Mohamed IYA,
Directeur Général de la Société de Développement du Coton du Cameroun

2 mars 2001
Question 1: La Sodécoton, qui existe depuis 1974, a su développer une filière intégrée reposant sur des relations entre le paysannat et un opérateur agro-industriel afin d'exploiter le coton et ses dérivés. Vingt-sept ans après sa création, comment définiriez-vous l'entreprise et quels ont été les points forts de son développement ?

Réponse 1: Comme vous l'avez rappelé, la Sodécoton existe en tant que telle depuis 1974. Avant cette date, la compagnie, française à cent pour cent et créée en 1951, s'appelait CFDT Cameroun. Compte tenu de l'importance stratégique du secteur du coton dans l'économie camerounaise, l'Etat a décidé de nationaliser la CFDT. Aujourd'hui, l'Etat détient 70% des actions et la CFDT, 30%.

Depuis 1974, nous avons modernisé nos activités grâce à l'évolution technique dans la culture du coton ainsi qu'à l'évolution technologique dans la recherche. Tout ceci nous permet aujourd'hui de produire 200 000 tonnes de coton graines par an, d'encadrer 350 000 producteurs de coton, qui sont des individuels à qui nous donnons l'intrant agricole, que nous encadrons techniquement en leur apprenant comment produire du coton grâce à des technologies modernes testées et expérimentées sur place. Nous distribuons aux producteurs, bon an mal an, des revenus d'environ 35 milliards de FCFA. Ce montant représente l'achat du coton auprès de ces 350 000 producteurs.

Nous demeurons de loin le poumon économique de la région. Les trois provinces du nord sont des régions relativement pauvres, dépourvues de toute activité industrielle. Nous avons donc un rôle important à jouer dans la mesure où nous assurons l'emploi de ces 350 000 producteurs indépendants mais aussi de notre personnel qui compte 2000 employés permanents. La Sodécoton garantit aussi l'activité pour beaucoup de transporteurs, de compagnies d'assurance, de banques. Sur un plan économique, tout tourne dans la région autour des activités de notre société. Malgré la crise que le pays a connu, nos activités sont demeurées rentables. Nous sommes même la société la plus rentable du pays.

Q. 2: Entreprise au capital de 4 529 400 000 de FCFA, la Sodécoton est en effet la plus importante du secteur et se place en tête de liste des entreprises les plus performantes du pays en terme de chiffre d'affaires. Un chiffre d'affaires en 1998 qui s'élevait à 143 202 000 US$. Etes-vous satisfait des résultats obtenus ?

R. 2: Je suis satisfait de mon résultat à plusieurs titres: nous avons la satisfaction de constater que le montant des revenus distribués aux producteurs s'accroît chaque année. Nous avons en effet le souci depuis de nombreuses années de lutter contre la pauvreté. En augmentant les revenus de ces producteurs, nous participons à notre façon à la réduction de la pauvreté dans le pays. En dehors de ces activités propres, il faut mentionner que la Sodécoton créée aussi des routes, entretient des pistes, autant d'activités qui sont de nature à combattre la pauvreté. Sur un plan purement social, nos activités sont appréciées par la population et nous même arrivons à faire des bénéfices et à en distribuer les dividendes à nos actionnaires. Cependant nous payons aussi des impôts à hauteur de 10 milliards de FCFA par an. Tout ceci contente finalement les trois acteurs principaux à savoir les actionnaires, les producteurs de coton et la société elle-même. Il y a donc de quoi être satisfait même si la conjoncture internationale est extrêmement difficile.

Q. 3: Afin d'aboutir à la valorisation du potentiel de production et des possibilités de commercialisation existantes, la privatisation de l'entreprise se présente comme une étape importante dans la re-dynamisation du secteur, notamment pour faire face à la conjoncture internationale à laquelle vous faites allusion. Comment envisagez-vous la privatisation de la Sodécoton et de quel genre de partenaires pensez-vous avoir besoin ?


R. 3: Nous avons besoin de partenaires qui disposent d'une expérience dans le domaine du coton. Considérant que nos acquis sont satisfaisants, nos nouveaux partenaires doivent être en mesure d'améliorer notre savoir-faire. Sinon, l'objectif vers lequel nous tendons avec la privatisation ne serait pas atteint. L'important pour la Sodécoton est de trouver des partenaires qui disposent de la compétence technique et des moyens financiers nécessaires pour pouvoir accroître l'investissement. Le potentiel de la Sodécoton est énorme: nous pourrions doubler ou tripler la production actuelle. Cependant il faudra beaucoup de moyens pour assurer non seulement la production mais aussi son évacuation.

En effet, 85% de notre activité est destinée à l'exportation et l'un des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui est d'assurer l'évacuation de toute la production. Nous avons des contraintes liées aux chemins de fer, aux capacités d'évacuation de nos produits vers Douala. Nous attendons non seulement la privatisation de la Sodécoton mais aussi celle des chemins de fer pour que ces derniers puissent accroître leur capacité de transport de marchandises vers le Sud pour être exportées par la suite.

Il est probable que, dans le processus de privatisation de la Sodécoton, l'Etat reste un actionnaire minoritaire compte tenu du nombre de cultivateurs impliqués dans le secteur. Chacun des 350 000 producteurs individuels est à la tête d'une famille de sept personnes, ce qui représente plus de 2 millions d'habitants dont les revenus monétaires dépendent directement du secteur cotonnier. D'où la nécessité que l'Etat puisse, en dépit de l'arrivée des investisseurs privés, garder un œil sur le fonctionnement des activités de la Sodécoton.

Q. 4: La Sodécoton assure la commercialisation de ses produits essentiellement à l'export, à hauteur de 85% de sa production. Quelle est la politique menée par l'entreprise pour asseoir ses acquis à l'étranger ainsi que pour conquérir de nouveaux marchés ?

R. 4: Ce que nous produisons en terme de produit fini exporté ne représente que 85 000 tonnes de coton-fibres. Comparé au besoin mondial qui est de 20 millions de tonnes, nous ne sommes qu'un tout petit producteur. Les cinq plus gros producteurs, la Chine, les Etats Unis, l'Ouzbékistan, l'Inde et le Pakistan répondent à eux seuls à 80% de la demande mondiale. Compte tenu du fait que la Sodécoton n'est qu'un petit producteur au rang mondial, les débouchés sont assurés. Quelle que soit la production, la Sodécoton trouvera toujours preneur.
Cela dit, le marché évolue. Il y a une vingtaine d'années, toute notre production était vendue en Europe. Aujourd'hui, les Européens préfèrent importer des produits semi-finis plutôt que du coton brut. Notre marché s'est donc déplacé vers l'extrême Orient, Taiwan, la Corée, le Japon, l'Indonésie, le Vietnam ou Singapour. J'ai le souci d'être présent dans pratiquement tous les pays importateurs de coton. Notre stratégie est de pouvoir vendre dans les régions les plus diverses pour pouvoir acquérir une expérience dans chacun de ces pays importateurs. Compte tenu de l'évolution du marché, nous mettrons certainement en place des stratégies permettant d'assurer notre part de marché quelle que soit la région où nous exportons notre coton. Et éventuellement de chercher de nouveaux débouchés pour notre production.

Q. 5: La croissance de la production et l'accroissement des exportations passe certainement par l'expérimentation et la modernisation, qu'il s'agisse de recherche agronomique, d'élevage, de motorisation ou de financement agricole. Quelle est la part des investissements dans le fonctionnement global de l'entreprise et quelle est votre politique dans ce domaine ?

R. 5: Notre budget d'investissement annuel s'élève à 7 milliards de FCFA dont une grande partie est réservée soit à la modernisation des outils de production, c'est à dire des usines ou des huileries, soit à l'acquisition de matériel de transport. L'aspect du transport étant crucial dans nos activités. En effet, il ne sert à rien de produire si nous ne pouvons pas évacuer notre production.

Actuellement, nous possédons deux huileries et dix usines de grainage. Nous avons l'intention de créer dans les dix prochaines années une nouvelle huilerie et deux nouvelles usines de grainage. Il est possible que cet investissement soit supporté par les investisseurs privés. Quoi qu'il en soit, cet investissement paraît indispensable.

Q. 6: Avec la généralisation du libre échange, une véritable bataille va se jouer dans la recherche permanente de la compétitivité. Comment pensez-vous que la Sodécoton doive réagir face à l' échéance de la mondialisation ?


R. 6: Nous sommes une des sociétés de production cotonnière les plus compétitives sur le plan mondial. Nos principaux concurrents sont les Etats Unis. Or il est regrettable de constater que le gouvernement américain ne joue pas le jeu de la compétition dans la mesure où il subventionne fortement ses producteurs. Le gouvernement américain a débloqué l'année dernière 2 milliards de US$ pour aider les quelques 40 000 producteurs de coton. Ceci fausse évidemment le jeu. En Europe, les pays producteurs de coton comme l'Espagne sont aussi subventionnés par l'Union Européenne. Sur le plan de la compétitivité face à la globalisation, je n'ai rien à craindre, surtout si l'Union Européenne diminue ses subventions aux producteurs.

Mes soucis sont en fait d'ordre technique. La Sodécoton est en retard dans le domaine du classement de la qualité du coton. Les fermiers américains ou Européens ont la capacité technique de classer le coton avec des outils de haute technologie. La Sodécoton quant à elle classe le coton à la main. En revanche, sur le plan de la rentabilité, sans les subventions européennes et américaines, les cotons africains seraient les plus compétitifs. Sur le plan qualitatif, nous avons d'autres avantages. Le coton récolté à la main est mieux soigné comparé aux récoltes faites à la machine dont le coton est moins propre.

La production d'un seul fermier américain représente la totalité de ce que produit la Sodécoton. Le fermier américain produit surtout par irrigation, en connaissant exactement la quantité d'eau dont son champ a besoin pour produire le volume de coton voulu, alors que la production de la Sodécoton dépend des précipitations naturelles.

Q. 7: D'aucuns vous connaissent comme un inconditionnel du ballon rond. Pour preuve, le rôle actif que vous jouez à la tête de la Fédération Camerounaise de Football ainsi que la place que vous occupez au sein de la FIFA. Dans quelle mesure pensez-vous qu'il soit important de promouvoir le football camerounais et quels sont les buts, pour ainsi dire, que vous vous êtes fixé dans ce domaine ?

R. 7: Sur le plan des résultats sportifs, le Cameroun possède l'une des meilleures équipes du monde, tant sur le plan olympique que chez les seniors. Par contre, son administration est très artisanale. Mon souci est de porter cette administration à la même hauteur que son football. Il faudra donc moderniser sa gestion, négocier avec les chaînes de télévision étrangères et obtenir des ressources pour la fédération comme je viens de le faire récemment à Yaoundé en signant des contrats avec Canal +, Puma, ICM Sport qui rapporteront à la fédération 1 milliard de FCFA en sixième année.
Je me suis engagé dans la gestion du football après avoir constaté que nous n'avions pas d'équipe dans la région. J'ai donc créé une équipe au sein de la Sodécoton qui s'appelle « Coton Sport » et qui a été deux fois championne du Cameroun. La Sodécoton assume aussi par-là son rôle social: ce sont 25 000 à 40 000 personnes qui viennent regarder à Garoua les matchs tous les dimanches. Cette activité nous coûte 300 millions de FCFA par an. De temps à autre, nous arrivons à sortir de très bons joueurs que nous vendons à l'étranger ce qui permet de diminuer quelque peu les dépenses du budget à hauteur d'environ 100 millions de FCFA par an. Il nous reste 200 millions à payer par an et ce pendant une période indéterminée. Il se peut qu'un jour nous produisions un joueur que nous vendrons à 1 milliard de FCFA. Pour exemple notre capitaine, Samba Ana, que Liverpool a acheté pour 5 milliards de FCFA. Si la Fédération est bien gérée, cela pourrait devenir une activité rentable.



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© World INvestment NEws, 2001. This is the electronic edition of the special country report on Cameroon published in Forbes Global Magazine, October 1st, 2001. Developed by Agencia E.