CAMEROON
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Report




Interview de

M. Alfonse Siyam Siwe,
Directeur Général du Port Autonome de Douala

21 février 2001
Question 1: Le Port Autonome de Douala est l'un des fleurons de l'économie camerounaise. Quelles sont ses caractéristiques ?

Réponse 1: Le Port Autonome de Douala, dans la forme juridique actuelle est une création récente. Il existe sous cette appellation depuis juillet 1999. Il succède, avec d'autres ports autonomes, à l'ancien Office National des Ports du Cameroun, ONPC, qui avait pour mission de gérer l'ensemble des ports du pays. Cet Office aura existé de 1972 à 1999, date de la naissance du Port Autonome de Douala.

La réforme du secteur portuaire qui donne naissance au Port Autonome de Douala a été énoncée en novembre 1997 au cours d'une table ronde sur les questions portuaires ; une réflexion qui a permis notamment de passer au peigne fin l'ensemble du fonctionnement du secteur portuaire, d'imaginer et mettre en œuvre des solutions pour rendre ce secteur, jusqu'alors caractérisé par des coûts élevés et des temps de passage extrêmement lents, plus compétitif. Le Port Autonome de Douala est un produit de ces réformes.

Q. 2: Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés concernant à terme la réduction du temps de passage dans le Port Autonome de Douala ?

R. 2: L'objectif que nous avons est de réduire le temps de passage à deux jours à l'export et sept jours a l'import. Pour l'instant, nous sommes encore assez loin de cet objectif.

Nous avons déjà réduit les délais de passage à l'import de 26 jours à une vingtaine de jours. L'analyse détaillée de ce délai a permis de constater que d'énormes progrès ont été enregistrés dans les délais de procédure, qu'il faut distinguer des délais de passage. Ce que le port offre, c'est d'abord la facilité de procédure d'import-export. Ensuite il appartient aux opérateurs économiques de faire le meilleur usage de ces facilités. Les temps morts, qui sont le fait des importateurs, sont comptabilisés dans le délai de passage. Par contre, nous garantissons aujourd'hui un délai de procédure à l'import d'une moyenne de cinq jours. Le délai global de passage qui inclut donc les temps morts reste autour de vingt jours. Autrement dit, les importateurs prennent un certain temps avant d'enclencher les procédures et de sortir la marchandise du port.

Q. 3: Ce qui implique que vous ne puissiez aller de l'avant sans travailler main dans la main avec les opérateurs économiques eux-mêmes…


R. 3: L'objectif réel est celui de la compétitivité de l'économie camerounaise et non pas seulement de la performance du port. Plus le délai de passage dans le port est long, plus cela entraîne de coûts, quelle que soit la personne ou l'autorité responsable de ce délai. L'objectif final est d'obtenir une durée qui soit performante du point de vue économique. Effectivement, la sensibilisation s'effectue auprès de tous les acteurs pour que nous réussissions ensemble à raccourcir les délais de passage.

Q. 4: Un Guichet Unique des opérations du Commerce Extérieur (GUCE) a été mis en place récemment. Quel est son rôle, et quels changements cela a t-il entraîné pour le port ?

R. 4: Le Guichet Unique résulte tout d'abord d'une réflexion menée par le comité de facilitation mis en place par le gouvernement pour alléger le plus possible les procédures et assurer une meilleure coordination qui limite les va-et-vient des clients entre les différents services administratifs, entre la Douane et le Port.

L'ensemble des services essentiels aux procédures de dédouanement a été regroupé en un lieu physique unique. La meilleure cohérence de la procédure qui permet de gagner un temps précieux prélude en fait à la mise en place de la gestion informatique du Guichet Unique. Chaque administration et chaque acteur réussira alors à mener sa mission dans des délais encore plus brefs. Le Guichet Unique physique n'est qu'une étape vers le Guichet Unique informatique.

Q. 5: Pouvez-vous nous donner une idée chiffrée du trafic au sein du Port Autonome de Douala et de la progression attendue des activités portuaires due au regain d'investissements étrangers ?


R. 5: Le trafic du port de Douala exprimé en tonnage pour l'année dernière représente un peu plus de 5 200 000 tonnes de marchandises transportées pour un nombre de 1200 navires visitant le port de Douala.

Le trafic connaît depuis les 4-5 dernières années une croissance continue de 3 à 5% ; croissance qui devrait être accentuée par le démarrage du projet de pipeline entre le Tchad et le Cameroun. L'impulsion que ressentiront nos activités sera visible au niveau du trafic supplémentaire généré par le projet. Mais « l'effet pipeline » devrait normalement aller au-delà du simple trafic additionnel généré par le chantier. La réalisation du projet se positionne dans un environnement économique et politique sain et porteur. Nous attendons que le pipeline génère des effets indirects sur notre activité dans la mesure où il participera à la relance de l'ensemble des activités économiques de ce pays et de la sous-région.

Q.6: Avec le retour de la croissance, on est en droit de penser que le Port de Douala va investir notamment dans l'aménagement de ses infrastructures. Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

R. 6: Le Port perçoit son rôle comme celui d'un catalyseur de l'activité économique nationale. Il est véritablement la porte d'entrée au Cameroun et le point de départ de l'autoroute pénétrant l'économie camerounaise et l'économie de la sous-région. Il convient donc que nous nous donnions les moyens de ne pas constituer un handicap à la croissance de l'économie mais au contraire d'anticiper sur la croissance du trafic aussi bien en tonnage qu'en nombre et type de navires qui seront appelés à visiter le port de Douala.

Fidèle à notre politique d'accompagnement de la croissance, nous concrétisons un certain nombre de projets. Il y a quelques années, le port de Douala avait la mauvaise réputation de ne pas offrir un chenal offrant un tirant d'au suffisant. Nous y avons travaillé et le Port a vu son chenal réhabilité. En effet, le port de Douala étant un port fluvial, il a besoin d'être régulièrement dragué. La côte a donc été remise à niveau et entretenue depuis deux ans pour pouvoir supporter la croissance du trafic. D'autre part, le chenal est en court d'approfondissement. Nous devrions à l'issu des deux années à venir gagner 1 mètre sur la profondeur totale du chenal, ce qui représente un gain important et permettra l'accès au port à des navires de plus fort tonnage.

Un autre projet important pour nous est celui de la modernisation du terminal à conteneurs. Les surfaces du terminal seront refaites avec des matériaux plus solides et faciles d'entretien. D'autre part, le port de Douala va s'équiper de portiques pour la manutention des navires porte-conteneurs. La mise en service de ces portiques signifie la multiplication par trois des cadences de manutention des navires. Il est donc très attractif pour les navires porte-conteneurs, dont l'immobilisation coûte extrêmement cher, de savoir qu'ils pourront être chargés et déchargés trois fois plus rapidement. L'utilisation de ces portiques entraînera aussi une réduction du temps de séjour des navires au port et par conséquent une réduction des coûts de passage. Tout ceci aura pour effet la baisse du prix des marchandises. Ce terminal offrira une capacité additionnelle en vue d'une productivité accrue mais également un service nouveau: jusqu'alors, seuls les navires qui pouvaient s'auto manutentionner, car disposant de grues à bord, étaient admis au port de Douala. Et cela ne représente qu'une partie de la flotte qui sillonne les océans car de nombreux navires ne peuvent visiter que les ports qui peuvent les manutentionner à partir de la terre. Grâce à l'installation des portiques, le port de Douala va pouvoir accueillir tous les types de navires y compris les porte-conteneurs sans grues à bord qui sont de plus fort tonnage et transportent un plus grand nombre de conteneurs.
Le port de Douala, toujours grâce aux portiques, va pouvoir accueillir des navires de cabotage de plus petite taille non équipés de grues mais tout à fait adaptés au trafic régional. Cela va donner l'opportunité au Port de Douala d'instaurer depuis le Cameroun un trafic régional à conteneurs, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors. En terme d'investissement, la réalisation de ce projet représente 35 à 40 milliards de FCFA.

Notre troisième grand projet consiste en la réhabilitation des ouvrages d'accostage et des quais, notamment ceux de l'ancien port. Leur réhabilitation leur permettra de retrouver la plénitude de leur capacité d'accueil ; une capacité d'accueil qui sera même augmentée après qu'un dragage ait été effectué. Le coût de ce projet s'élève à 22 milliards de FCFA et devrait démarrer d'ici la fin de l'année. L'effort mené pour la réhabilitation de l'infrastructure a pour but d'accueillir les navires dans de bonnes conditions ; en accueillir le plus possible créera un afflux de marchandise qui nous permettra, grâce aux revenus générés, d'investir dans les moyens d'assistance aux navires.

C'est dans cette optique que le port vient d'acquérir un remorqueur très puissant qui sera livré en fin de semaine. Non seulement ce remorqueur viendra renforcer les moyens déjà mis à disposition des navires mais étant polyvalent il pourra aussi servir pour la lutte contre l'incendie ou encore la protection de l'environnement. L'acquisition de ce nouveau navire va permettre une amélioration substantielle de la sécurité sur le plan d'eau du port de Douala.

Q. 6: Quels sont les délais que vous vous êtes fixés pour mener à bien vos différents projets ?

R. 6: Nous travaillons sur un calendrier intérimaire qui s'étend jusqu'en juin 2002 et qui implique l'achèvement de la réforme telle qu'elle a été prévue par la loi et telle qu'elle a été discutée avec les bailleurs de fond. Cependant il est clair qu'après 2002, nous devrons continuer à améliorer constamment la qualité d'exploitation des infrastructures du Port.

Aujourd'hui, le trafic s'élève à 130 000 conteneurs par an. Dans cinq ans, nous en attendons 200 000 par an. Il paraît évidemment nécessaire de s'adapter à cette augmentation de trafic. Le port de Douala dispose d'une réserve foncière de 1000 hectares mais ce ne sont que 500 hectares seulement qui sont viabilisés. Nous avons donc une réserve de 500 hectares que nous exploiterons au fur et à mesure que les investisseurs y montreront leur intérêt.

Q. 7: Les analystes s'accordent à dire que le Cameroun bénéficie d'une situation privilégiée. Comment voyez-vous évoluer le Port Autonome de Douala dans les années à venir ? Quelles sont vos ambitions ?

R. 7: L'indicateur que je voudrais utiliser est celui du tonnage parce qu'il est représentatif des marchandises qui transitent, et donc révélateur de l'activité économique du pays. Import et export cumulés, le Port voit transiter 5,2 millions de tonnes de marchandises. Nous souhaitons donner au Port de Douala la capacité d'accueillir 10 millions de tonnes de fret à moyen terme. La capacité actuelle du port est de 7,5 millions de tonnes. L'objectif n'est par conséquent pas encore atteint, mais les investissements qui sont faits permettent non seulement l'accroissement de la capacité en surface mais également en productivité. Cela devrait permettre au port de voir sa capacité d'accueil passer à 10 millions ou 11 millions de tonnes en l'espace de 5 ans.

Comme vous le savez, le port de Douala, le principal port du pays, est un port fluvial. Pour que le Cameroun puisse jouer pleinement son rôle de plate-forme économique sous-régionale, les autorités aspirent à équiper le pays d'un port en eaux profondes. Le port de Douala viendrait donc compléter un dispositif comprenant à terme un port en eau profonde pouvant accueillir les très grands navires qui n'utilisent quelques ports d'éclatement que pour des transbordements de fret. Les marchandises débarquées ne sont alors pas directement réservées à la consommation du pays propriétaire du port ou ces navires font escale mais sont véritablement destinés à être distribuées dans toute la sous-région. Il est important que le port de Douala apporte son concours à ce projet afin que le Cameroun sache saisir cette opportunité. Etre performant, cela veut dire susciter l'intérêt des transporteurs afin d'accroître les chances du port en eaux profondes, que le Cameroun va construire dans les années à venir, d'être choisi par les grandes lignes maritimes.

Q.8: Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce qu'a été votre carrière professionnelle ?

R. 8: Je suis un ingénieur en exercice depuis plus d'un quart de siècle. Depuis 1975, date d'obtention au Canada de mon diplôme en génie civil, j'ai tout d'abord exercé dans le bâtiment et les travaux publics pendant quinze ans, ainsi que dans les contrôles de qualité, les études techniques, les études de matériaux et le contrôle des travaux. J'ai ensuite dirigé le Laboratoire National de Génie Civil du Cameroun (Labogénie) de 1984 à 1990.

J'ai eu par la suite le privilège au début des années 90, de servir au côté du Président de la République comme Secrétaire Général adjoint à la Présidence de la République. Quelques années plus tard, j'ai eu la chance de retourner au Ministère des Travaux Publics comme secrétaire général d'où je suis parti pour l'Assemblée Nationale comme député élu en 1997. Ma nomination en 1998 par le Président de la République comme directeur de l'ex-Office National des Ports du Cameroun m'a donc amené à céder mon siège de député à mon suppléant pour pouvoir me consacrer à la direction des ports. Depuis 1999 et la naissance du port de Douala, je suis le premier Directeur Général du Port Autonome de Douala.

Ma plus grande satisfaction est de faire partie d'un immense chantier de réforme et d'amélioration des performances du port et d'avoir participé à l'élaboration du programme qui a présidé à la mise en route de l'ensemble de ces grands chantiers. J'ai évoqué les efforts faits pour réduire les coûts et les temps de passage, les réformes des infrastructures, les projets en cours, mais ce qui me passionne véritablement ce sont les défis qui m'attendent. Que l'on se revoie dans deux ans, quand certains des grands chantiers auront probablement atteint leur maturité, alors je pourrais peut-être exprimer ma satisfaction. Mais pas avant !


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© World INvestment NEws, 2001. This is the electronic edition of the special country report on Cameroon published in Forbes Global Magazine, October 1st, 2001. Developed by Agencia E.