CAMEROON
The new locomotive of Western Africa

V.I.P. INTERVIEWS



Interview de:

Mr. Sylvestre Ondua,
Ministre de l’Environnement et des Forêts

16 février 2001
Question 1: C'est à l'initiative du Président Biya qu'a été signée en mars 1999 la « Déclaration de Yaoundé »: un engagement pris par les chefs d'état d'Afrique centrale de protéger et de gérer durablement la forêt du bassin du Congo. Le Cameroun apparaît à travers ses initiatives, comme un leader en matière de gestion moderne des forêts en Afrique Centrale .
Après la création du Ministère de l'Environnement et des Forêts, l'adoption d'une nouvelle politique forestière, quel regard portez-vous aujourd'hui sur la mise en application de la nouvelle politique forestière et du programme de développement socio-économique reposant sur le secteur forestier ?

Réponse 1: Je vous remercie des attentions particulières que vous portez à notre secteur. Vous avez bien rappelé l'initiative prise par notre chef d'Etat d'organiser le sommet sur les forêts en 1999. Cette initiative entrait dans le cadre de la politique du gouvernement, initiée par la loi de 1994, qui prévoit d'une part la mise en valeur de nos ressources forestières afin de renforcer les revenus de l'Etat, et d'autre part, une gestion durable de ces ressources afin de pérenniser ces revenus dans le cadre de la protection de l'environnement.

Quel regard porterais-je sur le secteur ? Tout d'abord, les évolutions faites en matière de gestion des forêts sont l'héritage direct de la politique de gestion durable. C'est pour cela que nous avons mis en place un système d'attribution des forêts et des concessions sur une base planifiée. L'attribution des forêts est basée sur une période de 5 ans, sur la base d'une procédure d'appel d'offres pour en préserver la transparence. La procédure d'appel se passant en présence d'un observateur indépendant garantissant la régularité de la procédure.

D'autre part, la gestion durable nous oblige à beaucoup insister sur les plans d'inventaire et d'aménagement. Sans ces plans d'aménagement, nous n'aurions pas assuré la gestion durable voulue pour le secteur. Dans le cadre de ces plans d'aménagement, il est imposé aux exploitants forestiers des surfaces à ne pas dépasser chaque année, des diamètres en dessous desquels ils ne peuvent pas abattre un arbre et l'interdiction d'abattre certaines essences d'arbres devenues rares dans nos forêts.

Ces plans d'aménagement sont établis en relation avec les opérateurs eux-même ainsi que les ONG. Le financement des premiers plans d'aménagement que nous avons mis en place sera assuré très prochainement par le fonds d'aménagement qui a été créé avec l'aide de la Coopération Française qui nous appuie dans ce cadre précis. Voilà pour le deuxième volet de notre politique.

Le troisième volet concerne l'implication des communautés riveraines dans cette gestion durable par l'intermédiaire de ce que nous avons appelé les forêts communautaires qui sont données en gestion aux communautés locales. Donc, ces communautés participent pleinement à la gestion des forêts. Notre objectif est de faire en sorte qu'elles n'aient pas la tentation de devenir complices des exploitations illégales. Nous considérons que ces populations riveraines sont les gardiennes de la forêt. Dans le cadre de cette gestion des forêts communautaires, nous voulons également renforcer les revenus des communautés, en dehors des revenus qui leurs sont affectés et qui proviennent des tâches forestières. Ces communautés auront désormais une autre source de revenus à travers l'exploitation des forêts communautaires.

Le quatrième élément constitutif de notre action concerne la politique de transformation poussée de la matière première. Après l'interdiction d'exportation des essences rares promulguée en 1999 et qui a donné des résultats que nous estimons très satisfaisants, de nombreuses unités de transformations ont été créées et des essences secondaires qui jusque là n'étaient pas exploitées le sont aujourd'hui. C'était d'ailleurs l'objectif visé par cette interdiction d'exploitation de certaines catégories de grumes. Maintenant nous nous attelons à faire en sorte qu'il y ait une adéquation entre la création d'unité de transformation et la ressource qui existe dans la forêt. Si nous ne mettons pas en place cette politique d'adéquation, nous risquons d'être dépassés très rapidement par les demandes d'approvisionnement que nous ne pourrons pas satisfaire.

D'où cet autre axe de notre politique qui consistera à mettre en place un plan d'industrialisation du secteur forestier. Ce plan est actuellement en cours d'étude toujours avec l'appui de la coopération française. Nous pensons qu'il sera prêt dans quelques mois. Ce plan va donc indiquer les orientations de la politique d'industrialisation du secteur en matière de transformation.

Le dernier élément que je voudrais évoquer concerne le renforcement des mesures de contrôle. Nous ne pouvons pas assurer une gestion durable des forêts si les gens continuent à couper le bois n'importe comment. D'où le renforcement des mesures de contrôle que nous avons mis en place depuis déjà près d'un an et qui commencent à porter ses fruits. Des missions de contrôles sont envoyées régulièrement sur le terrain et à la suite de ces contrôles, des sanctions sont prises et publiées dans les médias internationaux et sur Internet pour décourager ceux qui exploitent frauduleusement la forêt. De plus, des sanctions très lourdes sur le plan financier sont imposées aux coupables de fraude dans l'exportation illicite de bois. J'ajouterai que nous travaillons actuellement sur deux autres axes qui viendront renforcer notre système de contrôle: premier axe, le recrutement d'un observateur indépendant au sein des missions de contrôle. Cet observateur aura pour mission de renforcer la transparence qu'on veut obtenir. A savoir que si un opérateur estime qu'il a été abusivement sanctionné, il pourra avoir recours à cet observateur indépendant pour que les mesures prises contre lui soient rectifiées. L'administration devra utiliser également cet observateur régulièrement en cas de missions sur le terrain. Deuxième axe, le contrôle aérien. Nous avons commencé dans le secteur de la faune. Dans celui de la forêt, nous sommes en pourparlers avec les bailleurs de fonds pour qu'ils nous soutiennent financièrement dans la location d'avions qui nous permettront de compléter notre contrôle terrestre par des contrôles aériens effectués dans les massifs forestiers aujourd'hui exploités abusivement. Voilà pour les réformes que nous avons menées dans le secteur forestier.

Au niveau de l'impact économique et social de la forêt, je dois dire que les revenus issus du secteur ont été renforcés ces derniers temps. Sans compter les revenus indirects, nous évaluons à 60 milliards l'apport du secteur forestiers dans le budget de l'Etat. Et nous pensons que ces revenus seront renforcés par le système que nous avons mis en place. Le système d'appel d'offres fonctionnant aux enchères marche parfaitement. Les prix proposés pour certaines parcelles de forêt sont parfois montés jusqu'à 100 fois le prix de départ. Ces mesures vont permettre de nous rapprocher de la valeur réelle de la forêt en matière de taxes. Le renforcement de ces mesures va faire en sorte que d'ici quelques années nous pourrons doubler les revenus forestiers qui entrent dans le budget de l'Etat et qui jusqu'alors étaient jugés relativement faibles.

Je n'oublie pas que, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, le gouvernement est en train de prendre des mesures pour que l'argent destiné aux populations locales leur soit effectivement versé par les forestiers. En effet, nous avons constaté que certains forestiers ne respectaient pas cette obligation de reverser une partie des taxes dues aux populations locales. Nous ferons également en sorte que ces populations locales utilisent cet argent pour financer des projets locaux de création d'écoles, de routes ou de dispensaires.

La dernier point concerne l'exploitation des autres produits de la forêt. Nous avons remarqué que jusque là, les exploitants privilégiaient l'exploitation du bois. Or, notre forêt est très riche en bio-diversités. Elle renferme aussi des produits forestiers non ligneux ainsi que des plantes médicinales que l'on pourrait exploiter. Pour cette raison, nous allons orienter notre politique vers l'exportation de ces ressources jusque là délaissées. Voilà en gros ce que nous pouvons vous dire dans le cadre de notre politique et de ces effets sur le plan économique et social.
Q. 2: Concernant l'environnement, le Cameroun adhère à plusieurs projets de sécurité chimique, de bio-sécurité et de biotechnologie, de pollution marine transfrontalière etc. Pourriez-vous nous indiquer les priorités de votre ministère s'agissant de la protection de l'environnement ?

R. 2: La première priorité réside dans la protection de la forêt et de la faune. A travers notre plan de gestion durable des forêts nous ne poursuivons pas seulement un objectif économique. Notre but est aussi de protéger l'environnement en faisant en sorte que les forêts soient exploitées de manière durable. Notre préoccupation première est de sauvegarder la forêt dans le cadre de la contribution de notre pays au patrimoine naturel de l'humanité. La forêt joue un rôle primordial dans la protection de la couche d'ozone et nous voulons participer à cet effort au niveau mondial.

La seconde priorité concerne la lutte contre la pollution. Je pourrais prendre comme exemple les cas de pollution causés à Douala par des sociétés de vidanges: la nappe phréatique de la seconde ville du pays est à moitié contaminée par la pollution. La lutte contre la pollution est une préoccupation essentielle au niveau de nos grandes villes, Douala, Yaoundé et accessoirement des villes comme Garoua ou Maroua. La priorité est donc donnée à la lutte contre la pollution dans les grands centres urbains en faisant en sorte que désormais, les projets d'infrastructures ou les projets industriels qui doivent se développer dans ces villes soient soumis à des études préalables d'impacts environnementaux. Le texte qui entérine cette décision n'attend plus que la signature du Premier Ministre. Ce décret une fois signé nous permettra de savoir exactement dans quelles directions les industriels et les promoteurs devront orienter leurs études d'impact environnementaux.

Par contre, cette décision est déjà appliquée dans le secteur forestier. Dès lors que des projets de transformation ou d'exploitation forestière se réalisent à côté de zones protégées, nous exigeons que ces projets ne soient pas menés à bien sans une étude d'impact préalable. C'est cette même exigence que nous allons étendre à d'autres secteurs, notamment aux projets industriels.

Enfin, la lutte contre l'avancée du désert. On oublie souvent qu'une grande partie du Nord du pays est un désert. Nous voulons prendre un certain nombre de mesures en coopération avec la communauté internationale pour que ces déserts ne puissent plus continuer à avancer. Concernant la protection de la faune, nous mettons en place un système de lutte contre le braconnage pour que les espèces rares ne continuent plus à faire l'objet de pillages comme elles le sont en ce moment.

Q3: On a beaucoup évoqué l'environnement lorsqu'à été lancé le projet de pipeline entre le Tchad et le Cameroun. Quel impact pensez-vous que la construction de ce pipeline pourrait avoir sur l'environnement ?

R3: Il est nécessaire de rappeler tout d'abord que ce projet a été soumis à une étude d'impact afin de définir où se trouvaient les dangers potentiels. Nous savons que la réalisation d'un tel projet, qui s'étend sur plus de mille kilomètres ne peut aboutir sans la destruction d'une partie de la forêt. Nous avons pris des mesures compensatoires: d'autres réserves forestières ont été créées pour équilibrer celles que nous perdrons lors de la construction du pipeline. Concernant la population qui se trouve sur l'axe du pipeline, notamment les populations autochtones composées pour une partie de Pygmées, nous avons pris un certain nombre de mesures pour préserver leur environnement qui est tout à fait différent de celui des autres populations vivant au Cameroun. Les dernières mesures prises concernent la pollution que devrait occasionner le pétrole transporté par le pipeline. Pour ce qui est du transport du pétrole, nous avons fait en sorte que les conséquences de cette pollution au niveau de l'environnement soient minimisées. Ce ne serait pas réaliste de dire que nous avons éliminé tous les risques environnementaux attachés au projet du pipeline. Nous avons seulement pris un certain nombre de mesures pour éliminer les principaux risques au niveau de l'environnement et nous pensons qu'avec la collaboration des populations locales et de la communauté internationale à travers les ONG, nous réussirons à assurer une protection maximale de l'environnement dans les régions traversées par le pipeline.

Q4: Le secteur forestier est l'un des secteurs où les investisseurs étrangers sont relativement présents. En tant que Ministre de l'Environnement et des Forêts, auriez-vous un message particulier à transmettre à nos lecteurs ?

R4: Mon message irait vers les investisseurs bien sûr mais également vers les pays d'où proviennent ces investisseurs. Je voudrais en effet dire que les responsables de ces pays doivent d'abord nous aider dans la lutte que nous menons contre la destruction des forêts. C'est un premier message que je lance à ces pays et même à la communauté internationale. Nous avons fait beaucoup d'efforts mais nous ne pouvons pas réussir tous seuls. Aux investisseurs, je dis que nous avons mis en place une politique de gestion durable des forêts. Cette politique sauvegarde à la fois les intérêts de l'Etat, les intérêts des populations locales et ceux de la communauté internationale ainsi que les intérêts mêmes des investisseurs. Si un industriel investit au Cameroun pendant plusieurs dizaines d'années et que les forêts offertes ne lui permettent pas de faire fonctionner son usine pendant toute la durée de son séjour, il en ressentira les conséquences au niveau de son investissement. C'est pour cela que nous demandons aux investisseurs de comprendre la logique que nous poursuivons au niveau de la gestion durable des forêts et qui impose une certaine discipline des investisseurs, que ce soit au niveau de l'exploitation aussi bien qu'au niveau de la transformation du bois. Nous avons remarqué qu'il y avait beaucoup de gaspillage dans la forêt ; gaspillage qui provoque la destruction rapide de celle-ci. Si un investisseur veut venir travailler au Cameroun, il doit savoir que l'exploitation du bois s'inscrit dorénavant dans le cadre d'une politique de gestion durable des ressources forestières. L'investisseur comprendra aussi que la transformation du bois en produits finis doit aller le plus loin possible dans l'utilisation de la matière. Aussi loin qu'il soit possible d'aller afin de rentabiliser son investissement et pour éviter le gaspillage qui provoque les coupes sauvages dans la forêt. Le message que je lance donc aujourd'hui m'est inspiré des préoccupations économiques et de protection de l'environnement que nous avons au Cameroun.

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© World INvestment NEws, 2001. This is the electronic edition of the special country report on Cameroon published in Forbes Global Magazine, October 1st, 2001. Developed by Agencia E.