CÔTE D´IVOIRE / IVORY COAST
Reshaping the nation














Konan N'Guessan, Directeur Général

Société de Gestion des Stocks Pétroliers de Côte d'Ivoire

Interview de

Mr. Konan N'Guessan,
Directeur Général

24 novembre 1999
La GESTOCI est la société de Gestion des Stocks Pétroliers de la Côte d'Ivoire. Pouvez-vous nous donner un aperçu historique de votre société ?

La GESTOCI est une société qui a été créée en 1983 par le Gouvernement. Il y a eu deux chocs pétroliers dans les années 1970. Et c'est au sorti de ces deux chocs que la Côte d'Ivoire s'est résolue à mettre en application un décret qui existait depuis 1933. La Côte d'Ivoire n'était pas véritablement née mais le décret obligeait les sociétés de distribution pétrolière dans la zone Ouest-Africaine à constituer des réserves de 60 jours. Mais jusqu'aux deux chocs pétroliers c'est à dire jusqu'aux années 70, aucune société pétrolière ne s'était décidée à constituer cette réserve. A cette époque, le coût du pétrole brut était est monté jusqu'à 30 dollars le baril. J'étais entrain de dire ce matin que nous n'étions pas loin d'un troisième choc puisque le coût du brut est autour de 27 dollars le baril. Nous allons atteindre les 30 dollars que nous avons connus dans les années 70. Donc, nous avons compris qu'il fallait avoir des réserves, soit pour faire face à des ruptures d'approvisionnement, soit pendant que le prix flambe pour que nous puissions puiser dans ces réserves. C'est ainsi que la Côte d'Ivoire a compris qu'il fallait absolument constituer ces réserves. Au départ, la Côte d'Ivoire a crée la GESTOCI pour constituer les réserves stratégiques, les stocks de sécurité. La Côte d'Ivoire a crée des dépôts à Abidjan, Yamoussoukro et Bouaké. Nous avons ces trois grands dépôts pour constituer ces réserves. Ils ont une grande capacité puisque la capacité totale de ces trois dépôts avoisine les 400 000 m3. Si nous faisons le calcul pour les 60 jours de réserve, cela doit tourner au jour d'aujourd'hui autour de 200 000 m3 ; ce qui laisse une capacité excédentaire pour faire autre chose et permettre à des distributeurs d'entreposer leur stock de produits. La GESTOCI est une société d'économie mixte de type particulier constituée à l'époque des 7 majors représentés dans notre pays. Bien sur qu'il y a le groupe ESSO qui s'est retiré au marché ivoirien, ses activités étaient absorbé par le gaz. Nous avons dans notre actionnariat TOTAL, SHELL, ELF, AGIP, TEXACO et la PETROCI qui représente les intérêts de la Côte d'Ivoire. Chaque société au départ, puisqu'il y avait 7 majors plus PETROCI, cela faisait 8 au total avait 12,5% chacune dans l'actionnariat. TOTAL a absorbé ESSO et aujourd'hui récupère 25%. GESTOCI est une société de gestion d'exploitation et non une société de patrimoine. Le patrimoine appartenant à l'Etat, c'est l'Etat qui a crée les dépôts par le truchement de la PETROCI à l'époque. C'est une société d'Etat qui a été créée pour s'occuper de toute la politique pétrolière du pays. PETROCI a donc 12,5% pour le compte de l'Etat et les privés 87,5% du capital.

Nos lecteurs adorent les chiffres. Pouvez-vous nous donner votre budget pour l'année et aussi votre chiffre d'affaires ?

En gros, le chiffre d'affaires en 1998 est de l'ordre de 9 milliards. Il faut dire que quelques années avant, c'est à dire dans les années 96, le chiffre d'affaire était de l'ordre de 6 milliards. Donc il y a eu un accroissement des activités qui est dû à plusieurs raisons. D'abords il y a la croissance économique qui fait qu'on consomme de plus en plus de carburant, ensuite parce que notre dépôt dessert la sous région Ouest Africaine, je veux parler du Mali, du Burkina Faso et maintenant le Niger et le Tchad. Nous avons quelques fois des opérateurs qui viennent du Tchad pour s'approvisionner dans nos dépôts. Donc avec la croissance, il y a eu une augmentation de la consommation nationale et celle de la sous région. Il faut dire aussi, que nous avons pu par une politique commerciale dynamique, obtenir quelques clients qui ne passaient pas ici. Il y avait un dépôt qui s'appelait la SIEPP (Société Ivoirienne d'Entreposage des Produits Pétroliers) qui était gérée conjointement par TEXACO et TOTAL. Ce dépôt a été fermé en 1998. Les clients qui allaient là bas, naturellement sont venus chez nous. C'est ce qui explique que des 6 milliards au moment où nous prenions fonction dans cette entreprise, nous sommes passés aujourd'hui à 9 milliards.

Quel est le pourcentage de votre production destiné à l'exportation ?

La moitié de notre production est destinée à l'exportation, essentiellement les Opérateurs maliens et aussi le Burkina Faso. Sur le Mali nous faisons à peu près 500 000 m3 et sur le Burkina à peu près 100 000 m3.

Est-ce que vos produits pétroliers viennent-ils du Nigeria la plus part du temps ?

Non, nos produits pétroliers viennent uniquement de la raffinerie c'est à dire la SIR. Il faut dire que bientôt le pays va libéraliser totalement l'importation de produits raffinés à partir du 1er janvier 2000. Jusqu'à présent la SIR détient l'exclusivité de l'approvisionnement du marché.

Quels sont les conséquences de cette libéralisation ?

La libéralisation va provoquer un regain d'activités de la GESTOCI. Vous avez certainement entendu parler du projet " Rotterdam d'Afrique ". La GESTOCI et ses dépôts constitueront la clé de voûte de cette Rotterdam d'Afrique. Tous ceux qui vont importer les produits devront les stocker dans un dépôt. Par comparaison je vous donne la capacité des autres dépôts qui existent: MOBIL c'est environ 40 000 m3 et à la SHELL 40 000 m3. Ces deux dépôts sont gérés conjointement par MOBIL, SHELL, TOTAL, TEXACO. C'est le groupe MSTT. A l'intérieur du pays c'est à dire Yamoussoukro, Bouaké, GESTOCI est en situation de monopole de fait puisqu'en dehors de nos deux dépôts, il n'y a aucun autre dépôt. Et donc si l'on libéralise, tous ceux qui seront agrées à importer des produits raffinés n'auront pas d'autres dépôts que ceux de GESTOCI. Que ce soit les produits qui viennent de la mer ou des pays frontaliers comme par exemple le Ghana., qui passent par la route, ce sera ou Bouaké, Yamoussoukro ou Abidjan. Les autres dépôts étant déjà limités en capacité, ce ne pourra qu'être bénéfique pour la GESTOCI.

En mai 99, un incendie s'est déclaré ici à la GESTOCI. Pourriez-vous nous expliquer ce qui s'est passé et quelles ont été les conséquences de cet incendie ?

C'est une question qui réveille des souvenirs un peu douloureux mais je vais m'efforcer de répondre. La GESTOCI qui existe depuis presque 20 ans n'a pas connu un seul incendie. Et ce jeudi 13 mai 99 est un jour férié (la fête de l'Ascension). Tous les jours fériés, nous avons toujours une équipe restreinte qui travaille. Nous profitons de ces jours où les camions citernes ne viennent par charger pour effectuer soit des transferts de la SIR dans les bacs de GESTOCI, soit des transferts d'un bac à un autre bac de GESTOCI. Parce qu'à la GESTOCI nous avons pour chaque produit, surtout pour les grands produits de consommation comme le gasoil, le super, un bac de stockage et des bacs d'exploitation qui transfèrent le produit jusqu'au poste de chargement. Et ce jour là, les agents qui étaient au nombre de 5, étaient entrain de transférer le produit du bac de stockage qui est un gros bac, le bac B33 d'une capacité de 33 000 m3 vers un bac d'exploitation, le bac B17 qui est d'une capacité de l'ordre de 14 000 m3. Et cela se fait sans repos puisque la veille, nous avons fait d'autres transferts d'un bac à un autre bac. Ce jeudi, le transfert du bac B33 au bac B17 avait commencé depuis le matin c'est à dire à 9h. Les commandes sont faites en salle, c'est à dire qu'il suffit d'appuyer un bouton et le transfert se fait et quand cela est fait, tout le monde vaque à ces occupations. Et c'est vers 14h 45mn qu'un de nos agents qui était en salle a entendu un bruit. Il a pensé d'abord à la pluie, puis est sorti voir et a aperçu une fumée. Il a alerté les agents de la SIR, les sapeurs pompiers de la ville mais le feu avait pris de l'ampleur. Je venais travailler ce jour et j'ai constaté à mon arrivée qu'un des bacs était incendié. Ce fut vraiment terrible.
Je sais que le feu a été maîtrisé sans trop de dégâts et de victimes. Quelles sont les dispositions qui ont été prises pour renforcer la sécurité ?

Certaines personnes pensaient qu'il n'y avait pas du tout de moyens de sécurité et que le dépôt n'était pas assuré. La sécurité existait et existe mais la sécurité à 100% n'existe pas. Après l'incendie, nous avons pris un certain nombre de mesure de renforcement de la sécurité. D'abord, nous avons avec la SIR, conclu une convention d'assistance en matière de sécurité. Dans le cadre de cette convention, la SIR a détaché 3 cadres de haut niveau pour s'occuper de la sécurité mais nous avons toute la logistique de la SIR dans le cas éventuel d'un incendie. Nous étions entrain de raccorder notre réseau eau incendie sur celui de la SIR quand il y a eu le sinistre. Parce que lorsque nous sommes arrivés en 1997, nous avons fait faire un audit de sécurité par la SIR. La SIR, dans ses rapports d'audite a relevé que notre réserve d'eau n'était pas suffisante. Et donc, nous étions sur le point de faire ce raccordement parce que cela nécessite des travaux, quand il y a eu l'incendie.

Après l'incendie, nous avons raccordé notre réseau eau incendie sur le réseau de la SIR. Nous avons immédiatement après le sinistre, puisque nous avons eu à utiliser des quantités d'émulseur pour maîtriser le feu, fait la commande d'une quantité assez importante d'émulseur, 65 000 litres, que nous avons réceptionné il y a quelques mois et que nous avons reparti dans les trois dépôts. Nous avons avec le GSPM (Groupement des Sapeurs Pompiers Militaires) conclu également une convention par laquelle les agents des Sapeurs Pompiers sont détachés dans les trois dépôts. Ils sont au nombre de 6 dans chaque dépôt. Mais mieux, nous sommes entrain d'aller plus loin en constituant une véritable équipe de Sapeurs Pompiers dans chaque dépôt. Dans chaque dépôt, nous avons au plan matériel, lancé des commandes de 15 canons qui arrivent également à répartir dans les trois dépôts ; il en est de même d'un véhicule porte canon que nous avons commandé pour Bouaké. Il faut dire qu'immédiatement après l'incendie, avant de remettre le dépôt d'Abidjan en marche, nous avons pu faire une inspection par le bureau de contrôle (VERITAS). Parce qu'après l'incendie, il fallait s'assurer qu'il n'y avait aucun risque à redémarrer les activités. Ils ont fait ces inspections et nous ont fait des recommandations que nous avons exécutées. Le bureau de contrôle est venu vérifier si tout a été fait avant de nous donner une attestation d'autorisation pour ouvrir le dépôt. Aujourd'hui, nous avons lancé une étude de mise à niveau, en conformité aux normes des installations. Il y a un cabinet d'ingénieur conseil de Paris qui est entrain de faire cette étude. Nous avons estimé tout cela à près de 4 milliards CFA d'investissement à faire. Certaines dépenses sont déjà faites. D'autres seront faites à court et moyen terme. Mais en tout état de cause, nous avons renforcé la sécurité.

Quels sont les futurs développements que vous voulez effectuer à part l'aspect sécurité ?

Pour le futur développement, la GESTOCI est inscrite sur la liste des sociétés à privatiser. En principe, il était prévu que la société soit privatisée à la fin de cette année mais je pense qu'il y a un petit retard. Il y a un schéma qui a été conçu par le comité de privatisation. Je vous ai dit tant tôt que la GESTOCI est une société de gestion or là, nous parlons de racheter une petite société de gestion à un capital de 240 millions. Il ne s'agit pas de cela ; il s'agit plutôt de céder les bacs. Donc le schéma qui a été arrêté par le comité de privatisation est que dans un premier temps, ils vont évaluer les actifs. Une fois évalués, ils seront transférés parce qu'ils sont aujourd'hui inscrits dans le livre de la PETROCI. Dans les livres de cette société de gestion qui est la GESTOCI. Une fois les actifs transférés, cela devient une société solide avec un patrimoine important, alors nous allons ajuster le capital social en conséquence au lieu d'une société avec un capital de 240 millions. Ce sera une société par exemple avec un capital de 120 milliards qui seront repartis à raison de 34% à l'Etat de Côte d'Ivoire, 54% pour les pétroliers dont 10% à la SIR ; 10% à la Bourse donc pour le grand public et 2% seront réservés au personnel de la société. Puisque la société va être vendue au privé, le développement futur de GESTOCI appartient donc aux repreneurs.

Quels seraient les intérêts pour les investisseurs américains qui voudraient venir ici pour participer à la privatisation de la GESTOCI ?

Dans cette phase de privatisation, les deux grosses entités pétrolières qui sont GESTOCI et la SIR, il semble que les investisseurs sont beaucoup plus intéressés par la GESTOCI. Au point qu'ils font de la privatisation de GESTOCI la condition sine qua non pour prendre la SIR. C'est à dire qu'ils veulent être présents ici et à la SIR. Ils ne conçoivent pas être à la SIR sans être présents ici. C'est très important dans ce qu'on appelle la future " Rotterdam d'Afrique ", la GESTOCI comme je l'ai dit tant tôt va jouer un très grand rôle pour tous les traders. Donc pour l'investisseur américain, je pense qu'il serait intéressant de venir acheter la GESTOCI.

Quel a été votre plus grand succès depuis que vous êtes directeur général de la GESTOCI ?

Disons que ce qui a conduit le Gouvernement à me nommer à la tête de la GESTOCI, c'est qu'elle traversait une phase très difficile. La société ne faisait pratiquement pas de résultat, elle était à la dérive. Donc ma mission était d'assainir la société et je pense que toute modestie mise à part, dès ma première année, la société a dégagé un bénéfice net de 1,115.000.000 CFA plus que ce que la société a réalisé comme bénéfice en 15 années. Ma plus grande satisfaction c'est, même c'est dommage que cet incendie est venu un peu ternir mon travail, d'avoir refait la peinture de tous les bacs. En 15 ans ils n'avaient pas reçu une seule couche de peinture. J'avais juste fini de faire la peinture de tous les bacs quand il y a eu l'incendie. Sur le plan de la sécurité, nous avons investi. C'est dommage qu'il y ait eu cet incendie. A notre arrivée, il n'existait pas une seule radio VHF. Sur le plan de la sûreté, j'ai obtenu du Gouvernement la mise en place permanente de gendarmes dans les dépôts. Avant, à l'entrée de la GESTOCI, il y avait de bonnes dames qui avaient construit des baraques pour désengorger la voie d'accès mais nous avons créé aussi un parking, ce qui est très important. Nous comptons mieux faire. N'eut été la privatisation, nous dégagerons des bénéfices importants les années à venir.

Quel serait le message final que vous souhaiteriez adresser à nos 4,5 millions de lecteurs ?

Nous les invitons à venir investir ici en Côte d'Ivoire. Nous avons une économie plus avancée que les pays voisins. Vous avez vu aussi bien au Ministère de l'Economie et des Finances qu'au Ministère des Ressources Minières et Pétrolières, que nous offrons un code financier, fiscal, propice à l'investissement. Concernant notre société, dans cette Rotterdam d'Afrique que nous voulons créer à Abidjan, la GESTOCI sera un maillon essentiel. Dans ce négoce de produit pétrolier dans la région ouest-africaine. Surtout que pour les pays enclavés qui sont le Mali et autres, nous constituons le débouché naturel. GESTOCI aura un grand rôle à jouer et c'est pour cela, malgré l'incendie de rassurer les investissements. Nous sommes entrain de faire le maximum pour que ça soit un outil fiable, sécurisant. Nous invitons vos 4,5 millions de lecteurs à comprendre que la GESTOCI est un outil qui est appelé à être performant dans un pays, dans un contexte lui-même fiable, politiquement stable où les gens travaillent.

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© World INvestment NEws, 2000.
This is the electronic edition of the special country report on Côte d'Ivoire published in Forbes Global Magazine.
August 21th 2000 Issue.
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