Guinea, Republic of: Interview with Abdoulaye Yéro Baldé

Abdoulaye Yéro Baldé

Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique)

2017-09-22
Abdoulaye Yéro Baldé

Excellence, étant donné ses ressources énergétiques, minières et agricoles, la Guinée a le potentiel pour devenir encore plus grand et plus important acteur dans la région.  Selon vous, quelles sont d’autres opportunités d’investissement pour la Guinée ?

En plus des immenses potentialités de son sol et de son sous-sol, la Guinée est un pays côtier qui pratique la pêche, l’agriculture, l’élevage et qui dispose d’un bassin fluvial qui fait de lui, le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. Les infrastructures de transport et de communications demandent à être modernisé notamment les routes, aéroports et ports ainsi que les moyens de télécommunications, la téléphonie mobile, l’Internet. Les opportunités d’investissement dans les secteurs de l’agro-industrie, l’hôtellerie, le tourisme, le bâtiment et les travaux publics sont immenses avec des niveaux de rentabilité très élevés.


Excellence, ces dernières années le secteur de l’investissement direct à l’étranger est très compétitif en Afrique de l’Ouest, avec l’ensemble des pays de la région qui se battent pour sécuriser un maximum d’investissement étranger. Selon vous, quels sont les avantages comparatifs majeurs de la Guinée par rapport aux autres pays de la région ?

D’abord il y a toutes ces potentialités dont on a parlé mais il y a aussi la stabilité politique. Vous savez, depuis l’arrivée du Président Alpha Condé au pouvoir, vous voyez que le débat démocratique s’est beaucoup amélioré. Vous voyez la floraison des journaux, des radios, chacun s’exprime librement et les institutions fonctionnent également. Bien sûr, il y a encore beaucoup de choses à améliorer, rien n’est parfait surtout pour un pays qui sort de plusieurs années de dictatures civile et militaire. Nous avons aussi une population jeune et dynamique, pour parler de dividende démographique.

Nous avons aussi des entrepreneurs très dynamiques, si on fait référence au nombre d’entreprises créées ces dernières années. Cet élan doit être accompagné notamment en encourageant le développement de partenariats entre entrepreneurs locaux et étrangers.

En outre, la Guinée a l’avantage d’avoir quatre régions naturelles : une région forestière, une région de savane, la région maritime et la région montagneuse.  C’est le seul pays en Afrique de l’Ouest où nous avons une zone de montagne, les hauts plateaux comme au Kenya où on peut faire par exemple du café arabica, des fleurs etc. Toutes ces régions ont des potentiels touristiques énormes en plus de leurs atouts spécifiques sans compter les importantes ressources en eau qui font que la Guinée est appelée le château de l’Afrique de l’Ouest car la majorité des fleuves de la région y prennent leur source.

Enfin, la Guinée fait frontière avec six pays de la sous-région en plus de sa façade maritime et devient en conséquence la porte d’accès à tous ces marchés de la CEDEAO soit un marché potentiel de 300 millions de consommateurs.


Sous la présidence de Son Excellence le Professeur Alpha Condé le pays avait fait de grands progrès au niveau de la transparence et de la démocratisation. Cela favorise les investissements étrangers. Le développement de différents secteurs d'activité directement touchés/influencés par les capacités et les compétences pour remplir de nouveaux emplois. Comment le pays se prépare-t-il à recevoir ce niveau d'investissement et à conserver cette dynamique de développement au niveau des ressources humaines ?

Comme indiqué plus haut, la Guinée a la chance d’avoir des frontières avec six pays de la sous-région. Ça veut dire que la Guinée peut être la porte d’entrée pour les marchés ouest africains et cela n’est pas négligeable.
C’est pourquoi, le gouvernement met l’accent sur le développement des infrastructures aussi bien routières qu’énergétiques, ou hôtelières etc.

Au-delà, il y a la question des ressources humaines de qualité pour fournir aux investisseurs les compétences nécessaires au développement de leurs activités dans notre pays. Je crois que c’est ce que le Président Alpha Condé a compris en voulant reformer le système éducatif afin qu’il réponde aux besoins de notre économie et la rendre compétitive. Il s’agit de faire en sorte que l’adéquation entre formation et emploi soit une réalité. C’est dans ce cadre que le budget de l’éducation est passé de près de 5% du budget national au début de son mandat à plus de 15% actuellement.  

Nous avons compris que l’éducation, n’est pas simplement un secteur social, c’est aussi un secteur économique parce que le capital humain est le facteur le plus important pour assurer un développement durable.


Le secteur de l'éducation joue un grand rôle dans le développement de la République de Guinée. Vous avez récemment présidé l'inauguration du nouveau rectorat de l'Université de Kindia. Il y a certainement beaucoup de choses à faire dans les domaines des infrastructures et des formateurs. Quelles sont les mesures prises par votre ministère pour développer ces infrastructures de formation Supérieur et la formation de formateurs ?

Cela a déjà commencé, par exemple si vous allez à l’université mère qui est l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, il y a des travaux de construction qui sont actuellement en cours car les infrastructures actuelles sont devenues obsolètes. C’est aussi le cas à l’université de Labé. D’autres projets de rénovation et de construction d’universités sont en cours de programmation avec la Chine.

En ce qui concerne la formation des formateurs, des mesures budgétaires vont être prises pour accélérer et améliorer la formation de nos enseignants. Par ailleurs nous avons développé et allons continuer de développer des partenariats avec des institutions de formation étrangères comme c’est le cas avec des universités chinoises, françaises, américaines etc.


Maintenant, grâce aux très bonnes relations bilatérales entre la Chine et la Guinée, l'intérêt des investisseurs chinois sur les ressources et le développement de la Guinée est de plus en plus visible.  Quel genre de résultat vous espérez de cette coopération entre les deux pays ?  Qu’est-ce qu’elle peut apporter au secteur de l’éducation Supérieur ?

Il faut souligner que nos relations avec la Chine datent d’il y a longtemps et restent toujours très solides. L’implication de la Chine dans les mines et aujourd’hui dans les infrastructures est évidente. Donc nous souhaitons renforcer toujours cette coopération dans un esprit gagnant-gagnant et particulièrement dans le secteur de l’éducation où la Chine est reconnue pour la qualité de son enseignement. Elle offre déjà des bourses d’études aux étudiants guinéens depuis un certain nombre d’année. Nous souhaitons à travers nos universités et institutions de recherche un accompagnement dans la professionnalisation de certaines de nos filières d’enseignement et particulièrement les STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie et Mathématiques), sans oublier la recherche scientifique.


Compte tenu du potentiel de la République de Guinée dans son secteur agricole et minier, de nombreuses politiques ont pour but le développement de ces zones. Cependant, il y a d'autres secteurs d’activité qui ont besoin de main-d'œuvre qualifiée dans différents domaines. Quels sont les domaines de la plus grande demande pour les professionnels spécialisés et ce que l'avenir de Guinée à ce sujet ?

La qualité de la formation reste  un gros problème, pratiquement dans tous les domaines et à tous les niveaux. Si on prend le secteur de la construction par exemple, le manque de spécialistes, techniciens et ouvriers qualifiés est criard que ce soit en bâtiment, électricité, plomberie etc. Il en est de même dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme. Ce qui se traduit par la présence d’une main d’œuvre étrangère  importante dans ces secteurs.

Or la Guinée veut tirer profit de son énorme potentiel économique et c’est à juste titre que le Gouvernement a décidé de faire du secteur de l’éducation et particulièrement de l’enseignement technique et professionnel une priorité. C’est dans ce cadre que des Ecoles Régionales d’Arts et Métiers sont en construction dans tout le pays et des formateurs sont en formation à l’étranger. Les besoins en main-d’œuvre qualifiée sont immenses y compris dans les secteurs agricole et minier.


Surtout, que les guinéens parlent le français, une des langues les plus parlées du monde.

Tout à fait car à un moment de notre histoire, nous avons eu à utiliser les langues nationales comme langues d’enseignement avant de les abandonner et revenir au Français qui est l’une des langues les plus utilisées au monde (Francophonie). D’ailleurs, nous sommes en discussion actuellement avec la coopération française pour la mise en place d’un programme de formation de formateurs en français  professionnel au sein de nos institutions d’enseignement.

Par ailleurs, le Gouvernement envisage également le développement de la langue anglaise qui est devenue incontournable. La maîtrise de deux langues est un atout pour la Guinée dans un monde devenu très compétitif.


Avant d’ avoir été en charge du Ministère d’Enseignement Superior et la Recherche Scientifique, avec votre formation d’économiste vous avez travaillé dans diffèrent institutions comme La Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), Banque Mondiale et aussi, comme professeur à l’Université de Conakry Quelle sont vos principales fiertés qui vous ont permis de réussir en tant que leader aujourd’hui ?

A mon avis, la fierté pour tout citoyen c’est de contribuer au développement de son pays et à l’épanouissement de ces concitoyens. Que ce soit à la Banque Mondiale, à la Banque Centrale ou dans le secteur privé comme à Global Alumina devenu ensuite Guinea Alumina Corporation, j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même dans la mise en place de réformes économiques et financières, de programmes d’innovation et d’investissement.

Aujourd’hui, les qualités que j’ai développée au cours de ce parcours, telles que l’esprit d’équipe, l’organisation, la capacité de travail etc. m’ont aidé dans ma fonction actuelle de Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique où les enjeux sont différents car l’éducation est le socle sur lequel repose le développement de tout pays.

Ma fierté en tant que Ministre de l’Enseignement Supérieur sera de voir dans un avenir proche que la qualité de la formation s’est significativement améliorée et que les sortants de nos universités et écoles sont compétitifs sur le marché du travail. Cela grâce aux réformes actuelles en cours (gouvernance, formation des formateurs, infrastructures, équipements etc.)    


De plus, votre carrière dans le secteur financier et privé vous aide aujourd’hui à développer le secteur d’éducation.

Oui tout à fait notamment en matière de gouvernance financière et de stratégie. Vous savez, l’éducation est un secteur où la gestion des ressources financières mises à disposition par l’Etat, laisse à désirer car il y a assez  de gaspillages. Par exemple, nous avons entamé le recensement biométrique des étudiants et des enseignants parce qu’il y avait beaucoup de fictifs. Il en de même de la gestion des subventions accordées aux universités. Les résultats obtenus vont nous permettre de faire des économies pour investir là où c’est nécessaire. L’objectif est de mieux gérer le budget mis à notre disposition, qualifier la dépense publique dans le secteur,  avant de demander les ressources complémentaires dont nous avons besoin pour qualifier notre système éducatif afin qu’il réponde aux besoins de développement de notre pays.


Durant votre travaille dans l'administration sous la direction de Son Excellence le Professeur Alpha Condé, quelle est la plus grande réussite pour laquelle voulez-vous qu’on se souvienne de vous ?

Si avec mon équipe nous parvenons à finaliser la mise en place un environnement propice et les ressources permettant de qualifier notre système d’enseignement supérieur et de recherche scientifique, le rendre autonome, nous aurons fait un grand pas et cela pourra être considéré comme une réussite dans le contexte actuel


Enfin, les lecteurs de South China Morning Post incluent majorité d’hommes d’affaire et politiciens des plus influents de la Chine et du monde entier (via la plateforme digitale). Avez-vous un message final à leur adresser sur la Guinée qui les inciterait à venir faire des affaires et investir ici ?

Bien sûr, la Guinée doit être pour eux une destination privilégiée car nos relations avec la Chine ne datent pas d’hier. La Chine est présente en Guinée depuis notre indépendance et notre partenariat reste très solide car basé sur la confiance et le respect mutuel. Cette présence est visible avec des entreprises chinoises qui sont présentes dans le secteur de la pêche, de la construction de routes, de barrages hydro électriques comme Kaleta et Souapiti pour citer quelques exemples. Il y a de l’autre côté en Chine des Guinéens entrepreneurs en plus de ceux qui y sont pour des études.

Le climat des affaires s’améliore avec l’adoption de nouveaux textes législatifs et réglementaires favorables aux investissements, la création en 72h des entreprises à un guichet unique, le libre transfert des capitaux, et des incitations fiscales etc. La stabilité sociopolitique  retrouvée par la Guinée depuis 2010 crée un environnement rassurant et incitatif à l’investissement.

Nous avons une côte de plus de 300km, et comme indiqué plus haut notre pays, membre de la CEDEAO, est la porte d’entrée à un marché de 300 millions d’habitants ; en plus la production faite en Guinée est libre de toute taxe dans tous les pays de la CEDEAO.