Guinea, Republic of: Interview with SE Professeur Alpha Condé

SE Professeur Alpha Condé

Président de la République de Guinée (République de Guinée)

2017-10-17
SE Professeur Alpha Condé

Monsieur le Président, au 28ème sommet des chefs d'État de l'Union africaine à Addis-Abeba, vous étiez désigné par vos pairs pour succéder à la présidence tournante de l'organisation. Avec comme but « d'améliorer les conditions de vie des jeunes en quête de lendemains meilleurs en dehors du continent et de mettre fin à leurs aventures suicidaires à travers le Sahara et les eaux de la Méditerranée ». C’est une nomination très prestigieuse. Félicitations. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Comment pensez-vous que l’Afrique bénéficiera de votre expérience et votre leadership pendant cette année ?

Pendant ma jeunesse j’étais le membre de la Fédération des étudiants de l’Afrique Noire en France qui regroupait les étudiants des pays africains de la langue française.  Notre objectif était double, l’indépendance et l’unité de l’Afrique.  C’était un moment important pour le panafricanisme et nous avons tous souhaité l’unité de l’Afrique afin d’assurer son développement.  

La nomination au sein de l’Union Africaine est une continuation de la lutte que j’ai mené lorsque j’étais étudiant.

Le grand problème de l’Afrique aujourd’hui c’est la jeunesse et la situation des femmes. Nous avons une population qui est très jeune. 70% de la population africaine a moins de 35 ans.  L’emploi de cette jeunesse est fondamental. Cela peut avoir deux répercussions, cela peut être une chance pour ceux qui ont le savoir pour qu’ils puissent activement prendre part dans le développement du pays, mais cela peut être aussi une bombe, s’ils restent au chômage.

De plus, nous sommes aujourd’hui dans une situation qui reflète un peu l’esclavage, car si L’Afrique n’a pas pu être au rendez-vous pendant la révolution des siècles, c’est à cause de l’esclavage justement, or l’immigration joue aujourd’hui le même rôle. Voilà pourquoi nous savons que l’importance est d’investir dans la jeunesse.  Vous pouvez voir que dans certains pays de l ‘Europe les peuples vieillissent et sont obligés d’emporter la main d’œuvre d’ailleurs.

Cependant, notre jeunesse peut nous permettre d’être au rendez-vous pendant la révolution qui aura lieu pendant ce siècle-là. Nous pouvons le dire fièrement, les jeunes africains n’ont rien à envier aux jeunes européens. Ils sont bien éduqués et ils ont un savoir technologique, or notre problème c’était notre état technologique. L’économie numérique nous permettra de faire un grand pas dans le développement du pays.

De plus, il est indispensable d’investir dans l’énergie. Toujours sept Africains sur dix n’a pas d’accès à l’électricité, or sans énergie il n’y a pas de développement possible. Cette énergie nous permettra de transformer des matières premières agricoles et minières mais aussi d’investir dans les infrastructures. Cela est crucial pour nous, car nous aimerions développer en Afrique une zone de libre-échange. Cependant, sans infrastructures, du chemin de fer ou des routes il est impossible de faire du commerce.

Donc notre objectif fondamental aujourd’hui est l’emploi jeune et le changement de la situation des femmes. Pour cela nous sommes obligés de faire de la bonne gouvernance. Cela veut dire que nous devons faire le profit de nos ressources pour donner l’emploi aux jeunes et aux femmes.

Voilà pourquoi pendant notre prochain sommet (de l’Union africaine) le thème sera : la lutte contre la corruption. Il est évident que si les ressources du pays sont gaspillées nous ne pourrons pas développer le pays. Pour cette raison nous devrons prendre la responsabilité et donner l’exemple à notre peuple.


L’Afrique de l’Ouest connait une renaissance économique depuis bientôt 5 ans du à la stabilisation politique de la région. Si on considère le potentiel énergétique, minier et agricole de la Guinée, le pays pourrait se placer parmi les économies locomotives de toute la région. Quelle est la vision de votre gouvernement dans ce contexte et quel sera le rôle de la Guinée dans les années à venir?

De toutes les colonies françaises c’est la Guinée qui avait le meilleur avenir, mais les conditions de notre indépendance et la volonté du Général de Gaulle de punir la Guinée a créé un grand problème pour le pays et son développement.

Cependant aujourd’hui, grâce à la démocratie, la Guinée devrait devenir le fournisseur d’énergie aux pays voisins, comme la Guinée Bissau, le Sénégal ou le Mali, grâce à nos barrages, un à Kaleta, et le deuxième qui est en train d’être construit.

Deuxièmement, la Guinée a de grandes potentialités agricoles. En conséquence, en développant et en aménageant nos infrastructures nous pouvons non seulement devenir autosuffisants mais aussi exporter nos biens aux autres pays.

Vous savez, aujourd’hui la Guinée est à la fois un pays riche et pauvre. Il faut donc transformer les potentialités en réalité. Notre objectif est d’avoir une croissance à deux chiffres. De plus, je pense que notre retard a un avantage. C’est comme si vous aviez une vieille maison qu’il faudrait casser et la reconstruire. Aujourd’hui nous n’avons pas de maison, mais nous sommes en train de tout reconstruire à nouveau avec les méthodes les plus modernes. En conséquence, j’espère que la Guinée sera un moteur de développement en Afrique, malgré l’histoire mouvementée du pays.  


Les bonnes relations entre la Chine et la Guinée plongent leurs racines dans la profondeur des âges. La Chine fut l'un des tous premiers pays à reconnaître la République de Guinée. L’année dernière vous avez effectué une visite d'Etat en Chine qui a permis aux relations sino-guinéennes d'accéder à un nouveau palier. Cependant, vous l’avez dit vous-même : "Nous voulons que la coopération économique avec la Chine soit plus forte que la coopération politique".  Quelle est l’importance de l’investissement chinois pour le développement de la Guinée dans les années à venir et comment engagez-vous personnellement afin de réajuster ces excellentes relations bilatérales à un autre niveau d’excellence ?

Je pense que nous avons fait un accord satisfaisant avec notre partenaire, la Chine, l’année dernière. Il s’agit de la coopération à longue terme, basée sur  les conditions des infrastructures ici en Guinée et la fourniture de matières premières à la Chine. C’est une très bonne base.

Nous voulons bien sûr aller beaucoup plus loin, dans la mesure où, avec la Chine nous voulons créer une zone économique dans la région de Kamsar. Nous voulons aussi créer des zones industrielles car les industries qui ont besoin d’un grand nombre de main d’ouvre peuvent être délocalisées en Guinée. Nous avons la main d’œuvre moins chère et les possibilités d’exporter de l’Europe, car nous avons des accords avec l’Union européenne.

Nous voulons donc que cette coopération atteigne un niveau beaucoup plus élevé à travers, non seulement les infrastructures en échange de la matière première mais aussi l’industrialisation.


Professeur, après avoir grandi en Guinée, vous avez étudié à la Sorbonne aux côtés de leaders contemporains et avez dispensé des cours pendant plus de 10ans en France dans de prestigieuse université avant de revenir en Guinée assurer votre combat politique. Quelles ont été vos acquis les plus précieux vous permettant de réussir en qualité de leader aujourd’hui?  

Je préfère que vous posiez cette question aux Guinéens. (rire)


Excellence, après avoir passé du temps en exil en France et emprisonné plusieurs années, vous avez, en 2010 été le premier président élu démocratiquement en Guinée et avez instauré un climat de paix partout dans le pays en faisant table rase du passé. Etant donné vos engagements pour les bonnes causes, quel héritage souhaitez-vous laisser à la Guinée? Avez-vous déjà pensé à l'image que vous laisserez aux générations futures?

Vous savez, le seul problème qui se pose à moi c’est comment transformer les potentialités de la Guinée en réalité afin de sortir le peuple guinéen de la pauvreté, de leur permettre d’avoir des meilleurs soins médicaux, permettre à la jeunesse d’être mieux éduquée en ayant un système éducatif plus performant mais aussi transformer les matières premières pour donner de l’importance à la Guinée, pour le meilleur développement du pays.

Il est vrai, l’image du pays est très importante, mais concrètement, je veux participer aux changements afin qu’une partie de ces ambitions que nous avion eu quand nous étions des étudiants dans la Fédération des étudiants de l’Afrique noire en France se réalisent.

La vie d’un homme n’est pas éternelle et je ne peux pas dire que nous allons tout réussir mais tout ce que je peux donner, comment je peux contribuer au développement de la Guinée et de l’Afrique, est pour moi primordial. Si j’atteins cela, j’atteins mon objectif. Le reste c’est l’histoire.


Enfin, les lecteurs de South China Morning Post incluent majorité d’hommes d’affaire et politiciens des plus influents de la Chine et du monde entier. Avez-vous un message final à leur adresser sur la Guinée qui les inciterait à venir faire des affaires et investir ici?

La Guinée était victime de son passé et malheureusement les gens ne voient pas que le pays est en train de se développer depuis 2010. Nous voudrions avoir une meilleure vision de la Guinée à l’international. C’est crucial. Il ne faut pas croire les clichés. Il faut que les investisseurs viennent ici et voient le pays et toutes ses possibilités.

Avant, nous n’avions pas d’hôtels pour les accueillir, maintenant ce n’est plus le cas. De plus, le pays est très riche sur le plan touristique.

Les gens doivent venir pour voir cette grande potentialité d’investissement que nous avons ici. De plus, je suis persuadé que la Guinée sera le moteur de développement de l’Afrique de l’Ouest dans quelques années.

Je veux les encourager afin qu’ils viennent voir de leur propres yeux que les possibilités d’investissement sont énormes, plus grandes que dans la plupart des pays africains car notre retard peut être notre avantage.

 

SE Professeur Alpha Condé@PresAlphaConde

Interview par Andreas Walachosky@andreaswalamen