The Republic of Guinea
from Rags to Riches












Son Excellence Mr. Mansa Moussa Sidibé,; Ministre de la Pêche


FIS - Fish Information and Services

Interview de Son Excellence

Monsieur Mansa Moussa Sidibé,
Ministre de la Pêche

29 Août 2000

Profil des pêches guinéennes
Tout d'abord, pourriez-vous me dresser un portrait des possibilités du secteur de la pêche en Guinée?

Merci mademoiselle de la Motte, je suis très heureux de faire cette interview avec vous. Le portrait de la pêche en Guinée est très intéressant et les possibilités de pêche sont énormes. Ces possibilités sont de deux sortes : vous avez les possibilités maritimes de pêche et les possibilités continentales de pêche.

En ce qui concerne les possibilités maritimes, vous avez par exemple la pêche maritime artisanale et la pêche maritime industrielle. Dans les deux cas, la pêche est très florissante et ce par les possibilités que la nature a bien voulu donner à la Guinée. Nous avons un plateau continental de près de 200km et qui est très favorable grâce aux mangroves et à un ensemble de cours d'eau qui se jettent dans la mer et qui permet une bonne reproduction des ressources halieutiques. Il faut quand même remarquer qu'en matière de pêche artisanale, notre secteur d'exportation trouve son compte parce que les meilleurs poissons sont péchés par la pêche artisanale ce qui fait que l'approvisionnement des pays extérieurs est facilités. Le Gouvernement a d'ailleurs beaucoup travaillé pour trouver des financements et créer des infrastructures pour que la pêche artisanale se développe et exporte. Plus de 50 millions de dollars ont été investis dans le secteur de la pêche artisanale, vous pouvez voir de nouvelles infrastructures de qualité tout le long de la côte de Kamsar à Benti et le nouveau port de Boulbinet, qui est très bien conçu..

Concernant la pêche continental, elle s'effectue dans les fleuves et dans les lacs, surtout ceux créés par les barrages hydroélectriques. Vous devez savoir que vers la Haute Guinée, nous avons le barrage du Mali, du Sénengué, qui donne à la Guinée une partie du lac et cette partie est très riche en poisson. Nous avons des cours d'eau très nombreux et très riche en pêche. Pour vous donner un exemple, il y a deux ans on a organisé un concours du meilleur pêcheur et le gagnant venait de la ville de Kouroussa, à l'intérieur du pays. Nous avons aussi le lac créé par le barrage de Garafiri et qui s'étend sur plus de 50 km.

Dans le secteur de la pêche, l'aquaculture joue un très grand rôle, de même que la pisciculture. Nous avons lancé un processus, nous avons déjà toute une unité en aquaculture pour l'élevage des crevettes, la Sakoba, qui malheureusement n'est pas en fonction pour le moment par manque de moyens financiers mais nous avons bon espoir de régler la situation très prochainement.

Quels sont les grands axes de votre politique?

Écoutez, en ce qui concerne les axes de la politiques, nous avons trois principes : Les pêcheries contribuent à l'alimentation de la population donc l'intervention dans al politique d'alimentation du pays est un premier axe. L'aide à la création d'emplois est le deuxième axe et l'amélioration des recettes budgétaires et des conditions de vie des différents opérateurs du secteur constituent le troisième axe.

J'ai essayé de mettre en place un système juridique permettant le renforcement de ces axes et j'ai essayé de voir comment, par rapport aux moyens existant d'une part, par rapport aux moyens que l'on peut faire venir des investisseurs privés extérieurs d'autre part, on peut dynamiser ces axes de manière à ce qu'ils soient opérationnels. En ce qui concerne l'approvisionnement de la population en produit alimentaire, j'ai mis en place un système juridique qui dit que tous les bateaux étrangers qui pêchent dans les eaux guinéennes doivent, après leur capture, ramener sur les côtes de notre pays 50% de leur production et ceci permet de faire une accumulation de ressources halieutiques qui est distribuée à toute la population. En deuxième lieu, nous avons décidé de mettre en place des infrastructures de transformation du poisson. Ce sont des infrastructures portuaires de réception du poisson qui, lorsqu'elles seront réalisées, permettront la mise en place d'une main d'ouvre abondante. N'oubliez jamais que le secteur de la pêche est l'un des plus gros créateurs d'emplois en Guinée et notamment pour les femmes. C'est pour cela que nous portons tous nos efforts sur ce principe. Enfin, lorsque nous avons réalisé des infrastructures, que nous avons facilité la réception et le stockage du poisson, nous devons maintenant créer de la valeur ajoutée avec le poisson pour augmenter les recettes de l'Etat mais aussi celles des opérateurs locaux. Ainsi la pêche affirmera son statut de pourvoyeur de richesses pour la Guinée.

Quels sont les grands projets, découlant de votre politique, sur lesquels vous êtes en train de travailler?

Naturellement, je travaille sur de très grands projets. Je travaille à la réalisation d'un port de pêche digne de ce nom pour Conakry, le dossier que nous sommes en train de monter table sur un investissement qui s'étend de 23 à 150 millions de dollars. Je m'explique, nous pouvons choisir un port de pêche tout simple qui permet de recevoir des bateaux et de débarquer du poisson et on peut le faire pour 23 millions de dollars. Un port de pêche digne de ce nom avec un port commercial à côté coûte 150 millions de dollars. Nous avons fait parvenir le dossier aux différents bailleurs de fond pour pouvoir le financer. Nous cherchons également un investisseur pour reprendre la nouvelle Soguipêche qui recevait le poisson, le conservais, le congelais et le transformais en vue de l'exportation. Malheureusement, cette unité a été fermée car elle n'avait plus les ressources financières suffisantes pour fonctionner. Nous sommes actuellement en négociation avec des Italiens concernant ce projet. Nous avons aussi en projet la constitution de lignes de crédit pour permettre au secteur de la pêche artisanale un meilleur autofinancement. En effet, bien que les pêcheurs artisanaux pêchent du poisson noble, ils sont souvent pauvres. Pour qu'ils puissent se créer un fond de roulement, nous sommes en train de travailler avec l'AFD (l'Agence Française de Développement) et la BAD (Banque Africaine de Développement) pour mettre en place des micro-crédits. Nous continuons avec les bailleurs de fond à rechercher les moyens qu'il faut pour que cette ligne de crédit soit fonctionnelle de manière à ce que désormais tous les pêcheurs, aussi bien sur le plan continental que sur le plan maritime, puissent trouver des lieux où prendre de l'argent pour payer les menus besoins de leurs activités. Nous avons aussi beaucoup de projets dans le domaine de développement de la pêche artisanale et dans le domaine de la pêche continental car vous savez qu'une mauvaise utilisation de la mer peut diminuer significativement les ressources halieutiques de cette dernière. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la pêche continentale et surtout la pisciculture et l'aquaculture. Notre pays possédant de larges potentialités en matière de pisciculture, nous avons signé avec l'AFD et la BAD un projet pour le développement de la pisciculture en Guinée Forestière.
Pouvez-vous me parler de votre collaboration avec l'Union Européenne?

J'ai des problèmes avec l'Union Européenne. L'UE a un accord avec nous, cet accord se passe très bien mais l'UE exige de nous la fourniture de poisson de qualité, traité aux normes européennes. Je suis d'accord pour le faire mais l'UE doit m'aider à financer des structures pour respecter ces normes. Malheureusement, l'UE ne donne pas ce qu'il faut pour que les infrastructures de traitement du poisson soient mises en place. J'ai fait le déplacement pour la France, pour Bruxelles et pour de nombreux pays de l'UE pour expliquer de visu la situation en Guinée. J'ai déjà réussi à faire un laboratoire qui vérifie la qualité du poisson, il est tout équipé et fonctionnel. Quand je pense à ces nombreux opérateurs concernés par l'exportation de poisson en Guinée qui ont des ateliers de traitement de poisson mais qui n'ont pas les moyens de les mettre aux normes, je dois faire quelque chose. Et justement, je viens de découvrir que l'UE a mis en place à Bruxelles un CDE (Centre de Développement des Entreprises) qui assiste les entreprises dans leur restructuration et leur développement, je vais donc leur présenter ces dossiers pour que le CDE vienne en aide aux opérateurs privés guinéens pour mette leur atelier aux normes. C'est ce qui permettra à la Guinée de présenter de bons produits de mer à l'Union Européenne.

Avez-vous eu des contacts avec des investisseurs asiatiques et notamment Japonais qui connaissent le domaine de la mer?

J'ai des problèmes avec les coréens mais j'ai de bon rapport avec les Japonais, la preuve ne est que ce sont eux qui ont réalisé le port de Boulbinet. Je leur ai également transmis le dossier du port de pêche de Kamsar et ils sont en train de faire le schéma directeur complet de la pêche en Guinée, plus de 14 experts japonais vont séjourner pendant 22 mois en Guinée dans ce but. Donc nous avons de très bon rapport avec les Japonais et nous avons des échanges de vue sur beaucoup de questions et notamment sur les questions scientifiques en matière de pêche. Par contre, j'ai beaucoup de problèmes avec les Coréens car ils refusent de signer un accord de pêche avec nous mais ils continuent à pêcher dans nos eaux territoriales. Je suis donc en train de prendre des mesures pour mettre fin à cette situation inadmissible.

Concernant la pêche maritime et les grands bateaux qui viennent pêcher sur les côtes, j'ai entendu dire qu'il y avait des abus au niveau de la pêche pour la protection de l'écosystème. Êtes-vous d'accord avec cela?

Effectivement, nous rencontrons deux types de problèmes concernant la pêche maritime. Les bateaux de pêche viennent pêcher chez nous sans autorisation et souvent avec la complicité des Guinéens, ce sont des bateaux pirates. Naturellement, j'ai lancé un processus de poursuite terrible, à l'heure actuelle nous sommes véritablement en guerre contre les bateaux pirates, ceci est le premier aspect du problème. Le second aspect réside dans le fait que les bateaux, même s'ils sont licenciés, ne doivent pas pêcher dans les zones fragiles comme dans celle des dix mille miles par exemple. Cette zone abrite les poissons nobles et leur reproduction, il est donc formellement interdit d'y pêcher pour permettre le renouvellement des richesses de la mer. Mais ces bateaux passent outre l'interdiction et vont pêcher dans cette zone ce qui a de très graves conséquences écologique sur l'écosystème. De plus, cette zone est réservée à la pêche artisanale et quand ces gros chalutiers entrent dans cette zone, ils abîment les filets des petits pêcheurs et avec leur système de charrue, ils ravagent tout sur leur passage. Cette bataille ne fait que commencer et elle sera terrible, croyez-moi.

Quel message voulez-vous donner à nos lecteurs?

Le message que je donne aux Asiatiques et aux Européens est le suivant : ils ont déjà fait beaucoup pour nous mais je voudrais simplement qu'ils comprennent que la Guinée depuis son indépendance en 1958 a été un Etat de Droit, un pays qui a respecté les droits de l'homme. De l'indépendance à 1984, nous nous sommes battus pour beaucoup de nations pour leur indépendance, pour leur dignité, pour leur liberté. Lorsque nous avons changé de régime en 1984, nous avons été appelés à consolider la base des indépendances de beaucoup de pays, nous avons assisté beaucoup de pays matériellement, moralement, politiquement et même administrativement. Vous avez de nombreux pays dans la Sous-Région de l'Afrique qui se sont inspirés du modèle Guinéen pour construire leur développement. Systématiquement depuis maintenant une dizaine d'années, la Guinée a reçu près d'un million de réfugiés et cela car la paix est de rigueur chez nous. Il y a des villages ici où sur 4 personnes, 3 sont des réfugiés et tout se passe tellement bien pour eux en Guinée qu'ils ne veulent pas retourner dans leur pays quand la guerre est terminée.

Je veux faire comprendre aux investisseurs que s'ils veulent venir investir en Guinée, ils ont raison! C'est un pays propice aux investissements, la nature a été généreuse avec nous. Quand vous prenez le secteur des mines, vous avez l'or, le diamant, le fer et la bauxite (les plus importants stocks au monde). Sur le plan de l'agriculture, si nous avions les moyens et les infrastructures, nous pourrions alimenter toute la Sous-Région car le climat et la qualité de la terre permettent un excellent rendement. Concernant la pêche, tous les types de pêcheries sont disponible que ce soient la pêche maritime, la pêche continentale, l'élevage de poissons et de crevettes, tout est là pour que les investisseurs y trouve leur compte. Sans oublier la beauté de notre pays qui avec peu d'investissement a le potentiel pour devenir un paradis touristique.

 Read on  

© World INvestment NEws, 2000.
This is the electronic edition of the special country report on Guinea published in Far Eastern Economic Review (Dow Jones Group)
September 28th 2000 Issue.

Developed by AgenciaE.Tv