Mauritania: Interview with Moulaye El Hassen Ould Moctar El Hassen

Moulaye El Hassen Ould Moctar El Hassen

Président Directeur Général (Taamin Assurances)

2007-03-30
Moulaye El Hassen Ould Moctar El Hassen

Pouvez-vous nous donner le panorama des entreprises que vous représentez et l’ensemble de vos activités ?

Je suis essentiellement un actionnaire important dans la société MATTEL, qui est une société de télécommunication, comme vous le savez, et qui est constituée des capitaux mauritaniens et tunisiens. C’est l’une des plus grandes entreprises ici en Mauritanie, sinon la plus grande entreprise privée de par les capitaux. Ceci est l’une de nos activités principales. Nous avons également l’assurance, une petite société qui se développe au fur et à mesure que le secteur se développe en Mauritanie. Vous savez que le secteur des assurances est presque un nouveau né, hormis le cas de la NASR qui a été la SMAR (une société d’Etat), et qui a finit par imposer le secteur des assurances en Mauritanie. Nous avons donc créé cette société qui est à caractère islamique et rassurez-vous : nous ne sommes pas des barbus prêts à sauter sur n’importe quoi ! Nous avons estimé qu’il y avait un créneau, et ce créneau nous pouvions l’occuper d’autant plus que dans le fond, il n’y a pas de différence entre l’assurance classique et l’assurance islamique. L’assurance islamique a un caractère mutualiste. C’est une société où chaque assuré est actionnaire de l’entreprise, en quelque sorte. Et quand vous regardez l’assurance classique c’est la même chose. Entre l’assurance islamique et l’assurance classique, c’est beaucoup plus un problème de nom qu’un problème de pratique.

TAAMIN est créée en 2000, quels sont les principaux services qu’elle offre ?

Nous offrons des assurances chantiers, assurances banques, assurances voyages, assurances pêche. Nous avons été la première société à créer l’assurance voyage, pour ceux qui désirent obtenir un visa pour aller en Europe et qui sont donc obligés de souscrire une assurance privée en cas d’accident ou de maladie. Nous travaillons avec MAPFRE en Espagne, nous avons travaillé avec SCORE. En fait, nous traitons la globalité des assurances. Mais vous savez, l’assurance en Mauritanie ne représente qu’une partie infime du produit national brut, alors que dans les pays voisins c’est tout autre chose. Il y a réellement une place à conquérir. Pour les mauritaniens, l’assurance est considérée comme un impôt. Mais petit à petit, l’intérêt de l’assurance s’impose.

L’assurance est une activité très récente en Mauritanie et connaît une explosion très conséquente avec une croissance très rapide. Quels sont les chiffres de TAAMIN en terme d’employés et en terme d’évolution en chiffre d’affaires et de clientèle?

Je pense que l’assurance n’est pas vraiment en explosion… Nous, en tant que société d’assurance, nous sommes en train de dépenser beaucoup d’argent pour créer une culture d’assurance en Mauritanie. Mais malheureusement, on y arrive difficilement. En Mauritanie, l’assurance représente moins d’un demi pour cent alors qu’au Maroc c’est 2,5%, en Tunisie c’est 4 % et au Sénégal c’est dans l’ordre de 3%. Notre activité se développe petit à petit. Nous allons davantage mettre l’accent sur l’assurance chantier car c’est le plus rentable. À ce titre, nous sommes présents partout dans le pays.

Quelles sont les principales mesures que vous voudriez que le gouvernement prenne pour développer votre secteur ?

Nous savons que les instruments juridiques existent mais nous demandons à l’Etat de les appliquer. Par exemple, il est interdit à un opérateur mauritanien d’assurer ses marchandises à partir de l’extérieur. C'est-à-dire que tant qu’une société mauritanienne peut assurer le transport maritime et les marchandises, la loi impose à ce qu’on passe par cette entreprise. La réalité est cependant totalement différente, parce que les gens trouvent un arrangement avec un assureur extérieur ou avec un interlocuteur qui les représente ici.

Pensez-vous établir des partenariats avec ces autres assurances ?

Par le fait que nous soyons une assurance islamique, nous sommes obligés de nous adresser au marché de l’assurance islamique, qui est encore relativement inexistant ici, mais qui commence à se développer un peu au niveau des pays du golfe et des pays asiatiques. Il y a par exemple une société de réassurance qui vient d’être créée par les Emirats Arabes Unis ce qui représente une nouveauté intéressante pour nous. Nous avons un conseil juridique garantissant le caractère islamique de nos assurances, et nous ne pouvons pas aller nous réassurer n’importe où. Tant qu’il existe une réassurance islamique, nous nous devons de nous adresser à eux. Vis à vis des pays non musulmans, nous sommes ouverts à toutes sortes de partenariats.

Avez-vous une stratégie marketing afin de capter les entreprises internationales qui s’installent ici du fait de la bonne tenue de la croissance économique ?

Il est vrai que depuis que le pétrole a été annoncé en Mauritanie, il y a un boom. Surtout en matière de visites, de réunions, etc… Mais le fait d’aller de là à quelque chose de concret constitue une chemin semé d’étapes extrêmement difficiles à surmonter par la complexité des formalités administratives à effectuer. Malheureusement, ce problème est présent dans toute l’Afrique. Nous n’avons pas des structures d’accueil qui permettent d’absorber l’ensemble des investisseurs qui frappent à la porte. Il faut que nous nous aidions tous pour mettre en place ces structures d’accueil en Mauritanie afin de pouvoir absorber ce flux de plus en plus important.

Voilà un aperçu des handicaps que nous essayons de surmonter afin de nous insérer dans le cadre nouveau du développement de la Mauritanie. Nous essayons de nous adapter parce que nous savons qu’avec le pétrole, il va y avoir des routes et des barrages, car l’argent va arriver. Nous sommes donc extrêmement intéressés dans ce domaine et nous travaillons avec toutes les entreprises qui apparaissent dans ce secteur…Et même si on ne travaille pas avec eux, on les contacte, et on discute.

Quelles sont les orientations principales de votre stratégie marketing par rapport à ce que vous venez de nous dire ?

Nous suivons une démarche classique. C'est-à-dire que nous faisons des promotions par la presse, des articles de presse, des séminaires, etc. Nous essayons de nous vendre, aussi, grâce à la qualité de notre service et du bon feedback dont nous bénéficions.

Est-ce que TAAMIN serait ouverte à travailler avec une entreprise étrangère ?

Oui.

Est-ce que vous avez des projets à long terme de développement dans la sous région ?

Oui, nous sommes en contact permanant avec les sénégalais et les maliens pour créer des pools d’assurances. Il y a aussi des sociétés européennes qui sont prêtes à prendre une participation symbolique.

Quelle serait votre analyse du secteur des assurances ?

Il y a 3 ou 4 handicaps principaux : vous avez le taux de pénétration qui est encore très faible. Ce taux représente l’assurance dans l’activité globale nationale. Pour les mauritaniens, le facteur assurance n’existe pas. Pour eux, tout ce qui est inconnu est considéré comme anti-religieux c’est pourquoi le facteur islamique est important. Ceci est dû au fait de vendre un produit qui n’est pas connu ni visible, etc. L’autre difficulté est que malheureusement, depuis la création de l’assurance, ce secteur a été considéré comme une contrainte aux usagés. Et nous, société d’assurance, nous essayons par tous les moyens de lutter contre cet a priori. Nous faisons des efforts pour cela. Je suis persuadé que l’assurance en Mauritanie va se développer. Il y a une immense place à conquérir, mais il y a des obstacles. Il faut que tout le monde essaie de les surmonter.