Pouvez-vous nous donner un aperçu historique de votre entreprise et de son évolution dans le secteur d’activité en Algérie?
Bousten est à l’origine un mot arabe qui signifie jardin. Dans notre jardin, on trouve la plus grande conserverie de tomates du pays: nous avons 35% des parts du marché algérien. Nous fabriquons trois types de conserves dont celles de 36 bricks en fil aseptique de 200 kilos et les concentrés de 22 et de 28 bricks. D’ici octobre, nous allons lancer un nouveau produit: les conserves en Tétra Pak. Aussi, vu le déficit institutionnel, et afin d’encourager les importateurs, nous avons lancé une société nommée AGRITEC, qui est en partenariat avec un groupe international canadien, le groupe AGIR. Ce projet consiste à relever le défit agricole. Nous avons un laboratoire d’analyse d’engrais de semence, d’eau et des sols. C’est un laboratoire d’une capacité de 250.000 analyses par an. Nous avons aussi deux usines, une produit les engrais liquides et l’autre les engrais solides, car pour être compétitif et développer une stratégie en aval, et être compétitif sur le plan international, il faut investir en amont. C’est notre premier projet de grande envergure, et ce en attendant de faire un engineering sur le plan agricole, nous sommes en train de donner une notion économique du produit à nos agriculteurs. Nous sommes aussi en partenariat avec ASMIDAL qui s’occupe de nous fournir les intrants chimiques pour la formulation d’engrais adaptés au sol. Nous voulons fabriquer des engrais à la carte, ce qui n’a jamais existé en Algérie. Nous sommes aussi en train d’investir dans une raffinerie d’huile qui verra le jour dans 15 mois, il y aura donc dans 15 mois de l’huile El Bousten sur le marché. Cette raffinerie a une capacité de 300 tonnes/24 heures, et peut aller jusqu’à 600 tonnes/24 heures. Nous voulons réintégrer la culture du tournesol afin d’avoir notre autonomie en graines et en huile. Nous avons fait un essai et nous avons obtenu 1 tonne de graines par hectare, les graines d’huile ont été testées en Belgique. Nous avons les normes internationales, cet investissement créera des emplois pour des milliers d’agriculteurs.
Vous avez parlé de 35% de part de marché. Pouvez vous nous donner plus de chiffres concernant le nombre d’effectif, la production annuelle, votre chiffre d’affaires?
Nous avons commencé avec une capacité de 1000 tonnes/24 heures. En 1996 j’ai multiplié la capacité de production en achetant une deuxième usine. Actuellement nous travaillons avec 3.500 agriculteurs dans les 5 wilayas de l’est du pays. Mon usine emploie 400 ouvriers. Cette usine est à la norme ISO 2001 et nous avons eu 3 reconnaissances au niveau mondial, dont celle de 2002 à Genève. En ce qui concerne le chiffre d’affaires nous avons commencé avec 500.000 dinars en 1992, nous en sommes aujourd’hui à 200 milliards de centimes mais mon objectif à cours terme est d’atteindre les 500 milliards/an.
Avez-vous une stratégie de diversification vers des autres produits ou autres secteurs de l’industrie agroalimentaire?
Nous comptons beaucoup sur la diversité de nos produits: jus, confitures, harissa, mais la prochaine promotion concernera les jus et concentrés de tomates en Tétra Pak.
L’ouverture de l’économie apportera beaucoup d’opportunités en Algérie et aussi vers les marchés internationaux. Quelles sont vos capacités d’exportation?
Avant la création de l’usine en 1992, l’Algérie importait 25 à 30.000 tonnes de tomates par an, il n’y avait pas assez de production ni d’usines. Actuellement nous produisons un excédent de 20.000 tonnes destinées à l’export, c’est pour cette raison qu’il est nécessaire que l’Etat fasse une caisse pour les exportateurs afin de réguler le taux d’exportation. L’Etat doit sérieusement s’impliquer afin d’aider ceux qui veulent exporter, pour la mise à niveau de toutes les entreprises. | Avez-vous développé une stratégie pour la recherche de partenaires étrangers?
Les partenaires existent déjà. Ce qu’il faudrait, c’est créer un environnement capable de recevoir ces partenaires. L’administration n’est pas au point. La Sonelgaz, qui est la logistique au service du tourisme et de l’agriculture, est défaillante. Il y a beaucoup de coupures d’électricité, d’eau. Par quoi les investisseurs pourraient-ils compenser ce manque de commodités?
Dans ce cas que proposez-vous d’offrir à vos partenaires?
J’ai toujours dit à mes partenaires que je préférais les garder en amis plutôt que faire de mauvaises affaires. Il faut que la volonté politique s’exprime en mettant en place une loi claire avec des institutions claires. Nous sommes face à un blocage institutionnel au niveau de l’agriculture, je ne peux pas être compétitif avec 0% de subventions. Le déficit réside dans l’institution d’abord, il y a quand même un écart de 60%. Mais si l’OMC veut réguler le marché, elle devra penser à enlever les 60% des parts du marché européen, afin de démarrer à zéro. C’est nous qui méritons les subventions. Prenons l’exemple de l’Italie du sud, un pays aride, tout le monde est en train d’aider cette partie du monde, ce qui n’est pas le cas pour nous.
Vous êtes membre du comité international de la tomate, qu’est-ce que cela peut vous apporter ?
Disons que je suis celui qui a fait en sorte de faire adhérer l’Algérie à ce comité. Il y a un dérèglement total quant au marché international, nous avons un déficit de près de 40% sur les prix, l’Etat doit faire une comptabilité analytique afin qu’il intervienne au niveau de la défaillance.
Nos lecteurs sont en général des leaders d’entreprises, que pourriez-vous leur dire sur votre parcours professionnel, et quelle a été votre plus grande satisfaction dans le même cadre?
Je suis technicien dans le bâtiment, j’ai monté une entreprise qui a reçu beaucoup de prix, puis l’Algérie s’est ouverte aux investisseurs, et comme Annaba est le pays de la tomate, j’ai foncé sur ce projet. Ma plus grande satisfaction est de faire travailler 3.500 agriculteurs, de faire 35% de part du marché, puis mes trophées. Mon ambition a toujours été le développement. Ma plus grande satisfaction est aussi de contribuer à la paix sociale du pays. La paix sociale est primordiale au développement d’un pays, car sans elle, la paix civile n’existe pas. Il faut que les gens travaillent, mangent, mettent de l’argent de côté, ce n’est pas facile, mais il faut être optimiste, le pays a vécu une transition que nous devons gérer, mais il faut que l’Etat subventionne les entreprises.
Quel serait votre dernier message aux investisseurs qui sont prêts à investir dans le marché algérien?
Je dirais qu’il est temps de venir prendre place en attendant qu’une politique de loi s’exprime pour des jours meilleurs. |