CÔTE D´IVOIRE / IVORY COAST
Reshaping the nation














Noël Akossi Bendjo, Directeur Général

(Ivorian Refinery Company)

Interview de

Mr. Noël Akossi Bendjo,
Directeur Général

13 octobre 1999
Pouvez vous nous donner un aperçu historique de votre compagnie ?

La SIR est une société issue de la volonté du gouvernement. Elle a été créée en 1962, elle a commencé avec une capacité de 700 000 tonnes par an pour passer à 2 millions de tonnes par an dans les années 70. Dans les années 80, elle est passé à 4 millions de tonnes. Malheureusement, depuis les années 80 jusqu'à 90, la Côte d'Ivoire est entrée dans une période récession qui a fait qu'il a fallu réduire la capacité de raffinage. Nous sommes passés de 4 millions à 3 millions de tonnes parce que nous avons été obligés de détruire une partie des installations parce que les investissements qui avaient été faits à l'époque étaient faits sur la base d'un taux de croissance du marché de 10%. Mais les années 80 n'ont pas suivi à cause de la récession. Le capital de la SIR est partagé en partie par l'Etat avec 47%, 5% pour le gouvernement du Burkina Faso par le biais de la Sonabi et 48% appartiennent aux privés, les plus gros d'entre eux étant Elf. L'Etat est entrain d'opérer une privatisation mais c'est en fait une cession de parts parce que la SIR est déjà privée. A l'origine, la SIR fut créée pour approvisionner le marché de la Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, elle approvisionne le Mali, le Burkina Faso et elle exporte une grande partie de sa production en dehors de cette zone. Sur 3 millions de tonnes, à peu près 1,5 millions sont exportées dans la zone de desserte constituée du Burkina, du Mali et de la Côte d'Ivoire. Tout le reste est exporté vers le Liberia, les Etats Unis, l'Afrique du Sud, l'Angola. La SIR détient 100% du marché ivoirien, 85% du marché malien et 35% du marché burkinabé.

Quelles sont les grandes lignes de conduite de votre stratégie ?

La stratégie de la Côte d'Ivoire dans le secteur pétrolier est assise d'abord sur son unité de raffinage parce qu'en dehors du Nigeria, la SIR est la plus grosse raffinerie de toute la côte Ouest. Elle a à peu près 3,5 millions de tonnes de capacité auxquelles il faut ajouter les 500.000 tonnes de la SMB. Donc, cela fait 3,5 millions de tonnes. La Côte d'Ivoire est aussi un parc de stockage important avec la Gestoci et l'installation de réception en mer et d'un canal qui permet à la Côte d'Ivoire de disposer d'une logistique efficace pour les opérations de réception et d'exportation. La Côte d'Ivoire, c'est aussi la production de gaz: le gaz est très important dans l'activité de raffinage car c'est un combustible moins cher et moins polluant qui permet d'améliorer la qualité de consommation de combustible à l'intérieur de la raffinerie. La Côte d'Ivoire a produit du brut jusqu'à 20 000 barils par jour. Nous espérons que toutes les opérations d'exploration production en cours permettront de développer la capacité de production de la Côte d'Ivoire. En termes de raffinage, de stockage de production, je pense que la Côte d'Ivoire est l'un des pays où l'on trouve tous les services. Ce qui fait qu'à partir de toutes ces dispositions, nous pouvons développer du business important, nous avons aussi la caréna où nous faisons des travaux de maintenance des navires. Le niveau de maintenance est suffisant pour essayer de développer le Rotterdam. Au-delà de cela, le Rotterdam c'est aussi les hommes car vous pouvez avoir tous les investissements que vous voulez, tous les projets que vous voulez, mais si vous n'avez pas les hommes pour prendre cela en charge ce n'est pas la peine. J'ai fait parti des premiers que l'on a envoyé en formation au Canada, aux Etats Unis pour créer un secteur pétrolier et minier avec des hauts cadres. Je suis parti en 72 et presque 240 à 300 ingénieurs ont été formés. Ils travaillent depuis 79 dans le secteur pétrolier ou minier. Depuis presque 20 ans, nous avons développé une expertise assez pointue dans le secteur minier et pétrolier qui permet aux Ivoiriens de prendre en charge la gestion du secteur et c'est sur ce potentiel à la fois humain et technique que la Côte d'Ivoire peut bâtir quelque chose. Le gouvernement est concentré là-dessus et veut pousser le secteur pour faire en sorte que la Côte d'Ivoire soit une plate forme pétrolière. Au niveau de la raffinerie, nous avons voulu créer une plate forme performante et compétitive, une plate forme capable de faire face aux importations, capable de vendre n'importe où. Depuis 95, notre plan stratégique se divise en deux volets:

- le premier volet est l'amélioration des performances techniques, de management, d'organisation de l'entreprise. Il s'agit d'améliorer les taux d'utilisation des installations, d'améliorer les consommations de combustible, de former des gens à tous les niveaux, de mettre en place des outils de management que cela soit du management de haut niveau ou de proximité, mettre en place des outils de gestion financière fiables, mettre en place un système d'information. Une fois que cela sra fait, nous serons sur une bonne base pour augmenter nos capacités.

- le deuxième volet, c'est l'extension des capacités: passer de 3,5 millions de tonnes à 4,5 millions de tonnes. Il est prévu dans ce plan d'extension de développer toute la logistique en mer pour recevoir et exporter les produits pétroliers par bateaux de 80 000 tonnes. Cela permet d'exporter en Asie, aux Etats Unis, en Europe au coût économique le plus faible possible pour devenir compétitif au niveau mondial. Nous avons conçu un système rigoureux qui permet à la Côte d'Ivoire de se lancer dans ce projet avec la meilleure chance possible de réussite.

En 2010, vous prévoyez au moins 10 millions de tonnes ?

Le gouvernement a l'ambition de faire beaucoup plus que nous avons prévu. La Côte d'Ivoire veut disposer de capacités additionnelles pour exporter parce que le marché ivoirien n'est pas assez gros pour consommer. Il se pourrait donc qu'il y ait une autre raffinerie. En ce moment, nous réfléchissons pour savoir si elle doit être à San pédro, à Grand-Lahou ou à Abidjan. Nous ne savons pas encore mais c'est l'ambition du gouvernement de porter la capacité à 10 millions de tonnes de façon à ce que la Côte d'Ivoire soit le plus grand pays exportateur de produits pétroliers.

Quel est le chiffre d'affaires de la compagnie ?

Le chiffre d'affaires de la SIR est à peu près de 500 millions de dollars. La SIR est membre permanent du world economic forum. Pour entrer dans ce groupe, il faut faire 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires. Elle a été acceptée comme l'entreprise Ouest-africaine francophone la plus grosse avec 500 millions de dollars. Nous faisons des résultats d'à peu près 20 millions de dollars mais le cash flow qu'on dégage est d'environ 40 millions de dollars. Nous espérons faire la même chose cette année car 1999 a été difficile pour les raffineries. D'abord, les marchés de raffinage ont été très faibles mais nous avons travaillé sur notre plan de façon à ce que nous ayons à peu près le même niveau de résultat.

Quelle part de votre production va au-delà des marchés de la sous région ?

Nous vendons aujourd'hui aux Etats Unis mais très peu parce que nous avons une capacité de raffinage relativement restreinte. La sous région est déficitaire en produits mais nous exportons les produits qui ne sont pas consommés ici tels que les bases de l'hydrocraqueur. Il s'agit des gasoils lourds qui vont alimenter les unités de craquage des Etats-Unis. Nous exportons du fioul mais à basse teneur en souffre parce que nous traitons des bruts nigérians. Les exportations devaient être aux alentours de 500 000 tonnes. Par rapport à nos objectifs de production de 4,5 millions de tonnes, c'est à peine 10%. C'est pour cette raison que la Côte d'Ivoire veut développer sa capacité de raffinage jusqu'à 10 millions de tonnes de façon à ce qu'on puisse avoir un rayon d'action plus grand avec un volume d'exportation beaucoup plus important. Mais aujourd'hui, nos exportations vers les Etats Unis et l'Europe sont vraiment marginales par rapport à l'activité de la sous région, notre marché étant essentiellement le marché de la sous région.

Quelles sont les grandes mesures que vous mettez en ouvre pour respecter l'environnement ?

Il faut comprendre qu'il y a deux niveaux en ce qui concerne l'environnement. Il y a l'environnement au niveau de la production et le respect des spécifications au niveau des produits. La SIR dispose d'un hydrocraqueur qui est un outil de raffinage capable de fabriquer des produits sans souffre. Ce sont donc des produits écologiques. De plus, nous avons investi presque 500 millions de cfa pour la lutte contre les pollutions en mer parce que nous recevons nos bateaux en mer et ce qui est important pour nous, c'est de nous assurer qu'à tout moment nous pouvons faire face à une fuite d'huile en mer. Donc, nous contrôlons avec une société sud - africaine les bateaux qui sont en permanence sur le site de façon à ce que si un incident se produisait, nous puissions intervenir rapidement et éviter des déversements d'huiles en mer et sur les plages. Nous faisons, chaque fois que nous avons des bateaux, ce qu'on appelle des épreuves de nos installations pour nous assurer que nos pipes ne fuient pas. Ici, nous suivons la fabrication du dioxyde de souffre. Il y a des spécifications que nous respectons et cela fait partie des choses que nous suivons régulièrement tous les mois pour nous assurer que nous n'envoyons pas du dioxyde de souffre dans la nature. Nous avons des spécifications que nous respectons. Il y a aussi le rejet d'eau en lagune: nous utilisons beaucoup d'eau et nous la traitons pour nous assurer que lorsque nous rejetons de l'eau dans la nature nous ne la polluons pas. Le gouvernement a des spécialistes qui viennent contrôler ce que nous rejetons. Nous tenons à l'environnement à tel point que dans le cadre de nos investissements, la SFI a demandé une étude d'impact environnementale. Celle-ci a prouvé que nous étions dans les conditions pour faire des extensions. La SIR fait de l'environnement une de ses batailles parce que nous y consacrons beaucoup de temps. Nous avons un service environnement avec un ingénieur spécialisé dans ce domaine.
Quel est exactement le moment prévu pour la privatisation de la SIR ?

J'ai tendance à dire que la SIR est déjà privée. Donc, c'est une cession additionnelle de part de l'Etat puisque la SIR est à 47% à l'Etat et à 53% au privé. Aujourd'hui, le processus de privatisation est engagé et d'après le calendrier que nous connaissons, en début d'année prochaine l'Etat aura cédé 37% et ne gardera que 10%. Il y a quelques sociétés qui sont sur la liste telles que Elf - Total qui font une proposition commune puisqu'ils sont en fusion, Engen la société sud - africaine qui est en fait une filiale de Pétronas de Malaisie, Sassol, des traders mais ce que nous savons c'est que celui qui rejoindra la SIR devrait absolument être un raffineur.

Outre le processus de privatisation, vous avez dit que les grandes stratégies de la SIR reposent essentiellement sur les hommes. Est-ce que cela va de paire avec la volonté de restructurer les ressources humaines et les redynamiser ?

Une des forces de la SIR repose effectivement sur les ressources humaines. Ici, nous sommes à peu près 800 personnes. Il y a 6 expatriés et le reste est ivoirien/africain. Même si la restructuration doit se faire, nous avons un contrat d'assistance technique avec Total, donc nous appartenons au groupe Total en termes de coopération. Nous ne cherchons des ressources humaines que lorsque nous n'avons pas de gens prêts ici. C'est comme cela que nous avons fonctionné jusqu'à maintenant. Je pense qu'il y a un arbitrage à faire mais je ne pense pas qu'il y ait une restructuration profonde au niveau des hommes.

Nos lecteurs sont en perpétuelle recherche de nouvelles opportunités d'investissements, de partenariats. Dans quel secteur de vos activités êtes vous intéressé à attirer des partenaires ou des investisseurs ?

Je pense que la Côte d'Ivoire est un pays très ouvert et le Premier Ministre et son équipe parcourent le monde pour vendre la Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire est un pays où la politique d'investissement est suffisamment incitative. Tout est ouvert et il appartient aux hommes chargés d'ambitions de venir et nous leur donnerons l'opportunité de s'exprimer. Au niveau du capital de la SIR, il y a des sociétés américaines telles que Mobil, Texaco, les Anglos - néerlandais. La Côte d'Ivoire, de par ses liens avec la France, a été la chasse gardée de celle-ci mais depuis un certain nombre d'années, notre pays s'est ouvert à tous les investisseurs. La Côte d'Ivoire est le pays où il y a 35% d'étrangers. C'est un pays ouvert à toute créativité ou initiative parce que c'est de cette façon qu'un pays devient grand. C'est la diversité de ses forces qui fait avancer le pays.

La raffinerie est un secteur vaste. Des centaines de sociétés américaines, françaises, japonaises travaillent avec nous. Nous n'avons pas de préférence. Dans tous les secteurs, que ce soit la maintenance, l'ingénierie et le financement, nous sommes prêts à accueillir des sociétés. Mais là où nous travaillons le plus avec les gens, c'est surtout sur l'ingénierie, les catalyseurs, les grosses machines tournantes, la maintenance.

Quel le rôle la SIR a-t'elle joué dans le développement de votre pays ?

La SIR a joué un rôle important car elle a d'abord un contrat moral. Elle a le monopole de l'approvisionnement du pays, donc toute la partie combustibles produits pétroliers est assurée par la SIR pour l'approvisionnement du pays mais aussi pour le Burkina, le Mali. La SIR a joué un rôle de stabilisateur des prix des produits pétroliers dans la zone. Lorsque la SIR cesse cette activité, les prix grimpent dans la zone. La SIR, de par la diversité de ses sous-traitants, est une société qui génère beaucoup d'emplois. La SIR, c'est aussi 700 familles, c'est toute l'activité portuaire par des taxes portuaires que nous payons. J'import et j'export des produits pétroliers. Nous faisons donc travailler les transitaires, les banquiers, les assurances. Notre activité a vraiment un impact en termes d'effets induits dans l'économie de la Côte d'Ivoire et c'est pour cela que lorsque nous avons discuté de la libéralisation avec les gens de la Banque Mondiale, nous nous sommes assuré que des mesures seraient prises pour prévenir la fraude. Il faut absolument que les règles soient bien respectées. Nous jouons le jeu d'une entreprise sérieuse avec des règles claires. Nous avons aussi créé un centre de formation à Bassam. Il appartient à la SIR mais c'est un centre de formation industrielle que nous mettons à la disposition de toute l'industrie en Côte d'Ivoire. Nous avons aussi 100 cadres: pour la Côte d'Ivoire, nous fournissons de la matière grise et c'est un rôle à mon avis qui est très important dans le développement de notre pays.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre parcours professionnel ? Quelle a été votre plus belle satisfaction depuis que vous êtes directeur général de la SIR ?

Nous avons tous des ambitions mais la chose la plus importante c'est le travail. La seule façon d'arriver à la tête d'une entreprise c'est le travail et la disponibilité. J'ai fait un master en génie chimique au Canada et suis arrivé ici en 79. J'ai commencé à travailler à l'usine pendant 5 ans tous les jours de la semaine tout simplement parce que je me suis dit que la carrière de quelqu'un, on la fait les 5 premières années. Si on échoue dans ces premières années, on ne se rattrape plus. J'ai eu aussi la chance de travailler avec des gens qui m'ont appris le métier. J'ai eu la chance de faire beaucoup de stages à l'étranger, que ce soit en France, aux Etats Unis, Pays-Bas, Afrique du Sud. La chance dans ce pays, c'est qu'on vous donne l'occasion de vous exprimer et donc j'ai eu cette chance de m'exprimer et j'ai réussi par mon travail à monter petit à petit et je suis arrivé à la tête de cette entreprise. Mais je crois que le plus important, c'est vraiment le travail, la compétence et surtout la disponibilité.

Ma plus belle satisfaction est d'être le premier à avoir fait 10 milliards de bénéfice à la SIR. Cela ne s'était jamais produit. Au bout d'un an, j'ai fait 10 milliards de bénéfice et au-delà du bénéfice c'est d'avoir pensé un projet à partir de zéro. Le plan stratégique, c'est moi qui l'ai démarré. J'ai pris des gens, nous avons réfléchi, nous avons défini toute la stratégie, nous avons défini le plan d'investissement, nous avons fait des estimations de coût et nous avons proposé le dossier au conseil qui l'a accepté. Nous sommes entrain de chercher le financement et nous allons le réaliser. C'est un projet de 65 milliards de cfa. Je pense que si je réussi ce projet avant de partir, ce sera pour moi ma plus belle satisfaction.

Quel est le message final que vous souhaitez adresser à nos lecteurs ?

Vos lecteurs doivent savoir que la Côte d'Ivoire est un pays ouvert, un pays dans lequel nous avons besoin de toutes les personnes qui ont envie de bâtir quelque chose. Personnellement, je dirais que je souhaiterais que l'Afrique ne soit plus un continent où on a peur d'investir. L'Afrique doit être un continent debout, qui se prend en charge et le message que j'ai pour nos frères américains, c'est qu'ils peuvent venir ici car il y a de l'argent à gagner. La Côte d'Ivoire est propice pour cela. Dites aux américains de venir chez nous car ainsi, l'Afrique pourra un jour apporter sa contribution au développement international comme les Asiatiques l'ont fait en 25 ans.

 Read on 

© World INvestment NEws, 2000.
This is the electronic edition of the special country report on Côte d'Ivoire published in Forbes Global Magazine.
August 21th 2000 Issue.
Developed by AgenciaE.Tv