M. JEAN PAUL SARR.
LE MINISTRE DE LAGRICULTURE DES EAUX ET DES FORETS,
Q : La Guinée est un pays qui jouit dun énorme potentiel agricole, cependant ce potentiel est très peu développé à lheure actuelle. Comment pensez-vous favoriser le développement de ce secteur ?
R : Je vous remercie de lopportunité que vous moffrez de parler dun secteur vital de notre économie : lagriculture, un secteur auquel le Président de la République est très attaché, il a dailleurs été élu Président de la Chambre dAgriculture. Pour développer ce secteur, mon département a élaboré un programme en 3 axes :
- Premièrement, assurer la sécurité alimentaire de 80% de la population guinéenne qui vit de lagriculture.
- Deuxièmement, relancer lexportation agricole pour conforter la monnaie afin daméliorer notre balance et entamer un développement économique durable.
- Troisièmement, procéder à une gestion durable de la production en ménageant lenvironnement et les ressources naturelles pour une exploitation rationnelle.
Ce vaste programme est soutenu par 2 documents fondamentaux : le document Guinée Vision 2010 qui harmonise lensemble des opérations de développement de tous les secteurs et nous permet davoir une certaine cohérence dans lensemble des politiques que nous développons. Nous avons également réalisé une étude sur la pauvreté qui a révélé que 52% des pauvres sont du milieu rural, doù la nécessité de développer le secteur agricole si nous voulons juguler ce problème de pauvreté.
De cette nécessité nous avons élaboré une lettre de politique agricole qui a eu des résultats très encourageants de 1991 à 1995. Entre autres nous avons enregistré une production de 650.000 tonnes de riz. Cela couvre 60% des besoins de la population. Pour les tubercules, le maïs et le fonio, la production est de 100.000 à 200.000 T.
En matière dinfrastructure rurale, nous avons pu réaliser jusquà 5600 km de pistes rurales qui permettent de désenclaver les grandes zones de production. Nous avons également aménagé des plaines et des bas-fonds pour la maîtrise de leau et pour une production en toutes saisons. Je dois rappeler que nous avons en Guinée près de 6M dhectares cultivables, dont 1/3 seulement est mis en valeur. Notre lettre de politique agricole, dans sa phase 2, mentionne louverture de lagriculture aux investissements privés marquant ainsi notre volonté de passer rapidement dune agriculture de subsistance à une agriculture de marché. Nous réitérons donc notre appel aux partenaires au développement pour quils suivent lexemple des Chinois et des Malais qui ont investi dans la production de riz. 1000H à Koba pour les premiers soit une production de 30000 a 50000 T de riz en toutes saisons et pour les seconds 1200H de terre. Ils ont à leur actif des rizeries, des usines de sac et bien dautres infrastructures. Létat nayant donné que les terres. Nous espérons quavec linstallation de ces grands fermiers, de grandes surfaces seront cultivées et nous espérons également que les petits exploitants bénéficieront dun transfert de technologie.
Nous comptons atteindre le taux de suffisance alimentaire dans les 5 ans à venir par une production qualitative grâce à la recherche et le développement. Nous voulons améliorer le site végétatif des spéculations telles que le riz dont le temps de production a été ramené de 7 à 3 mois, ce qui permet davoir 2 à 3 récoltes par an. Si par ailleurs la productivité était de 500/800 Kg par Ha, aujourdhui nous avons 3 à 4 T par Ha. Ces résultats augurent des perspectives heureuses pour 80% de la population dont le revenu pourrait connaître une amélioration.
Q : Quelles ont été les différents projets dinvestissement dans votre secteur et tout particulièrement concernant les investisseurs américains lors du forum des investisseurs qui vient de se tenir à Conakry ?
R. En marge du forum, jai reçu un groupe américain du nom de Dayton, ils sont venus prendre contact avec les producteurs guinéens.
Nous avons été encouragés à renouveler ce genre de rencontres. En effet, au cours de ce forum, de nombreuses lettres dintention ont été signées, nous espérons que le suivi sera assuré. Pour notre part, nous ne ménagerons aucun effort pour que dautres investisseurs emboîtent le pas aux Malais et aux Chinois dans un secteur vital comme lagriculture.
Q : Le bilan commerciale est déficitaire en Guinée, comment pensez-vous y remédier ?
R : Comme je lai dit plus haut, lune des missions assignées à mon département est la relance de lexploitation agricole. Pour cela nous avons des cultures spéculatives cibles, de très bonne qualité et à bon prix, qui pourraient pénétrer le très difficile marché US. Je pense à lananas principalement, au Quint qui est un fruit très succulent, pas très gros et qui mûrit au soleil. Il faut aussi relancer la production de bananes qui jadis se vendait bien. Les melons et les courges qui sont déjà exportés aux USA par un privé basé à Forecariah. De même que les papayes solo.
Le citron, le poivre (africain) et lhuile de palme pourraient bien se vendre sur le marché US et européen.
Q : Projetez-vous de développer lagro-industrie en Guinée ?
R : Je suis ravi que vous ayez posé cette question. Jallais en parler car il est essentiel que nous passions de la production de produits primaires à la production de produits finis et semi-finis, ce qui créera de la valeur ajoutée et par conséquent des emplois. Dailleurs, nous avons beaucoup parlé dagro-industrie au Forum. Il faut faire en sorte que des agro-industries soient créées car aujourdhui une grande partie de la production agricole pourrit faute de moyens de transformation. Nous perdons 300.000T de mangues chaque année et cest inadmissible. Il est donc important que les partenaires au développement investissent dans lagro-industrie. Aussi bien pour la transformation des produits de crus que pour les bois duvre.
Q : Quels sont les plans du Gouvernement pour financer les projets agricoles ?
R : Ce problème assez sérieux préoccupe notre gouvernement. Comment arriver à financer lagriculture ?
Pour le moment nous ne disposons pas des moyens quil faut pour financer lagriculture par loctroi de crédits car, comme vous avez pu le constater, nous navons que des banques commerciales, pas de banques de développement. Pour parer à ces lacunes nous avons tenté de nouvelles approches : le crédit rural et le crédit mutuel. Le premier a eu de bons résultats alors que le second a eu des difficultés car inadapté aux réalités locales.
Vous savez, le crédit tel quil se pratique en occident accroche difficilement chez nous pour une question de murs et de tradition. Il faut donc des crédits adaptés à nos conditions. Cest pourquoi des réflexions sont en train dêtre menées dans ce sens afin de permettre à la masse paysanne davoir accès au crédit.
En attendant, le gouvernement procède à des projets de développement agricole dans lesquels les partenaires au développement (Banque Mondiale, Agence Française de Développement, USAID ) interviennent pour nous aider. Nous essayons ainsi dapporter aux paysans ce qui leur manque en aménageant leurs terres, en leur apportant des semences améliorées.
Q: Quelle est votre message pour attirer les investisseurs américains ?
R : Que les américains viennent tenter lexpérience chez nous ! En Guinée, les conditions climatiques et la nature du sol sont favorables à lagriculture. Avec peu defforts et peu de fertilisants, vous pourriez rentabiliser votre plantation. En termes économiques, pour chaque dollar investi vous pourriez avoir 10 a 15 Us dollar. Je dirais donc aux investisseurs de venir dabord en Guinée, de voir ensuite ce quil y a lieu de faire et de comparer enfin. Nous avons entrepris de nombreux efforts pour rendre lenvironnement économique très incitatif. Entre autres, nous avons pris suffisamment de réglementation. Nous sommes aussi en train de régler le problème crucial de lénergie à bon marche Garafiri (fameux barrage) est prévu pour Sept 99. Petit à petit, nous nous dotons de voies de communication performantes et notre pays reste lié au reste du monde par de puissants moyens de télécommunication à la pointe du progrès. A cela sajoutent la stabilité politique et la paix sociale qui règnent malgré les soubresauts dans les pays voisins.