Strategy Interview de
M. Ibrahima Bah,
Directeur Général
Q: Pourriez-vous nous faire un bref rappel historique de votre société ?
R: La SBK est une entreprise dont lhistoire est essentiellement liée à celle du pays. Lorsque la Guinée a accédé à lindépendance en 1958, elle était confrontée à des problèmes financiers. Pour que le jeune Etat survive, il fallait laide de lextérieur. Parmi les pays qui ont volé au secours de la jeune Guinée figurait lURSS, avec laquelle la Guinée a lié de solides relations damitié, notamment dans le domaine de la recherche et du développement minier. Laction a porté surtout sur les gisements de bauxite de la région de Kindia dont certains avaient été découverts bien avant lindépendance.
Dans le cadre de la coopération naissante avec lURSS, nous avons entrepris un plan de cartographie géologique et de prospection des gîtes minéraux. Au cours de lexécution de ce programme, nous avons découvert dans la région de Kindia -en plus des gisements existants-un gisement méconnu jusqualors : il sagit du gisement de Débélé qui, de par son importance, a servi de tremplin à la consolidation des relations commerciales entre la jeune Guinée et lURSS.
Après avoir prospecté ce gisement en détail, le Gouvernement a décidé de passer à sa mise en valeur. Cest ainsi que fut décidée la création, en 1969, de lOffice des Bauxites de Kindia, avec toute linfrastructure nécessaire à lexploitation de la bauxite. En 1974, lOBK est officiellement lancée avec pour objectif essentiel lexploitation dans une première étape du gisement de Débélé ; un gisement qui sest révélé digne dintérêt et donc dinvestissement.
A travers lexploitation de ces gisements, nous visions premièrement à amortir les dettes contractées vis-à-vis de lURSS, deuxièmement à permettre à la Guinée dacheter des biens de consommation dans les pays dEurope de lEst dans le cadre daccords de clearing, et troisièmement à vendre le reste de la production sur le marché international pour financer lachat de biens de première nécessité que nous ne pouvions nous procurer à lEst. Aujourdhui nous pouvons dire - sans risque de nous tromper- que lOBK a très bien fonctionné, il a dailleurs atteint lun de ses objectifs, à savoir lamortissement des investissements et le remboursement des dettes contractées auprès de lunion soviétique pour sa mise en place.
En 1993, à la faveur de lorientation libérale de léconomie guinéenne, lOBK a changé de statut pour devenir une société anonyme à participation publique : la SBK ou Société des Bauxites de Kindia est entièrement autonome. Aujourdhui notre ambition est den faire une société mixte ou à 100% privée, lobjectif de lEtat étant de se désengager entièrement ou partiellement des activités de production pour permettre lémergence dun secteur privé très compétitif et capable de nous hisser au niveau international.
Q: Avez-vous des clients ailleurs quen ex URSS ?
R: Je tiens à préciser que notre production est essentiellement destinée à la raffinerie de Nikolaev basée en Ukraine. Cette usine qui produit 1 million de tonnes dalumine a été conçue pour traîter de la bauxite de Kindia et de Yougoslavie à hauteur de 75% et 25% respectivement.
Q: Comment la dislocation de lURSS a-t-elle affecté votre entreprise ?
R: La dislocation du bloc soviétique a indéniablement affecté le fonctionnement de lentreprise. Lorsque Nikolaev a changé de mains pour passer à lUkraine nous nous sommes vus confronté à un problème dapprovisionnement en pièces et autre matériel déquipement. Nous avons parallèlement perdu les facilités commerciales qui nous liaient à lURSS dans le cadre des accords de troc. Aujourdhui, la plupart des organismes qui traitaient avec nous dans le cadre de laccord de troc ont disparu ou ont changé de statut à la faveur des changements dorientation politique. Malgré tout, nous continuons fort heureusement à livrer de la bauxite à lusine de Nikolaev mais en deçà de nos potentialités à cause du vieillissement de nos installations dont nous devons envisager la rénovation dans les plus brefs délais si nous voulons continuer à exister.
Q: Ne croyez-vous pas que vous prenez des risques en vous agrippant à un seul marché ?
R: Dun coté il y a un risque et de lautre un avantage. Lavantage, cest que nous avons un marché garanti par un contrat nous liant à lUkraine pendant encore au moins une dizaine dannées. Il est vrai que lidéal serait de diversifier la clientèle et cest à cela que nous nous sommes attelés depuis quelques années. Dans cette optique, des études ont été menées aux frais de lentreprise par divers groupes de consultants pour voir quelles sont les raffineries qui, à travers le monde, seraient capables de consommer la bauxite de la SBK, une bauxite faible en silice réactive et en monohydrate. A lissue de ces études, 10 raffineries -parmi lesquelles celles de Corpus Christy au Texas, Vaudreuil au Canada, St Cyprian en Espane- ont été identifiées comme des usines capables de traiter cette bauxite avec profit.
Q: Doù provient votre matériel ?
R: Dans une entreprise minière comme la nôtre, il faut distinguer linfrastructure de base qui est fixe et léquipement minier. Chez nous le matériel est essentiellement dorigine russe : du concasseur au chemin de fer en passant par la cité, les centrales électriques, les locomotives et les wagons, le matériel dentretien, les engins de chargement, de terrassement et de transport, la mécanique de précision et les installations de communication. Mais nous avons aussi du matériel dorigine japonaise installé au port : ce sont le stacker, le reclaymer, le shiploader, et lensemble des convoyeurs à bandes.
Depuis deux ou trois ans, nous avons expérimenté du matériel américain de chez Caterpillar sans succès parce que premièrement notre personnel nest pas familiarisé avec ce type dengins et deuxièmement nous manquons cruellement de pièces de rechange et aucun service après vente ne nous lie à Caterpillar. Nous rencontrons actuellement de sérieux problèmes dans la maintenance de nos installations.
Du temps de la coopération avec lex URSS il nous était beaucoup plus facile davoir des pièces de rechange.
Q: Envisagez-vous la privatisation de la SBK ?
R: Vous faites bien de poser cette question. La SBK a été créée pour être rentable et compétitive dans lindustrie de la bauxite. Pour parvenir à cet objectif, la privatisation de lentreprise simpose et nous avons donc entrepris depuis deux ans un programme de restructuration de la société. Ce programme a conduit à des études dont les recommandations sont claires, à savoir la réduction des coûts de production très élevés de lentreprise ou par le biais dune diminution de la main duvre, de la consommation de matières premières et par le désengagement de la société des activités périphériques non liées directement à la production. En agissant sur ces paramètres, nous espérons pouvoir maîtriser le coût et avoir des investissements privés afin de réaliser notre objectif majeur qui est celui de devenir une entreprise industrielle au sens réel du terme. A lheure actuelle, la Warburg Dillon Reed, banque anglo-helvétique, mène une étude de restructuration de lentreprise dans le cadre du projet de développement du secteur minier guinéen financé par la banque mondiale. Les conclusions de cette étude nous parviendront avant la fin de lannée.
A la fin de la restructuration, nous espérons rehausser notre crédibilité et attirer des capitaux pour une exploitation plus rentable des gisements de Kindia. Nous escomptons même une implication de lusine de Nikolaev dans le future.
Q: Pouvez-vous nous donner quelques chiffres sur votre entreprise ?
R: A la création de lOBK en 1970, la réserve prouvée de bauxite dans la région était de 110 millions de tonnes, dont 43 millions à Débélé où furent créées les installations minières. Débélé étant aujourdhui en voie dépuisement, nous allons nous tourner vers les gisements environnants qui ont des réserves pouvant faire tourner la société pendant encore un quart de siècle au moins.
La capacité installée de lentreprise est de 3 millions de tonnes par an mais la production réelle oscille entre 2 et 2,5 millions de tonnes par an, avec un effectif de 1400 travailleurs. Cela représente à peu près 25 millions de dollars US de chiffre daffaire.
Notre mine est reliée sur 100 km au port de Conakry par un chemin de fer qui est la propriété de la SBK et reste le plus performant du pays.
Q: Avez-vous un message pour les investisseurs américains ?
R: Aux investisseurs américains je dirais ceci ; la SBK est une société mal connue sur le plan international mais elle mérite dêtre visitée, dêtre connue parce quelle a le potentiel quil faut pour devenir une véritable société minière comparable à celles quon connaît ailleurs dans le monde. Elle en a les atouts : linfrastructure, les hommes, les gisements de bauxite à moins de 100 km de la côte. Le minerai quon y exploite a une faible teneur en silice et en monohydrate ; ce qui en fait un produit particulièrement adapté aux usines travaillant à basse température, un avantage certain à lheure actuelle dans lindustrie de lalumine.
La société des bauxites de Kindia sest également engagée dans une vaste restructuration pour attirer linvestissement privé étranger qui en fera une société rentable, performante.
Nous attendons donc les investisseurs américains qui sont parmi les plus gros producteurs et les plus gros consommateurs daluminium au monde.