MADAGASCAR
A thousand hills & thousand of wills

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V.I.P. INTERVIEWS
Mr Hafez Ghanem

Interview de:

M. RAVELO ARIJAONA
Ministre de l'Agriculture

Flag of Trinidad Tobago
Pourriez-vous nous donner une vision globale de l'agriculture à Madagascar ? 

Comme dans tous les pays en voie de développement, 80 % de la population malgache vit en milieu rural. Madagascar vaste de 587 000 km2 dont seulement 5 % sont cultivés offre un énorme potentiel en superficie avec plus de 9 millions d'hectares cultivables. La population y est inégalement répartie avec une très forte densité sur les hauts plateaux notamment à Fianarantsoa et Antananarivo comparés aux autres provinces côtières qui pourtant concentrent les grandes exploitations. Sur les hauts plateaux, la taille moyenne des exploitations est de moins de 1 ha, entre 0,60 à 0,80 ha.

L'agriculture qui représente 70 % de la population active contribue à 80 % de l'exportation et à 33 % du PIB. Elle fournit la majeure partie des matières premières des autres secteurs.

La diversité climatique du Nord au Sud, de l'Ouest à l'Est et au centre est un atout pour la Grande Ile. Climat tempéré qui permet la culture de blé et de pomme de terre, climat tropical de type humide sur la côte Est, climat tropical de type sec sur la côte Ouest et au Sud.

De plus, elle est arrosée par un grand nombre de fleuves et de rivières. Madagascar est le second pays d'Afrique le mieux irrigué après le Soudan. Les périmètres dotés d'un réseau d'irrigation moderne (canaux, barrages,) s'étendent sur 300 000 ha, avec les réseaux traditionnels les chiffres peuvent aller jusqu'à 800 000 ha.

On s'adonne à la culture traditionnelle d'exportation comme le café, la vanille, le girofle et aux cultures vivrières dont le riz principal aliment du malgache qu'il consomme trois fois par jour. Si auparavant un Malgache consommait 120kg/an, aujourd'hui il n'en consomme plus que 100 kg.  

L'agriculture Malgache a fait figure de précurseur du Bio, qu' est-ce qui a motivé cette orientation ? 

Madagascar est vaste et pauvre. Les engrais chimiques coûtent chers et pourtant, dans notre approche nous recommandons, entre autres, l'emploi d'engrais, l'amendement du sol si bien que Madagascar est devenu naturellement un pays à vocation bio. Normalement, il faudrait 300 t d'engrais par hectare mais compte tenu de son prix hors de portée de la bourse des paysans  on utilise, au maximum, 20 tonnes à l'hectare. On revient aux techniques simples, aux engrais organiques tout en privilégiant les variétés adaptées au sol et en respectant le calendrier cultural. 

Quels sont les atouts et les faiblesses de l'agriculture malgache ? 

Comme atout, le taux démographique de 2,8 % pour un pays de 15 millions d'habitants comme le nôtre. Vu la superficie, si on arrive à couvrir tout le pays ce serait un atout considérable. Nos paysans sont assidus et travaillent comme les Asiatiques notamment sur les hauts plateaux. Nos vastes superficies et les conditions climatiques favorables à de nombreux types de culture sont d'énormes potentialités pour le pays.

Avec la pauvreté dans laquelle elle se débat, la population Malgache est très motivée. Ainsi, un des principaux thèmes de notre politique est la professionnalisation des paysans. Les 400 organisations paysannes ainsi que la mise en place de la micro-finance et du crédit rural constituent un grand espoir pour  notre agriculture.

Le fait que nous ayons accès à des marchés de proximité comme Maurice, l'Afrique du Sud ou à d'autres plus vastes comme ceux  de la Comesa, de la COI ou du Sadec sont également des atouts. 

Et quels sont les problèmes auxquels vous devez faire face? 

Ce sont principalement la communication, les routes, les pistes rurales. En matière de production rizicole, si le seuil d'équilibre de consommation locale est de 2 400 000 t on arrive actuellement à 2 600 000 t. Mais avec le problème des infrastructures notamment des routes on a du mal à évacuer les produits, à les acheminer vers les grandes zones de consommation si bien qu'on est obligé d'en importer. Antananarivo, par exemple, ne peut pas miser sur le riz de Bealalana, au Nord de Mahajanga car pour relier ces deux localités, il faut, au moins, deux jours si on voyage sans bagages.

Nous sommes conscients de l'ampleur de ce problème qui handicape l'agriculture. Au niveau du gouvernement, nous nous efforçons donc d'agencer et de rendre plus cohérentes toutes les actions des divers départements. Ainsi, le ministère des Travaux Publics discute avec nous lors de l'élaboration de son programme. Ce n'était pas comme cela auparavant.

Quelles que soient les techniques que l'on souhaite vulgariser, si on n'arrive pas à évacuer les produits si on n'est pas en mesure d'accéder aux informations sur le secteur, on revient toujours à la case départ.

50 % seulement des paysans qui représentent 80 % de la population savent lire, ce qui nécessite une politique spéciale. D'ailleurs la santé et l'éducation figurent parmi les priorités du gouvernement.

71 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui aggrave encore la situation. Ainsi, actuellement toutes les politiques convergent vers l'agriculture, le paysan. On parle maintenant de développement rural qui englobe la production, l'éducation, la santé, les infrastructures, la communication. La lutte contre la pauvreté doit partir de la base et donner à ces paysans tous les atouts.

La libéralisation de l'économie et le désengagement de l'État sont très difficiles à comprendre notamment pour la population pauvre. Pourtant il faut qu'elle participe. De même que les paysans doivent diriger leur propre développement.  

Comment se passe la collaboration avec les entités d'État impliquées dans le secteur (coton, vanille,...) dont certaines sont actuellement en cours de privatisation ? 

L'État n'intervient plus directement dans la filière vanille. Il essaie de reconstituer la filière en sensibilisant les opérateurs, les paysans producteurs à s'organiser. Le rôle de l'État se limite à trouver des financements qu'il confie à ces groupements qui s'organisent, se sensibilisent. Apparemment, les résultats sont positifs en dépit des quelques dérapages liés à la conjoncture. Le prix de la vanille verte à 100 000 Fmg/kg incite les gens qui n'ont jamais fait de la vanille à entrer dans la filière. Ce qui perturbe tout ce qui a été entrepris depuis.

En réalité, je pense que la privatisation est une bonne politique. Il faut donner au privé ce qui lui revient mais il faut qu'il sache ce qu'il veut exactement. A l'État d'animer et de mettre en place les infrastructures. C'est identique pour le café. Mais il faut reconnaître que la situation du café est grave

On a un Comité national de commerce du café qui sert d'interface entre les opérateurs et les producteurs, qui joue un peu le rôle de l'État. Mais, avec la conjoncture actuelle, on sensibilise les producteurs sur la nécessité de redynamiser la filière, de régénérer toute la culture caféière (recepage, introduction de nouveaux plants, etc). Cette régénération prendra cinq ans. Nous verrons au bout de cette période si la situation économique mondiale a évolué.

Cette année a été très prospère pour le girofle. La hausse du cours a profité à la population du Sud Est de la Grande Ile même si ce n'est qu'une culture naturelle, artisanale, loin d'être industrielle. 
Et en ce qui concerne le coton ? 

C'est pareil. Tout est lié aux fluctuations du cours sur le marché mondial. On a deux zones cotonnières: la partie Nord qui comprend Bealalana, Befandriana, Ambilobe, Antsiranana et Mahajanga pour les fibres longues et la partie Sud avec Toliary pour les fibres courtes. Jusqu'à maintenant, ça marche bien. On assiste les paysans dans la culture du coton, on leur donne les semences, les engrais et les pesticides que l'on défalque après sur leur compte à la Hasyma. Cette société est une des rares entreprises d'État qui fonctionnent encore normalement. On envisage sa privatisation. Heureusement que la CFDT est là. Cette société française qui détient 37 % des actions a toujours été présente dans la filière coton malgache.  

D'autres entités agricoles seront-elles aussi privatisées ? 

Auparavant, toutes les sociétés du secteur agro-industrie étaient rattachées au ministère de l'Agriculture mais maintenant, elles sont toutes sous la tutelle du ministère de l'Industrie, c'est le cas des unités sucrières de Mahajanga, de Morondava et de Brickaville.

Il n'y a donc que le coton et le tabac pour mon département. Pour le tabac, on a un office national qui n'est pas tellement une société mais plutôt un monopole d'État.  

Quelle est la stratégie mise en place pour que les petits producteurs puissent faire face aux fluctuations des prix sur le marché mondial ? 

Le premier objectif du ministère est de regrouper les paysans afin de bien organiser les débouchés, les besoins en intrants dans leur production. Il faut du temps pour y arriver. On a environ 1,5 millions d'exploitants à Madagascar qu'il faudrait grouper selon leur type de spéculation. On produit par exemple des tonnes de pomme de terre mais on a du mal à trouver des débouchés, à recourir aux engrais. Ils ne sont pas encore conscients qu'en se regroupant ils peuvent obtenir, entre autres, des prix préférentiels pour les intrants.

Il en est de même pour les exportateurs classiques qui doivent également se regrouper ne serait-ce que pour accéder aux informations.

De nombreux problèmes restent à résoudre mais la base reste l'organisation paysanne. On a mis en place deux maisons de paysans à Antsirabe et à Toliary qui fonctionnent bien. 

Quelles opportunités mettriez-vous en avant pour les investisseurs étrangers ? 

Qu'ils viennent pour faire le constat des lieux. Tout est possible à Madagascar, qu'ils nous aident à organiser les paysans en disant "Moi, en tant qu'investisseur j'ai besoin de 40 000t de pommes de terre". Ainsi, il sera plus facile de sensibiliser les paysans, d'orienter les actions. Si par contre, ils souhaitent vraiment produire ici qu'ils s'associent avec les paysans. C'est encore un peu difficile car je n'arrive pas encore à mettre en place les réserves foncières agricoles comme les réserves foncières touristiques. C'est un projet futur, à partir peut-être de 2002, de 2003. Nous allons les délimiter surtout dans la partie Ouest de Madagascar entre Morondava et Tolaira par exemple, où il est facile de trouver 10 000 ha voire 20 000 ha.

Certes, il faudrait encore faire face à la mentalité des Malgaches qui consentent difficilement à céder leurs terres à des étrangers. Une des raisons pour laquelle nous recourons encore au système du bail emphytéotique de 9 à  50 ans selon le cas.

Tout le système de l'économie malgache a été amendé afin de faciliter l'arrivée des investisseurs étrangers. Des réformes ont été entreprises au niveau des douanes, de la justice 

Quelle est la place de Madagascar dans la région ? 

Le seul pays que nous craignons est l'Afrique du Sud. J'admire la réussite économique de l'Ile Maurice mais c'est un petit pays donc sa croissance est assez limitée. Madagascar c'est l'avenir de la Réunion, de Maurice, de toute l'Afrique de l'Est. 

Quel est le défi que vous aimeriez relever au sein de votre ministère ? 

Notre défi est la lutte contre la pauvreté, ce qui m'oblige à collaborer avec mes collègues des autres ministères.

Personnellement, je dois penser aux revenus de mes paysans. Avec un rendement de 5 t/ha à 1 000 Fmg le kilo de paddy, on a un chiffre d'affaires de 5 millions Fmg par hectare. Ce qui est maigre. Il faut que j'arrive à créer des activités génératrices de revenus pour eux. Nous venons de mettre en place avec la Banque mondiale un programme d'un montant de 100 millions de dollars sur 5 ans dénommé "Soutien au développement rural" qui couvre de nombreux domaines allant de la production, à la productivité en passant par toutes les activités annexes pour les femmes, les jeunes, l'artisanat, l'élevage, la pêche, bref tout ce qu'on peut faire en milieu rural.

Avec la libéralisation de l'économie, il n'appartient plus au ministère de l'Agriculture de produire, son rôle se limite à créer un environnement incitatif. Il revient aux paysans de se prendre en main en participant à l'élaboration des programmes de développement au niveau de leur commune. Nous prônons l'approche participative. Nous avons 1 400 communes qui agro-écologiquement sont réparties en vingt régions qui ont chacune un plan régional de développement rural.

La réussite de ce projet est un défi vis à vis de notre partenaire financier, la Banque mondiale. 100 millions de dollars sur 5 ans c'est 600 milliards Fmg soit 120 milliards Fmg/an ou 10 milliards Fmg/mois pour les 1 400 communes. C'est peu et c'est pourquoi les gens sont appelés à participer à hauteur de 15 % des investissements envisagés.

Ce programme a débuté il y a deux ans et à force de sensibilisation les paysans sont de plus en plus motivés. 

Avez-vous un message final pour nos lecteurs?

L'agriculture est un secteur très important de l'économie malgache. J'espère que d'ici 5 ans,10 ans ce secteur assurera 15 % voire 20 % de notre PIB.

Il faut évoluer en productivité et à terme développer l'agro-industrie, réduire progressivement l'aspect rural. Comme les autres courent plus vite que nous, il faut industrialiser l'agriculture et se détacher de ce système agricole artisanal. C'est pourquoi, je lance un appel aux investisseurs pour qu'ils viennent à Madagascar. Les Malagches sont sympathiques et de vrais travailleurs et on suit convenablement le cours de la mondialisation.


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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on Madagascar published in Far Eastern Economic Review.  March 28 th, 2002 Issue.
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