ALGERIA
la Nouvelle Generation


V.I.P. INTERVIEWS
Mr Benflis, chef du gouvernement de la République Démocratique et Populaire Algérienne

REPONSES DE MONSIEUR LE CHEF DU GOUVERNEMENT A LA REVUE "FAR EASTERN ECONOMIC REVIEW"
Q1- Pouvez vous nous dresser un bilan général de votre politique de réformes après ces trois dernières années. Quels ont été les objectifs atteints et sur quels points accusez-vous un certain retard ?

R1- En réponse à votre question, je voudrais d'abord souligner que le processus de réformes économique a été initié en Algérie dès 1988, dans le souci d'aboutir à une meilleure intégration de l'économie algérienne à l'économie mondiale.

Ce processus a connu une impulsion certaine avec l'élection du Président Abdelaziz BOUTEFLIKA, en Avril 1999, ce qui a permis de réaliser une plus grande ouverture de l'économie algérienne sur l'environnement international et s'est matérialisé par une importance de plus en plus accrue du secteur privé et une transition progressive mais résolue d'un Etat interventionniste vers un Etat assumant les fonctions de régulation et d'organisation.

Par ailleurs, tout observateur averti de la vie économique algérienne peut témoigner de l'apparition ces dernières années de la culture de l'entreprise, ainsi qu'une nouvelle génération de managers qui sont résolus à imposer le produit algérien dans les circuits commerciaux mondiaux et qui sont convaincus qui n'y a point de salut dans les politiques qui prônent l'autarcie et le repli sur soi. Cette mutation constitue de mon point de vue un précieux acquis et le meilleur garant de la pérennité du processus de réformes.

Si on doit parler des objectifs atteints, il suffit de rappeler que les entreprises publiques ne sont plus soumises à l'injonction administrative et obéissent totalement à la loi du marché, que le marché national est tout vers la concurrence, que tous les monopoles d'Etat ont été abolis, que le commerce extérieur est totalement libre et que le champ de l'investissement est ouvert sans exclusif au capital privé, national et étranger.

Vous abordez la question des insuffisances et des retards enregistrés, et vous le faites à juste titre, car certains segments de l'économie algérienne connaissent une évolution plus lente et n'arrivent toujours pas à se mettre au diapason des évolutions rapides qu'impose la nouvelle économie mondiale.

C'est le cas, notamment, du secteur financier, et de celui des services d'une manière générale. La mise en œuvre de ce qui est communément appelé " la deuxième génération des réformes ", qui constitue le point central du programme économique du gouvernement permettra de pallier ces retards, et je peux vous affirmer que pour le secteur financier par exemple l'année 2003 sera une année déterminante et décisive sur la voie de sa modernisation.

Dois-je, également, rappeler que mon pays a entreprit ses réformes économiques, à travers notamment, un programme d'ajustement structurel draconien, dans une situation sociale et sécuritaire complexe et difficile, mais notre détermination et notre foi dans la nécessité de ces réformes nous ont permis de réaliser de nombreux acquis sur cette voie et ils nous permettront à l'avenir d'assurer la fin de la période de transition vers l'économie de marché.

Q2- Nous venons d'assister à la formation du nouveau gouvernement et à la mise en place de votre plan directeur pour les prochaines années, pouvez-vous nous en commenter les grands axes ?

R2- Le programme du nouveau gouvernement adopté récemment par le Parlement tire sa substance du programme de Monsieur le Président de la République qui lui même s'articule autour de deux axes fondamentaux, le premier étant l'approfondissement du processus de réformes économiques, alors que le second porte sur la modernisation du fonctionnement des différentes structures de l'Etat afin de les rendre plus aptes à répondre aux aspirations des citoyens à une meilleures gouvernance, à plus de liberté, de démocratie et à une meilleure répartition de la richesse nationale.

L'action du gouvernement s'inscrit naturellement dans ce cadre et vise en dernier ressort à conforter la notion de citoyenneté par la promotion des libertés individuelles et collectives et à faire renouer l'économie algérienne avec le cercle vertueux de la croissance et du développement.

Q3- Le climat social en Algérie, dont la pénurie de logements et les taux de chômage important sont les principaux points, est une priorité de votre gouvernement, quelles sont les mesures prises pour faire face à ce phénomène ?

R3- L'action de libéralisation de l'économie poursuivie par le gouvernement ne signifie nullement que celui-ci se désengage de la sphère sociale qui constitue une priorité de l'action gouvernementale.

A ce propos, permettez moi de vous faire part d'une profonde conviction personnelle qui consiste dans le fait de considérer toutes les mesures d'aide sociale et de soutien de l'Etat comme des initiatives nécessaires pour rendre le quotidien des couches les plus défavorisées plus clément mais de considérer en même temps que seule la croissance qui crée la richesse et l'emploi permet une amélioration durable et effective des conditions de vie des citoyens.

Vous avez cité dans votre question le problème du logement qui se pose avec une acuité particulière dans mon pays. Pendant des décennies, nous avons considérés que l'ensemble des citoyens était éligible au logement social, financé sur le budget de l'Etat.

Cette approche a eu pour conséquence d'une part, de discréditer les différentes structures de l'Etat en charge de cette question, car la population considère que celles-ci n'ont pas assumé convenablement leur " mission distributive ", et d'autre part, n'a fait qu'augmenter le déficit en logement qui avoisine aujourd'hui le million d'unités, car les moyens de l'Etat ne peuvent faire face à une croissance continue de la demande dans ce domaine.

Depuis l'année dernière, le gouvernement a adopté une nouvelle approche qui part du constat de l'existence d'une demande solvable importante en matière de logements à travers l'opération de location-vente qui consiste à construire des logements par la contribution des bénéficiaires selon des formules de paiement avantageuses.

Pour la première fois en Algérie, le projet de construction de 20.000 logements lancé en 2002, dans le cadre de cette opération et qui sera suivi par un projet de 35.000 logements à partir de septembre prochain puis du lancement de la réalisation de 65.000 logements, a été financé sur une avance du trésor donc remboursable et les prochaines années verront le désengagement total du trésor public des opérations de construction de logements, sauf pour le logement social qui concernera des catégories bien ciblées de la population.

Ces nouvelles mesures ont créé une nouvelle dynamique dans le secteur, ce qui a suscité l'intérêt des investisseurs nationaux et étrangers et surtout redonne l'espoir à des milliers des familles algériennes de pouvoir acquérir un logement par l'épargne et non sur des critères qui laissaient une grande place au subjectivisme.

Parallèlement, une nouvelle loi sur la ville sera adoptée prochainement et permettra aux opérateurs nationaux et étrangers de participer à la modernisation de nos villes par l'acquisition de terrains bien situés, à charge pour eux de trouver un terrain d'entente avec les actuels occupants de ces quartiers vétustes en les relogeant dans de meilleurs conditions, ce qui leur permettra d'édifier des constructions modernes à grand rendement. C'est, également là, une nouvelle approche dans le règlement du problème de logement et de la politique de la ville d'une manière plus générale.

Q4- Vous avez nommé cinq femmes au sein de votre gouvernement, cela donne une image moderne de votre pays au niveau international. Cependant le point crucial de la condition féminine en Algérie réside toujours dans la réforme du code de la famille qui ne semble pas évoluer, pouvez-vous nous en parler ?

R4- Le gouvernement nommé par Monsieur le Président de la République contient effectivement cinq femmes, et le Président de la République a nommé avant ce jour, des femmes à des fonctions qui étaient jusque là en Algérie exclusivement occupées par des hommes, tels que celles de Wali et d'Ambassadeur.

En tout état de cause, Je ne pense pas qu'il faille aborder la question de l'entrée de femmes au gouvernement sous l'angle du marketing politique.

La femme algérienne en tant que composante majoritaire au sein de la société se doit d'assumer un rôle conforme aux grandes potentialités que cette catégorie de la population recèle grâce à l'effort d'éducation et de formation engagé par l'Etat depuis l'indépendance.

Cela dit, je n'ignore pas les pesanteurs sociétales qui existent chez nous mais qui existent également dans les pays les plus développés et comme toutes les mutations profondes, il faut toujours, pour pouvoir les mener à bien, adopter des démarches graduelles qui permettent des avancées irréversibles, car le véritable enjeu est de mettre en place des politiques efficientes en matière d'éducation, de culture, de santé qui permettent à la société d'avoir naturellement une nouvelle approche du statut et du rôle de la femme en son sein.

Q5- En tant que Président du CPE pouvez-vous partager avec nous les dernières évolutions dans le domaine de la privatisation aujourd'hui ?

R5- La problématique de la privatisation est souvent abordée quand il s'agit de l'Algérie sous le prisme de la volonté des autorités algériennes de privatiser.

Je me dois de souligner que pour les autorités algériennes, l'option de privatisation ne découle pas d'une approche dogmatique, mais du souci de renforcer l'efficacité de l'outil de production national.

A ce titre, il n'y a pas de secteur exclu de la privatisation, et nous sommes plutôt dans l'attente des manifestations d'intérêt de la part des opérateurs nationaux et étrangers, car en définitive ce sont ces opérateurs qui détermineront le rythme et l'étendu des opérations de privatisation.

Q6- Pour le passage harmonieux d'une économie de rente à une économie de production, le développement des investissements hors hydrocarbures est un point crucial, quelles sont les mesures entreprises par votre gouvernement dans ce cadre ? pouvez-vous nous parler brièvement des prérogatives du CNI.

R6- La trop forte dépendance vis à vis des hydrocarbures constitue la plus grande vulnérabilité de l'économie algérienne. Aussi c'est naturellement que le gouvernement s'est assigné l'objectif de diversification de nos exportations.

Mais vous savez que cet objectif n'est pas facile à réaliser pour une économie qui a vécu pendant plus de trois décennies sous l'ère de la gestion centralisée et de l'autarcie, ce qui rend nécessaire la mise à niveau de nos entreprises pour qu'elles puissent produire des productions qui répondent aux normes universelles en matière de qualité et de sécurité, comme cela implique de réinvestir les circuits commerciaux internationaux, ce qui n'est pas chose aisée.

De ce point de vue, l'apport des investisseurs internationaux qui possèdent justement le savoir faire et qui maîtrisent les circuits commerciaux à l'échelle planétaire constitue une condition indispensable à la concrétisation de l'objectif de diversification de l'économie algérienne.

Des progrès ont certes été accomplis mais dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

Concernant le Conseil National de l'Investissement sa principale mission consiste à proposer des mesures à même d'augmenter l'attractivité de l'économie algérienne par rapport à l'investissement.

A ce titre, il constitue un des outils dont s'est doté l'Algérie pour faciliter l'accomplissement de l'acte d'investir.

Q7- On assiste aujourd'hui à un développement important du secteur privé algérien, comment le gouvernement intervient-il pour soutenir cette initiative ?

R7- Comme vous le faites remarquer le secteur privé en Algérie connaît une progression très importante puisqu'il participe à concurrence de plus de 60 % du PNB, et bien évidemment le gouvernement encourage cette tendance par la mise en place de nombreuses facilités en matière d'investissement par le biais de l'Agence Nationale du Développement de l'Investissement qui a institué le guichet unique et qui a maintenant des antennes régionales et qui octroie des avantages fiscaux et autres aux opérateurs privés qui souhaitent implanter des projets en Algérie qu'ils soient nationaux ou étrangers.

Le dispositif mis nouvellement en place peut ne pas encore être totalement opérationnel, pour notre part, nous veillerons d'une manière particulière à son bon fonctionnement.

Par ailleurs, le gouvernement s'attelle à régler les difficultés liées au statut du foncier industriel et au statut des terres agricoles, qui impulseront, encore davantage, le rôle du secteur privé.

Q8- Récemment la 7ème session de l'Union du Maghreb Arabe prévue en Algérie a été différée. Quelles sont les répercussions et quelle est votre position sur la place que doit tenir l'Algérie en son sein ?

R8- Pour l'Algérie l'édification de l'Union du Maghreb Arabe constitue un objectif stratégique qui par définition ne peut être affecté par les difficultés conjoncturelles et les divergences ponctuelles qui peuvent exister entre les pays de l'UMA.

La démarche de l'Algérie est également dictée par le fait que la tendance au regroupement et à la mise en synergie des potentialités est devenue une tendance universelle et une logique à laquelle le Maghreb ne peut longtemps échapper au risque de se marginaliser et de s'exclure de la nouvelle configuration géopolitique mondiale.

Quant à la place de l'Algérie dans l'ensemble maghrébin, un pays aspire à apporter sa contribution à la construction d'un édifice qui profite également à tous les pays membres.

Q9- Aujourd'hui on assiste à une ouverture de l'économie algérienne qui se manifeste notamment par les accords d'association avec l'UE et les négociations avec l'OMC. Pouvez vous nous commenter leurs premières répercussions pour l'économie algérienne ainsi que leurs perspectives.

R9- Je répondrais à votre question surtout en termes de perspectives car vous n'ignorez pas que l'accord d'association avec l'Union Européenne signé à Valence au mois d'avril dernier, n'entrera en vigueur qu'après sa ratification par le parlement algérien et par les parlements des Etats membres de l'Union et après l'écoulement d'une période dite de silence de deux années.

Pour ce qui est de l'Accession à l'OMC, les négociations progressent et nous sommes résolu à les faire aboutir.

Par conséquent, l'économie algérienne doit se préparer à affronter la concurrence qui se produira par l'effet de l'accord d'association et de l'accession à l'OMC, ce qui pose la problématique de la compétitivité de nos entreprises et de leur intégration à la division internationale du travail avec comme corollaire la nécessaire restructuration industrielle.

L'Algérie possède un riche tissu industriel, une main d'œuvre qualifiée et peu coûteuse, une position géographique à la croisée de l'orient et de l'occident et à la porte de l'Afrique, des potentialités touristiques considérables, autant d'atouts susceptibles de lui permettre de jouer un rôle plus actif sur la scène économique internationale, c'est toute la dimension du challenge que nous nous devons de relever.

Q10- Pouvez-vous nous commenter votre parcours professionnel et votre satisfaction personnelle la plus importante depuis votre nomination comme Chef du Gouvernement Algérien.

R10- J'ai consacré ma vie professionnelle à essayer de contribuer à la promotion des libertés individuelles et collectives dans mon pays en ma qualité d'avocat et de militant de la question des droits de l'homme et c'est par ce biais que j'ai été amené à exercer des responsabilités publiques, exercice que j'inscris toujours dans le respect des convictions et des principes de défense des libertés, de l'équité qui ont guidé mon engagement professionnel.

Si je dois privilégier un domaine pour exprimer une satisfaction particulière, je citerais l'organisation des élections législatives du 30 mai 2002, dont le caractère démocratique, transparent et régulier a été reconnu tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

Mai il reste que je conçois l'exercice de ma mission comme une grande responsabilité et la satisfaction que j'en tire est d'avoir la conviction de l'accomplir avec foi et abnégation au service d'un peuple et d'un pays dont je sais que les potentialités ne se sont pas totalement exprimées et qu'il y a place à toutes les initiatives.

Q11- Quel serait le message final que vous aimeriez adresser aux investisseurs internationaux qui voudraient investir sur le marché algérien ?

R11- Mon message à l'adresse des investisseurs internationaux se résumera à leur demander de bien observer le mouvement de l'Algérie vers la modernité et l'ouverture sur le monde et d'évaluer les potentialités que possède mon pays et les opportunités réelles qu'il offre aux investisseurs.

Il est vrai que l'Algérie est passée par une étape difficile mais elle est désormais engagée résolument sur la voie de la sortie définitive de la crise et ceux qui assureront leur présence sur le marché algérien à ce moment précis prendront sur leurs concurrents un avantage considérable.

Je ne sous estime pas le déficit d'image dont souffre mon pays et la meilleure stratégie de riposte à cette situation est d'inviter tous ceux qui s'intéressent au marché algérien à venir constater de visu l'évolution de l'Algérie, une Algérie désormais sur la voie de la modernité et du progrès et croire dans les potentialités de l'Algérie aujourd'hui, c'est faire un pari prometteur sur l'avenir.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv