ALGERIA
la Nouvelle Generation


V.I.P. INTERVIEWS
Interview avec

Monsieur Abdelwahid Bouabdallah
Président Directeur Général GROUPE COSIDER

1- Pourriez-vous nous présenter le groupe COSIDER ?

Le groupes COSIDER est organisé en un holding propriétaire de huit filiales d'intégrale importance. Parmi celles-ci, deux sont prépondérantes et sont réalisatrices dans le domaine du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique. Les autres filiales appuient les activités de ces deux premières, soit en leur fournissant des services et des matériaux, soit en leur procurant une partie du plan de charge. Une filiale est enfin spécialisée dans la mise en valeur, pour des tiers, de terres agricoles, participant ainsi à l'effort national de conquête de nouvelles superficies pour l'agriculture. Chacune des filiales est constituée en société par action, jouissant d'une très large autonomie de gestion et répondant de ses résultats financiers et de ses performances économiques. La synergie globale du groupe est assurée grâce à une particularité des statuts de ces filiales, qui réservent aux assemblées générales des prérogatives en matière de politique générale devant être mise en œuvre par chacune. Ainsi sont notamment gérés les investissements, la trésorerie, les achats groupés de matériel et de fournitures communs, les prestations communes telles que les assurances.

2- Pouvez-vous partager avec nous les principaux chiffres de votre compagnie; chiffre d'affaires, effectif…?

12 000 salariés, 16 milliards de DA de chiffre d'affaires annuel, 8 milliards de DA de valeur ajoutée, 4 milliards de DA d'éxédent brut d'exploitation sont les principaux chiffres qui caractérisent le groupe COSIER.

3- Depuis la création de l'entreprise jusqu'à présent, COSIDER a connu une expansion dans ses activités. Quels sont au juste vos domaines d'interventions? Lesquels considérez vous comme stratégiques?

A l'origine, COSIDER avait été créée pour répondre à la forte demande de travaux de génie civil pour l'industrie sidérurgique. D'où son nom. A cette époque, l'insuffisance de l'offre en matière de génie civil constituait la principale cause du retard dans la réalisation de tous les projets, quelle que soit leur nature. Depuis l'abandon du programme d'industrialisation, COSIDER s'est réorientée vers les grands travaux en tous genres et, plus particulièrement ceux des secteurs maintenus prioritaires que sont l'hydraulique, le transport des hydrocarbures, la construction de logements. Ces domaines constituent encore aujourd'hui des champs d'intervention stratégiques.

4- Quelles sont les entraves auxquelles le groupe fait actuellement face?

En tant qu'entreprises publiques du BTPH, les sociétés de COSIDER rencontrent trois difficultés majeures: la première provient du fait que les clients sont l'Etat ou des organismes qui en dépendent, c'est à dire tributaires des ressources décidées annuellement par la loi de finances. Or, s'agissant souvent de projets dont la réalisation s'étale sur plusieurs années, les fréquentes interruptions dans la disponibilité des crédits provoquent des arrêts de chantier, gênent considérablement la programmation des travaux et mobilisent inutilement des moyens de production. De surcroît, ils entraînent des retards de paiement qui exercent une très vive tension sur la trésorerie des entreprises. La seconde difficulté tient au fait que les donneurs d'ordre adoptent de plus en plus des critères de sélection qui défavorisent les entreprises algériennes, tel que le volume de trésorerie disponible, ou capacité de mobilisation de crédits extérieurs.
Le troisième handicap est constitué par l'interdiction faite aux entreprises publiques de réaliser de nouveaux investissements, même s'il ne s'agit que de renouvellement.
Cette interdiction s'étant estompée, ses conséquences perdurent puisqu'en général, quand bien même la liberté d'investir est donnée, les ressources ne sont pas toujours disponibles pour les raisons que je viens d'exposer.

5- Qu'en est-il de la concurrence des compagnies privées algériennes et étrangères, et quelles sont vos parts de marché?

Le secteur du BTPH en Algérie, à la différence des autres secteurs, est né et vit dans la concurrence. Comme je l'ai dit avant, pour les grands travaux, l'insuffisance quantitative et qualitative de l'offre nationale et internationale, COSIDER arrive à maintenir sa position de leader grâce à deux atouts majeurs: l'expérience de son potentiel humain, et ses moyens matériels adaptés. L'estimation des parts de marché est difficile à faire dans notre domaine d'activité marqué par de grandes fluctuations.

6- Peut on avoir de plus amples informations sur les projets importants confiés au groupe?

Le groupe COSIDER est impliqué dans la majorité des grands projets de génie civil du pays; que ce soit dans le domaine aéroportuaire civil et militaire, dans les travaux ferroviaires, dans la réalisation de souterrains, dans les travaux routiers, les travaux maritimes, les travaux hydrauliques, la pose de gazoducs et d'oléoducs, la construction d'ensembles immobiliers pour le logement, le commerce et les bureaux. Parmi les projets récemment réalisés ou en cours de réalisation, on pourra citer le métro d'Alger, le tunnel de Bouira, la galerie de Ziama, le port de pèche de Jijel, la protection du littoral de Bejaia, l'aéroport d'Oum Le Bouaghi, la nouvelle piste d'atterrissage de Ben Taiba à Ain Defla, l'assainissement de la ville de Tiaret, l'alimentation en eau potables des villes de Relizane, d'Oran, le gazoduc OZ2 de SONATRACH, la deviation du gazoduc GK1, l'usine Coca Cola de Skikda, la gare SNTF de Tizi Ouzou, les sièges sociaux de la CNAN et de SONATRACH, l'ensemble de 1100 logements de l'OPGI de Constantine, le centre des 1017 logements d'Ouled Fayet et de 1034 logements à Le Achour, deux hôpitaux militaires (Alger et Oran)

7- La politique sociale de COSIDER et ses principales relations dans ce domaine?

COSIDER et une grande entreprise mais malheureusement personne ne la connaissait réellement. Lorsqu'on l'a connu c'était lors de l'arrestation des cadres dirigeants. Il fallait détruire cette mauvaise image. Il y a eu beaucoup de lobbing de ma part et nous l'avons associée au mécénat considéré comme noble. Nous avons réalisé une maison pour les handicapés; une action qui consistait à réhabiliter tous les cimetières multiconfessionnels; un accord avec les associations d'handicapés pour réaliser certaines infrastructures. Nous avons également sponsorisé des manifestations culturelles tel que le lancement de certains peintres.

8- Pourriez vous nous donner un aperçu de votre démarche stratégique et vos perspectives en matière de partenariat?

COSIDER est elle même issue d'une société mixte associant l'entreprise algérienne de sidérurgie SNS à la firme danoise CHRISTIEN & NIELSEN qui est un opérateur privé. Elle est devenue propriété à 100% de l'Etat par le rachat des actions de son partenaire danois.
Dans ses activités ordinaires, elle constitue souvent avec des opérateurs privés nationaux et étrangers des groupements pour prendre en charge à titre conjoint et solidaire certaines réalisations importantes. Très souvent, elle recourt à la sous-traitance de travaux en les confiant à des entrepreneurs privés. Elle est même actionnaires dans diverses sociétés de droit algérien, constituées avec des entreprises privées et des particuliers. Des perspectives d'association de même nature sont actuellement en cours d'évaluation. COSIDER estime que la conjugaison des efforts et l'association des intérêts entre public et privé est nécessaire. Chez nous, l'osmose public-privé est une réalité tangible.
S'agissant de la démarche et des perspectives, notre ambition est de nouer des relations durables avec des partenaires ayant des perspectives à long terme. La dimension du marché intérieur algérien et sa solvabilité ouvrent de grandes perspectives de coopération dans la complémentarité des compétences et des moyens. COSIDER s'inscrit résolument dans cette voie afin de ne pas rater cette opportunité exceptionnelle

9- Pouvez vous partager avec nous votre vision sur le secteur des travaux publics et de la construction en Algérie, enjeux et développement à moyen et long terme?

L'Algérie prend de plus en plus conscience de la gravité du problème de l'eau et la priorité qui lui est accordée. Maintenant que le politique reconnaît l'urgence et la nécessité de réaliser des progrès significatifs dans le domaine et comme les ressources financières propres du pays ne sont pas nulles et que son crédit auprès des bailleurs de fonds n'est pas épuisé, la faisabilité de projets majeurs est une réalité que se soit au niveau du captage et du stockage, qu'au plan du traitement et de la distribution ou à celui de l'assainissement et de la récupération.

10- Le passage à l'économie de marché, contraintes et opportunités de ce processus pour l'Algérie.

On sait qu'aucun pays au monde ne s'est développé qu'en érigeant de solides protections douanières. C'est le cas des Etats Unis, celui des pays européens, du Japon ou de la Corée. Tous ces pays n'ont consenti à ouvrir leurs frontières aux produits et services étrangers qu'au cas par cas et en négociant très âprement. A ce jour, tous ces pays réservent encore des pans entiers de leurs économies à des producteurs ou prestataires locaux. Ils ont pu ainsi constituer puis renforcer progressivement leurs forces nationales en n'acceptant de leur faire affronter la concurrence internationale que dans un cadre limité d'abord puis très lentement élargi par la suite. Cette ouverture a été extrêmement lente puisqu'elle s'est étalée sur plus de cinquante ans pour les pays asiatiques, et davantage encore pour d'autres. En tout état de cause, elle n'a été effective qu'une fois ces pays assurés de bénéficier d'un avantage comparatif reconnu qui leur garantissent une indéniable position concurrentielle avantageuse.

L'Algérie, par contre, s'engage à pas forcé dans la mondialisation notamment par le biais de la suppression progressive des barrières douanières alors que la plupart de ses entreprises ne sont pas suffisamment préparées à affronter cette concurrence notamment dans le domaine de l'agriculture et de l'industrie.

11- Pourriez vous partager avec nous votre parcours professionnel ainsi que vos principales satisfactions au cours de celui ci?

Né en 1953 au Maroc, je ne suis rentré en Algérie qu'en 1968. Après une licence en mathématiques, j'ai obtenu un diplôme de chef de projet informatique qui m'a permis d'exercer la fonction de consultant en organisation et en informatique puis d'intégrer le ministère de l'hydraulique où j'ai gravi les différents échelons depuis le poste de chef de service jusqu'à celui de directeur central. Dans ce département ministériel je me suis principalement occupé de l'informatique de gestion chez les entreprises placées sous la tutelle de ce ministère ainsi que la création et de la gestion de bases de données y compris celles liées au traitement de l'imagerie satellitaire. En 1987, j'ai rejoint la Caisse d'Epargne et de Prévoyance (CNEP) pour y occuper successivement les postes de directeur du marketing, de conseiller du directeur général puis de directeur général. Mon passage à la CNEP a été marqué par l'élan donné à la liaison épargne-promotion immobilière qui a donné un essor formidable à l'épargne.
De 1994 à 1995, j'ai été appelé au cabinet du premier ministre qui m'avait nommé chargé de mission pour traiter les questions liées à l'habitat. De 1995 à 1997, j'ai dirigé l'Entreprise Nationale d'Edition et de Publicité (ANEP) en qualité de président directeur général. Mon passage à l'ANEP m'a permis de mesurer la dimension et les ressorts de la communication dans notre pays et de relever significativement les performances de l'entreprise en doublent le chiffre d'affaires et en multipliant par trois le résultat. En juin 1998, j'ai débuté ma fonction de président directeur général de la maison-mère du groupe COSIDER.

12- Quel serait votre message final à l'intention des investisseurs intéressés par le marché algérien?

A la différence de bon nombre de pays en voie de développement, l'Algérie possède un marché intérieur appréciable. Ses ressources en hydrocarbures lui procurent une relative aisance pour au moins quelques décennies à venir. C'est la raison pour laquelle la relance de son économie ne saurait suivre le même cheminement que celui emprunté par d'autres pays ne disposant pas d'une telle "rente". Par conséquent, deux choix s'offrent aux partenaires étrangers à l'Algérie: se cantonner dans le rôle de guetteurs d'opportunités à court terme pour capter une part de la rente pétrolière ou bien envisager des perspectives à long terme en s'engageant dans des projets communs majeurs auxquels, précisément, la rente pétrolière confère une faisabilité réelle et qui sont de nature à assurer une complémentarité durable.

13- Pouvez nous commenter la considération de COSIDER comme étant une entreprise citoyenne?

Nous estimions à l'époque qu'en procédant à certaines réalisations des régions du fond de l'Algérie nous pouvions nous rapprocher des citoyens. Par exemple lors de la réalisation du tunnel de Bouira qui est situé à proximité d'un village, nous avions réalisé avec notre partenaire turque une école que nous suivons actuellement. Nous avons réhabilité la citadelle d'Alger, chose qui a touché les algériens. C'est une dette envers notre ville et notre histoire. Les travaux en Algérie sont très liés a l'histoire, nous devons donc associer notre nom à cette restauration des monuments historiques.

14- Depuis votre prise de fonction en 1998 comme président général de COSIDER, celle ci a constaté une nette évolution sur tout le groupe au niveau des résultats, quelles sont les actions que vous avez entreprises pour obtenir ces résultats?

J'ai d'abord mis en confiance le capital humain qui était démobilisé par l'arrestation des cadres dirigeants et du harcèlement médiatique. J'ai ensuite amélioré les relations avec la banque, terminé la filialisation qui était mal engagée, recapitalisé l'entreprise, diminué le portefeuille des dettes et des créances. La plus grande satisfaction est la participation de l'Etat qui donne suite à une demande pressante de COSIDER, car COSIDER est dans cette situation par la faute de l'Etat qui a mal géré les injonctions de l'entreprise et l'état des paiements des factures. Mon action est un travail d'équipe. J'ai mis du temps à récupérer les gens compétents qui ont été mis à l'écart par les anciens dirigeants.

15- Allez vous quitter COSIDER?

Je fais partie du FLN, je suis sur la liste d'Alger. Ce parti hautement symbolique a été "rajeuni", nous voulons le récupérer car nous croyons au partie rassembleur. Si je suis numéro 4 sur la liste d'Alger qui compte 32 sièges, il est fort probable que je sois pris. Je voulais mettre ma compétence et mon expérience au service de l'Assemblée Nationale Populaire pour faire avancer les lois. Je pense donc devoir quitter COSIDER et espère laisser ma place à monsieur LAKHROUF pour me remplacer.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv