CONGO ( DRC)
paving the reconstruction












Prof. Lubumga Pene Shako, Ai Président du Comité de Gestion Provisoir de Regideso

REGIDESO

" L'Eau c'est la vie "

Interview

Prof. Lubumga Pene Shako
Ai Président du Comité de Gestion Provisoir
Quels sont les plans d'expansion du système d'eau potable en RDC ?

Nous avons, avec l'aide de bailleurs de fonds, préparé un plan de développement jusqu'à l'an 2015. Ce plan prévoit d'abord le renforcement des capacités de production et de distribution dans les grandes villes où nous sommes déjà et également la création des systèmes d'adduction d'eau dans les villes moyennes ainsi que les petites villes puisque la Regideso étant une entreprise à caractère non seulement technique, mais également commercial, nous ne distribuons l'eau que là où nous pouvons vendre. Il nous faut donc un minimum de 2.000 à 3.000 abonnés pour que nous puissions fonctionner. Il était prévu dans ce plan que nous puissions étendre notre activité parce qu'actuellement la desserte d'eau potable - si nous prenons les grandes villes nous pouvons dire que nous sommes à 60% alors qu'en réalité si nous prenons l'ensemble de la population, c'est peut-être 10 à 15%. Voilà un peu le plan qui était prévu jusqu'à l'an 2015, mais ce plan n'a pratiquement pas été mis en place compte tenu des éléments politiques que notre entreprise a connu depuis 1990 notamment la guerre d'agression.

On peut dire que vous avez une certaine aide de certains bailleurs de fonds qui sont-ils ?

Effectivement ce plan a été étudié avec l'aide de la Banque Africaine de Développement (BAD) puisque c'est avec elle que nous avons confectionné le plan, mais il était prévu là-dedans qu'il y aura régulièrement des réunions avec les bailleurs de fonds pour pouvoir financer les exécutions de notre plan. Jusqu'ici la Regideso a travaillé avec beaucoup de bailleurs notamment la Banque Mondiale, l'Union européenne et au niveau bilatéral avec plusieurs autres pays tels que la France, la Belgique, Allemagne, etc.

Cet apport est essentiellement financier ou aussi technique ?

Essentiellement financier c'est-à-dire technique dans le sens de la mise en œuvre et de développement, pas dans l'exploitation ; actuellement l'exploitation est tenue à 100% par les Congolais, mais l'effort revient surtout dans le développement: faire des études et des travaux. Dès que nous avons des installations, nous les exploitons nous-même, mais actuellement nous avons des difficultés au niveau même de l'exploitation. C'est ainsi que nous avons un certain nombre de projets qui ne concernent pas de nouvelles installations, mais la réhabilitation, l'entretien ou la réparation des installations existantes.

Comment la Regideso fait-elle face aux problèmes journaliers de certains produits chimiques tel que la chaux morte par exemple?

C'est vrai que nous avons ces problèmes-là, mais en principe avec nos ressources propres d'exploitation, nous devrions être capables d'assurer le fonctionnement et l'approvisionnement notamment en produits chimiques et même en carburant etc. La difficulté journalière vient de notre déficit en trésorerie parce que notre plus grand client, c'est l'Etat et ce dernier ne paye pas ses factures ; Cela fait à peu près 50% des ressources que nous n'avons plus, ce qui fait que nous avons des difficultés d'autant plus que ces produits sont importés et il nous faut des devises pour les obtenir. C'est ainsi que compte tenu de toutes ces difficultés nous avons obtenu également des assistances dans le cadre de la coopération avec les bailleurs.

Lors d'une discussion avec S.E le ministre de l'énergie, il a mentionné une possibilité d'utiliser le ciment local pour fabriquer la chaux morte, qu'en est-il ?

Nous avons mené des études pour essayer de produire localement ces produits, ces intrants que nous utilisons pour préparer l'eau potable. Nous avons notamment le cas de la chaux pour laquelle les matières premières existent, il y a suffisamment des cimenteries qui peuvent produire la chaux, mais cela demande également un financement parce que la cimenterie telle que ça existe maintenant peut produire de la chaux vive comme vous dites, mais il faut un module technique pour transformer et emballer parce que la chaux que nous produisons doit être emballée comme du ciment c'est-à-dire sans contact avec l'atmosphère qui est très humide, il y a donc cet aspect-là qui demande des financements. En ce qui concerne la production locale, nous sommes en train de faire des essais et des études, mais chaque fois que nous entrons en contact avec les bailleurs des fonds, nous n'avons pas de réponses favorables parce que, tout d'abord, ils considèrent que ce n'est pas notre raison sociale puisque notre activité principale, c'est la production de l'eau. Il faut qu'il y ait quelqu'un d'autre qui produise éventuellement ces produits là. En deuxième lieu, il y a le problème de la quantité ; actuellement pour faire une installation industrielle convenable, il faut quand même avoir un minimum de quantité de biens à produire et la quantité que l'on mettrait sur le marché ne rendrait pas ces installations rentables, or si nous regardons autour de nous c'est-à-dire les pays voisins, ils ne consomment pas beaucoup. Je vous donne un exemple ; la consommation journalière de Kinshasa correspond à plus ou moins trois mois de consommation pour le Congo Brazzaville, vous voyez la différence et c'est normal parce qu'ici à Kinshasa nous avons plus ou moins six à sept millions d'habitants tandis que pour tout le Congo Brazzaville il y a deux ou trois millions d'habitants. Ce qui fait que même si on voulait penser aux voisins, leurs consommations sont très faibles, donc ce problème-là persiste, mais ici en RDC, c'est ce qui est important. Nous avons les matières premières pour pouvoir produire n'importe quel intrant parce que nous utilisons par exemple le sulfate d'alumine, la chaux, le sel et les matières premières pour les produire existent, mais il faut des financements.

Quel est l'état financier de la Regideso ?

Je n'ai pas les chiffres, mais pour l'année 2000 le résultat était globalement négatif, disons le résultat d'exploitation simple était positif, mais quand on prend le résultat net, il est négatif essentiellement à cause de l'inflation, le taux de change ; quand on fait la différence de change tout ce qu'on peut avoir comme résultat disparaît et devient négatif. C'est l'un des problèmes importants que connaît notre pays, l'inflation est tellement importante, l'année passée je crois que l'on était au-dessus de 500% et en plus de cela nous en tant qu'entreprise de l'Etat, notre prix est administré c'est-à-dire que l'Etat doit regarder notre prix notamment sur le plan social étant donné que l'eau est distribuée à la population, on ne peut pas augmenter le prix pour des raisons purement commerciales ce qui fait que nous sommes quand même bloqués, d'où notre résultat globalement négatif alors que sur le plan purement exploitation il était positif.

Nous avons visité Kinshasa, c'est une grande ville et nous savons qu'elle a pleinement besoin d'eau, comment la Régideso va faire face à la situation de pénurie dans certains quartiers?

Le problème de Kinshasa est vraiment préoccupant parce que la population a augmenté très vite. La Régideso avait pensé qu'il fallait, tous les 4 ou 5 ans, avoir une nouvelle usine de production d'eau de l'ordre de 100.000m³ par jour ; nous avons des projets avec la coopération, nous avions un projet de 110.000m³ par jour qui devait être financé par la caisse de coopération française, un autre de 40.000m³ par jour avec le gouvernement japonais qui était déjà accordé et un dernier de 30.000m³ par jour avec le financement italien. Tous ces projets ont été arrêtés entre 1990 et 1991, ce qui fait qu'environ 200.000m³ par jour n'ont pas été respectés or la population a augmenté, surtout ces dernières années avec la guerre, beaucoup de gens de l'intérieur sont venus à Kinshasa. Alors maintenant comment pouvons nous faire ; Il faut absolument que l'on puisse investir, avoir des investissements importants pour créer ces usines et étendre le réseau parce qu'au niveau du réseau de la distribution, la ville de Kinshasa fait presque 80 km d'un bout à l'autre, c'est vraiment très étendu et vaste et cela demande aussi beaucoup de moyens, des tuyaux ainsi de suite. Maintenant, nous essayons de résoudre ce problème localement et d'une manière ponctuelle en faisant des forages, avec notamment l'aide de OXFAM Québec (Canada) par exemple, dans un quartier où il y a un manque d'eau total, en mettant deux ou trois forages on peut résoudre le problème dans ce coin-là. C'est difficile parce qu'ici à Kinshasa il n'y a pas beaucoup d'eau en profondeur, c'est pourquoi nous sommes obligés d'utiliser les eaux de surface dans certains secteurs là où il y en a beaucoup, mais il faut en plus les traiter.
Lorsque la guerre finira et que la population rentrera dans les provinces, si vous étendez trop le réseau, ne craignez-vous pas d'avoir beaucoup investi dans une seule ville ?

Nous ne pouvons pas dire que nous aurons trop investi, mais nous pourrons simplement améliorer le niveau des services. Si aujourd'hui nous disons que les gens ont de l'eau peut être qu'ils ont l'équivalent de 10 à 20 litres par jour alors que dans d'autres pays les gens ont 40, 50 voire 60 litres par jour. Nos investissements étant donné ce que nous avons prévu, de toutes les façons c'est prévu graduellement parce qu'à partir du moment où vous faites une étude jusqu'au moment où l'usine est mise en marche, il faut compter une dizaine d'années donc cela prend tout de même beaucoup de temps. Cependant si nous pouvons investir pour donner de l'eau et si éventuellement la population diminue un tout petit peu ça nous donnera de la marge pour l'avenir et en même temps ça nous donnera également une meilleure desserte, un meilleur service de distribution puisque actuellement même les gens qui ont de l'eau, ils l'ont parfois pour quelques heures seulement et non pas 24h/24.

La privatisation a t-elle déjà été une option pour la Regideso ?

Je sais qu'au niveau de la Regideso, je peux le dire puisque je suis un ancien de la Regideso, cela a déjà été envisagé et même été étudié puisqu'en Afrique nous connaissons des endroits où il y a la privatisation, mais il faut voir le problème globalement au niveau national parce que la Regideso c'est une entreprise nationale qui distribue l'eau partout et comme je vous avais dit même dans des petites localités qui sont tout juste rentables ou parfois même non rentables alors que si l'on privatise, souvent le privé va donner priorité à l'aspect commercial de son investissement pour avoir un retour. il y a donc cet aspect-là qu'il faut voir et également dans d'autres pays, notamment en Europe ou ailleurs, la distribution d'eau se fait soit par municipalité soit par ville tandis qu'ici chez nous, c'est une entreprise qui assure la distribution pour l'ensemble du pays. Et jusqu'ici cela marche parce que là où on peut gagner peut couvrir là où on perd pour essayer d'équilibrer un peu la chose, donc tout cela a déjà été examiné, mais ça dépendra des options du Gouvernement pour voir si on peut privatiser, de quelle façon qu'on peut le faire, est-ce partiellement ou non , etc. En définitive c'est une décision du Gouvernement.

Avec les nouvelles négociations qui sont en cours, le dialogue inter congolais, la reprise de la coopération internationale, quelles sont vos vues pour cette nouvelle coopération ?

Pour nous, la coopération c'est le seul moyen que nous ayons pour espérer nous développer parce que nous avons vu dès que la coopération a été arrêtée, le développement s'est arrêté aussi, l'expansion de la Regideso s'est arrêtée et en 10 ans maintenant la Regideso n'a inauguré aucun centre où nous avons amené de l'eau alors que dans le temps chaque année il y avait au moins deux, trois centres de sorte qu'il y avait de plus en plus de populations qui avaient accès à l'eau potable, mais dès que l'on a arrêté la coopération c'était terminé donc nous espérons et nous comptons beaucoup sur la coopération pour pouvoir reprendre surtout le développement pour donner de l'eau à la population.

Quels sont actuellement les projets que vous entreprenez avec cette reprise de la coopération ?

Aucun parce que pour le moment la coopération structurelle n'a pas encore repris au Congo, nous n'avons que la coopération disons humanitaire et jusqu'ici c'est seulement au niveau d'Etat à Etat et on a repris avec la Belgique, l'Union Européenne et la Banque Mondiale ; L'Allemagne par exemple le KNW la coopération allemande a accepté de nous fournir les produits chimiques et pétroliers qui vont nous permettre de fonctionner pendant six mois, ce sont des produits qui nous permettront - nous sommes en train de mettre en place le système tel que d'ici deux ou trois mois les produits vont commencer à venir pour une durée de six mois- de bien fonctionner pendant la période précitée, mais avec les Japonais nous n'avons pas encore repris.

Quel serai votre message aux potentiels investisseurs qui sont intéressé par la RDC ?

Ce que nous pouvons dire, c'est le fait que quand nous regardons le Congo notamment dans le domaine de l'eau, il y a beaucoup de besoins, comme je vous l'ai dit sur 60.000.000 d'habitants, il n'y a peut-être que 10 ou 15 % qui ont de l'eau potable. Par conséquent, les besoins en investissements sont très importants, de plus ce que je peux dire c'est que le Congo est un pays riche c'est-à-dire que nous avons des potentialités malgré les difficultés et les problèmes que nous avons actuellement, nous pensons que si le Gouvernement parvient à gagné la paix et à stabiliser l'économie, les investisseurs auront vraiment des possibilités énormes dans le domaine de l'eau et en plus l'eau potable n'est pas un produit périssable, c'est un produit sûr qui, de surcroît, offre également un aspect social et humanitaire important pour la santé de la population. Nous pensons que nous pouvons faire appel aux investisseurs dans les domaines que nous avons et les domaines sont nombreux surtout en ce qui concerne les techniques d'installations, de distribution et d'adduction d'eau potable pour venir prospecter, discuter avec nous des mentalités à découvrir, dans le domaine de partenariat à ne pas confondre avec la privatisation telle que l'on la définit, mais on peut trouver d'autres formules qui peuvent convenir et ce que je peux dire également est que notre entreprise, la Regideso, a quand même une bonne réputation que ça soit au niveau de tous les bailleurs avec qui nous avons travaillé plusieurs années mais aussi dans la gouvernance et la gestion de ses projets.

Nous sommes aussi venu vous interviewer en tant qu'homme d'affaire pouvez vous nous résumer brièvement votre parcours professionnel ?

Disons que je suis ingénieur civil mécanicien de formation et je suis professeur de l'université de Kinshasa. J'ai étudié ici à Kinshasa et en Belgique à l'université de Louvain. J'ai commencé à travailler à la Regideso d'abord dans le domaine de la formation, il faillait former les personnels technique et administratif. En 1998, on m'a donné la direction de la recherche et là je devais conduire des études et des recherches pour le développement du système de distribution d'eau. Après la recherche j'ai été nommé directeur des ressources humaines et comme j'avais une formation technique cela me permettait d'avoir une meilleure compréhension du métier de l'eau parce que nous avons à peu près 50% de notre personnel qui est du personnel technique et je suis resté à ce poste là pendant 11 ans. Enfin, je suis devenu conseiller du Président de l'entreprise et c'est après cela que j'ai été désigné comme Président de cette entreprise, donc voilà ce que j'ai fait à la Regideso. Cependant j'ai interrompu mon travail à la Regideso pendant trois ans car j'étais parti travailler à Nairobi au Kenya dans le cadre de l'OUA comme directeur général adjoint de l'Institut de Formation Technique de Nairobi de 1982 à 1985 après je suis rentré à la Regideso où j'ai continué ma carrière et pendant tout ce temps j'étais toujours professeur à l'Université de Kinshasa.

Un message final pour nos lecteurs?

Nous avons été très heureux de connaître Forbes, d'entrer en contact et de voir les opportunités d'audience que Forbes peut nous donner et nous espérons très forts qu'ils ne tarderont pas à venir investir au Congo et en particulier à la Regideso.


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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special Democratic Republic of Congo report on published in Forbes Global Magazine. April 1st, 2002 Issue.
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