CONGO ( DRC)
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Mr. Kipoy Ngyam Keffi, Ancien PDG de la Régie des Voies Fluviales


REGIE DES VOIES FLUVIALES

Ministère des Transports et Communications
"Sans les transports, sans les moyens de Communications, aucun pays au monde Ne peut se développer. "

Interview de:

Mr. Kipoy Ngyam Keffi
Ancien PDG de la Régie des Voies Fluviales

24 Juillet 2001
Dans un premier temps, en sachant tout d'abord que le fleuve Congo est l'un des fleuves les plus importants au monde et que votre régie est chargée de l'administrer, pourriez- vous nous donner un rappel historique de la Régie des Voies Fluviales ?

La Régie des Voies Fluviales (R.V.F.) a été créée en 1971, c'était à la suite d'une étude menée par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) pour essayer de rendre l'administration des voies navigables autonome afin de lui permettre de mener à bien sa mission et d'éviter ainsi la lourdeur de l'eau pratique, travailler en régie. On a alors créé deux régies, peut être que visiterez-vous aussi l'autre régie, il s'agit de la Régie des Voies Maritimes (R.V.M.) qui part de la côte jusqu'à Matadi sur une distance d'environ 120 km. Le reste qui représente Kinshasa et l'ensemble du bassin congolais est administré par la Régie des Voies Fluviales. Notre bassin hydrographique, comme vous le savez, mesure plus de 3.800.000 km², nous avons un grand bassin dont les trois quarts se situent dans la RDC, de plus nous avons le fleuve a débit le plus important d'Afrique, comme dans le monde. Il a fallu beaucoup d'évolution pour que l'on puisse le maîtriser.

En fait l'évolution de la RVF s'est caractérisée par un apport substantiel de l'Etat qui faisait sa politique. Cette régie revêt une grande importance parce qu'à l'époque coloniale, la pénétration se faisait par les voies d'eau et c'est une infrastructure naturelle, où il n'y a pas beaucoup à faire, seul le prolongement jusqu'à l'extérieur se fait par le tronçon de la voie ferrée, mais le reste de la pénétration se fait par la voie d'eau qui n'a pas beaucoup de complication. Il ne reste que le problème de l'entretien, ce qui fait qu'aujourd'hui la Régie vit avec d'autres extensions se trouvant dans l'autre partie occupée, à Kalemie ainsi que d'autres parties où nous avons des agences pour les travaux. Il y a deux types travaux dont nous menons la mission ; tout d'abord l'étude de navigabilité, il s'agit des études afin de rendre les cours d'eau navigables, également son entretien. Les études hydrologiques pour voir le comportement environnemental, la publication des cartes nautiques et les normes de sécurité donc de ce fait, nous administrons aujourd'hui pour les armateurs, c'est-à-dire les gens qui possèdent des bateaux, environ plus de 2.000 propriétaires de bateaux, c'est le plus grand armement des réseaux intérieurs en Afrique que nous avons ici en dehors de l'ONATRA.

Et ceux ci dépendent de la Régie des Voies Fluviales?

Oui, ils dépendent de l'administration de la Régie des Voies Fluviales, nous assurons indirectement la police et nous administrons les ports c'est-à-dire baliser les voies de navigation, mener des études hydrographiques, l'implantation portuaire, le dragage, les études environnementales et les problèmes en énumérant la dégradation qui se fait. Vous savez le chaos qui se fait à l'intérieur, les labours, la forêt dévastée etc. Nous étudions donc le comportement des dégradations des écosystèmes par voie d'eau avec un certain nombre de mesures que nous étudions ainsi que pour l'implantation d'ouvrages hydrauliques sur des voies fluviales, on recourt à nous par exemple pour les barrages hydroélectriques, etc,

Et les recettes de la RVF d'où proviennent-elles?

Les recettes proviennent des redevances ; notamment ce que nous appelons la taxe pétrolière qui à un certain moment n'était plus perçue, mais avec le nouveau gouvernement nous prélevons un certain nombre de montants qui sont versés et que nous avons remis sur la consommation dans la structure de prix du carburant.

A combien par exemple s'élevait la totalité des recettes de redevance ?

Entre 1997/2000, on ne la donnait plus car S.E Kabila père, tout comme Mobutu l'avaient suspendue et maintenant avec l'actuel Président on a recommencé à nous payer mais nous sommes au tout premier mois ; Cela dépend de la consommation du carburant par les armateurs. Nous avons un quota qui évolue mensuellement, il peut aller de 200.000 à 500.000$US et il peut atteindre 1.000.000 $US, nous n'en disposons pas encore, mais cela évolue parce que quand il n'y avait pas de guerre, nous arrivions à ces chiffres-là.

Depuis l'installation du nouveau gouvernement il y a de nouvelles règles, en ce qui concerne votre secteur ? On peut dire que les choses sont reparties sur le bon chemin ?

Oui, les choses sont reparties sur le bon chemin, là nous serons encore éligibles par la taxe pétrolière, je ne sais pas ce que l'on aura à nous rétrocéder maintenant, mais je sais qu'à une certaine époque quand le pays n'était pas occupé, nous pouvions atteindre un chiffre au-delà d'1.000.000 $US c'est quand même beaucoup et cela nous a permis de faire face au paiement de nos unités de logistique qui sont des prêts d'Etat à Etat ou de la banque ; C'est-à-dire les matériels de drague, les baliseurs et nous étions capables de rembourser. Maintenant, il y a aussi la taxe de navigation, mais cela ce n'est encore pratiquement rien car elle ne représente que 25% de l'investissement de l'Etat puisque l'Etat investit pour que nous ne puissions pas réajuster la taxe de navigation. Et là aussi, l'Etat va intervenir cette année pour environ 4.000.000FC, mais la taxe de navigation elle-même a un chiffre aux alentours de 3.000.000 $US si on prend l'année 1988, ça c'est pour l'Etat qui ne représente que 25% le reste donc c'est la taxe pétrolière qui fait la force.

Là j'ai une nouvelle vision, nous allons faire les appels d'offres internationales c'est-à-dire que nous n'allons pas nous même assumer ce travail de balisage, de dragage directement, d'abord nous allons appeler de plus en plus des entrepreneurs privés et même (ça je n'aime pas le dire publiquement) nous allons demander aux travailleurs de devenir propriétaires des entreprises. Nous leur donnerons les marchés, c'est-à-dire au lieu que les engagés comme électricien, ils créeront leur petite entreprise d'électricité et ils nous fourniront le matériel électrique. Comme ça nous ne nous occupons que d'études et le reste des travaux sont faits par les autres, c'est comme ça que nous voulons nous ouvrir sur l'Afrique et sur le monde pour bénéficier d'autres technologies. A ce moment-là, l'Etat sera prêt à réajuster le coût de la taxe de navigation ; au lieu qu'il n'intervienne qu'en 25%, ça sera le coût réel donc les usagés vont payer le coût réel de la dite taxe. Je ne veux pas d'un Etat paternaliste, qui supporte tous les coûts et ce n'est plus une vision normale, donc je voudrais quand même m'ouvrir et là j'ai un petit chantier naval où je vais m'ouvrir et arriver à la sous-traitance.

Il y a tellement des choses à faire que c'est la meilleure solution pour y arriver, mais on parle également, dans le secteur de transport, de privatisation. Est-ce que vous pensez que la privatisation éventuelle de la RVF est en vue ?

Non, pour la RVF je crois que ce n'est pas opportun parce que l'eau est un patrimoine et nous avons le réseau intérieur le plus développé d'Afrique voire même du monde. Nous avons pratiquement des autoroutes naturelles, ce que nous pouvons faire ce n'est pas privatiser, mais faire les appels d'offres pour les travaux ; c'est à dire que comme nous avons l'argent de la taxe de navigation, au lieu que nous les fassions nous-même en Régie, ce sont d'autres partenaires extérieurs qui vont travailler. Une entreprise par exemple qui fait le dragage, le trading international et nous allons les payer à l'aide du réseau Internet. Nous ne menons que des études, nous vérifions le travail en suivant le cahier des charges, ainsi nous allons préparer le cahier des charges, lancer les appels d'offres et recevoir les soumissions ; je pense qu'il s'agit de la nouvelle formule que j'ai mise au point, je ne veux pas arriver à une privatisation totale et je pense que ça c'est une bonne façon de faire participer l'Etat au lieu que ce soit nous qui faisions la régie. Les entreprises aujourd'hui rencontrent pas mal de problèmes, l'Etat intervient directement, donne des injections en provoquant une certaine lourdeur et une baisse d'efficacité.
Tout à l'heure vous avez dit que vous jouiez un grand rôle dans les études en ce qui concerne la construction de l'infrastructure, plus principalement au barrage d'Inga qui est une source de l'électricité unique au monde et puisque les travaux ont déjà commencé depuis longtemps, est-ce que vous travaillez encore sur ce projet de manière à le faire démarrer ou ce n'est encore qu'un projet?

Non, nous ne sommes plus au niveau de projet. Nous avons mené les études pour l'implantation de cet ouvrage puisqu'il fallait calculer les devises, longtemps la RVF a travaillé pour ce projet depuis l'époque coloniale et maintenant, nous travaillons pour d'autres projets. Nous voulons par exemple lancer un projet sous-régional qui va concerner la République du Congo d'en face, la République Centre Africaine (RCA) et notre pays, la RDC pour l'implantation d'un barrage de soutien d'étiage sur le fleuve Oubangui car comme vous le savez, il y a un déficit électrique dans les trois pays précités. Ce barrage doit permettre la navigabilité de la rivière Oubangui qui n'est navigable que pendant trois mois l'an, ce qui fait que le pays comme la RCA soit enclavé. Dernièrement nous étions en réunion tripartite avec la RCA, et Brazzaville à la recherche du financement et il y a des bureaux d'étude qui vont être appelés à mener ces études ainsi nous l'avons terminé. C'est la régie qui va préparer le cahier des charges, via le Ministre des Transports et de la Communication bien sûr.

C'est un projet sous-régional sûr qui aura un impact sur les économies des pays intéressés et c'est facilement réalisable aujourd'hui parce que les banques financent beaucoup plus les projets à caractère régional et sous-régional que national.

On parle souvent de la RDC pour ses richesses minières, pétrolières, etc.. Mais l'une des grandes richesses c'est son fleuve et son réseau, c'est indéniable.

Je crois que nous avons actuellement une réserve qui est très, très important et qui tourne aux alentours de 400 000 Milliards m³. Ce n'est pas peu puisque de plus en plus nous pensons même à exporter. Nous avons déjà été en pourparlers avec des pays tel que la Libye ou encore le Tchad qui sont très intéressés par ce projet.

Et la RVF peut directement administrer ou gérer ce genre de projet ?

Oui, nous faisons aussi l'étude et le bilan hydrologiques c'est-à-dire qu'avant de vendre nous devons savoir comptabiliser ce que nous avons et éventuellement mesurer les impacts sur environnement, donc nous sommes conscients de notre force qui est en même temps un atout et aussi une contribution à la mondialisation. Nous ne voulons pas pratiquer le nationalisme fanatique en gardant jalousement ce que nous avons, je crois que c'est un dont que nous devons mettre à la disposition des autres pour participer à l'ouverture, c'est donc un patrimoine mondial. Je conçois tout cela dans le sens que nous avons l'eau qui est une grande réserve, mais nous devons la considérer comme un patrimoine mondial et que nous devons la gérer avec les autres, il ne faut pas dire que c'est seulement pour nous (la RDC), non, personne n'a demandé à être ici au Congo ou ailleurs, c'est un atout pour une participation dans la mondialisation afin que l'humanité profite de cette richesse et nous devons gérer ça avec le monde extérieur dans le partage d'une technologie, ça c'est ma vision à travers tout ce que nous allons faire en commun.

Et il y a énormément d'opportunités

Il y a beaucoup d'opportunités là-dedans car actuellement on exporte même les eaux douces du fait que certains pays en demandent parce qu'ils manquent d'eau douce. Nous pouvons mener tout un tas d'études, les études de pêche, etc. à partir de cette richesse, nous avons des poissons qui meurent de vieillesse dans nos lacs et cours d'eau simplement parce qu'il n'existe pas chez nous des techniques développées de pêche. Nous pourrons, par exemple, mieux collaborer avec d'autres partenaires qui voudront implanter les entreprises de pêche ici, nous leurs donnerons toutes les données d'exploitation de la rivière au point de vue hydrologique, etc. Nous sommes donc ouverts parce que dans ce pays, ce qui est bizarre et inimaginable, c'est que nous importons du poisson alors que les poissons meurent de vieillesses. Rien qu'avec la population de la ville de Kinshasa vous avez +/- 8.000.000 d'habitants c'est tout un pays, vous avez un marché potentiel ici à Kinshasa et dans d'autres villes qui n'ont pas en moyenne 1.000.000 d'habitants. Le poisson est mangé ici comme du pain, c'est un atout et personne n'investit pas là-dedans. De plus, il y a de petits lacs à l'intérieur, c'est l'expansion lacustre appelée Pool, mais on n'y pêche que très rarement et il n'y est pratiqué que des petites pêches artisanales. Ici à Kinshasa, ce pool, ce qu'on appelle Pool Malebo, est un lac intérieur du fleuve Congo qui mesure environ 50 km de long et 15 km de large, c'est presque une mer intérieure, mais il n'y a pas une seule entreprise de pêche.

Nous sommes venus aussi vous interviewer en tant qu'homme d'affaires, nous voudrions avoir le parcours historique de votre propre vie professionnelle, comment êtes-vous arrivé ici comme PDG de la RVF ?

J'ai été diplômé de l'Université de Lubumbashi où j'ai étudié les sciences de la terre en 1983, puis il y avait un recrutement de la RVF et je suis entré à cette époque. J'ai bénéficié des études de spécialisation, notamment en Belgique, où j'ai étudié l'hydrographie, le dragage et l'hydrologie, puis je suis revenu pour faire des études de 3ème cycle, en hydrologie toujours, l'université de Liège puis je suis allé aux Etats Unis pour les études portuaires et les voies navigables notamment sur le système Mississipi et delà je suis revenu au pays. Je suis intéressé à cela depuis mon plus jeune âge, j'avais un ami dont le père était hydrographe et travaillait à la régie et à l'âge de 11 ans, je venais déjà ici. Je suis né et j'ai fait mes études ici, mais quand j'ai goutté à l'eau c'était parti, aujourd'hui j'ai même créé une entreprise navale au niveau personnelle, une petite entreprise de construction navale.

Quelle a été la principale satisfaction depuis que vous êtes à la tête de la RVF ?

C'est d'abord le fait que la régie ne soit pas connue, moi je voudrais démontrer que nous avons des atouts, c'est une richesse qui est souvent oubliée, une infrastructure qui en fait ne demande pas beaucoup d'investissements. Je suis parvenu à relever le point focal au niveau du PNUD en matière d'hydrologie, c'est vraiment ma grande satisfaction, je crois que là je peux quitter tranquillement, d'avoir atteint le summum de ma carrière, je n'ai évolué que dans mon domaine et j'ai atteint de niveau le plus élevé de ma carrière à tel point que même si je ne suis plus à la RVF, je ne vais me retrouver que dans l'eau parce que j'investis tout dans l'eau.

Avec l'ouverture du fleuve Congo, entre le territoire sous contrôle de l'Etat et le territoire occupé, vous êtes aujourd'hui le représentant de cette nouvelle union congolaise ?

C'est vrai aujourd'hui nous sommes le trait d'union parce que le bateau de la paix va unir les deux parties et nous sommes même en pourparlers avec la MONUC. Le bateau de la paix, ça sera le bateau de la RVF, c'est nous qui allons baliser le premier tronçon suspendu il y a trois ans là-bas. Des gens sont enfermés et enclavés et c'est nous qui, en premier lieu, rencontrerons les enclavés ; c'est une mission énorme et d'ailleurs je me réjouis que la régie puisse jouer son rôle. Vous savez quand la MONUC est venue, ils ont investi dans l'aviation, l'aéroport mais ils n'ont pas donné d'importance au fleuve, cependant j'ai amené les officiers de la MONUC à faire le poste fluvial, et j'ai réussi à ce que tout soit déplacé vers le fleuve au lieu que ce soit fait par les avions, j'ai contribué à ce qu'il y ait des contacts, cela me réjouit aujourd'hui que les gens sont là et ils n'attendent que cette nouvelle ouverture.
Aujourd'hui le premier bateau est parti avec tout ce que nous avons donné comme assurances, les premières cartes nautiques, nous les avons fournies ici avec exactitude. Les officiers de la MONUC, que je salue et remercie pour leur collaboration, parlent aujourd'hui du fleuve et c'est grâce au contact ; ils sont arrivés ici il y a une année, ils ne savaient pas comment s'en sortir dès qu'ils furent en contact avec nous, tous les investissements sont passés sur le fleuve, et c'est un grand plaisir pour moi.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special Democratic Republic of Congo report on published in Forbes Global Magazine. April 1st, 2002 Issue.
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