THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

Contre Amiral Pierre Ngombe Interview avec

l'Amiral Pierre NGOMBE
Directeur Général du CFCO
Le 14 mai 2002
 
Pouvez-vous nous présenter le CFCO d'un point de vue historique ?

Le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) est une voie ferrée qui relie le Port maritime de Pointe-Noire au Port fluvial de Brazzaville. C'est pourquoi on l'appelle " Congo-Océan ".

C'est à dire qu'il relie le fleuve Congo à l'océan atlantique. C'est un chemin de fer construit depuis les années 1920. Il est entré en exploitation en février 1934 et couvre une distance de 512 km exactement. Il existe une cinquantaine de gares entre les deux villes, toutes tailles confondues. Elles ne sont actuellement pas toutes en service.

Y a-t-il d'autres destinations ?

Le CFCO n'a pas d'autres destinations. Par contre, il y a eu à partir de 1963, la réalisation d'une voie qu'on appelle la ligne COMILOG, qui relie la gare de Mont-Belo, sur le CFCO, à la frontière du Gabon, en traversant la région du Niari. La COMILOG est venue rejoindre le CFCO à partir de Mont-Belo jusqu'à Mbinda, qui est un poste frontalier avec le Gabon.

Cette voie a servi pendant longtemps à l'évacuation du Manganèse exploité dans le haut Ogoué au Gabon. C'est une ligne longue de 285 km, gérée par nos soins. Ce qui nous fait un réseau total de l'ordre de 800 km de voie ferrée.

Quelle est la structure du capital du CFCO ?

Le Chemin de fer Congo-océan est une entreprise industrielle à caractère commercial, appartenant exclusivement à l'état congolais.

Nos lecteurs aiment les chiffres, pourriez-vous nous en parler en terme de chiffre d'affaires et d'investissements ?

Lorsque le CFCO a connu des problèmes pendant les guerres de 1997 à 1999, son fonctionnement a été arrêté pendant environ deux ans. Parce que les ouvrages d'art avaient été cassés. Leur réhabilitation a coûté à l'état congolais près de 6 milliards de F.cfa.

Une fois ces ponts réparés, on a relancé assez timidement le trafic avec du matériel en nombre très réduit. Beaucoup de locomotives avaient en effet été détruite pendant les guerres auxquelles j'ai fait allusion.

Néanmoins, durant l'année 2000, nous avons progressivement réalisé une montée en puissance, pour atteindre à ce jour et par jour, de manière conséquente, un trafic de l'ordre de 2.200 à 2.500 tonnes dans le sens de Pointe-noire à Brazzaville, et à peu près un trafic similaire dans le sens inverse.

Le trafic au départ de Pointe-Noire concerne tout ce qui est importé, c'est à dire les matériaux de construction, les véhicules, les machines, les outils, les produits manufacturés, etc. Au départ de Brazzaville, le trafic marchand est principalement constitué par le bois exploité au nord du pays et qui est descendu jusqu'à Pointe-Noire pour être exporté ou consommé localement. Nous prenons aussi du bois en chemin, à Loudima et Makabana (sur la ligne COMILOG). Ceci nous amène à un bon petit million de tonnage transporté.

Notre chiffre d'affaires représente actuellement en recette, environ 1,5 milliards de F.cfa par mois. Ce qui est très important. Mais cette somme d'argent est insuffisante par rapport aux charges de l'entreprise, dues au vieillissement du matériel, à sa vétusté et au mauvais état des infrastructures d'exploitation qu'il faut réhabiliter pour donner un visage neuf à l'entreprise.

Justement, où en êtes-vous avec la réhabilitation de la voie et du matériel ?

Nous avons réhabilité les 6 ponts qui étaient détruits. Nous avons aussi entrepris de construire des murs pour protéger les emprises ferroviaires. Nous avons réhabilité toutes les structures de formation au chemin de fer. Elles ne sont pas encore fonctionnelles, parce qu'après avoir réhabilité les bâtiments, il faut encore y mettre des machines, puisque c'est technique. Nous démarrons sous peu la réhabilitation de la grande " Gare PV " à Brazzaville. Tout cela en préfinancement par des partenaires qui sont nos grands clients. La plupart de ces préfinancements sont remboursés par compensation sur le trafic. Donc, quand je parle de 1,5 milliards de F.cfa de recettes par mois, il faut déjà déduire tout ce qui n'est pas payé du fait de la compensation.

Mais notre grand objectif pour cette année 2002 est de commencer à réhabiliter la voie qui est devenue très vétuste. On y dénombre des centaines de cassures de rails. Je ne vous cacherai pas que sur près de 300 km, il y a des rails qui datent encore de 1934 ! Donc les trains sont obligés de rouler tout doucement, ce qui fait des délais de route très longs. Il y a beaucoup de déraillements intempestifs. A cela, il faut ajouter le vieillissement du système de signalisation et la télécommunication filaire qui a été détruite pendant la guerre.

On s'oriente maintenant vers la radiotéléphonie. On a parlé du GPS, mais pour le moment nous n'avons pas encore entrepris de démarches dans ce sens. Nous avons simplement demandé à une société de nous faire une étude pour une éventuelle installation du système de communication GPS. A ce jour, nous n'avons pas encore reçu les résultats de cette étude.

Par contre, nous pouvons petit à petit commencer à changer les rails là où c'est vétuste, là où il y a cassure. C'est ce qu'on appelle en terme technique " réduire les points singuliers ", afin d'améliorer la vitesse de rotation des convois.

Combien vont coûter tous ces investissements ?

A Brazzaville, nous réaménageons la gare, avec les bureaux de notre représentation. Nous avons l'intention de construire un autre bâtiment pour y mettre les services de l'état qui ont l'habitude d'opérer à notre terminus. Il s'agit de la douane, des impôts, de la police, du commerce, etc. Nous allons libérer l'actuel grand bâtiment de la gare pour y mettre quelques transitaires en location, afin de se faire quelques recettes hors trafic ferroviaire. La dépense totale de ce projet avoisine 1 milliard de F.cfa.

En ce qui concerne la voie proprement dite, nous sommes en négociations avec des partenaires étrangers pour obtenir quelques financements. Mais en attendant l'aboutissement de ce financement, nous pensons atteindre une dépense de l'ordre de 2 milliards de F.cfa sur fonds propres. Ces 2 milliards serviront à l'achat de ballasts et à l'entretien des sociétés appelées à travailler sur ces chantiers. Etant entendu que nous avons quand même quelques réserves de rails. Il nous faudra aussi acquérir des traverses. Si le crédit aboutit, nous pourrons investir plus de 10 milliards dans la réhabilitation de la voie.

Donc on peut retenir cette année, un investissement de 3 milliards de F cfa sur fonds propres pour la reconstruction des gares, ainsi que pour la réhabilitation de la voie. Et dans le cas où le crédit sollicité auprès des banques étrangères aboutissait, on pourrait dépenser plus de 15 milliards de F.cfa cette année pour tous les projets.




Dans quelles mesures les dernières attaques contre les trains ont-elles affectés vos activités ?

Cela a été une sérieuse entrave à l'activité du chemin de fer. Nous avons passé tout le mois d'avril sans trafic. Et quand nous avons repris, c'est avec beaucoup de restrictions. Par exemple, nous sommes obligés de faire accompagner les trains par la force publique et nous sommes contraints de prendre certaines dispositions, pour que les trains ne roulent pas de nuit dans certains secteurs. Tout cela est contraignant pour la réalisation du programme de transport, avec un manque à gagner de près de 1,5 milliards de F.cfa, la recette d'un mois de trafic.

Faites-vous une campagne pour rassurer les clients ?

Il y a des clients qui veulent savoir comment cela se passe et pour les rassurer, nous leur expliquons que les trains sont accompagnés par la force publique et que l'armée est aussi le long de la voie.

Depuis que nous avons relancé les trains, il n'y a plus eu d'incidents. Tout se passe bien. Mais depuis lors nous n'avons pas encore repris le transport des passagers. Pour le moment, nous transportons essentiellement des hydrocarbures et toutes les marchandises qui étaient en souffrance ici à Pointe-Noire. Notre priorité est de ré-alimenter Brazzaville. En situation normale, il y a un train de passagers dans un seul sens chaque jour. Par contre, il y a 3 à 4 trains de marchandises par jour et dans les deux sens.
Quels sont les effectifs de la compagnie ?

Actuellement, le CFCO compte environ 2.800 agents. Nous sommes le plus grand employeur après la fonction publique qui est à 70.000 agents. Ce n'est pas comparable, mais c'est ainsi. Quand je suis arrivé au CFCO il y avait un effectif de 3.400 agents. Par décision du gouvernement de la République, nous avons gelé les recrutements. Ce qui s'explique parfaitement, compte tenu des charges de l'entreprise. Il y a eu beaucoup de départ à la retraite et aussi des départs naturels (décès).

Combien de locomotives et de wagons avez-vous ?

Nous avons quelques locomotives canadiennes, des GM (Général Motors) et quelques locomotives Alsthom, de construction française. Depuis la fin de l'année dernière, nous avons pris en location 6 locomotives en Afrique du sud. La somme de tout cela nous donne environ 14 locomotives de ligne. Nous avons aussi quelques locomotives de type BB 700 qui sont de puissance inférieure, pour des petits trains, par exemple les trains passagers. Elles servent aussi pour les manœuvres en gare ou encore pour des convois légers dans les demi-parcours.

Où en est-on avec le processus de privatisation du CFCO?

Cela me paraît juste d'être privatisé d'ici 2003, comme on a pu l'entendre. Le dossier n'est pas suffisamment avancé. Nous avons eu des contacts avec la Banque Mondiale, l'AFD (Agence Française de Développement) et le cabinet de consultants canadien CPCS, à ce sujet. Ces organismes nous donnent des conseils pour la privatisation.

Nous même, avec le comité de privatisation, nous avons effectué une mission au U.S.A pour rencontrer des éventuels repreneurs. Il y a déjà près de 23 candidats en lice. Chose rare en Afrique. Ils sont Européens, Américains et même asiatique. La SNCF est candidate à la reprise. A ce titre elle ne participe pas comme telle à l'élaboration du dossier de mise en concession du CFCO.

Par contre, il y a ici au CFCO des techniciens de la SNCF dans le cadre d'un contrat d'appui à l'exploitation du CFCO. Il faudra mettre fin à ce contrat lors de l'appel d'offre. La SNCF devra en effet se mettre en compétition légale avec tous les autres candidats.

Donc la mariée n'est pas encore assez belle pour être privatisée ?

Je pense qu'il faut un tant soit peu rénover l'infrastructure, principalement la voie, avant de mettre le CFCO en concession. Ce serait très hasardeux de le faire avec une infrastructure défectueuse comme elle l'est actuellement. Privatiser dans cet état serait sans contre-partie pour l'Etat congolais. Nous ne le voulons pas, parce que le CFCO représente beaucoup à nos yeux. Il n'y a pas de raison qu'il soit bradé comme cela. Je pense donc que l'Etat doit prendre le courage de ramener l'infrastructure à un bon niveau d'exploitation ferroviaire, avant d'envisager la privatisation. C'est pour cela que, pour ma part, je pense qu'une privatisation en 2003 est trop rapide. C'est déjà plus réaliste à partir de 2004.

Quels sont les gros problèmes que vous rencontrez dans la gestion quotidienne de votre entreprise ?

Il y a le problème des hommes. Ils sont vieillissants. Cela fait plus de 10 ans que l'on n'a plus recruté alors que le chemin de fer est quand même une technique de pointe. Les bons techniciens ne se forment pas en moins de 10 ans. Il faut qu'ils aient suivi au moins 3 années de formation dans une école de chemin de fer. Ensuite il faut qu'ils aient travaillé dans les ateliers, à la conduite, aux télécommunications, pendant 5 à 6 ans pour commencer à avoir la main. Le CFCO court donc actuellement le risque de manquer de techniciens qualifiés et peut être même d'avoir à ramener en service des agents déjà retraités.

Le deuxième problème, c'est que dans l'esprit de beaucoup de gens, la distinction entre l'économie et le social n'est pas nette. Ainsi, le CFCO réalise énormément de services publics au profit de l'Etat. Cela péjore sérieusement la vie de l'entreprise. Quand je parle de 1,5 milliards de recettes mensuelles, on pourrait avoir 200 à 300 millions de plus. C'est une entreprise d'Etat et de temps en temps, nous sommes obligés de transporter certaines marchandises à titre gracieux. Mais cela engendre des coûts d'exploitation qui ne sont pas compensés.
Le troisième problème est toujours relatif aux contraintes de notre appartenance à l'Etat.

Nous n'avons pas de liberté tarifaire. Quand une entreprise de transport manque d'une telle liberté, cela veut dire, qu'à un moment donné, elle peut transporter à perte. On est obligé d'appliquer des tarifs homologués vieux de 10 ans. Or, le pays connaît une certaine inflation qui s'applique sur les coûts d'exploitation. Je prends un exemple simple : Nous transportons du carburant à des tarifs homologués il y a 10 ans de cela, alors que le prix du carburant que nous achetons pour notre exploitation a doublé. Cela veut dire que nous payons plus cher en exploitant pour ne rien gagner en retour. Et ceci est valable pour la plupart des produits stratégiques.

Comment voyez-vous l'évolution du chemin de fer dans les 10 prochaines années?

Je vous réponds pour le court terme. Parce que pour le long terme, ce sera au futur concessionnaire d'avoir une vision de l'évolution du chemin de fer.

Dans l'immédiat, je pense qu'il faut une restructuration de l'entreprise, qui prenne en compte tous les éléments auxquels j'ai fait allusion. C'est à dire les problèmes de tarification, le poids du service public qu'il faut nécessairement alléger. Et, de manière générale il faut délester le CFCO du point de vue des effectifs. Je pense aussi qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites par d'autres entreprises. Par exemple dans la réparation des matériels ferroviaires, il n'y a pas besoin d'avoir des effectifs pour des petites tâches de détails dans les ateliers.

Nous pourrions sous-traiter davantage. L'essentiel du personnel devrait être utilisé dans l'entretien de la voie. De telle manière, on pourrait avoir une entreprise plus ramassée et plus efficace. Il y a trop de superflu dans l'organisation interne du CFCO.

Depuis que vus êtes au CFCO, quelle a été votre plus grande satisfaction ?

Je n'ai pas l'habitude d'être fier. Mais on a quand même mené, en un temps records, de brillantes négociations avec les Sud-africains pour obtenir les 6 locomotives qui ont considérablement amélioré la traction. N'eussent été les derniers événements que nous avons connus dans la région du Pool, Brazzaville serait bien ravitaillé en hydrocarbures et divers produits.

Toujours concernant le matériel, nous avons travaillé efficacement avec la société ECGM, avec laquelle nous avons réhabilité plus de 150 wagons, toutes catégories confondues. Alors qu'au moment de la relance du trafic, en août 2000, il ne nous restait à peine une soixantaine de wagons exploitables. Il y a comme cela quelques notes de satisfaction. Mais je dois reconnaître qu'en général, nous manquons cruellement de moyens d'investissement.

Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes et les investisseurs potentiels ?

Je crois que les investisseurs ont compris le message des autorités politique du Congo. Pour ceux qui voudraient investir au Congo, principalement dans la réhabilitation de la voie, ils seront tous les bienvenus.

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