THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

Son Excellence Mathias Dzon Interview avec:

M. Mathias DZON

Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget
Mercredi 10 avril 2002

 
Vous avez récemment eu la visite du FMI, cela concernait-il le programme pour la reconstruction ?

En fait, il y a deux programmes. Nous avons le " Programme Intérimaire Post-Conflit ", un programme du gouvernement congolais qui court sur 3 ans et s'achève fin 2002, et le " Programme d'Urgence Post-Conflit " avec le Fonds Monétaire, qui a duré un an et s'est achevé le 31 octobre 2001. Nous sommes donc dans la dernière tranche ; elle se déroule dans un contexte très particulier car nous sommes dans le processus électoral.
Le F.M.I. a fait le bilan du programme d'urgence en octobre, et une mission récente faisait les dernières évaluations, avant d'ouvrir les négociations sur un programme de 3 ans pour pouvoir prétendre à des facilités pour la croissance et la lutte contre la pauvreté. Nous nous sommes fixé un certain nombre d'engagements à respecter, et le Fonds Monétaire revient au Congo au mois de juin. Ceci nous permettra d'ouvrir de nouvelles négociations pour définir le cadre macro-économique et les bases du nouveau programme pour le pays. Le Congo y attache une grande importance car nous avons vécu une dizaine d'années tumultueuses, et nous n'avons pas pu revoir les principaux paramètres notamment au niveau de la dette, qu'elle soit bilatérale ou multilatérale. Cela nous permettrait de voir l'avenir avec une plus grande sérénité et de poursuivre nos efforts.

Etes vous satisfaits du niveau des recettes budgétaires aujourd'hui ?

Il y a des améliorations très nettes au niveau des recouvrements. Il est vrai aussi qu'au début il existait un système d'exonérations, qui était alors une nécessité. Mais le Fonds Monétaire n'a pas bien compris le bien fondé de ces exonérations accordées de 1998 à 1999. Brazzaville était complètement détruite, et nous n'avions rien à offrir aux gens qui avaient tout perdu ou qui essayaient de participer à la reconstruction. l'Etat ne pouvait qu'alléger la fiscalité. Pour ce qui est de la reconstruction nous avions donc accordé un an d'exonération totale, et pour le renouvellement de l'habitat, une exonération de 50%. N'oublions pas qu'à la sortie de la guerre l'inflation était à 22%, son niveau le plus haut. Nous avions donc décidé d'accorder une plus grande souplesse aux opérateurs. Ces mesures ont été critiquées par le FMI entre autres, mais à présent tout est rentré dans l'ordre et les recettes ont repris très nettement. Au niveau des impôts, nous avons dépassé les prévisions depuis plusieurs années. La douane quant à elle, suit le même cours depuis le dernier trimestre 2001. Malgré tout, nous avons le sentiment d'être en deçà des recettes optimales. Il nous faut donc faire des efforts au niveau des structures et des procédures, pour permettre une amélioration de l'efficacité et de la productivité. Les réformes sont en cours, nous mettons en place tout un dispositif de mesures et de transmission de l'information, à travers l'informatisation de l'ensemble des départements. Nous avons effectué un appel d'offres et deux cabinets ont été sélectionnés pour réaliser l'audit et nous aiguiller sur les priorités, pour nous débarrasser des goulots d'étranglements qui nuisent à la productivité de l'ensemble.

Nous sommes certains que nous arriverons à accroître l'ensemble des ressources et nous avons en projet une extension de la TVA. Aujourd'hui, certains secteurs ne sont pas touchés, par exemple l'informatique. Nous avons donc sollicité l'aide des organismes internationaux pour que l'état puisse se donner les moyens de sa politique.

Etes vous parvenu à réduire les dépenses publiques de manière satisfaisante?

La réduction des dépenses publiques était à la fois un objectif, mais en même temps un leurre. Le pays venait de sortir du chaos, nous n'avions pas d'autres solutions que d'entamer immédiatement la réhabilitation et la reconstruction pour permettre aux gens de retrouver un minimum vital, notamment dans les secteurs sociaux comme l'éducation ou la santé. Il fallait que les gens retrouvent des conditions de vie plus acceptables. Il était difficile de réduire les dépenses car l'état se devait d'être présent. De plus, au sortir de la guerre, une importante partie de la population était exilée de l'autre côté du fleuve, à Kinshasa, dans les forêts, ou au Gabon. Il fallait apporter de l'aide à toutes ces personnes. Nous nous sommes donc retrouvés face à une augmentation des charges. Nous avons également dû réorganiser les administrations et les services publiques, en procédant à une réduction des effectifs. Toutes ces mesures étaient nécessaire pour préparer un contexte favorable à une relance efficace.

Pourriez vous aborder le thème de la privatisation et son application au Congo, en particulier au niveau du secteur financier ?

La privatisation est un vieux sujet dans notre pays, cela remonte à plus de dix ans. Cependant, pour privatiser il faut réunir plusieurs conditions. Tout d'abord il faut que l'environnement d'accueil corresponde à ce qu'attend un investisseur. Ensuite il faut que les conditions juridiques soient réunies, et enfin qu'il y ait une réelle volonté de privatiser. Le gouvernement a donc décidé de rendre l'environnement propice, de créer un Comité de Privatisation pour gérer le processus, et de demander l'assistance des institutions internationales comme la Banque Mondiale pour faciliter le déroulement sans heurts de ce processus.

Les appels d'offres pour les entreprises du premier périmètre ont donc été lancés, et nous avons déjà pu privatiser toutes les sociétés forestières, le secteur pétrolier, et deux banques, pour ce qui est du secteur financier. Une banque est encore à la recherche d'un repreneur et nous avons mis en place un appel d'offre qui, nous l'espérons, aboutira d'ici la fin juin.

Nous mettons tous nos efforts dans ces privatisations, car elles s'inscrivent dans un processus sous régional dont nous ne voulons pas rester en marge. L'unification de l'espace sous régional est en net progrès au niveau aérien déjà. Au niveau bancaire, il existe un agrément unique pour toute la région. Il existe par exemple désormais, une charte d'investissement communautaire dont chaque pays peut s'inspirer pour la mise en place de sa propre charte. Au niveau douanier, nous avons atteint une parfaite harmonisation. Le chantier de la sous région impose donc à chaque pays de se mettre au diapason, de suivre l'évolution de la réglementation communautaire. Le Congo a perdu du temps à cause des évènements intérieurs, mais maintenant, nous faisons tous les efforts pour rattraper les autres et même les dépasser dans certains domaines, car notre système d'exploitation marche très bien et nous avons pu concrétiser quelques belles réussites au niveau national.

Les cours du pétrole sont une source de revenus considérables pour l'économie congolaise, la communauté internationale vous a reproché une gestion " obscure " de ces revenus, quelle est la situation aujourd'hui ?

Le miracle du revenu pétrolier est un faux miracle. Il ne faut pas croire que parce que la production de pétrole augmente, le Congo en retire d'énormes bénéfices. Nous ne percevons que les redevances et les impôts ; nous sommes dans un système de partage de production et les paramètres de ce partage ne sont pas toujours en notre faveur. Ce qui est réparti, c'est la part non affectée, après déduction de tous les coûts pétroliers, y compris les coûts financiers. Par conséquent, c'est le résidu du pétrole que nous nous partageons avec les contracteurs qui exploitent le pétrole. Donc, non seulement nous n'en dégageons pas des bénéfices colossaux, mais en plus nous avons des engagements domiciliés chez des pétroliers, qui nous retirent une partie de ce qui revient au Congo.
Le revenu pétrolier n'est donc pas une manne extraordinaire, qui nous permettrait de relancer l'économie avec beaucoup de faste. Cela nous permet néanmoins de vivre. Les revenus sont entièrement affectés au Trésor, et nous servent à couvrir les charges salariales de l'état, qui représentent un poste très sensible du budget. L'année dernière nous avions établi avec le FMI que la masse salariale devait représenter 114 milliards de F CFA. Mais nous avons fait le compte et nous atteignons presque 118 milliards de F CFA car au sortir de la guerre, nous devons faire face à certains problèmes qu'il faut résoudre en priorité. Par exemple, la réinsertion des anciens miliciens au sein de la police ou de l'armée génère un coût additionnel.

Le revenu pétrolier est donc absorbé en partie par ces charges salariales, la part restante est affectée à des investissements d'entretien ou de reconstruction. Les critiques que nous avons essuyées étaient fondées sur des erreurs de procédures comptables qui, à Washington sont assimilées à une " gestion obscure ". Nous avons clarifié la situation et à présent tout est en ordre. L'incompréhension est peut être également venue du fait que nous ayons créé une société d'état pour commercialiser la part de pétrole congolaise.

Cela n'a pas très bien été accepté par la Banque Mondiale et le FMI. Il y a eu suspicion de non-transparence. Ceci dit, la création d'une société pour suivre l'évolution des marchés nous est apparue nécessaire et les résultats nous donnerons raison.

Quelles sont vos prévisions de croissance ?

Nos prévisions pour cette année étaient de l'ordre de 4,1%. Malgré les coups d'arrêts dû aux évènements que nous connaissons, nous avons pu atteindre ce taux, qui est également dans la moyenne sous régionale, c'est à dire entre 3,5 et 4,1%. Actuellement, notre pays connaît un fort taux de croissance, notamment grâce aux nombreux travaux d'infrastructures, à la reprise de la production dans de nombreux secteurs et au secteur pétrolier, qui a connu un léger ralentissement, mais devrait bénéficier de la mise en production de la zone commune entre l'Angola et le Congo.

Quelles sont vos attentes en ce qui concerne l'agrément au terme de l'initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), et l'obtention de la réduction de la dette ?

C'est plus que vital pour nous parce qu'actuellement, nous avons un endettement insoutenable, notre budget ne peut pas prendre en charge le remboursement. Il nous faut donc restructurer la dette du Congo. Nous avons besoin d'un accord avec le FMI et d'un cahier de négociations avec les bailleurs de fonds et la communauté internationale. Cela nous permettra d'avoir un gain substantiel qui sera affecté à la lutte contre la pauvreté et à la croissance, par le renforcement des capacités de production. Nous avons l'exemple du Cameroun, qui une fois arrivé au point de décision, a bénéficié d'un abandon important de la dette sans même que l'on ait à discuter. C'est le principe de l'initiative PPTE, lorsque vous arrivez au point de décision, vous avez un allègement sensible de votre endettement, notamment au niveau des arriérés. Puis, lorsque vous arrivez au point d'achèvement, votre dette est restructurée, d'abord sur la base des conditions de Naples, c'est à dire l'abandon de 67% sur une assiette calculée d'un commun accord avec le club de Paris et les institutions financières internationales. Mais ensuite on peut avoir d'autres arrangements car l'initiative des PPTE vise à atteindre un taux d'abandon de la dette de 90%. Les 10% restants seront ensuite négociés par chaque pays bilatéralement. La France par exemple a d'ores et déjà annoncé, que si un pays atteignait ce taux de 90%, elle annulerait le solde des 10% restants.

C'est notre objectif, pour essayer de soulager nos finances publiques, pour les concentrer sur le cadre qui permettrait à l'activité de se développer, tant au niveau du privé que du publique.

Quelles opportunités mettriez vous en avant pour les investisseurs aujourd'hui ?

Notre économie est essentiellement primaire, avec le pétrole tout d'abord, puis également les minerais tel que le magnésium. Nous avons également une grande richesse forestière, dont l'exploitation est strictement surveillée et prend en compte la préservation de l'écosystème. Notre pays était avant tout un pays agricole, mais avec la découverte du pétrole, nous avons abandonné quelque peu cette vocation ; alors que justement, nous devrions promouvoir une diversification économique à partir de l'agriculture. Cela devrait nous préparer à mieux résister aux chocs extérieurs comme la crise asiatique.

Nos principales exportations, le pétrole et le bois sont des produits très sensibles aux variations du marché international.

Nous souhaitons également attirer l'économie volatile, les délocalisations par exemple comme dans le cadre de l'AGOA. Le Congo est un parfait point d'appui pour une entreprise exportatrice C'est pourquoi nous allons mettre en place des zones de développement économique privilégiées, avec des facilités fiscales pour créer des pôles d'exportation à partir du Congo.

Le Congo a toujours eu cette vocation de pays de transit, et cela nous permet de convoiter des marchés sous régionaux importants. Notre rôle dans la sous région est vraiment celui d'un pivot pour le développement.

Quel est votre plus grand défi ?

Notre plus grand défi, si je puis me permettre de parler en général, c'est la pauvreté. Avec les guerres, le congolais est devenu encore plus pauvre qu'avant. Nous étions déjà un pays à revenu intermédiaire et nous sommes tombés dans la catégorie " PMA " parce que le revenu par habitant a beaucoup chuté.

Nous sommes passés de presque 1000 dollars à 500 dollars par habitant. Donc nous avons connu une aggravation de la pauvreté, du chômage, une dégradation au niveau économique, dans les secteurs sociaux également avec la réapparition de maladies qui avaient disparues, comme la tuberculose, la bilharziose, sans compter les conséquences du développement du Sida. Le taux de prévalence est déjà de 10% dans notre pays, et nous devons parvenir à juguler son développement.

Le second défi concerne les infrastructures. Le Congo est un pays équatorial, avec une nature abondante, de nombreux cours d'eau, et une variation de qualité des sols qui peut être très importante. Ce qui implique un besoin de maintenance, d'entretien et de renouvellement des infrastructures très important afin de permettre d'assurer la liaison entre les provinces et même les pays voisins. Aujourd'hui, le pétrole est un levier pour notre économie et il doit nous permettre d'aller de l'avant. Mais l'économie de base, celle qui nous permettra d'inscrire notre développement dans la durée, est encore à mettre en place. Il faut des conditions d'approvisionnement en eau, électricité, télécommunications qui soient d'une fiabilité et d'un niveau suffisant à l'implantation d'une économie d'avenir. Il y a des îlots de prospérité dans le pays, et d'autre part, le vaste champ de la pauvreté. C'est cela que nous devons changer.

Quel message final adresseriez vous aux investisseurs ?


Aujourd'hui, le cadre est propice. Nous avons choisi la compétition et la productivité comme mode de développement de l'économie, il faut que l'investissement soit rentable. Le Congo garantit les initiatives, donc les investisseurs trouvent ici un terrain propice qui réunit les conditions favorables à la réalisation d'un retour sur investissement considérable. Le Congo est ouvert aux investisseurs de tous horizons, nous ne sommes pas la chasse gardée de la France. L'investissement n'a pas de nationalité ou de langue !

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