Comment décririez vous le secteur du
Tourisme Congolais aujourd'hui ?
Nous avons un potentiel considérable,
mais par rapport au Sénégal, où
j'ai longtemps vécu, et qui ne possède
pas le quart de ce que nous avons ici, nous sommes
en retard car ils ont su mettre en valeur ce qu'ils
ont. Ici au Congo, je crois que nous sommes trop
gâtés, et dans tous les domaines
d'ailleurs. On ne fait pas l'effort de valoriser
ce que nous avons et c'est bien dommage.
Cela a t il toujours été ainsi
?
En fait non, il y avait une activité auparavant,
mais aujourd'hui c'est comme si il n'y avait rien
eu. On repart véritablement de zéro.
C'était surtout pendant la période
coloniale puis également dans les premières
années de l'indépendance. Mais,
il n'y a pas eu de la part des gouvernements,
une politique déterminée pour développer
le tourisme.
Ce que je dis du tourisme est également
vrai pour la culture. Nous sommes en train d'élaborer
une loi d'orientation culturelle et également
une loi de développement touristique. Nous
en sommes encore au début, toutes les jeunes
générations ne connaissent pas le
tourisme, ils ne connaissent pas le pays parfois.
Ils ont assisté au déclin de la
culture congolaise, mais pas encore à la
renaissance. C'est pourquoi à présent
nous reprenons les choses de zéro.
Nous sommes optimistes car nous savons, et les
gens à l'extérieur savent également,
que le Congo était une destination prisée
pour la pêche, la chasse et déjà
une forme d'écotourisme. Il existait également
une forme de tourisme culturel, moins développé,
mais cela existait également.
Quelles sont aujourd'hui les grands axes de
développement séléctionnés
par le Ministère ?
Nous avons trois axes : l'écotourisme
car nous sommes déjà connus dans
le monde pour ça. Notamment pour la présence
de certaines espèces de gorilles que l'on
ne trouve qu'ici ainsi que de nombreux chimpanzés.
Nous avons des éléphants, des tortues,
des lamantins. Dans des lieux parfois plus difficiles
d'accès, comme dans la région de
Konkouati.
Cependant, quand vous allez à Odzala vous
voyez des singes, des éléphants,
mais aussi des oiseaux de toutes sortes. Il y
a au moins sept espèces de martin-pêcheurs.
De même pour les papillons. Récemment,
quand nous sommes allés à Imvouba,
j'ai réalisé que les papillons avaient
disparus de Brazzaville. A Javouhey en pépriphérie
de Brazzaville, il y avait une forêt qui,
jouxte la Nonciature maintenant, et on y trouvait
toutes sortes d'espèces de papillons, mais
avec l'urbanisation ils ont disparu. Il faut maintenant
aller au moins à 130 km d'ici pour voir
des papillons.
Nous avions un parc zoologique, mais il a été
décimé. On voit grandir des congolais
qui ne savent absolument rien de la faune, de
la végétation qui existent dans
leur pays, alors que ces richesses sont encore
là et qu'elles existent.
Le tourisme doit se développer sur deux
niveaux, pour les Congolais d'abord pour qu'ils
connaissent leur pays. Cela fait partie de notre
environnement, de notre culture que les gens ne
connaissent plus, surtout les jeunes.
Il y a aussi l'intérêt pour les étrangers
qui peuvent trouver un dépaysement complet.
Il y a ici tout ce qui correspond à l'image
que l'on se fait à l'étranger de
l'Afrique et d'un certain environnement, d'une
certaine faune et d'une certaine végétation.
Nous nous heurtons cependant à deux obstacles,
le manque d'intérêt de la part des
pouvoirs publics, et le manque d'infrastructures.
Nous sommes en train de sensibiliser l'opinion,
car je crois que les autorités ne sont
pas conscientes de ce que cela représente
en terme de création d'emplois.
Tous ces sites sont donc très difficiles
d'accès et les agences ne se risquent pas
à y envoyer leurs clients. Il y a une réelle
nécessité en infrastructures, mais
il faut cibler vers les sites d'utilité,
que ce soit pour l'évacuation des marchandises
agricoles ou pour la mise en valeur d'un site
touristique. Tout cela implique un réel
effort d'investissement et de reconstruction.
Nous sommes dans un programme post
conflit qui vise à rétablir la stabilité
et à assurer la remise en route de l'économie.
Les grands travaux font partie des projets du
gouvernement et c'est une bonne chose car nous
avons de nombreux jeunes prêts à
travailler.
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Existe-t-il une réelle volonté
de changer les choses aujourd'hui de la part des
opérateurs économiques ?
Nous avons connu 20 ans de monopartisme et de
marxisme-léninisme et ça a complètement
éteint toute initiative chez les Congolais.
Aujourd'hui encore, en tant que ministère,
on nous dit de construire les hôtels, les
routes, les restaurants. Mais ce n'est pas notre
travail, ce n'est pas à nous de faire ça.
Nous avons eu du mal à faire comprendre
aux opérateurs économiques qui sont
nos partenaires que notre rôle est de les
aider, de faciliter l'implantation, mais l'investissement
doit venir d'eux. Nous pouvons répertorier
les sites, faire refaire des cartes routières,
des cartes touristiques, donner accès à
l'information en créant des bureaux d'information
touristique.
Quelle approche allez vous adopter ? Mettre en
avant les atouts du Congo en tant que station
balnéaire ou axer le dévelopement
plus sur l'écotourisme ?
En fait nous souhaiterions promouvoir les deux
aspects. Nous allons faire un film qui présente
le Congo dans son ensemble, car en fait nous sommes
entre le fleuve Congo et l'Océan Atlantique.
Malheureusement nous avons très peu de
moyens, mais nous avons déjà la
chance d'avoir les sites, et nous avons des accords
avec l'Union Européenne, et également
l'intérêt des organisations écologistes
internationales qui étudient le patrimoine
naturel congolais.
En ce qui concerne le tourisme balnéaire,
il y a de nombreuses opportunités. Pour
ce qui est du fleuve il y avait un problème
de sécurité qui se posait avec les
gueres de RDC et celle d'ici, mais comme la situation
s'améliore sur les deux rives, nous pensons
que cette activité va pouvoir reprendre
prochainement.
Nous avons tous les deux ans également,
le Festival Panafricain de musique, qui est une
manifestation culturelle qui peut attirer beaucoup
de monde. Il est tout à fait possible lors
du Festival, d'exploiter la proximité du
fleuve et de Kinshasa également, en organisant
des excursions ou des activités en marges
de la musique, dans les alentours de Brazzaville.
Quelles sont les mesures d'encouragement sur
lesquelles vous travaillez pour attirer les investisseurs
?
Nous essayons, mais au sortir de la guerre, c'est
très difficile. Nous avons reçu
des visiteurs qui semblaient intéressés
par la construction d'hôtels, mais peut
être était-ce trop tôt et la
situation n'était pas au moins point qu'aujourd'hui
et ils ont dû évaluer le risque comme
étant trop important. Nous avons également
reçu des déléguations d'Afrique
du Sud, intéressées par le projet
d'Odzala, l'écotourisme. Maintenant que
le pays se stabilise, je pense que nous allons
pouvoir concrétiser quelques projets en
sommeil depuis trop longtemps. Nous avons repris
la participation aux diverses foires internationales
du tourisme depuis peu, nous nous rendons régulièrement
dans ces manifestations pour faire connaître
le potentiel du Congo, pour essayer de rappeler
aux gens que le Congo a été une
destination touristique par le passé, et
qu'il ne manque pas grand chose pour que cela
recommence.
N'avez vous pas souffert de l'arrivée
tardive de l'Internet par rapport à d'autres
pays africains ?
Absolument. Surtout pour ce genre de domaine,
l'Internet est un lieu d'exposition indispensable
de nos jours. Mais, encore faut-il aussi avoir
de quoi alimenter les sites, et pour l'instant,
nous n'avons pas grand chose. Malheureusement
nous n'avons pas encore le matériel et
les moyens pour mettre en valeur nos sites touristiques.
Si nous résumons, sur quels projets
allez vous concentrer vos efforts dans les deux
ans à venir ?
Comme je vous disais, sur l'écotourisme,
sur le tourisme balnéaire et fluvial, en
fait la mise en valeur de ce qui est déjà
connu et pour lequel nous avons un minimum de
structure. Odzala par exemple peut accueillir
des visiteurs, une douzaine aujourd'hui. Les sites
sont pour le moment dépourvus d'infrastructures,
et nous ne pouvons pas amener les gens et rentrer
à Brazzaville dans la journée, on
ne profite pas des sites. Les paysages sont merveilleux,
mais si on n'a pas un endroit ou boire un coup
ou manger en route, c'est possible pour les gens
de Brazzaville, mais pour des touristes c'est
dommage.
Auriez vous un message final pour nos lecteurs
?
Qu'ils viennent voir et apprécier d'eux-mêmes,
et qu'ils nous aident, justement à valoriser
toutes ces potentialités et à les
développer et, qu'ensemble, nous en fassions
la promotion.
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