Pourriez-vous tout
d'abord nous dresser un état des lieux général
du secteur des P&T au Congo ?
En 1964, le Congo a créé une entreprise
nationale nommée ONPT, Office National des
Postes et Télécommunications).
On avait pour le téléphone fixe,
le faisceau hertzien nord, sud, sud-ouest et cela
ne fonctionnait pas bien, même dans les
villes les centraux étaient déjà
saturés. Il n'y avait pas encore de téléphones
mobiles ; en fait juste avant le premier conflit,
il y a eu un mobile de type américain,
apporté par Cyrus qui s'est installé
dans notre pays. Mais les équipements n'étaient
pas de bonne qualité, c'était des
équipements très lourds et les gens
n'en voulaient pas. Cependant à l'époque
il n'y avait pas d'autres possibilités.
Lorsque la guerre a éclaté, toutes
les installations ont été détruites.
Au sortir de la guerre, le bilan était
catastrophique. C'est alors que le Président
a mis en place un nouveau gouvernement, et j'ai
été appelé. Personne ne voulait
de ce Ministère car la tâche promettait
d'être de longue haleine.
Je n'ai pas regardé l'ampleur de la tâche
dans son ensemble, c'eût été
effrayant et peut être aurais-je abandonné
d'avance.
J'ai commencé par réhabiliter le
central téléphonique Siemens qui
est à la direction générale
et on a rétabli le téléphone
dans la ville de Brazzaville. L'essentiel à
l'époque était de rétablir
une connexion avec la France, car malgré
tout, nous dépendons un peu d'elle. Après
l'avoir fait, nous avons pu rétablir le
lien avec Pointe Noire, en tant que capitale économique,
c'était également une urgence car
le train ne circulait plus et les avions étaient
rares.
Lorsque la guerre a éclaté, les
antennes du faisceau hertzien ont été
prises pour cible. Nous sommes redescendus plus
bas que terre ; le téléphone était
coupé. Cyrus nous a alors aidé à
établir un système de téléphone
par satellite pour joindre Pointe Noire. Les autres
villes n'étaient pas encore joignables.
Petit à petit nous avons réparé,
réhabilité les bureaux de postes,
en ville et dans l'hinterland.
Dans le courant de la guerre, en 1999, des sociétés
sont venues et nous avons attribué des
licences pour l'exploitation d'un réseau
de téléphonie mobile, Celltel puis
Libertis.
J'ai fait acheter des vélomoteurs pour
la distribution des courriers à domicile
et éventuellement le paiement des mandats
inférieurs à 100 000 Fcfa après
avoir rétabli le fonctionnement au niveau
international.
Voilà à peu près où
nous en sommes aujourd'hui, nous avons dépassé
le cap de ce qui existait avant la guerre.
Par ailleurs, il était tout de même
préoccupant que nous soyons l'un des derniers
pays d'Afrique à ne pas avoir l'Internet.
Le Président m'a demandé de tout
faire pour résoudre ce problème,
mais nous devions trop à Telsat et à
France Telecom qui ne pouvaient plus nous fournir
d'autres services. Nous avons réussi à
conclure un accord avec une société
qui a accepté de fournir le passage via
l'Afrique du Sud. Notre Internet n'est pas encore
fiable, nous rencontrons parfois quelques problèmes
de connexion, mais dans l'ensemble cela s'améliore
de plus en plus. Les Congolais se familiarisent
avec cet outil moderne, et on note une certaine
dynamique parmi les jeunes qui se tournent vers
les nouvelles technologies avec succès.
L'étape suivante pour nous a été
de récupérer notre nom de domaine,
le " .cg ", qui était détenu
par un particulier. Nous avons donc réinstallé
notre nom de domaine à Brazzaville, nous
avons fait venir l'équipement, et nous
allons mettre en place un nud national.
Avec l'engouement de la population pour le téléphone
portable, l'ONPT, l'entreprise d'état,
perdait petit à petit sa place dominante
sur le marché, alors nous lui avons donné
la possibilité de créer un réseau
de téléphonie mobile pour concourrir
avec les autres opérateurs. Il a fallu
trouver un partenaire étranger pour exploiter
la licence. Une société ivoirienne
avec ses racines aux USA, mais cela a trainé
puis finalement échoué. L'ONPT devait
participer à hauteur de 40%, et le partenaire
devait apporter 60%, peut être n'ont-ils
pas pu collecter les fonds.
C'était en quelle année ?
En 2000-2002, mais une nouvelle licence leur
sera accordée car ils vont commencer à
chercher un nouveau partenaire. En même
temps, pour faire marcher l'Internet il faut des
téléphones fixes fiables. Nous avons
mis sur pieds un projet de couverture nationale,
en collaboration avec une société
américaine et une société
chinoise. Ils ont déjà effectué
un survol de tous les sites appropriés,
et vont nous soumettre leurs offres par rapport
au cahier des charges.
Actuellement, Celtel couvre déjà par
la téléphonie mobile l'intérieur
du pays, et c'est très important pour les
régions. Nous avons bon espoir que le téléphone
filaire reprenne une part de l'activité après
sa privatisation. Nous attendons actuellement la
reprise des entités créées
lors du démantèlement de l'ONPT. Nous
avons la SOPECO (Société des Postes
et de l'Epargne Congolaise) qui va agir comme une
banque populaire en plus de gérer les services
postaux, et la SOTELCO (Société des
Télécommunications du Congo). Cette
dernière sera entièrement privatisée,
et cela devrait permettre un meilleur développement
et une couverture réellement nationale.
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SOPECO resterait
donc une entreprise d'état ?
Effectivement. Mais, si nous trouvons des partenaires,
nous pourrons céder des actions, car l'état
tout seul ne pourra peut être pas assumer
toutes les missions de la SOPECO. L'état
n'est pas un grand commerçant dans le fond,
la plupart des entreprises d'état seront
privatisées. Et actuellement je suis en
contact avec 3 sociétés françaises
qui s'intéressent aux chèques postaux
et à la caisse d'épargne.
La SOTELCO va être privatisée. France
Télécom serait peut être en
lice, et nous avons d'autres sociétés
et hommes d'affaires qui se sont montrés
intéressés. C'est une reprise qui
s'annonce prometteuse, notamment avec notre projet
de couverture nationale, mais également
car cela va être renforcé par l'arrivée
d'Africa-One. Il s'agit d'un cable sous-marin
de transmission de données. Ils sont présents
en Asie, en Europe, en Amérique, et nous
avons obtenu de Washington un point " d'atterissement
" à Pointe Noire. Cela nous donne
accès à la transmission de données
par fibre optique, et nous allons relier Brazzaville
en suivant le Chemin de Fer Congo-Océan.
Nous pourrons également servir de point
de transit pour les pays limitrophes de l'Afrique
Centrale par le fleuve Congo ou d'autres cours
d'eau de notre pays. Cela va permettre une réduction
importante des coûts téléphoniques.
Nous sommes également parmi les membres
d'une société qui va placer un satellite
au dessus de l'Océan Indien. Ce satellite
sera dédié à l'Afrique, pour
permettre une liaison efficace dans n'importe
quel village sur le continent.
Quel avenir voyez vous pour le service filaire,
qui a subit récemment une augmentation
très importante ?
Vous savez, les clients vont où cela fonctionne.
Au début de la téléphonie
mobile, ils allaient tous chez le même opérateur,
son réseau a été saturé,
alors tout le monde a couru chez le nouveau, et
puis après tout le monde est retourné
chez l'ancien, un peu comme des poulets qui courrent
après le maïs que l'on jette. Beaucoup
finalement gardent leur ligne fixe. Nous avons
revu les tarifs, car l'ONPT a été
lésée par les appels passés
depuis les lignes fixes vers les portables. L'ONPT
souffre également du piratage des lignes
des administrations publiques. Le samedi et le
dimanche, les administrations sont fermées,
et des gens venaient se connecter et utiliser
les lignes du ministère même pour
faire téléphoner leurs amis à
l'étranger.
Tous ces problèmes ont fait que nous allons
introduire le système de prépaiement
des communications. Des logiciels sont installés
dans les centres administratifs, et les administrations
publiques seront obligées d'acheter des
cartes d'appels et de les distribuer aux employés.
Cela contribuera à l'amélioration
du rendement des administrations.
Pour la Poste nous souhaitons améliorer
le service de vente de timbres, redonner une valeur
substantielle à la lettre, améliorer
l'acheminement du courrier, qui dépendait
parfois de l'humeur des préposés.
Nous allons remettre en place la notion de service
public.
Avez vous des contacts avec des opérateurs
intéressés par de nouvelles licences
de téléphonie mobile ?
Oui ! Hier, j'ai reçu une lettre d'une
société qui veut mettre un mobile
ici. Il y a aussi une société basée
au Centrafrique qui désire démonter
ses installations et venir à Brazzaville,
peut être parce que nous couvrons 342 000
km2 avec une population de 3 millions d'habitants.
Cela se comprend, il y a l'argent qui circule
et nous avons beaucoup de pétrole, du bois
et une vocation de transit qui attire les opérateurs.
Quels avantages du Congo mettriez vous en avant
pour les investisseurs?
Le Président réélu et la
paix retrouvée, la présence de textes
définissant le cadre d'investissement,
et la présence déjà, de nombreux
investisseurs étrangers qui n'ont rencontré
aucun problème pour développer leur
activité. C'est le meilleur témoignage.
Quelle a été l'expérience
la plus satisfaisante que vous ayez vécu
à la tête de ce Ministère
?
Pour moi c'est l'explosion du mobile. Le développement
malgré les réticences de départ
de toute une partie de l'administration. J'ai
réussi à les convaincre, et en 2001
je crois que le Congo avait le meilleur taux de
pénétration en Afrique.
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