THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Jean-Marie TASSOUA Interview avec:

M. Jean-Marie TASSOUA
Ministre de l'Energie et de l'Hydraulique
24 avril 2002
 

Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'énergie hydraulique au Congo ?

Disons qu'à l'heure actuelle, les potentialités hydroélectriques recensées sont de l'ordre de 2.500 mégawatts. Nous avons à peine 89 mégawatts qui sont exploités. C'est à dire 15 pour le Djoué et 74 pour Moukoukoulou. Donc il n'y a pas besoin de faire un dessin, notre réseau est très mal développé. Et sans électricité, le développement devient très difficile.

Le Ministère a essayé de faire un travail de prévision d'électrification du pays pour ouvrir un boulevard énergétique qui partirait de Pointe-Noire jusqu'à l'extrême nord du Congo, à Bétou. Cela devait se faire sur une période de 10 ans. Nous commencions d'abord par des micro-barrages dans les régions pour, dans un premier temps, alimenter les capitales de ces régions qui sont quand même importantes. Il y avait une dizaine de projets de micro-barrages, dont les plus importants sont à Gamboma, Ouesso et Mbomo. Il était ensuite prévu de les réaliser sur une période de 4 ans, pour faire en sorte qu'il y ait de l'électricité un peu partout dans le pays. Dans une deuxième phase, on devait s'atteler à construire un barrage de dimension moyenne à Imboulou, où il y a la possibilité d'exploiter de 100 à 300 mégawatts. Cela devait prendre 4 à 5 ans pour réaliser ce projet, ensuite il aurait fallu interconnecter le réseau. Aujourd'hui, je dois dire que je suis assez déçu. Parce que 5 ans après, on est presque toujours sur la case départ.

De même, on avait prévu pour Pointe-Noire, qui est la capitale économique, une centrale thermique évolutive à gaz. On partirait de 25 à 50 mégawatts. Avec le gaz torché et non encore exploité, on devrait pouvoir arriver à quelque chose comme 310 - 320 mégawatts d'énergie gazière. Là aussi je suis déçu parce qu'on a beaucoup tergiversé et on n'a pas encore démarré. Donc 5 ans après que le cabinet et l'ensemble des cadres qui travaillent à ce projet fixé sur 10 ans ont commencé, on est encore à la case départ. On a essayé de faire un contrat de probabilité avec une entreprise tchèque, le travail a commencé mais malheureusement il n'est pas encore achevé par manque de financement.
Pour la centrale thermique, après avoir longtemps tergiversé, finalement les pétroliers ont accepté de se mettre de la partie. C'est à dire Chevron et Agip.

Puis nous avons été en Chine au mois d'août 2001. Nous y avons conclu un marché pour nous construire un barrage à Imbouli. Là aussi, les conditions à remplir par le Congo ne le sont pas encore. Nous sommes donc en position d'attente. Tout est à faire. Les opérateurs économiques doivent investir dans ce secteur énergétique, mais ce n'est pas facile de les en convaincre. Je suis un peu déçu, parce que pour l'appel d'offres qui a été lancé pour la privatisation de la Société Nationale d'Electricité (SNE), on n'a pas vu les plus grandes sociétés tels EDF, ESCOM ou Général Electric se manifester.

C'est peut être pour des raisons d'insécurité ou de stabilité ?

Peut-être. La sous-région d'Afrique centrale est quand même dans une situation préoccupante. Quand vous partez de l'Afrique du sud jusqu'au Cameroun, vous avez les deux Congo qui étaient en guerre jusqu'il y a peu et on n'est pas encore tout à fait sorti du tunnel. L'Angola a été en guerre lui aussi, pendant 30 ans. Bref, la situation est telle qu'il y a comme une hésitation.

Moi je pense que le Congo a choisi de sortir de la guerre. Nous avons à la tête du pays M. Denis Sassou-Nguesso qui est un meneur d'hommes. C'est quelqu'un d'expérience, qui avait réussi à hisser le Congo, lors de son premier mandat, au rang de pays à revenus intermédiaires. Avec M. Lissouba nous étions parmi les PMA (pays les moins avancés). Et aujourd'hui la volonté de faire mieux est là. Avec tout ce que nous avons comme potentialités, s'il y a des gens qui peuvent être intéressés par le Congo, il ne faudrait pas qu'ils hésitent. L'insécurité au niveau zéro n'existe nulle part. Ce n'est pas parce qu'on a tué M. Hérignac en Corse que la France est ingouvernable. Les faits divers douloureux ça existe partout.

Le Congo est 11 fois plus grand que la Belgique, mais il est dramatiquement sous-peuplé. 3 millions d'habitants seulement. On a de l'eau, une terre fertile. On a de l'or, du diamant, 20 millions d'hectares de forêt à essences nobles, du pétrole. Alors qu'est ce qu'on demande au bon Dieu ? Pourquoi les investisseurs ne viennent-ils pas? Ils le faut, parce que c'est dans l'intérêt de tout le monde. Ou bien il faut développer l'Afrique et y retenir les intelligences ou alors on n'aura pas les moyens de mettre en place la vie que les jeunes veulent et on sera alors obligé d'aller " embêter " (excusez-moi le mot) les occidentaux, chez eux, dans leur confort.

Sur la desserte, quels sont les chiffres dans le secteur énergétique ?

Disons que dans les centres urbains on a à peu près 55 - 60 % de couverture en besoins. Dans l'arrière pays on est à 10 - 11 %

Quelle est la situation en ce qui concerne l'hydraulique ?

En ce qui concerne l'hydraulique, le pays est très arrosé. Notre problème ce n'est pas le manque d'eau, c'est plutôt le trop d'eau, mais qu'il faudrait rendre potable pour l'ensemble des populations. En dehors des centres urbains comme Pointe-noire et Brazzaville, et dans une moindre mesure Dolisie et Nkayi, il reste là aussi à faire en sorte que dans tout l'arrière pays, on apporte de l'eau potable. L'eau existe en abondance dans l'ensemble du pays, il faut simplement la rendre potable. Parce que si l'eau est le premier aliment, c'est aussi le premier vecteur de fléaux. Beaucoup de maladies ici sont dues à la qualité de l'eau.

Là aussi c'est pareil. Quand on a fait l'appel d'offres pour la Société Nationale de Distribution d'Eau (SNDE) et on n'a pas vu un grand nombre de sociétés se bousculer. Vivendi, Saure, et By Watter ont remporté le morceau. Mais vous savez, les grosses entreprises quand elles arrivent, c'est avec leurs conditions qui ne sont pas toujours à notre goût.

Où en êtes-vous avec la reprise de la SNDE par By Watter ?

Nous sommes prêts et attendons de discuter avec By Watter sur le contrat de concession. Nous n'avons pas encore été approchés à ce sujet. Le comité de privatisation est sur le sujet. Mais plus on attend, plus le temps passe avec pour nous la lourde charge de préserver l'existant. Pour le moment cahin-caha, la SNDE essaie d'alimenter Brazzaville et Pointe-Noire. On attend que By Watter vienne avec sa technologie, pour assainir le secteur.

Je pense que public ou privé, l'eau sera toujours un service public. En amont on a quand même pris des précautions tout aussi bien en ce qui concerne l'eau que l'électricité, pour garantir la qualité. Il y aura Congo Electricité qui sera l'interface entre l'état et les opérateurs privés. Parce que l'eau et l'électricité c'est tellement stratégique qu'on ne peut pas faire preuve de laxisme là-dessus. Il faut être vigilant. Au niveau du gouvernement on a pris des précautions en mettant en place un code de l'eau et un code de l'électricité qui rassurent un peu tout le monde : les opérateurs économiques, le public et le gouvernement. Comme prévu, nous avons eu des discussions avec la Banque Mondiale, la BAD, la CFD. Nous avons pris en compte leurs observations et arrêté un document, un texte de lois voté. Nous avons tenu compte de la fourniture d'électricité par la RDC qui est plus ou moins de l'ordre de 30 - 50 mégawatts.

Comment voyez-vous l'évolution de votre secteur ?

S'il n'y avait pas de perturbations récurrentes avec la guerre, peut être que d'ici là on devrait pouvoir démarrer les travaux du barrage d'Imboulou. Si on le démarre, ce sera au départ avec une capacité de 120 mégawatts. Plus les 89 existants, on améliorerait quand même de façon substantielle la distribution de l'électricité dans le pays. Parce qu'une partie de l'électricité serait consommée à Brazzaville et l'autre partie dans le nord du pays. On pourrait ainsi alimenter les industries du bois. Donc si Imboulou est réalisé, on n'aura pas résolu tous les problèmes, mais les ¾ seraient maîtrisés.

Est-ce que vous sentez la communauté internationale attentive à ce qui se passe ici ?

Je ne pense pas. Il suffit q'une mouche aille piquer M. Sharon en Israël, et c'est le monde entier qui est dans le noir. Mais qu'une catastrophe nous tombe ici, ça n'intéresse personne. Je pense que c'est une grosse interrogation que la communauté internationale devrait pouvoir prendre en compte pour faire en sorte que les choses changent.

Nous avons la responsabilité de faire avancer les choses. Mais la communauté internationale doit faire en sorte que les pays du 1/3 monde s'en sortent. Je me souviens qu'au lendemain de la 2ème guerre mondiale il y a eu un plan Marshall pour réparer l'Europe. L'Afrique est à peu près au même niveau.

Mais on parle aujourd'hui du NEPAD ?

Le NEPAD, oui mais il y a à boire et à manger la-dedans. Je ne peux pas juger les chefs d'Etats africains, mais il faut souhaiter qu'il y ait une forte solidarité, pour que tous les pays aient et expriment le même point de vue. Dans tous les cas, pour développer le monde aujourd'hui, on n'a pas d'autres choix que d'arrimer l'Afrique au train du développement.

Quelle a été pour vous l'expérience la plus satisfaisante à ce Ministère ?

Je pense que le contrat d'Imboulou est quelque chose de fabuleux. Si ça pouvait démarrer, ce sera un ouvrage sur lequel on pourrait s'attacher de façon positive.

Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes ?

Pour vos lecteurs disséminés à travers le monde, je pense qu'ils doivent se rendre compte que l'intérêt pour nous tous c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de disparités trop grandes. Il faut que les décideurs à travers le monde, notamment en occident comprennent bien qu'on peut tuer des terroristes, mais qu'on ne pourra jamais tuer le terrorisme tant qu'il y a des fortes disparités. C'est impossible. On peut tuer Yasser Arafat ou des dirigeants palestiniens mais on ne pourra pas tuer tout le peuple palestinien, parce qu'il y a une injustice flagrante. Il faut qu'ils aient une terre. C'est tout ça qui engendre le terrorisme.
Ce qui s'est passé le 11 septembre à New York engendre un sentiment de révolte, de la nausée, ça secoue le ventre. Des hommes et des femmes qui sont écrasés comme ça dans ces deux tours, c'est ignoble. Ça peut cependant arriver à tout le monde et n'importe où, tant que la conscience collective et universelle ne prend pas en compte le fait qu'il ne faut pas qu'il y ait trop de disparités entre le nord et le sud, entre les possédants et ceux qui n'ont rien. C'est un peu illuminé ce que je dis là, mais si on veut la paix et la stabilité, il faudra s'y résoudre. Parce que quand un homme n'a plus rien, tout ce qui lui reste c'est essayer de se défendre.

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