THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Jean-Baptiste TATI LOUTARD Interview avec:

M. Jean-Baptiste TATI LOUTARD

Ministre des Hydrocarbures
16 avril 2002
 

Est-ce que vous pouvez nous dresser un état des lieux du secteur pétrolier en général ?

Ce secteur est, pour le moment, le poumon de l'économie nationale. Mais c'est une réalité qui ne nous satisfait pas vraiment. Nous savons en effet que le pétrole est une énergie non renouvelable à cours termes. Donc il nous faut dynamiser d'autres secteurs en dehors du pétrole, comme l'agriculture, l'élevage et l'industrie.

C'est vrai que le pétrole génère beaucoup d'activités, que nous essayons d'exploiter. Il n'y a pas que le brut, il y aussi l'ammoniac, la pétrochimie, les graisses, le gasoil, etc. Il y a plus de 130 sociétés dans la sous-traitance pétrolière. Donc c'est une activité qui est considérable et très dense dans ses extensions. Mais comme je vous l'ai dit, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cela, puisque progressivement les ressources vont s'épuiser, malgré la longévité de certains gisements. La durée de vie des gisements est de 10, 15, 20 ans. Donc à plus ou moin brève échéance ce ne sera plus le secteur phare. Voilà pourquoi le gouvernement essaie de faire des efforts pour développer d'autres secteurs.

Aujourd'hui nous avons une production qui avoisine 85 - 100 millions de barils. Nous avons une production régulière de près de 12 % depuis 1997, c'est à dire depuis le retour du Président Sassou aux affaires. Mais, depuis 2 ans, on a enregistré un certain recul de la production. Nous avions opéré l'année dernière 13,6 millions de tonnes. Mais en réalité nous n'avions réalisé que 12,5 millions de tonnes. Donc il y a eu recul.

Heureusement il y a le gisement de Mengo qui va entrer en production cette année. Et nous avons l'espoir avec la zone d'utilisation pour laquelle nous avons signé un accord avec l'Angola. Nous espérons pouvoir augmenter notre production, en tablant sur plus d'un milliard de barils de réserves pour cette zone. Donc il y a beaucoup d'espoir, beaucoup de projets également en ce qui concerne le domaine pétrolier.

L'importance de ce domaine se traduit aussi en chiffres. Nous avons plus de 70 % des recettes de l'Etat qui proviennent du pétrole. Près de 60 % du PIB vient également du pétrole. Nous avons d'autres perspectives pour le bassin côtier qui est la plus grande zone pétrolière couverte à près de 95 %. Mais nous avons aussi d'autres zones comme la Noumbi, comme les blocs marines 1 et 2 et surtout nous avons la grande zone de la cuvette intérieure qui couvre à peu près 100 à 120 km2 et qui est encore inexplorée. Nous avons beaucoup d'indices prometteurs en ce qui concerne cette zone. Mais naturellement il faut faire des découvertes commerciales.

Voilà en gros ce qu'on peut dire du secteur pétrolier.

Comment se traduit, pour le gouvernement, le passage de la concession au partage de production ?

La concession est un contrat qui été en usage de 1968 à 1994. Evidemment les sociétés pétrolières, dans ce cadre juridique, devaient acquérir des concessions. Nous avons pensé en 1994 qu'il fallait passer aux contrats de partage de production qui nous assurent des revenus quelle que soit la situation.

Pour tenir compte de l'apport financier des sociétés de production, nous avons une partie de la production qui va aux remboursements des investissements consentis. C'est le "cost oil". Nous avons la redevance pétrolière qui est de 15 %. Et pour le reste nous avons le partage de production. Ce qui nous donne à peu près 30 à 35 % de la production. Donc nous pensons que le contrat de partage de production est un contrat législatif intéressant pour le pays et pour les sociétés pétrolières à la fois.

Comment appréciez-vous vos relations avec les opérateurs pétroliers actuels ?

De ce point de vue nous avons d'abord cherché à diversifier nos partenaires. C'était absolument nécessaire. Nous avons de 1968 jusqu'à la fin des années 70 eu des relations tout à fait privilégiées avec Elf et Agip, mais par la suite, nous nous sommes rendu compte qu'on n'exploite pas le pétrole seulement en France et en Italie. Nous avons d'autres sociétés par, exemple américaines, qui ont un savoir-faire important dont nous ne pouvions nous passer. C'est pour cela entre autres que nous avons ouvert nos portes à des sociétés telles que Exxon, Noméco et Chevron. On a parfois enregistré des déconvenues, comme avec Exxon. Parce que le permis de cette société n'a pas donné des résultats satisfaisants en haute mer. Autrement dit la découverte n'était pas assez intéressante. Nous avons également connu des déconvenues avec Chevron. Mais Chevron revient maintenant par le biais de l'huile et le gaz, puisque cette société va travailler avec AGIP pour mettre sur pied une usine de production électrique à partir du gaz, pour Pointe-Noire. Les travaux de cette centrale thermique ont déjà commencé.

En ce qui concerne la privatisation d'Hydro-Congo où en êtes-vous ?

Nous avons pour Hydro-Congo signé un accord-cadre le 2 juin 1997. mais après des contacts avec les sociétés repreneurs que sont Total et Shell, nous avons eu des échanges qui ont abouti le 15 mai 2001, à l'adoption d'un avenant qui nous permet de réajuster un peu les choses. Nous pensons raisonnablement qu'à partir de septembre 2002 nous pourrons commencer par remettre tout aux sociétés pétrolières.

Au mois de décembre 2001, nous avons privatisé le gaz qui faisait également partie des activités d'Hydro-Congo. En février 2002, nous avons privatisé l'usine de fabrication des lubrifiants. Donc il reste en réalité un seul secteur à privatiser, c'est celui de la distribution des produits. Et les sociétés de distribution se sont déjà constituées. Par exemple la société qui va s'occuper de la logistique rassemble Total et Chevron-Texaco et aussi la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC). Parce que vous savez que la distribution des produits pétroliers a quand même un caractère stratégique, on ne peut donc pas laisser toute la distribution des produits pétroliers à des étrangers. Voilà pourquoi nous avons mis dans ce groupe contracteur la SNPC qui n'a pas une participation majoritaire, mais cependant assez intéressante. Soit 32 % pour l'état congolais dont 17 % que nous donnons aux nationaux congolais. Il faut que les Congolais qui ont un peu d'argent puissent avoir une participation dans cette société. Le reste, soit 68 %, revient aux sociétés étrangères.

Et en ce qui concerne la CORAF ?

La CORAF est destinée à être privatisée. Puisque c'est tout l'aval pétrolier qui va être privatisé. Dans la situation actuelle, nous avons retenu des offres. Il y en a plusieurs. Le comité de privatisation va bientôt se réunir pour regarder les offres et décider de la plus intéressante pour l'Etat congolais.

Quelles sont aujourd'hui les opportunités possibles dans le secteur pétrolier ?

Je vais plutôt vous parler du cadre législatif qui tient compte des investissements des sociétés étrangères. On l'a vu, à la production nous tenons compte du remboursement des investissements. Donc cela ne devrait pas faire fuir les investisseurs. Nous avons également le partage de production. On peut dire que quand nous avons 30-32 %, il y a 68 % pour les sociétés étrangères. Les investisseurs s'y retrouvent donc.

Nous avons également des opportunités. Je vous ai parlé des zones libres telles que la Noumbi, les blocs 11 et 12 qui sont des zones pour lesquelles nous faisons la promotion et qui devraient intéresser les investisseurs. Nous faisons également des efforts pour que les risques et périls ne soient pas épouvantables. Le fait que la plupart des champs producteurs se trouvent en mer devrait aussi intéresser les investisseurs. Je peux citer par exemple la guerre civile de 1997 qui a été une guerre atroce, mais qui n'a pas entravé un seul jour la production. Parce que les champs comme Nkossa et Kitina se trouvent à 60 km de la côte.

Voulez-vous parler de la production on shore ?

Il y a une société française, " Zetah Maurel & Prom " qui opère dans une zone on shore, avec des résultats d'ailleurs assez intéressants. Nous avons le champ de Kouakouala et celui de Mbondi qui s'annoncent très intéressants. Zetah Maurel & Prom qui évacuait ses produits par camion citerne a décidé de se pourvoir d'un pipeline. Ce qui lui permet d'évacuer très vite et avec beaucoup plus de sûreté sa production.

Y a t-il d'autres secteurs en on shore où il est possible d'investir ?

Oui ! La Noumbi est en on shore également. Et il y a aujourd'hui une société franco-chinoise, une société canadienne, Zetah et autres qui sont sur les rangs. Donc nous avons beaucoup de prétendants ou clients peut-on dire.

Quel est pour vous le moment le plus intéressant que vous ayez vécu au Ministère des Hydrocarbures ?

D'abord je peux dire en tant que Ministre des Hydrocarbures que je ne me suis pas vraiment senti malheureux, dans la mesure où nous avons connu depuis 1999 une production régulière. Ensuite nous avons connu une conjoncture, on peut dire une embellie en ce qui concerne les cours du baril qui a atteint des sommets. Nous avons parfois été au-delà de 30 dollars le baril.

Nous avons aussi eu un autre motif de satisfaction, c'est le fait que nous ayons connu une période où le dollar qui est notre monnaie de facturation a été assez haut. Donc on n'a pas à s'en plaindre.

D'autre part, je suis venu à ce département comme un profane. Comme vous le savez peut être, je suis d'abord resté Ministre de la culture pendant 15 ans dans ce pays. Donc je suis plutôt quelqu'un des sciences humaines. J'ai découvert que le domaine pétrolier pouvait faire partie des sciences humaines, parce que je me suis rendu compte comment les courbes de production pétrolière évoluaient sur des faits strictement humains.

Par exemple sur des incidents entre hommes au Moyen Orient, etc. Donc le pétrole est une personnalité qui est très sensible à la réalité humaine.

Même quand on est profane, au bout de 4 - 5 ans on finit tout de même par comprendre un certain nombre de mécanismes et en tirer profit.

Avez-vous un message pour nos 600.000 lecteurs ?

J'ai découvert que Forbes est une revue très intéressante, parce que c'est une revue économique qui a une large approche de l'activité économique dans le monde. C'est très intéressant. On est informé de ce qui se passe ailleurs. Parce qu'à l'ère de la mondialisation, il est absolument important de savoir ce qui se passe, surtout dans des domaines tel que le pétrole.

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