Est-ce que vous pouvez nous dresser un état
des lieux du secteur pétrolier en général
?
Ce secteur est, pour le moment, le poumon de
l'économie nationale. Mais c'est une réalité
qui ne nous satisfait pas vraiment. Nous savons
en effet que le pétrole est une énergie
non renouvelable à cours termes. Donc il
nous faut dynamiser d'autres secteurs en dehors
du pétrole, comme l'agriculture, l'élevage
et l'industrie.
C'est vrai que le pétrole génère
beaucoup d'activités, que nous essayons
d'exploiter. Il n'y a pas que le brut, il y aussi
l'ammoniac, la pétrochimie, les graisses,
le gasoil, etc. Il y a plus de 130 sociétés
dans la sous-traitance pétrolière.
Donc c'est une activité qui est considérable
et très dense dans ses extensions. Mais
comme je vous l'ai dit, nous ne pouvons pas nous
satisfaire de cela, puisque progressivement les
ressources vont s'épuiser, malgré
la longévité de certains gisements.
La durée de vie des gisements est de 10,
15, 20 ans. Donc à plus ou moin brève
échéance ce ne sera plus le secteur
phare. Voilà pourquoi le gouvernement essaie
de faire des efforts pour développer d'autres
secteurs.
Aujourd'hui nous avons une production qui avoisine
85 - 100 millions de barils. Nous avons une production
régulière de près de 12 %
depuis 1997, c'est à dire depuis le retour
du Président Sassou aux affaires. Mais,
depuis 2 ans, on a enregistré un certain
recul de la production. Nous avions opéré
l'année dernière 13,6 millions de
tonnes. Mais en réalité nous n'avions
réalisé que 12,5 millions de tonnes.
Donc il y a eu recul.
Heureusement il y a le gisement de Mengo qui va
entrer en production cette année. Et nous
avons l'espoir avec la zone d'utilisation pour
laquelle nous avons signé un accord avec
l'Angola. Nous espérons pouvoir augmenter
notre production, en tablant sur plus d'un milliard
de barils de réserves pour cette zone.
Donc il y a beaucoup d'espoir, beaucoup de projets
également en ce qui concerne le domaine
pétrolier.
L'importance de ce domaine se traduit aussi en
chiffres. Nous avons plus de 70 % des recettes
de l'Etat qui proviennent du pétrole. Près
de 60 % du PIB vient également du pétrole.
Nous avons d'autres perspectives pour le bassin
côtier qui est la plus grande zone pétrolière
couverte à près de 95 %. Mais nous
avons aussi d'autres zones comme la Noumbi, comme
les blocs marines 1 et 2 et surtout nous avons
la grande zone de la cuvette intérieure
qui couvre à peu près 100 à
120 km2 et qui est encore inexplorée. Nous
avons beaucoup d'indices prometteurs en ce qui
concerne cette zone. Mais naturellement il faut
faire des découvertes commerciales.
Voilà en gros ce qu'on peut dire du secteur
pétrolier.
Comment se traduit, pour le gouvernement, le
passage de la concession au partage de production
?
La concession est un contrat qui été
en usage de 1968 à 1994. Evidemment les
sociétés pétrolières,
dans ce cadre juridique, devaient acquérir
des concessions. Nous avons pensé en 1994
qu'il fallait passer aux contrats de partage de
production qui nous assurent des revenus quelle
que soit la situation.
Pour tenir compte de l'apport financier des sociétés
de production, nous avons une partie de la production
qui va aux remboursements des investissements
consentis. C'est le "cost oil". Nous
avons la redevance pétrolière qui
est de 15 %. Et pour le reste nous avons le partage
de production. Ce qui nous donne à peu
près 30 à 35 % de la production.
Donc nous pensons que le contrat de partage de
production est un contrat législatif intéressant
pour le pays et pour les sociétés
pétrolières à la fois.
Comment appréciez-vous vos relations
avec les opérateurs pétroliers actuels
?
De ce point de vue nous avons d'abord cherché
à diversifier nos partenaires. C'était
absolument nécessaire. Nous avons de 1968
jusqu'à la fin des années 70 eu
des relations tout à fait privilégiées
avec Elf et Agip, mais par la suite, nous nous
sommes rendu compte qu'on n'exploite pas le pétrole
seulement en France et en Italie. Nous avons d'autres
sociétés par, exemple américaines,
qui ont un savoir-faire important dont nous ne
pouvions nous passer. C'est pour cela entre autres
que nous avons ouvert nos portes à des
sociétés telles que Exxon, Noméco
et Chevron. On a parfois enregistré des
déconvenues, comme avec Exxon. Parce que
le permis de cette société n'a pas
donné des résultats satisfaisants
en haute mer. Autrement dit la découverte
n'était pas assez intéressante.
Nous avons également connu des déconvenues
avec Chevron. Mais Chevron revient maintenant
par le biais de l'huile et le gaz, puisque cette
société va travailler avec AGIP
pour mettre sur pied une usine de production électrique
à partir du gaz, pour Pointe-Noire. Les
travaux de cette centrale thermique ont déjà
commencé.
En ce qui concerne la privatisation d'Hydro-Congo
où en êtes-vous ?
Nous avons pour Hydro-Congo signé un accord-cadre
le 2 juin 1997. mais après des contacts
avec les sociétés repreneurs que
sont Total et Shell, nous avons eu des échanges
qui ont abouti le 15 mai 2001, à l'adoption
d'un avenant qui nous permet de réajuster
un peu les choses. Nous pensons raisonnablement
qu'à partir de septembre 2002 nous pourrons
commencer par remettre tout aux sociétés
pétrolières.
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Au mois de décembre
2001, nous avons privatisé le gaz qui faisait
également partie des activités d'Hydro-Congo.
En février 2002, nous avons privatisé
l'usine de fabrication des lubrifiants. Donc il
reste en réalité un seul secteur à
privatiser, c'est celui de la distribution des produits.
Et les sociétés de distribution se
sont déjà constituées. Par
exemple la société qui va s'occuper
de la logistique rassemble Total et Chevron-Texaco
et aussi la Société Nationale des
Pétroles du Congo (SNPC). Parce que vous
savez que la distribution des produits pétroliers
a quand même un caractère stratégique,
on ne peut donc pas laisser toute la distribution
des produits pétroliers à des étrangers.
Voilà pourquoi nous avons mis dans ce groupe
contracteur la SNPC qui n'a pas une participation
majoritaire, mais cependant assez intéressante.
Soit 32 % pour l'état congolais dont 17 %
que nous donnons aux nationaux congolais. Il faut
que les Congolais qui ont un peu d'argent puissent
avoir une participation dans cette société.
Le reste, soit 68 %, revient aux sociétés
étrangères.
Et en ce qui concerne la CORAF ?
La CORAF est destinée à être
privatisée. Puisque c'est tout l'aval pétrolier
qui va être privatisé. Dans la situation
actuelle, nous avons retenu des offres. Il y en
a plusieurs. Le comité de privatisation va
bientôt se réunir pour regarder les
offres et décider de la plus intéressante
pour l'Etat congolais.
Quelles sont aujourd'hui les opportunités
possibles dans le secteur pétrolier ?
Je vais plutôt vous parler du cadre législatif
qui tient compte des investissements des sociétés
étrangères. On l'a vu, à la
production nous tenons compte du remboursement des
investissements. Donc cela ne devrait pas faire
fuir les investisseurs. Nous avons également
le partage de production. On peut dire que quand
nous avons 30-32 %, il y a 68 % pour les sociétés
étrangères. Les investisseurs s'y
retrouvent donc.
Nous avons également des opportunités.
Je vous ai parlé des zones libres telles
que la Noumbi, les blocs 11 et 12 qui sont des zones
pour lesquelles nous faisons la promotion et qui
devraient intéresser les investisseurs. Nous
faisons également des efforts pour que les
risques et périls ne soient pas épouvantables.
Le fait que la plupart des champs producteurs se
trouvent en mer devrait aussi intéresser
les investisseurs. Je peux citer par exemple la
guerre civile de 1997 qui a été une
guerre atroce, mais qui n'a pas entravé un
seul jour la production. Parce que les champs comme
Nkossa et Kitina se trouvent à 60 km de la
côte.
Voulez-vous parler de la production on shore
?
Il y a une société française,
" Zetah Maurel & Prom " qui opère
dans une zone on shore, avec des résultats
d'ailleurs assez intéressants. Nous avons
le champ de Kouakouala et celui de Mbondi qui s'annoncent
très intéressants. Zetah Maurel &
Prom qui évacuait ses produits par camion
citerne a décidé de se pourvoir d'un
pipeline. Ce qui lui permet d'évacuer très
vite et avec beaucoup plus de sûreté
sa production.
Y a t-il d'autres secteurs en on shore où
il est possible d'investir ?
Oui ! La Noumbi est en on shore également.
Et il y a aujourd'hui une société
franco-chinoise, une société canadienne,
Zetah et autres qui sont sur les rangs. Donc nous
avons beaucoup de prétendants ou clients
peut-on dire.
Quel est pour vous le moment le plus intéressant
que vous ayez vécu au Ministère des
Hydrocarbures ?
D'abord je peux dire en tant que Ministre des Hydrocarbures
que je ne me suis pas vraiment senti malheureux,
dans la mesure où nous avons connu depuis
1999 une production régulière. Ensuite
nous avons connu une conjoncture, on peut dire une
embellie en ce qui concerne les cours du baril qui
a atteint des sommets. Nous avons parfois été
au-delà de 30 dollars le baril.
Nous avons aussi eu un autre motif de satisfaction,
c'est le fait que nous ayons connu une période
où le dollar qui est notre monnaie de facturation
a été assez haut. Donc on n'a pas
à s'en plaindre.
D'autre part, je suis venu à ce département
comme un profane. Comme vous le savez peut être,
je suis d'abord resté Ministre de la culture
pendant 15 ans dans ce pays. Donc je suis plutôt
quelqu'un des sciences humaines. J'ai découvert
que le domaine pétrolier pouvait faire partie
des sciences humaines, parce que je me suis rendu
compte comment les courbes de production pétrolière
évoluaient sur des faits strictement humains.
Par exemple sur des incidents entre hommes au Moyen
Orient, etc. Donc le pétrole est une personnalité
qui est très sensible à la réalité
humaine.
Même quand on est profane, au bout de 4 -
5 ans on finit tout de même par comprendre
un certain nombre de mécanismes et en tirer
profit.
Avez-vous un message pour nos 600.000 lecteurs
?
J'ai découvert que Forbes est une revue très
intéressante, parce que c'est une revue économique
qui a une large approche de l'activité économique
dans le monde. C'est très intéressant.
On est informé de ce qui se passe ailleurs.
Parce qu'à l'ère de la mondialisation,
il est absolument important de savoir ce qui se
passe, surtout dans des domaines tel que le pétrole. |