THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

Mme Nathalie THYSTERE TCHICAYA Interview avec:

Mme Nathalie THYSTERE TCHICAYA
Directrice de GRAS SAVOYE CONGO
21 mai 2002
 
Pouvez-vous nous présenter Gras Savoye?

Avant de vous parler de notre société, je voudrai vous présenter brièvement le marché des assurances au Congo. Le marché de l'Assurance n'a été libéralisé qu'en 1995 ; ce qui signifie que jusqu'à cette date, il n'y avait qu'une seule société d'assurance, l'ARC. L'installation d'un courtier était donc impossible.

En 1995, les premiers agréments ont été délivrés et nous avons vu apparaître les premiers courtiers, mais pas de nouvelles compagnies d'assurance. Des courtiers locaux uniquement. C'est dans ce cadre là que Gras Savoye Congo, seul courtier international, s'est installé. Gras Savoye Congo a été créé en 1996. Avec son partenaire Willis, c'est le troisième courtier mondial. Nous avons une très large implantation en Afrique francophone et anglophone. Par exemple, nous sommes très bien implantés au Gabon, pays qui a une culture d'assurance complètement différente, puisque les compagnies d'assurances mondiales et les courtiers internationaux y existent depuis longtemps.

Gras Savoye a donc été le pionnier dans ce domaine au Congo et nous sommes restés les seuls représentants d'un courtier mondial. Plus tard a été créée et liquidée une compagnie qui s'appelait CSAR, dont les activités ont duré moins d'un an, ce qui a posé de gros problèmes sur le marché puisqu'elle avait encaissé de l'argent des assurés. Nous, en tant que courtier, nous avons eu des contrats placés chez eux. Donc nous continuons à gérer ce dossier épineux avec les liquidateurs de la CSAR et la CIMA.

La CIMA, est la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances. C'est une institution chargée essentiellement d'harmoniser les marchés africains des assurances, avec notamment un code de l'assurance commun à la zone, le code CIMA. Elle regroupe 14 pays d'Afrique francophone. Cela nous permet d'avoir un code unique et un secrétariat général permanent basé à Libreville, qui peut servir d'organe d'arbitrage. Il y a donc possibilité de recours à la Commission Régionale de Contrôle des Assurances.

La CIMA est donc là pour structurer le secteur ?

Structurer le secteur oui ! Mais surtout pour résoudre les problèmes que nous rencontrons, notamment au Congo où ils sont nombreux. Par exemple, le problème de fuites de primes d'assurance. Lorsque Gras Savoye Congo est arrivé au moment de la libéralisation du secteur, il y avait une perte totale de confiance des investisseurs envers la compagnie étatique d'assurances. La souscription de primes d'assurance était perçue par les assurés comme une sorte d'impôt et les contrats n'étaient souscrits que pour les risques obligatoires. Or au Congo, les risques obligatoires sont rares. Ainsi la responsabilité civile d'exploitation est un risque obligatoire, qui n'est pas d'application au Congo. Nous n'avons ici que le risque de responsabilité civile automobile qui est obligatoire. Pour tout le reste il n'y a aucune obligation, même pour l'élémentaire, comme l'incendie par exemple.

Quelle est votre appréciation générale du secteur des assurances au Congo ?

Le marché des assurances a beaucoup perdu de sa substance. Dans les années 1970, il devait se situer aux alentours de 15 milliards de F CFA, avant la dévaluation de cette monnaie. Aujourd'hui on est à peine à 6-7 milliards de F cfa (hors pétrole). On a énormément perdu de substance au profit des placements à l'étranger. C'est ici qu'intervient la CIMA qui essaie de rapatrier les risques sur le marché local. Parce que, même si les compagnies locales d'assurance ne sont pas nombreuses (l'ARC et les AGC), à elles seules, elles ont des capacités de souscription qui ne sont pas remplies. Les placements continuent de se faire à l'extérieur à cause de la perte de confiance.

Le code CIMA a institué l'article 308 interdisant tout placement à l'étranger. Cependant, il existe des risques industriels extrêmement importants avec des sociétés comme la CORAF (raffinerie de pétrole), la SARIS (plantation et raffinage de sucre), où les capacités de souscriptions des sociétés locales d'assurance ne sont pas suffisantes. Alors la CIMA a autorisé des montages qui donnent la possibilité de retenir 25 % sur le marché local.

Dans ce cadre là, Gras Savoye, en tant que courtier international, est appelé par ses clients à faire ce genre de montage, mais uniquement pour les très gros risques. Ce qui nous permet de monter des programmes mondiaux. Par exemple, avec le groupe Bolloré et ses filiales que nous accompagnons un peu partout. Une des spécificités du marché congolais de l'assurance est donc qu'il n'est que très peu développé.

Donc notre activité est concentrée autour de clients locaux, de filiales de groupes africains à l'instar de la COFIPA (institution financière) ou AFRIPA Télécom (fournisseur d'accès internet) et de filiales de groupes internationaux. Dans les pays africains anglophones, Gras Savoye travaille en partenariat avec Willis.

Vos concurrents locaux sont principalement H de B, CCDE et AC. En terme de pourcentages que représente votre marché ?

Disons que sans commune mesure, nous sommes le premier courtier d'assurance congolais. Mais je ne peux pas dire que les autres ne représentent rien.
Nous n'avons pas encore le marché des risques pétroliers. Concernant le pétrole, ce sont des montages très particuliers qui se font pour le moment, sans rétention locale et avec une simple commission pour les compagnies locales.

Disons que sur les 6 milliards du marché, nous représentons 3,5 milliards. C'est plutôt important puisque les compagnies souscrivent également en direct. Nous représentons donc une part capitale du marché.

Quels sont vos principaux souscripteurs ?

Il y a d'abord les transitaires. Ce sont nos premiers clients. On peut citer le groupe Bolloré, SOCOTRANS, GETMA, etc. La deuxième activité est représentée par les exploitants forestiers. Il ne faut pas oublier que le bois est la deuxième richesse du Congo. Nous avons beaucoup de clients forestiers installés dans le nord du pays : MOKABI, CIB, DANZER. Et aussi des entreprises installées dans les régions du Niari et de la Bouenza au sud. Lorsque je vous dis que nous travaillons hors pétrole, je parle de production pétrolière, nous avons évidemment des contrats avec les para-pétroliers. Et depuis le 15 mai 2001, avec la privatisation de la branche distribution de Hydro-Congo (société de commercialisation des hydrocarbures), nous avons toutes les chances d'être le courtier des repreneurs.

Quels sont les secteurs d'assurance à promouvoir ?

Il y a un certain nombre de secteurs d'assurance à promouvoir. D'abord il nous faudrait dans le pays au moins une troisième compagnie. Il y a ici 8 intermédiaires de tailles diverses et certains sont spécialisés dans des branches d'assurances. Je pense qu'une troisième compagnie d'assurance est nécessaire pour avoir une rétention locale des primes beaucoup plus importante. Pour le moment les capacités de souscription sont insuffisantes. Les AGC et L'ARC, qui est une société d'assurance étatique réassurée par le français SCOR, ne suffisent pas. Il faudrait un grand nom comme AGF ou AXA pour ressembler aux autres marchés africains de l'assurance pour que les investisseurs s'y reconnaissent. Actuellement, le marché fait un peu peur aux investisseurs. Heureusement, Gras Savoye Congo est là pour " rassurer " ces investisseurs potentiels et leur démontrer que ce n'est pas parce que les compagnies d'assurances internationales ne sont pas installées sur place que leurs patrimoines ne peuvent être protégés par des couvertures d'assurances, dans le respect de la législation CIMA.

En ce qui concerne les branches à promouvoir, il y a l'assurance vie, qui n'a pas été développée ces dernières années pour des raisons simples : il n'y avait pas de tissu bancaire qui permettait de la développer. Actuellement, une seule compagnie assure la vie. Il s'agit de l'ARC-vie. Mais là encore ils sont obligés de créer une société à part entière parce que la CIMA l'exige. Donc la SNAC VIE va être créée. Mais leur capacité sera vraiment très réduite. Pour notre part, nous sommes sollicités par la BGFI-bank, le CREDIT LYONNAIS et par d'autres sociétés de crédit-bail, pour essayer de mettre en place un système qui permettrait d'avoir des taux un peu plus proches de la réalité des autres marchés africains. Donc l'assurance vie est une branche à développer.
Mais ne serait-ce que dans l'incendie, il y a encore d'énormes niches à exploiter. Au Congo, beaucoup de sociétés ne sont pas assurées en incendie, ou alors elles ont des placements d'assurance 100 % à l'extérieur, à l'encontre des dispositions du code CIMA.

Quels sont vos projets de développement dans le court terme?

Evidement l'assurance vie est une des demandes de nos clients. Les Banques viennent tout juste de se restructurer, elles sont assez jeunes. Or, la vie se calcule sur plusieurs années et il faut que nous soyons capables de répondre à la demande. Il s'agit pour nous un secteur très intéressant et qui va se développer très rapidement.

Mais ce que nous mettons en avant et qui est une nouveauté pour le Congo, c'est la branche maladie. Elle n'existait pas encore au Congo jusqu'au 1er janvier 2001. Aucune compagnie d'assurance ne couvrait ce domaine. Or, je pense que c'est important pour les investisseurs qui arrivent dans ce pays. Ils sont obligés de cotiser à la sécurité sociale mais il n'y a quasiment aucune prestation. De plus, les conventions collectives les obligent à prendre en charge les frais médicaux de leurs agents et parfois de leurs familles. Donc ils sont obligés de payer, et le tout sans assurance maladie. Gras Savoye Congo est donc allé chercher un produit maladie et l'a proposé à une société d'assurance, en l'occurrence les AGC.

Quels sont les plus grands problèmes que vous rencontrez au quotidien dans la gestion de votre entreprise?

Pour évoquer des points précis, nous attendons de notre ministre de tutelle, le Ministre de l'Economie et des Finances, que le produit " assurance maladie " soit défiscalisé. Actuellement, la taxe est à 8 %. C'est énorme. Un effort a cependant été réalisé récemment en exonérant de la TVA les honoraires médicaux.

La deuxième chose qui serait importante en plus de la défiscalisation, c'est que les entreprises puissent choisir entre cotiser à la CNSS (Service de Sécurité Social Public) où cotiser à un régime privé. Evidemment, je touche là un problème sensible puisque l'argent cotisé actuellement à la CNSS sert à payer les fonctionnaires. C'est une situation difficile. Mais on peut envisager au moins un allègement pour les sociétés qui choisiraient une assurance privée.

Je pense que se sont des mesures relativement simples à mettre en place et qui pourraient permettre à ce produit maladie de se développer.

Nos lecteurs aiment lez chiffres. Pouvez-vous nous en faire part en terme de chiffre d'affaire et de croissance ?

Gras Savoye Congo a multiplié son chiffre d'affaire par trois depuis son installation (1996). Nous sommes actuellement aux alentours de 600 millions de chiffre d'affaire pour le budget 2002. Ce qui nous place en tête de tous les courtiers du marché ; nous sommes également les premiers fournisseurs d'affaires des compagnies d'assurance locales.

En terme de croissance, nous avons maintenant des projets de développement sur la République Démocratique du Congo.

Comment voyez-vous l'évolution du secteur des assurances au Congo ?

C'est un secteur avec un potentiel extrêmement développé, rappelons-le ; ce marché représentait 15 milliards avant 1995 et qu'aujourd'hui il est à 6 milliards. Gras Savoye Congo a augmenté son chiffre d'affaire de plus de 40 % entre 2000 et 2001. Il est vrai que les années 1999 et 2000 ont été des années sinistrées des suites de la guerre de 1998/1999.

L'assurance est le premier réflexe de l'entrepreneur soucieux de préserver son patrimoine. C'est donc un secteur d'avenir car le Congo est en train de se restructurer, ses marchés se développent et s'assainissent, les compagnies d'assurance et les courtiers vont donc évoluer dans le même sens.

Quelle est votre plus grande satisfaction à la tête de Gras Savoye Congo ?

Ce sont évidemment les 40 % dont je parlais précédemment. C'est aussi le fait que nous ayons pris la première place. Mais la vraie fierté de Gras Savoye Congo, c'est d'avoir introduit sur le marché le produit " maladie ". C'est vraiment important pour un pays comme le Congo.

Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes ?

Déjà nous leur proposons de nous interroger sur les couvertures d'assurances en général et l'assurance maladie en particulier. Pour un investisseur, c'est essentiel de savoir comment assurer la couverture médicale de son personnel. Je pense que Gras Savoye étant le seul diffuseur du produit maladie, c'est de demander aux investisseurs de se rapprocher de nous pour en savoir davantage. C'est très simple, tout est déjà formalisé. Gras Savoye peut envoyer des questionnaires par e-mail. Nous pouvons aussi envoyer des extraits de législation. Je demande donc à vos lecteurs de nous interroger : nous avons une solution pour leurs couvertures d'assurance quelles que soient les spécificités de leurs activités. Cela me paraît primordial quand un investisseur envisage de s'implanter dans un pays.

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