Pouvez-vous nous présenter
Gras Savoye?
Avant de vous parler de notre société,
je voudrai vous présenter brièvement
le marché des assurances au Congo. Le marché
de l'Assurance n'a été libéralisé
qu'en 1995 ; ce qui signifie que jusqu'à
cette date, il n'y avait qu'une seule société
d'assurance, l'ARC. L'installation d'un courtier
était donc impossible.
En 1995, les premiers agréments ont été
délivrés et nous avons vu apparaître
les premiers courtiers, mais pas de nouvelles
compagnies d'assurance. Des courtiers locaux uniquement.
C'est dans ce cadre là que Gras Savoye
Congo, seul courtier international, s'est installé.
Gras Savoye Congo a été créé
en 1996. Avec son partenaire Willis, c'est le
troisième courtier mondial. Nous avons
une très large implantation en Afrique
francophone et anglophone. Par exemple, nous sommes
très bien implantés au Gabon, pays
qui a une culture d'assurance complètement
différente, puisque les compagnies d'assurances
mondiales et les courtiers internationaux y existent
depuis longtemps.
Gras Savoye a donc été le pionnier
dans ce domaine au Congo et nous sommes restés
les seuls représentants d'un courtier mondial.
Plus tard a été créée
et liquidée une compagnie qui s'appelait
CSAR, dont les activités ont duré
moins d'un an, ce qui a posé de gros problèmes
sur le marché puisqu'elle avait encaissé
de l'argent des assurés. Nous, en tant
que courtier, nous avons eu des contrats placés
chez eux. Donc nous continuons à gérer
ce dossier épineux avec les liquidateurs
de la CSAR et la CIMA.
La CIMA, est la Conférence Interafricaine
des Marchés d'Assurances. C'est une institution
chargée essentiellement d'harmoniser les
marchés africains des assurances, avec
notamment un code de l'assurance commun à
la zone, le code CIMA. Elle regroupe 14 pays d'Afrique
francophone. Cela nous permet d'avoir un code
unique et un secrétariat général
permanent basé à Libreville, qui
peut servir d'organe d'arbitrage. Il y a donc
possibilité de recours à la Commission
Régionale de Contrôle des Assurances.
La CIMA est donc là pour structurer
le secteur ?
Structurer le secteur oui ! Mais surtout pour
résoudre les problèmes que nous
rencontrons, notamment au Congo où ils
sont nombreux. Par exemple, le problème
de fuites de primes d'assurance. Lorsque Gras
Savoye Congo est arrivé au moment de la
libéralisation du secteur, il y avait une
perte totale de confiance des investisseurs envers
la compagnie étatique d'assurances. La
souscription de primes d'assurance était
perçue par les assurés comme une
sorte d'impôt et les contrats n'étaient
souscrits que pour les risques obligatoires. Or
au Congo, les risques obligatoires sont rares.
Ainsi la responsabilité civile d'exploitation
est un risque obligatoire, qui n'est pas d'application
au Congo. Nous n'avons ici que le risque de responsabilité
civile automobile qui est obligatoire. Pour tout
le reste il n'y a aucune obligation, même
pour l'élémentaire, comme l'incendie
par exemple.
Quelle est votre appréciation générale
du secteur des assurances au Congo ?
Le marché des assurances a beaucoup perdu
de sa substance. Dans les années 1970,
il devait se situer aux alentours de 15 milliards
de F CFA, avant la dévaluation de cette
monnaie. Aujourd'hui on est à peine à
6-7 milliards de F cfa (hors pétrole).
On a énormément perdu de substance
au profit des placements à l'étranger.
C'est ici qu'intervient la CIMA qui essaie de
rapatrier les risques sur le marché local.
Parce que, même si les compagnies locales
d'assurance ne sont pas nombreuses (l'ARC et les
AGC), à elles seules, elles ont des capacités
de souscription qui ne sont pas remplies. Les
placements continuent de se faire à l'extérieur
à cause de la perte de confiance.
Le code CIMA a institué l'article 308 interdisant
tout placement à l'étranger. Cependant,
il existe des risques industriels extrêmement
importants avec des sociétés comme
la CORAF (raffinerie de pétrole), la SARIS
(plantation et raffinage de sucre), où
les capacités de souscriptions des sociétés
locales d'assurance ne sont pas suffisantes. Alors
la CIMA a autorisé des montages qui donnent
la possibilité de retenir 25 % sur le marché
local.
Dans ce cadre là, Gras Savoye, en tant
que courtier international, est appelé
par ses clients à faire ce genre de montage,
mais uniquement pour les très gros risques.
Ce qui nous permet de monter des programmes mondiaux.
Par exemple, avec le groupe Bolloré et
ses filiales que nous accompagnons un peu partout.
Une des spécificités du marché
congolais de l'assurance est donc qu'il n'est
que très peu développé.
Donc notre activité est concentrée
autour de clients locaux, de filiales de groupes
africains à l'instar de la COFIPA (institution
financière) ou AFRIPA Télécom
(fournisseur d'accès internet) et de filiales
de groupes internationaux. Dans les pays africains
anglophones, Gras Savoye travaille en partenariat
avec Willis.
Vos concurrents locaux sont principalement
H de B, CCDE et AC. En terme de pourcentages que
représente votre marché ?
Disons que sans commune mesure, nous sommes le
premier courtier d'assurance congolais. Mais je
ne peux pas dire que les autres ne représentent
rien.
Nous n'avons pas encore le marché des risques
pétroliers. Concernant le pétrole,
ce sont des montages très particuliers
qui se font pour le moment, sans rétention
locale et avec une simple commission pour les
compagnies locales.
Disons que sur les 6 milliards du marché,
nous représentons 3,5 milliards. C'est
plutôt important puisque les compagnies
souscrivent également en direct. Nous représentons
donc une part capitale du marché.
Quels sont vos principaux souscripteurs ?
Il y a d'abord les transitaires. Ce sont nos premiers
clients. On peut citer le groupe Bolloré,
SOCOTRANS, GETMA, etc. La deuxième activité
est représentée par les exploitants
forestiers. Il ne faut pas oublier que le bois est
la deuxième richesse du Congo. Nous avons
beaucoup de clients forestiers installés
dans le nord du pays : MOKABI, CIB, DANZER. Et aussi
des entreprises installées dans les régions
du Niari et de la Bouenza au sud. Lorsque je vous
dis que nous travaillons hors pétrole, je
parle de production pétrolière, nous
avons évidemment des contrats avec les para-pétroliers.
Et depuis le 15 mai 2001, avec la privatisation
de la branche distribution de Hydro-Congo (société
de commercialisation des hydrocarbures), nous avons
toutes les chances d'être le courtier des
repreneurs.
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Quels sont les secteurs
d'assurance à promouvoir ?
Il y a un certain nombre de secteurs d'assurance
à promouvoir. D'abord il nous faudrait dans
le pays au moins une troisième compagnie.
Il y a ici 8 intermédiaires de tailles diverses
et certains sont spécialisés dans
des branches d'assurances. Je pense qu'une troisième
compagnie d'assurance est nécessaire pour
avoir une rétention locale des primes beaucoup
plus importante. Pour le moment les capacités
de souscription sont insuffisantes. Les AGC et L'ARC,
qui est une société d'assurance étatique
réassurée par le français SCOR,
ne suffisent pas. Il faudrait un grand nom comme
AGF ou AXA pour ressembler aux autres marchés
africains de l'assurance pour que les investisseurs
s'y reconnaissent. Actuellement, le marché
fait un peu peur aux investisseurs. Heureusement,
Gras Savoye Congo est là pour " rassurer
" ces investisseurs potentiels et leur démontrer
que ce n'est pas parce que les compagnies d'assurances
internationales ne sont pas installées sur
place que leurs patrimoines ne peuvent être
protégés par des couvertures d'assurances,
dans le respect de la législation CIMA.
En ce qui concerne les branches à promouvoir,
il y a l'assurance vie, qui n'a pas été
développée ces dernières années
pour des raisons simples : il n'y avait pas de tissu
bancaire qui permettait de la développer.
Actuellement, une seule compagnie assure la vie.
Il s'agit de l'ARC-vie. Mais là encore ils
sont obligés de créer une société
à part entière parce que la CIMA l'exige.
Donc la SNAC VIE va être créée.
Mais leur capacité sera vraiment très
réduite. Pour notre part, nous sommes sollicités
par la BGFI-bank, le CREDIT LYONNAIS et par d'autres
sociétés de crédit-bail, pour
essayer de mettre en place un système qui
permettrait d'avoir des taux un peu plus proches
de la réalité des autres marchés
africains. Donc l'assurance vie est une branche
à développer.
Mais ne serait-ce que dans l'incendie, il y a encore
d'énormes niches à exploiter. Au Congo,
beaucoup de sociétés ne sont pas assurées
en incendie, ou alors elles ont des placements d'assurance
100 % à l'extérieur, à l'encontre
des dispositions du code CIMA.
Quels sont vos projets de développement
dans le court terme?
Evidement l'assurance vie est une des demandes de
nos clients. Les Banques viennent tout juste de
se restructurer, elles sont assez jeunes. Or, la
vie se calcule sur plusieurs années et il
faut que nous soyons capables de répondre
à la demande. Il s'agit pour nous un secteur
très intéressant et qui va se développer
très rapidement.
Mais ce que nous mettons en avant et qui est une
nouveauté pour le Congo, c'est la branche
maladie. Elle n'existait pas encore au Congo jusqu'au
1er janvier 2001. Aucune compagnie d'assurance ne
couvrait ce domaine. Or, je pense que c'est important
pour les investisseurs qui arrivent dans ce pays.
Ils sont obligés de cotiser à la sécurité
sociale mais il n'y a quasiment aucune prestation.
De plus, les conventions collectives les obligent
à prendre en charge les frais médicaux
de leurs agents et parfois de leurs familles. Donc
ils sont obligés de payer, et le tout sans
assurance maladie. Gras Savoye Congo est donc allé
chercher un produit maladie et l'a proposé
à une société d'assurance,
en l'occurrence les AGC.
Quels sont les plus grands problèmes que
vous rencontrez au quotidien dans la gestion de
votre entreprise?
Pour évoquer des points précis, nous
attendons de notre ministre de tutelle, le Ministre
de l'Economie et des Finances, que le produit "
assurance maladie " soit défiscalisé.
Actuellement, la taxe est à 8 %. C'est énorme.
Un effort a cependant été réalisé
récemment en exonérant de la TVA les
honoraires médicaux.
La deuxième chose qui serait importante en
plus de la défiscalisation, c'est que les
entreprises puissent choisir entre cotiser à
la CNSS (Service de Sécurité Social
Public) où cotiser à un régime
privé. Evidemment, je touche là un
problème sensible puisque l'argent cotisé
actuellement à la CNSS sert à payer
les fonctionnaires. C'est une situation difficile.
Mais on peut envisager au moins un allègement
pour les sociétés qui choisiraient
une assurance privée.
Je pense que se sont des mesures relativement simples
à mettre en place et qui pourraient permettre
à ce produit maladie de se développer.
Nos lecteurs aiment lez chiffres. Pouvez-vous
nous en faire part en terme de chiffre d'affaire
et de croissance ?
Gras Savoye Congo a multiplié son chiffre
d'affaire par trois depuis son installation (1996).
Nous sommes actuellement aux alentours de 600 millions
de chiffre d'affaire pour le budget 2002. Ce qui
nous place en tête de tous les courtiers du
marché ; nous sommes également les
premiers fournisseurs d'affaires des compagnies
d'assurance locales.
En terme de croissance, nous avons maintenant des
projets de développement sur la République
Démocratique du Congo.
Comment voyez-vous l'évolution du secteur
des assurances au Congo ?
C'est un secteur avec un potentiel extrêmement
développé, rappelons-le ; ce marché
représentait 15 milliards avant 1995 et qu'aujourd'hui
il est à 6 milliards. Gras Savoye Congo a
augmenté son chiffre d'affaire de plus de
40 % entre 2000 et 2001. Il est vrai que les années
1999 et 2000 ont été des années
sinistrées des suites de la guerre de 1998/1999.
L'assurance est le premier réflexe de l'entrepreneur
soucieux de préserver son patrimoine. C'est
donc un secteur d'avenir car le Congo est en train
de se restructurer, ses marchés se développent
et s'assainissent, les compagnies d'assurance et
les courtiers vont donc évoluer dans le même
sens.
Quelle est votre plus grande satisfaction à
la tête de Gras Savoye Congo ?
Ce sont évidemment les 40 % dont je parlais
précédemment. C'est aussi le fait
que nous ayons pris la première place. Mais
la vraie fierté de Gras Savoye Congo, c'est
d'avoir introduit sur le marché le produit
" maladie ". C'est vraiment important
pour un pays comme le Congo.
Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes
?
Déjà nous leur proposons de nous interroger
sur les couvertures d'assurances en général
et l'assurance maladie en particulier. Pour un investisseur,
c'est essentiel de savoir comment assurer la couverture
médicale de son personnel. Je pense que Gras
Savoye étant le seul diffuseur du produit
maladie, c'est de demander aux investisseurs de
se rapprocher de nous pour en savoir davantage.
C'est très simple, tout est déjà
formalisé. Gras Savoye peut envoyer des questionnaires
par e-mail. Nous pouvons aussi envoyer des extraits
de législation. Je demande donc à
vos lecteurs de nous interroger : nous avons une
solution pour leurs couvertures d'assurance quelles
que soient les spécificités de leurs
activités. Cela me paraît primordial
quand un investisseur envisage de s'implanter dans
un pays.
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