THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Lucien ELSENSOHN Interview avec:

M. Lucien ELSENSOHN
Directeur Général du CREDIT LYONNAIS - Congo
23 Mai 2002
 
Pouvez-vous nous présenter le Crédit Lyonnais - Congo?

Ce n'est pas la première fois que le Crédit Lyonnais s'implante au Congo. Nous avons une histoire avec le Congo qui est assez longue. Nous étions partenaire minoritaire dans la BCC (banque Commerciale Congolaises). A partir du moment où nous n'avions plus la maîtrise suffisante du management et que les orientations ne correspondaient plus à ce que nous voulions, nous nous sommes retirés de la BCC. C'était autour des années 1991-92.

Dès 1993, nous avions souhaité pouvoir revenir au Congo, en reprenant la BCC qui était à privatiser. Nous avons eu plusieurs mois de négociations, qui malheureusement n'ont pas abouti. Notre politique au niveau international est d'installer des filiales où nous sommes largement majoritaires. C'est la politique de la maison. En Afrique, nous avons d'ailleurs cédé les participations où nous étions minoritaires, dans les cas où nous n'avions pas pu devenir majoritaires. La proposition de reprendre la BCC n'a donc pas abouti à l'époque et d'ailleurs la BCC a été liquidée vers les années 1995.

Nous avons donc continué à avoir des contacts avec le Congo et finalement, nous avons eu l'opportunité, l'année dernière, de revenir, à partir du moment où nous sommes installés au Cameroun et au Gabon. Nous avions donc l'intention de nous réinstaller au Congo à partir de l'agrément unique de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale). C'est à dire qu'à partir du moment où vous avez reçu un agrément CEMAC et que vous avez la cotation 1 et 2, vous pouvez vous installer dans la zone. Normalement on devait pouvoir le faire depuis le 1er janvier 2001. mais cela a posé quelques problèmes d'application, notamment avec le Congo. Les autorités ne nous autorisaient à nous installer au titre de l'agrément unique (CEMAC) que lorsque le pays aurait fini de réaliser le processus de privatisation de son système bancaire. Il y avait encore deux Banques à privatiser : la BIDC et la CAIC.

Nous avons donc dû changer d'option et réorienter notre projet d'installation au Congo. Ainsi, nous avons examiné le dossier de ces deux banques pour déterminer celui qui pouvait nous intéresser. Celle qui entrait dans le cadre de nos objectifs commerciaux était la BIDC.

Le Crédit Lyonnais a donc conduit une mission d'évaluation en juillet 2001. Nous en avons conclu que la BIDC représentait une réelle opportunité pour nous, au regard de ses installations, mais également par rapport au potentiel commercial du pays. Après cela, nous avons engagé des négociations avec les autorités congolaises et l'ancienne direction de la BIDC. Nous avons donc conclu un protocole d'accords le 18 décembre 2001.

Vous n'avez pas repris le passif de la BIDC ?


Dans le cadre des négociations menées nous avons conclu un protocole d'accord. Il était prévu trois obligations pour le Crédit Lyonnais. La première concerne les installations, c'est à dire la reprise des immobilisations. Pour la deuxième, il s'agissait de reprendre une partie du personnel. Nous nous étions engagés à occuper 50 personnes, mais finalement nous avons repris 73 agents. Enfin, dans la troisième obligation, il s'agissait de reprendre le passif clientèle, c'est à dire les dépôts, mais seulement les actifs sains que nous identifierons. De ce côté là, nous avons eu une liberté totale de manœuvre de la part du Gouvernement pour faire le choix. C'était bien sûr selon nos critères d'évaluation. Nous avons respecté ces trois obligations et le dernier acte concernant la cession a été signé le 30 avril 2002.

Pourquoi teniez vous absolument à revenir au Congo ? Est-ce à cause des liens traditionnels qui unissent le Congo et la France ?


Oui, il y a de cela. Nous sommes dans une approche assez francophone, c'est vrai. Mais il y a aussi le fait que nous sommes déjà positionnés en Afrique de l'ouest (Sénégal et Côte-d'Ivoire) et aussi en Afrique centrale, au Gabon et au Cameroun. Nous avions la volonté d'avoir une implantation régionale puisque nous avons un certain nombre de clients qui sont localisés dans l'ensemble des pays de la sous région. Il faut que nous les accompagnions. Il est aussi évident que, vu les niveaux d'échanges qui se font entre les pays de la sous région, nous avions tout intérêt à nous implanter dans l'ensemble de ces pays.

Comment a été accueilli votre retour parmi les banquiers de la place ?


Il n'y a pas de volonté hégémonique de la part du Crédit Lyonnais. Nous voulons nous installer en complément du paysage bancaire. Quand nous avons fait une étude d'évaluation en juillet 2001, il était manifeste qu'il y avait un manque avoué au niveau du secteur bancaire dans les entreprises. Les fonctionnaires et autres, étaient déjà très bien traité par les banquiers existants. Or il est bien évident que notre positionnement à l'international est orienté vers les opérateurs économiques et essentiellement vers ceux du secteur privé. Il y avait donc une opportunité pour le Crédit Lyonnais de venir s'installer dans le cadre d'une petite structure, avec un axe stratégique premier fort, mais pas exclusif, vers le " corporate ".

Que représente votre activité au Congo du point de vue des services offerts ?


Le Crédit Lyonnais est quand même une référence internationale, notamment dans les pays francophones. C'est ce que souhaitent les autorités et cela crédibilise le secteur bancaire. Or justement le secteur bancaire du Congo a besoin d'être crédibilisé. Aujourd'hui par exemple, la circulation des chèques est encore extrêmement faible. Si la Société Générale, la BNP ou encore la Deutsche Bank venaient s'installer dans le cadre de la reprise de la CAIC, il est évident que cela concourra à crédibiliser le secteur. Ces noms apporteraient leur professionnalisme et leurs qualités de sécurité.
Quel est votre part du marché par rapport à la clientèle ?

Nous avons repris nos activités le 8 avril 2002, nous ne sommes que le 23 mai, c'est un peu tôt pour évaluer les parts de marché du Crédit Lyonnais. On s'installe, le système informatique n'est pas totalement effectif et nous avons encore quelques problèmes de télécommunication à mettre au point. Il y a toujours des travaux dans nos bureaux de Brazzaville. Nous créons encore l'outil, mais nous allons bien sûr bientôt passer à la phase commerciale.

Votre atout par rapport à la concurrence est donc votre nom, votre implantation internationale ?


Oui, ce sont des atouts. J'espère aussi que le groupe va apporter son expérience professionnelle. Nous avons mis un nombre assez élevé d'expatriés dans l'encadrement, parce qu'il y avait manifestement un besoin de restructurer cet établissement. Dans le cas de la BIDC, les gens avaient perdu l'habitude de travailler selon les standards bancaires. Il y a donc un travail de formation et d'encadrement à faire.

Nous sommes encore une petite structure qui, je l'espère, va grossir. Mais nous n'avons pas la vision d'une ouverture de réseaux tout azimut. Pour l'instant il s'agit de maîtriser ce que nous avons dans les deux sites majeurs du pays : Brazzaville et Pointe-Noire.
Notre ligne stratégique s'oriente d'abord vers les entreprises. C'est aussi un positionnement par rapport à la concurrence.

Avez-vous déjà des prévisions en terme d'accroissement ?


Oui bien sûr. Il est évident que nous voulons essayer de passer rapidement le cap en terme de ressources et de clientèle, de prêts aux clients et de dépôts. On voudrait dépasser le seuil de 25 milliards de F cfa. C'est l'objectif qu'on se fixe pour 2003. Mais ceci doit évidemment aller de paire avec le développement du Congo. Le secteur bancaire ne draine aujourd'hui que 20 à 30% des flux financiers.

Beaucoup d'entreprises au Congo se plaignent de la difficulté d'obtenir des prêts. Qu'en pensez- vous?


C'est l'un des aléas du secteur bancaire. Il n'y avait plus, ces dernières années, de qualifications en matière d'analyse de crédit ou de financement de manière générale. Mais aujourd'hui je pense que cela revient et que des banques locales, comme la COFIPA ou d'autres, ont ces possibilités. Il y a également le problème de refinancement.

Pour notre part, nous avons une orientation à distribuer du crédit. Auparavant, le secteur bancaire était tourné essentiellement vers les transferts de fonds. Il y avait moins de risques si ce n'est le risque opérationnel. Le crédit est lui beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. On est peut être allé vers la facilité, mais il ne faut pas oublier que le pays sort d'une guerre et offre une fragilité économique qui peut dissuader de s'engager sur de longues durées.
Actuellement cependant, le secteur bancaire s'est doté de ressources nécessaires pour pouvoir faire des prêts. Par contre faut-il encore avoir en face de nous des dossiers bancables. Ce qui veut dire qu'il faut que nous ayons des interlocuteurs qui ont une comptabilité fiable. Or il y en a peu. Il est évident qu'en ce moment le client s'interdit lui-même l'accès au crédit. Quelle est la possibilité de monter un dossier si vous n'êtes pas capable de dresser un bilan et d'établir des prévisionnels, qui attestent des capacités à rembourser le crédit sollicité ? C'est le problème que rencontrent les PME actuellement.

L'installation de distributeurs de billets de banque est-il dans vos projets?


Il y en aura bientôt, c'est dans nos projets. Nous allons d'abord nous attacher à créer l'outil, c'est à dire faire en sorte d'offrir les services basiques d'une banque dans des conditions normales. Il est évident que dans un deuxième temps nous allons accroître nos services et augmenter les produits. Sachant que ces produits sont déjà diffusés chez nos consœurs au sein du groupe, en Afrique de l'ouest et centrale, au Gabon notamment. En ce qui concerne les entreprises, le service par Internet est une perspective de développement pour le deuxième semestre 2002. Quant à la monétique qui concerne les entreprises, mais beaucoup plus les particuliers et autres milieux, c'est aussi pour le deuxième semestre 2002.

De façon générale comment voyez-vous le développement du secteur financier au Congo ?


Je crois qu'il va se développer et reprendre progressivement une place normale. Actuellement tout est encore fort timide, les flux financiers ne font que 20 à 30 %, l'informel étant très important localement. Il y a encore une méfiance du public envers le secteur bancaire, mais je pense que notre venue et celle d'autres établissements, ainsi que le travail que font les établissements déjà installés, devraient concourir à ce qu'il y ait cette crédibilisation d'une part et un sentiment de sécurité chez les déposants. A partir de là, le secteur devrait arriver à satisfaire un certain nombre de besoins.

Il faut savoir qu'en dehors de ces aspects de confiance, il y a le fait que les entreprises ont appris à se passer du secteur bancaire, notamment pendant les conflits. Maintenant qu'un secteur bancaire digne de ce nom se met en place, un certain nombre d'opérations qui ne se traitaient plus auparavant dans ce pays devraient pouvoir revenir. Encore une fois, il faut bien sûr que le développement économique du pays suive.

Quelle est l'expérience la plus satisfaisante que vous avez vécu ?


Pour l'instant c'est d'avoir créé cet outil. Il y a aujourd'hui un sentiment de satisfaction qui commence à se percevoir chez les clients. Nous sommes encore en phase de rodage, mais il y a déjà l'assurance de sécurité et de la qualité du service. C'est une belle réussite !

Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes ?


Il faut que les gens reprennent confiance et que d'autres entreprises viennent s'installer au Congo. Si le groupe Crédit Lyonnais a fait le choix de venir s'y installer, c'est parce que nous avons une confiance dans ce pays, y compris par rapport aux affaires. Je pense actuellement qu'il n'y a pas de raison d'avoir trop d'inquiétudes sur le Congo.
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