Pouvez-vous nous présenter
le Crédit Lyonnais - Congo?
Ce n'est pas la première fois que le Crédit
Lyonnais s'implante au Congo. Nous avons une histoire
avec le Congo qui est assez longue. Nous étions
partenaire minoritaire dans la BCC (banque Commerciale
Congolaises). A partir du moment où nous
n'avions plus la maîtrise suffisante du
management et que les orientations ne correspondaient
plus à ce que nous voulions, nous nous
sommes retirés de la BCC. C'était
autour des années 1991-92.
Dès 1993, nous avions souhaité pouvoir
revenir au Congo, en reprenant la BCC qui était
à privatiser. Nous avons eu plusieurs mois
de négociations, qui malheureusement n'ont
pas abouti. Notre politique au niveau international
est d'installer des filiales où nous sommes
largement majoritaires. C'est la politique de
la maison. En Afrique, nous avons d'ailleurs cédé
les participations où nous étions
minoritaires, dans les cas où nous n'avions
pas pu devenir majoritaires. La proposition de
reprendre la BCC n'a donc pas abouti à
l'époque et d'ailleurs la BCC a été
liquidée vers les années 1995.
Nous avons donc continué à avoir
des contacts avec le Congo et finalement, nous
avons eu l'opportunité, l'année
dernière, de revenir, à partir du
moment où nous sommes installés
au Cameroun et au Gabon. Nous avions donc l'intention
de nous réinstaller au Congo à partir
de l'agrément unique de la CEMAC (Communauté
Economique et Monétaire d'Afrique Centrale).
C'est à dire qu'à partir du moment
où vous avez reçu un agrément
CEMAC et que vous avez la cotation 1 et 2, vous
pouvez vous installer dans la zone. Normalement
on devait pouvoir le faire depuis le 1er janvier
2001. mais cela a posé quelques problèmes
d'application, notamment avec le Congo. Les autorités
ne nous autorisaient à nous installer au
titre de l'agrément unique (CEMAC) que
lorsque le pays aurait fini de réaliser
le processus de privatisation de son système
bancaire. Il y avait encore deux Banques à
privatiser : la BIDC et la CAIC.
Nous avons donc dû changer d'option et réorienter
notre projet d'installation au Congo. Ainsi, nous
avons examiné le dossier de ces deux banques
pour déterminer celui qui pouvait nous
intéresser. Celle qui entrait dans le cadre
de nos objectifs commerciaux était la BIDC.
Le Crédit Lyonnais a donc conduit une mission
d'évaluation en juillet 2001. Nous en avons
conclu que la BIDC représentait une réelle
opportunité pour nous, au regard de ses
installations, mais également par rapport
au potentiel commercial du pays. Après
cela, nous avons engagé des négociations
avec les autorités congolaises et l'ancienne
direction de la BIDC. Nous avons donc conclu un
protocole d'accords le 18 décembre 2001.
Vous n'avez pas repris le passif de la BIDC ?
Dans le cadre des négociations menées
nous avons conclu un protocole d'accord. Il était
prévu trois obligations pour le Crédit
Lyonnais. La première concerne les installations,
c'est à dire la reprise des immobilisations.
Pour la deuxième, il s'agissait de reprendre
une partie du personnel. Nous nous étions
engagés à occuper 50 personnes, mais
finalement nous avons repris 73 agents. Enfin, dans
la troisième obligation, il s'agissait de
reprendre le passif clientèle, c'est à
dire les dépôts, mais seulement les
actifs sains que nous identifierons. De ce côté
là, nous avons eu une liberté totale
de manuvre de la part du Gouvernement pour
faire le choix. C'était bien sûr selon
nos critères d'évaluation. Nous avons
respecté ces trois obligations et le dernier
acte concernant la cession a été signé
le 30 avril 2002.
Pourquoi teniez vous absolument à revenir
au Congo ? Est-ce à cause des liens traditionnels
qui unissent le Congo et la France ?
Oui, il y a de cela. Nous sommes dans une approche
assez francophone, c'est vrai. Mais il y a aussi
le fait que nous sommes déjà positionnés
en Afrique de l'ouest (Sénégal et
Côte-d'Ivoire) et aussi en Afrique centrale,
au Gabon et au Cameroun. Nous avions la volonté
d'avoir une implantation régionale puisque
nous avons un certain nombre de clients qui sont
localisés dans l'ensemble des pays de la
sous région. Il faut que nous les accompagnions.
Il est aussi évident que, vu les niveaux
d'échanges qui se font entre les pays de
la sous région, nous avions tout intérêt
à nous implanter dans l'ensemble de ces pays.
Comment a été accueilli votre retour
parmi les banquiers de la place ?
Il n'y a pas de volonté hégémonique
de la part du Crédit Lyonnais. Nous voulons
nous installer en complément du paysage bancaire.
Quand nous avons fait une étude d'évaluation
en juillet 2001, il était manifeste qu'il
y avait un manque avoué au niveau du secteur
bancaire dans les entreprises. Les fonctionnaires
et autres, étaient déjà très
bien traité par les banquiers existants.
Or il est bien évident que notre positionnement
à l'international est orienté vers
les opérateurs économiques et essentiellement
vers ceux du secteur privé. Il y avait donc
une opportunité pour le Crédit Lyonnais
de venir s'installer dans le cadre d'une petite
structure, avec un axe stratégique premier
fort, mais pas exclusif, vers le " corporate
".
Que représente votre activité au Congo
du point de vue des services offerts ?
Le Crédit Lyonnais est quand même une
référence internationale, notamment
dans les pays francophones. C'est ce que souhaitent
les autorités et cela crédibilise
le secteur bancaire. Or justement le secteur bancaire
du Congo a besoin d'être crédibilisé.
Aujourd'hui par exemple, la circulation des chèques
est encore extrêmement faible. Si la Société
Générale, la BNP ou encore la Deutsche
Bank venaient s'installer dans le cadre de la reprise
de la CAIC, il est évident que cela concourra
à crédibiliser le secteur. Ces noms
apporteraient leur professionnalisme et leurs qualités
de sécurité. |
Quel est votre part
du marché par rapport à la clientèle
?
Nous avons repris nos activités le 8 avril
2002, nous ne sommes que le 23 mai, c'est un peu
tôt pour évaluer les parts de marché
du Crédit Lyonnais. On s'installe, le système
informatique n'est pas totalement effectif et nous
avons encore quelques problèmes de télécommunication
à mettre au point. Il y a toujours des travaux
dans nos bureaux de Brazzaville. Nous créons
encore l'outil, mais nous allons bien sûr
bientôt passer à la phase commerciale.
Votre atout par rapport à la concurrence
est donc votre nom, votre implantation internationale
?
Oui, ce sont des atouts. J'espère aussi que
le groupe va apporter son expérience professionnelle.
Nous avons mis un nombre assez élevé
d'expatriés dans l'encadrement, parce qu'il
y avait manifestement un besoin de restructurer
cet établissement. Dans le cas de la BIDC,
les gens avaient perdu l'habitude de travailler
selon les standards bancaires. Il y a donc un travail
de formation et d'encadrement à faire.
Nous sommes encore une petite structure qui, je
l'espère, va grossir. Mais nous n'avons
pas la vision d'une ouverture de réseaux
tout azimut. Pour l'instant il s'agit de maîtriser
ce que nous avons dans les deux sites majeurs
du pays : Brazzaville et Pointe-Noire.
Notre ligne stratégique s'oriente d'abord
vers les entreprises. C'est aussi un positionnement
par rapport à la concurrence.
Avez-vous déjà des prévisions
en terme d'accroissement ?
Oui bien sûr. Il est évident que nous
voulons essayer de passer rapidement le cap en terme
de ressources et de clientèle, de prêts
aux clients et de dépôts. On voudrait
dépasser le seuil de 25 milliards de F cfa.
C'est l'objectif qu'on se fixe pour 2003. Mais ceci
doit évidemment aller de paire avec le développement
du Congo. Le secteur bancaire ne draine aujourd'hui
que 20 à 30% des flux financiers.
Beaucoup d'entreprises au Congo se plaignent de
la difficulté d'obtenir des prêts.
Qu'en pensez- vous?
C'est l'un des aléas du secteur bancaire.
Il n'y avait plus, ces dernières années,
de qualifications en matière d'analyse de
crédit ou de financement de manière
générale. Mais aujourd'hui je pense
que cela revient et que des banques locales, comme
la COFIPA ou d'autres, ont ces possibilités.
Il y a également le problème de refinancement.
Pour notre part, nous avons une orientation à
distribuer du crédit. Auparavant, le secteur
bancaire était tourné essentiellement
vers les transferts de fonds. Il y avait moins
de risques si ce n'est le risque opérationnel.
Le crédit est lui beaucoup plus difficile
à mettre en uvre. On est peut être
allé vers la facilité, mais il ne
faut pas oublier que le pays sort d'une guerre
et offre une fragilité économique
qui peut dissuader de s'engager sur de longues
durées.
Actuellement cependant, le secteur bancaire s'est
doté de ressources nécessaires pour
pouvoir faire des prêts. Par contre faut-il
encore avoir en face de nous des dossiers bancables.
Ce qui veut dire qu'il faut que nous ayons des
interlocuteurs qui ont une comptabilité
fiable. Or il y en a peu. Il est évident
qu'en ce moment le client s'interdit lui-même
l'accès au crédit. Quelle est la
possibilité de monter un dossier si vous
n'êtes pas capable de dresser un bilan et
d'établir des prévisionnels, qui
attestent des capacités à rembourser
le crédit sollicité ? C'est le problème
que rencontrent les PME actuellement.
L'installation de distributeurs de billets de banque
est-il dans vos projets?
Il y en aura bientôt, c'est dans nos projets.
Nous allons d'abord nous attacher à créer
l'outil, c'est à dire faire en sorte d'offrir
les services basiques d'une banque dans des conditions
normales. Il est évident que dans un deuxième
temps nous allons accroître nos services et
augmenter les produits. Sachant que ces produits
sont déjà diffusés chez nos
consurs au sein du groupe, en Afrique de l'ouest
et centrale, au Gabon notamment. En ce qui concerne
les entreprises, le service par Internet est une
perspective de développement pour le deuxième
semestre 2002. Quant à la monétique
qui concerne les entreprises, mais beaucoup plus
les particuliers et autres milieux, c'est aussi
pour le deuxième semestre 2002.
De façon générale comment voyez-vous
le développement du secteur financier au
Congo ?
Je crois qu'il va se développer et reprendre
progressivement une place normale. Actuellement
tout est encore fort timide, les flux financiers
ne font que 20 à 30 %, l'informel étant
très important localement. Il y a encore
une méfiance du public envers le secteur
bancaire, mais je pense que notre venue et celle
d'autres établissements, ainsi que le travail
que font les établissements déjà
installés, devraient concourir à ce
qu'il y ait cette crédibilisation d'une part
et un sentiment de sécurité chez les
déposants. A partir de là, le secteur
devrait arriver à satisfaire un certain nombre
de besoins.
Il faut savoir qu'en dehors de ces aspects de
confiance, il y a le fait que les entreprises
ont appris à se passer du secteur bancaire,
notamment pendant les conflits. Maintenant qu'un
secteur bancaire digne de ce nom se met en place,
un certain nombre d'opérations qui ne se
traitaient plus auparavant dans ce pays devraient
pouvoir revenir. Encore une fois, il faut bien
sûr que le développement économique
du pays suive.
Quelle est l'expérience la plus satisfaisante
que vous avez vécu ?
Pour l'instant c'est d'avoir créé
cet outil. Il y a aujourd'hui un sentiment de satisfaction
qui commence à se percevoir chez les clients.
Nous sommes encore en phase de rodage, mais il y
a déjà l'assurance de sécurité
et de la qualité du service. C'est une belle
réussite !
Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes
?
Il faut que les gens reprennent confiance et que
d'autres entreprises viennent s'installer au Congo.
Si le groupe Crédit Lyonnais a fait le choix
de venir s'y installer, c'est parce que nous avons
une confiance dans ce pays, y compris par rapport
aux affaires. Je pense actuellement qu'il n'y a
pas de raison d'avoir trop d'inquiétudes
sur le Congo. |