Question 1 : Tout
d'abord, Mr Dieng, merci beaucoup de nous recevoir.
Pour commencer cet interview, pourriez-vous nous
retracer un peu l'historique de la SOGAM depuis
sa création et l'évolution de la société
ces dernières années ?
Réponse 1 : La SOGAM a été
constituée en 1990 grâce à l'initiative
d'un compatriote Guinéen, Mr Diop Thierno
Adia, qui a servi au Sénégal pendant
25 ans et qui, après sa retraite au Sénégal,
a trouvé des partenaires Sénégalais,
notamment la SONAM qui est une mutuelle au Sénégal.
Ensemble, ils ont décidé de fonder
une mutuelle en Guinée. Mr Diop est donc
rentré en Guinée, il a apporté
quelques amis et quelques parents à lui pour
fonder la société en compagnie de
la SONAM (ndlr: Société Nationale
d'Assurance Mutuelle du Sénégal).
La même société a donc été
agréée en 1991 par la Banque Centrale,
et elle a commencé ses activités avec
Mr Diop comme DG, et la SONAM a désigné
un Directeur Délégué qui secondait
Mr Diop. Elle a évolué comme ça
de 1991 à 1996.
En 1996, la société avait déjà
enregistré un certain nombre de pertes
cumulées et elle avait besoin d'être
recapitalisée. Il y a eu plusieurs formules
qui ont été essayées, mais
qui n'ont pas marché, et pour finir, les
partenaires Guinéens ont abouti à
la conclusion comme quoi les pertes de la société
étaient dues essentiellement aux soldes
un peu trop élevés de réassurance,
qui étaient dus aux réassurances
étrangères ; et ils ont estimé
que la SONAM, ayant la responsabilité de
la gestion de la réassurance à travers
son Directeur Délégué, était
responsable de cet état de fait. Alors
ils ont décidé de se séparer
de la SONAM, parce que la SONAM souhaitait à
l'époque que la société soit
transformé en société Anonyme.
Malheureusement, les premiers fondateurs Guinéens
n'avaient pas suffisamment d'argent pour suivre
la transformation. La SONAM était prête
à mettre de l'argent et à se retrouver
majoritaire à 100%. Finalement les Guinéens
n'ont pas marché et ils ont dit qu'ils
préfèrent garder leur structure
de mutuelle ; et la SONAM a estimé que
dans ces conditions, elle n'était plus
concernée par les poursuites des activités
de la SOGAM. Elle s'est donc retirée et
a signifié ce retrait aux autorités
de tutelle, qui est chez nous la Banque Centrale
de la République de Guinée.
Q2 : Donc la SOGAM est aujourd'hui à
100% guinéenne ?
R2 : ça c'était déjà
jusqu'en 96. Donc de 1996 à 2001, la mutuelle
a continué ses activités malgré
ce déficit, et elle a pu entre temps se hisser
de la 4e place, donc de la dernière place
parce qu'il faut noter qu'il y a 4 compagnies d'assurances
en Guinée, à la 2e place par rapport
au marché. Mais malgré cela, les difficultés
financières existaient toujours. En 2000,
la société a eu un gros sinistre,
un incendie dans une usine de plastique, et il s'est
trouvé que dans la gestion de ce sinistre,
dans la gestion de l'affaire elle-même, la
société avait un manque de couverture
des réassurances de près de 50% sur
les risques en question. L'évaluation de
ce sinistre a aggravé sérieusement
le résultat de la société.
L'organisme de tutelle, qui est la Banque Centrale,
a fait injonction à la société
qui avait le choix entre deux choses : recapitaliser
ou fermer. C'est comme ça que la société
a été transformée en octobre
2001, de société mutuelle en société
anonyme. Il faut noter par ailleurs que la mutuelle
qui a été transformée avait
un fond d'établissement de 300 millions de
FGN, et la nouvelle société a un capital
de 2,5 milliards de FGN avec un apport de capitaux
frais ; et c'est en faveur de cette transformation
en 2001, il se trouve que moi j'étais déjà
à la SOGAM depuis 95 comme responsable commercial.
Donc, en faveur de la transformation en 2001, j'ai
été nommé DGA le 29 octobre,
et puis au mois de mai, j'ai été nommé
DG. Donc depuis octobre 2001, c'est une société
anonyme avec des capitaux Guinéens uniquement.
Il n'y a que des privés Guinéens dedans.
Q3 : Vous m'avez dit que cette société
est à 100% Guinéenne. Est ce que
vous pourriez nous donner d'autres chiffres clés
concernant la SOGAM ?
R3 : Oui. Aujourd'hui la SOGAM emploie 29
personnes. En 2002, la SOGAM a fait un chiffre d'affaire
de 3,6 milliards GNF.
Q4 : Et au niveau de la clientèle ?
R4 : Au niveau de la clientèle ce
qu'il faut dire déjà, c'est peut être
parler de la structure même de ce CA qui est
très déséquilibrée,
et qui est à l'image d'ailleurs de la plupart
des sociétés du marché Africain.
C'est un chiffre d'affaire qui est dominé
par des branches qui ne sont pas rentables, notamment
l'automobile, qui occupe encore près de 50%
du portefeuille, et la maladie qui vient en 2e position,
alors que dans les assurances ce sont deux branches
qui sont structurellement déficitaires. Puis,
après ces deux branches, vient le transport,
l'incendie et le reste. C'est pourquoi d'ailleurs
nous avons décidé pour objectif le
rééquilibrage de ce portefeuille à
partir de 2003. On a ouvert la branche vie, et on
va commencer à vendre des contrats de capitalisation
et nous espérons, avec ce contrat de capitalisation
et avec la nouvelle politique de la société,
arriver à équilibrer le portefeuille,
diminuer donc l'influence de l'automobile et de
la maladie sur le chiffre d'affaire.
Si nous prenons le marché Guinéen
en général, la SOGAM est 2e sur
le marché Guinéen depuis 5 ans maintenant.
C'est quand même une société
qui, depuis 2 ans, enregistre une progression
en moyenne de 30% de son chiffre d'affaire chaque
année.
Q5 : Est ce que vous avez une estimation du
nombre de personnes qui font appel à la
SOGAM ?
R5 : Aujourd'hui nous tournons autour de
9.800 clients, tout confondu, personnes morales
et personnes physiques.
Q6 : Et selon vous, quel est l'avantage concurrentiel
de la SOGAM ?
R6 : Aujourd'hui, l'avantage concurrentiel
de la SOGAM se situe à beaucoup de niveaux.
D'abord, c'est une société qui s'est
bâtie une certaine réputation de bon
régleur de sinistres au niveau du marché.
Le second avantage, c'est que la moyenne d'âge
des employés tourne autour de 30 ans. Il
y a beaucoup de jeunesse, donc beaucoup de vigueur,
beaucoup de dynamisme et, contrairement à
ce qui se passe dans beaucoup de sociétés
de la place, les portes de la SOGAM sont ouvertes
en fait à n'importe quel client. Un client
qui assure un petit vélo de rien du tout
pour une prime de moins de 4 Euros peut rencontrer
le Directeur Commercial, le Directeur Administratif
et Financier ou le Directeur Général.
Il suffit simplement qu'il le sollicite. Donc,
ça rassure un peu les gens de pouvoir faire
traiter leurs problèmes au niveau où
ils estiment que le problème peut être
traité.
Le dernier avantage de la SOGAM, c'est que c'est
quand même une société qui
est restée mutuelle pendant longtemps et
qui, en tant que telle, avait des frais généraux
assez raisonnables ; et du fait de la faiblesse
de ces frais généraux, pouvait pratiquer
des prix assez compétitifs. Donc même
avec la transformation, on a essayé de
garder ce cap par rapport aux frais généraux,
ce qui nous permet d'offrir toujours des tarifs
qui, assez souvent, sont les meilleurs du marché.
Il y a un dernier élément qui est
un élément très important,
c'est que depuis 2 ans, la SOGAM bénéficie
quand même de la confiance de ses partenaires
étrangers qui sont les réassureurs
et qui, depuis un certain temps, dirigent assez
de nouveaux clients qui les consultent de l'étranger
pour investir en Guinée et qui sont redirigés
vers nous. Quand vous avez le premier réassureur
mondial, la MUNICRE, qui dit à un client
: " vous partez en Guinée aller voir
untel ", c'est rassurant.
Q7 : C'est justement l'un des points que je voulais
évoquer. En terme de partenariat avec l'étranger,
est ce qu'aujourd'hui la SOGAM est la recherche
de nouveaux partenaires ?
R7 : La SOGAM a déjà des partenaires
à l'étranger. Vous savez, la mondialisation
a commencé par chez nous. Si je vous dis
que de petites compagnies comme nous dans de pays
lointains comme la Guinée, nous contribuons
au paiement du World Trade Center, c'est peut être
compliqué, mais en fait ce n'est pas compliqué.
A partir du moment où nous sommes nous mêmes
réassurés par des compagnies de renommée
mondiale qui sont elles-mêmes impliquées
directement sur ce sinistre, le déficit que
ces compagnies de réassurances pourront enregistrer
sur ces sinistres là les ont amené
à réagir et à augmenter leur
tarif ; ces augmentations de tarif là, nous
les payons. Donc forcément on participe au
règlement du World Trade Center. Sinon, des
sinistres catastrophes causés par l'aviation,
ça ne risque pas d'arriver chez nous. Je
ne pense pas qu'un avion puisse survoler jusqu'à
arriver dans Conakry, toucher un immeuble. Je suis
sûr qu'auparavant, il aura touché une
montagne ou un arbre quelconque avant d'arriver
aux immeubles. |
Q8 : Donc, ces partenaires
étrangers, quels sont-ils ?
R8 : Nos principaux partenaires à
l'étranger, c'est d'abord l'ASCORE, le premier
réassureur Français ; c'est ensuite
la MUNICRE, qui est le premier réassureur
au monde. Nous travaillons également avec
la PESRE qui est une compagnie de réassurance
du Moyen Orient. Nous travaillons avec la CICARE
qui est la compagnie de réassurance du marché
CIMARE, et également avec AFRICARE qui est
la compagnie de réassurance de l'O.U.A. Dans
nos bouquets de réassurance, le bouquet actuel
de la SOGAM, l'appeliteur est la MUNICRE avec 50%,
et PESRE, AFRICARE et CICARE se partagent les 50%
qui restent. Ça, c'est ce qui concerne nos
traités de réassurances. Mais en marge
de nos traités de réassurances, pour
les gros risques, ce que nous appelons dans la profession
les risques de pointes, on est obligé de
faire carrément de la réassurance
facultative. Tant que ce sont des petits risques,
raisonnables, et qui peuvent être supporter
par notre assiette financière à travers
la réassurance obligatoire, nous passons
par des traités. Mais quand vous prenez les
gros risques, par exemple, cette année au
1er janvier on a quand même un gros risque
avec les avions de Air Guinée, ça
ne rentre pas dans le cadre de nos traités.
Nous plaçons la totalité du risque
à l'étranger moyennant une commission
des réassurances que les réassureurs
nous reversent. Donc concernant les sessions facultatives,
c'est ce que nous appelons sessions facultatives
dans notre métier, nous travaillons essentiellement
en ce moment avec le marché de Londres,
UIB (United International Bookers), nous travaillons
également avec quelques courtiers Français
tels que Jacques Pathé de Consult Air,
et puis nous travaillons avec un courtier en réassurances
basé à Dakar, nouvelle SIACRE, et
tout récemment nous avons commencé
à travailler avec un courtier, disons le
premier au monde, March Mac Leman à travers
son bureau de Dakar et à travers son bureau
qui gère l'Afrique et qui est basé
à Paris.
Par ailleurs, nous avons une obligation à
la Banque Centrale qui dit que toutes les compagnies
d'assurances évoluant en Guinée
ont pour obligation d'avoir un partenaire technique
étranger ; un partenaire technique étranger
qui soit un partenaire de référence,
donc de renommée mondiale, et il faut que
ce partenaire soit dans le capital au moins à
hauteur de 20%. Pour en revenir au cas concret
de la SOGAM, vu que la transformation a eu lieu
en fin 2001, nous avons sollicité de la
Banque Centrale de nous donner 2 ans pendant lesquels
on va assainir les comptes, on va avoir des états
financiers plus lisibles, correctes et normaux.
A ce moment, on pourra se vendre. Ce n'est pas
dans la situation actuelle, ni dans la situation
antérieure, qu'on pouvait demander à
un partenaire de référence de venir
mettre de l'argent. Donc nous estimons qu'à
partir de fin 2003, nous serons en mesure de proposer
à des partenaires internationaux de rentrer
dans notre capital à hauteur d'au moins
20%, et du fait de cette rentrée, de prendre
en charge la gestion technique de la société.
Donc on le pense déjà, on pense
que ce n'est pas avec la physionomie actuelle
qu'on pourra bien se vendre.
Q9 : En terme d'objectifs, vous m'avez parlé
du rééquilibrage du portefeuille
qui fait partie de la préparation de la
société pour accueillir ses nouveaux
partenaires ; quels sont les autres objectifs
de la SOGAM ?
R9 : Les autres objectifs de la SOGAM sont
l'expansion ; expansion qui a d'ailleurs commencé
parce qu'aujourd'hui, nous avons le siège
à Conakry, nous avons un bureau à
Kamsar, un bureau direct, nous avons une agence
à Conakry - à Dixinn - et nous avons
deux autres agences, une à Labé et
une à N'zérékoré. Donc
pour commencer, puisqu'on a estimé qu'on
vient de sortir de la transformation, ça
ne sert à rien de prendre l'argent puis le
réinvestir pour couvrir des réseaux.
On a élargi notre surface de vente avec du
partenariat. On vient de démarrer un réseau
de vente qui est très prometteur parce que
c'est un réseau qui a démarré
au mois de novembre de l'année dernière,
mais qui, déjà, nous donne de très
bons résultats. Nous avons signé un
contrat avec les pétroliers de la place :
Total Elf, Mobil et Shell, et du fait de la signature
de ces contrats, nous avons le droit de vendre des
assurances automobiles dans toutes les boutiques
des stations services de ces compagnies à
travers le pays.
Du coup, on peut estimer aujourd'hui qu'on est
représentés dans tout le pays parce
qu'il n'y a pas une seule ville du pays où
il n'y a pas une station service. Pour le moment,
pour palier au manque d'argent, on utilise ce
type de partenariat, ce type de réseau,
et à la longue nous allons voir si ce réseau
fonctionne un peu. Nous pouvons élargir
les ventes, ne pas nous limiter à la vente
de l'automobile uniquement au sein des stations,
mais pouvoir vendre leurs autres produits. Si
c'est possible nous aurons donc des bureaux régionaux.
Dans chaque région naturelle du pays, on
aura un bureau qui va gérer ces différentes
stations. Donc aujourd'hui, l'objectif est d'assainir
définitivement les comptes, faire l'expansion
des réseaux, équilibrer le portefeuille,
trouver le partenaire technique de référence
qu'il faut, et puis je pense qu'il faut déjà
commencer à prévoir et à
se préparer à l'uniformisation du
marché.
Parce que je pense qu'il ne faut pas se leurrer.
Avec la ratification de l'OADA par la Guinée,
les choses risquent d'aller plus vite que prévu.
Aujourd'hui, on n'est pas encore membre du code
SIMA qui régit en fait la fonction de l'industrie
des assurances dans tous les pays membres de la
zone CFA. On est déjà observateur.
Ils ont des règles de gestion et des ratios
prudentiels dont ils exigent une application draconienne.
Notre objectif est de pouvoir, à partir
de 2003, sortir des bilans ou des états
financiers selon la norme du SIMA, selon CISCOA
et OADA. On veut être prêts à
la rentrée de la Guinée dans la
zone SIMA. Ce qui est clair, c'est qu'on ne veut
pas être surpris. Je pense que dès
maintenant il faut commencer, on n'attend pas
que les injonctions arrivent puisqu'on voit la
façon dont le vent souffle, il faut se
préparer à ça.
Q10 : Auriez vous un message à adresser
aux 800.000 lecteurs du journal l'EXPRESS et à
nos internautes ?
R10 : Oui, on a un message à vous
adresser. Assez souvent, on a un problème
en Guinée, c'est que nous avons beaucoup
de clients qui savent bien comprendre la profession
des assurances, mais trouvent toujours que soit
les compagnies sont trop petites, soit ils ont des
risques énormes, que ces risques ne peuvent
pas être couverts par des compagnies établies
en Guinée. Or, malheureusement, ce manque
de compréhension, aucune compagnie au monde
ne garde un risque important à 100% dans
son portefeuille. Dans la profession des assurances,
il y a la loi des grands nombres, et toute la théorie
de la chose est basée sur ça. Donc,
un risque qu'on prend, on est obligé de le
disperser. Pour le minimiser, on le disperse au
maximum. Nous savons très bien que nous n'avons
pas une assiette financière assez forte.
Nous sommes convaincus d'une chose, c'est que nous
avons suffisamment de technicité pour veiller
à ce que les risques qu'on ne peut pas supporter
soient confiés à d'autres personnes,
à travers la co-assurance, à travers
la réassurance, à travers le fronting,
à travers toute une multitude de techniques
qui existent et qu'on peut utiliser. Mon message,
c'est de rassurer les gros investisseurs, c'est
de rassurer ceux qui ont de gros risques, qu'ils
peuvent nous les confier. Il suffit pas de regarder
notre chiffre d'affaire ou notre capital qui tourne
autour de 3 milliards de GNF. L'important ce n'est
pas ça. L'important, c'est qu'on puisse les
rassurer que les milliards de dollars qu'ils nous
ont confié sont confiés à des
personnes qui sont autrement très puissantes,
et ce sont des personnes qui peuvent, en cas de
sinistres, réagir. Malheureusement, chaque
client ne peut pas en son sein avoir un risk manager
qui va faire le boulot à sa place.
Puisque chaque client ne peut pas avoir des risk
manager, que le client nous confie les gros risques.
|