THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine

INTERVIEW AVEC:

M. Amadou DIENG

DG de la Société Guinéenne d'Assurance et de Réassurance (SOGAM)

14/01/03
 
Question 1 : Tout d'abord, Mr Dieng, merci beaucoup de nous recevoir. Pour commencer cet interview, pourriez-vous nous retracer un peu l'historique de la SOGAM depuis sa création et l'évolution de la société ces dernières années ?

Réponse 1 : La SOGAM a été constituée en 1990 grâce à l'initiative d'un compatriote Guinéen, Mr Diop Thierno Adia, qui a servi au Sénégal pendant 25 ans et qui, après sa retraite au Sénégal, a trouvé des partenaires Sénégalais, notamment la SONAM qui est une mutuelle au Sénégal. Ensemble, ils ont décidé de fonder une mutuelle en Guinée. Mr Diop est donc rentré en Guinée, il a apporté quelques amis et quelques parents à lui pour fonder la société en compagnie de la SONAM (ndlr: Société Nationale d'Assurance Mutuelle du Sénégal). La même société a donc été agréée en 1991 par la Banque Centrale, et elle a commencé ses activités avec Mr Diop comme DG, et la SONAM a désigné un Directeur Délégué qui secondait Mr Diop. Elle a évolué comme ça de 1991 à 1996.

En 1996, la société avait déjà enregistré un certain nombre de pertes cumulées et elle avait besoin d'être recapitalisée. Il y a eu plusieurs formules qui ont été essayées, mais qui n'ont pas marché, et pour finir, les partenaires Guinéens ont abouti à la conclusion comme quoi les pertes de la société étaient dues essentiellement aux soldes un peu trop élevés de réassurance, qui étaient dus aux réassurances étrangères ; et ils ont estimé que la SONAM, ayant la responsabilité de la gestion de la réassurance à travers son Directeur Délégué, était responsable de cet état de fait. Alors ils ont décidé de se séparer de la SONAM, parce que la SONAM souhaitait à l'époque que la société soit transformé en société Anonyme. Malheureusement, les premiers fondateurs Guinéens n'avaient pas suffisamment d'argent pour suivre la transformation. La SONAM était prête à mettre de l'argent et à se retrouver majoritaire à 100%. Finalement les Guinéens n'ont pas marché et ils ont dit qu'ils préfèrent garder leur structure de mutuelle ; et la SONAM a estimé que dans ces conditions, elle n'était plus concernée par les poursuites des activités de la SOGAM. Elle s'est donc retirée et a signifié ce retrait aux autorités de tutelle, qui est chez nous la Banque Centrale de la République de Guinée.

Q2 : Donc la SOGAM est aujourd'hui à 100% guinéenne ?

R2 : ça c'était déjà jusqu'en 96. Donc de 1996 à 2001, la mutuelle a continué ses activités malgré ce déficit, et elle a pu entre temps se hisser de la 4e place, donc de la dernière place parce qu'il faut noter qu'il y a 4 compagnies d'assurances en Guinée, à la 2e place par rapport au marché. Mais malgré cela, les difficultés financières existaient toujours. En 2000, la société a eu un gros sinistre, un incendie dans une usine de plastique, et il s'est trouvé que dans la gestion de ce sinistre, dans la gestion de l'affaire elle-même, la société avait un manque de couverture des réassurances de près de 50% sur les risques en question. L'évaluation de ce sinistre a aggravé sérieusement le résultat de la société. L'organisme de tutelle, qui est la Banque Centrale, a fait injonction à la société qui avait le choix entre deux choses : recapitaliser ou fermer. C'est comme ça que la société a été transformée en octobre 2001, de société mutuelle en société anonyme. Il faut noter par ailleurs que la mutuelle qui a été transformée avait un fond d'établissement de 300 millions de FGN, et la nouvelle société a un capital de 2,5 milliards de FGN avec un apport de capitaux frais ; et c'est en faveur de cette transformation en 2001, il se trouve que moi j'étais déjà à la SOGAM depuis 95 comme responsable commercial. Donc, en faveur de la transformation en 2001, j'ai été nommé DGA le 29 octobre, et puis au mois de mai, j'ai été nommé DG. Donc depuis octobre 2001, c'est une société anonyme avec des capitaux Guinéens uniquement. Il n'y a que des privés Guinéens dedans.

Q3 : Vous m'avez dit que cette société est à 100% Guinéenne. Est ce que vous pourriez nous donner d'autres chiffres clés concernant la SOGAM ?

R3 : Oui. Aujourd'hui la SOGAM emploie 29 personnes. En 2002, la SOGAM a fait un chiffre d'affaire de 3,6 milliards GNF.

Q4 : Et au niveau de la clientèle ?

R4 : Au niveau de la clientèle ce qu'il faut dire déjà, c'est peut être parler de la structure même de ce CA qui est très déséquilibrée, et qui est à l'image d'ailleurs de la plupart des sociétés du marché Africain. C'est un chiffre d'affaire qui est dominé par des branches qui ne sont pas rentables, notamment l'automobile, qui occupe encore près de 50% du portefeuille, et la maladie qui vient en 2e position, alors que dans les assurances ce sont deux branches qui sont structurellement déficitaires. Puis, après ces deux branches, vient le transport, l'incendie et le reste. C'est pourquoi d'ailleurs nous avons décidé pour objectif le rééquilibrage de ce portefeuille à partir de 2003. On a ouvert la branche vie, et on va commencer à vendre des contrats de capitalisation et nous espérons, avec ce contrat de capitalisation et avec la nouvelle politique de la société, arriver à équilibrer le portefeuille, diminuer donc l'influence de l'automobile et de la maladie sur le chiffre d'affaire.

Si nous prenons le marché Guinéen en général, la SOGAM est 2e sur le marché Guinéen depuis 5 ans maintenant. C'est quand même une société qui, depuis 2 ans, enregistre une progression en moyenne de 30% de son chiffre d'affaire chaque année.

Q5 : Est ce que vous avez une estimation du nombre de personnes qui font appel à la SOGAM ?

R5 : Aujourd'hui nous tournons autour de 9.800 clients, tout confondu, personnes morales et personnes physiques.

Q6 : Et selon vous, quel est l'avantage concurrentiel de la SOGAM ?

R6 : Aujourd'hui, l'avantage concurrentiel de la SOGAM se situe à beaucoup de niveaux. D'abord, c'est une société qui s'est bâtie une certaine réputation de bon régleur de sinistres au niveau du marché.

Le second avantage, c'est que la moyenne d'âge des employés tourne autour de 30 ans. Il y a beaucoup de jeunesse, donc beaucoup de vigueur, beaucoup de dynamisme et, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de sociétés de la place, les portes de la SOGAM sont ouvertes en fait à n'importe quel client. Un client qui assure un petit vélo de rien du tout pour une prime de moins de 4 Euros peut rencontrer le Directeur Commercial, le Directeur Administratif et Financier ou le Directeur Général. Il suffit simplement qu'il le sollicite. Donc, ça rassure un peu les gens de pouvoir faire traiter leurs problèmes au niveau où ils estiment que le problème peut être traité.

Le dernier avantage de la SOGAM, c'est que c'est quand même une société qui est restée mutuelle pendant longtemps et qui, en tant que telle, avait des frais généraux assez raisonnables ; et du fait de la faiblesse de ces frais généraux, pouvait pratiquer des prix assez compétitifs. Donc même avec la transformation, on a essayé de garder ce cap par rapport aux frais généraux, ce qui nous permet d'offrir toujours des tarifs qui, assez souvent, sont les meilleurs du marché.

Il y a un dernier élément qui est un élément très important, c'est que depuis 2 ans, la SOGAM bénéficie quand même de la confiance de ses partenaires étrangers qui sont les réassureurs et qui, depuis un certain temps, dirigent assez de nouveaux clients qui les consultent de l'étranger pour investir en Guinée et qui sont redirigés vers nous. Quand vous avez le premier réassureur mondial, la MUNICRE, qui dit à un client : " vous partez en Guinée aller voir untel ", c'est rassurant.

Q7 : C'est justement l'un des points que je voulais évoquer. En terme de partenariat avec l'étranger, est ce qu'aujourd'hui la SOGAM est la recherche de nouveaux partenaires ?

R7 : La SOGAM a déjà des partenaires à l'étranger. Vous savez, la mondialisation a commencé par chez nous. Si je vous dis que de petites compagnies comme nous dans de pays lointains comme la Guinée, nous contribuons au paiement du World Trade Center, c'est peut être compliqué, mais en fait ce n'est pas compliqué. A partir du moment où nous sommes nous mêmes réassurés par des compagnies de renommée mondiale qui sont elles-mêmes impliquées directement sur ce sinistre, le déficit que ces compagnies de réassurances pourront enregistrer sur ces sinistres là les ont amené à réagir et à augmenter leur tarif ; ces augmentations de tarif là, nous les payons. Donc forcément on participe au règlement du World Trade Center. Sinon, des sinistres catastrophes causés par l'aviation, ça ne risque pas d'arriver chez nous. Je ne pense pas qu'un avion puisse survoler jusqu'à arriver dans Conakry, toucher un immeuble. Je suis sûr qu'auparavant, il aura touché une montagne ou un arbre quelconque avant d'arriver aux immeubles.  
Q8 : Donc, ces partenaires étrangers, quels sont-ils ?

R8 : Nos principaux partenaires à l'étranger, c'est d'abord l'ASCORE, le premier réassureur Français ; c'est ensuite la MUNICRE, qui est le premier réassureur au monde. Nous travaillons également avec la PESRE qui est une compagnie de réassurance du Moyen Orient. Nous travaillons avec la CICARE qui est la compagnie de réassurance du marché CIMARE, et également avec AFRICARE qui est la compagnie de réassurance de l'O.U.A. Dans nos bouquets de réassurance, le bouquet actuel de la SOGAM, l'appeliteur est la MUNICRE avec 50%, et PESRE, AFRICARE et CICARE se partagent les 50% qui restent. Ça, c'est ce qui concerne nos traités de réassurances. Mais en marge de nos traités de réassurances, pour les gros risques, ce que nous appelons dans la profession les risques de pointes, on est obligé de faire carrément de la réassurance facultative. Tant que ce sont des petits risques, raisonnables, et qui peuvent être supporter par notre assiette financière à travers la réassurance obligatoire, nous passons par des traités. Mais quand vous prenez les gros risques, par exemple, cette année au 1er janvier on a quand même un gros risque avec les avions de Air Guinée, ça ne rentre pas dans le cadre de nos traités.

Nous plaçons la totalité du risque à l'étranger moyennant une commission des réassurances que les réassureurs nous reversent. Donc concernant les sessions facultatives, c'est ce que nous appelons sessions facultatives dans notre métier, nous travaillons essentiellement en ce moment avec le marché de Londres, UIB (United International Bookers), nous travaillons également avec quelques courtiers Français tels que Jacques Pathé de Consult Air, et puis nous travaillons avec un courtier en réassurances basé à Dakar, nouvelle SIACRE, et tout récemment nous avons commencé à travailler avec un courtier, disons le premier au monde, March Mac Leman à travers son bureau de Dakar et à travers son bureau qui gère l'Afrique et qui est basé à Paris.

Par ailleurs, nous avons une obligation à la Banque Centrale qui dit que toutes les compagnies d'assurances évoluant en Guinée ont pour obligation d'avoir un partenaire technique étranger ; un partenaire technique étranger qui soit un partenaire de référence, donc de renommée mondiale, et il faut que ce partenaire soit dans le capital au moins à hauteur de 20%. Pour en revenir au cas concret de la SOGAM, vu que la transformation a eu lieu en fin 2001, nous avons sollicité de la Banque Centrale de nous donner 2 ans pendant lesquels on va assainir les comptes, on va avoir des états financiers plus lisibles, correctes et normaux. A ce moment, on pourra se vendre. Ce n'est pas dans la situation actuelle, ni dans la situation antérieure, qu'on pouvait demander à un partenaire de référence de venir mettre de l'argent. Donc nous estimons qu'à partir de fin 2003, nous serons en mesure de proposer à des partenaires internationaux de rentrer dans notre capital à hauteur d'au moins 20%, et du fait de cette rentrée, de prendre en charge la gestion technique de la société. Donc on le pense déjà, on pense que ce n'est pas avec la physionomie actuelle qu'on pourra bien se vendre.

Q9 : En terme d'objectifs, vous m'avez parlé du rééquilibrage du portefeuille qui fait partie de la préparation de la société pour accueillir ses nouveaux partenaires ; quels sont les autres objectifs de la SOGAM ?

R9 : Les autres objectifs de la SOGAM sont l'expansion ; expansion qui a d'ailleurs commencé parce qu'aujourd'hui, nous avons le siège à Conakry, nous avons un bureau à Kamsar, un bureau direct, nous avons une agence à Conakry - à Dixinn - et nous avons deux autres agences, une à Labé et une à N'zérékoré. Donc pour commencer, puisqu'on a estimé qu'on vient de sortir de la transformation, ça ne sert à rien de prendre l'argent puis le réinvestir pour couvrir des réseaux. On a élargi notre surface de vente avec du partenariat. On vient de démarrer un réseau de vente qui est très prometteur parce que c'est un réseau qui a démarré au mois de novembre de l'année dernière, mais qui, déjà, nous donne de très bons résultats. Nous avons signé un contrat avec les pétroliers de la place : Total Elf, Mobil et Shell, et du fait de la signature de ces contrats, nous avons le droit de vendre des assurances automobiles dans toutes les boutiques des stations services de ces compagnies à travers le pays.

Du coup, on peut estimer aujourd'hui qu'on est représentés dans tout le pays parce qu'il n'y a pas une seule ville du pays où il n'y a pas une station service. Pour le moment, pour palier au manque d'argent, on utilise ce type de partenariat, ce type de réseau, et à la longue nous allons voir si ce réseau fonctionne un peu. Nous pouvons élargir les ventes, ne pas nous limiter à la vente de l'automobile uniquement au sein des stations, mais pouvoir vendre leurs autres produits. Si c'est possible nous aurons donc des bureaux régionaux. Dans chaque région naturelle du pays, on aura un bureau qui va gérer ces différentes stations. Donc aujourd'hui, l'objectif est d'assainir définitivement les comptes, faire l'expansion des réseaux, équilibrer le portefeuille, trouver le partenaire technique de référence qu'il faut, et puis je pense qu'il faut déjà commencer à prévoir et à se préparer à l'uniformisation du marché.

Parce que je pense qu'il ne faut pas se leurrer. Avec la ratification de l'OADA par la Guinée, les choses risquent d'aller plus vite que prévu. Aujourd'hui, on n'est pas encore membre du code SIMA qui régit en fait la fonction de l'industrie des assurances dans tous les pays membres de la zone CFA. On est déjà observateur. Ils ont des règles de gestion et des ratios prudentiels dont ils exigent une application draconienne. Notre objectif est de pouvoir, à partir de 2003, sortir des bilans ou des états financiers selon la norme du SIMA, selon CISCOA et OADA. On veut être prêts à la rentrée de la Guinée dans la zone SIMA. Ce qui est clair, c'est qu'on ne veut pas être surpris. Je pense que dès maintenant il faut commencer, on n'attend pas que les injonctions arrivent puisqu'on voit la façon dont le vent souffle, il faut se préparer à ça.

Q10 : Auriez vous un message à adresser aux 800.000 lecteurs du journal l'EXPRESS et à nos internautes ?

R10 : Oui, on a un message à vous adresser. Assez souvent, on a un problème en Guinée, c'est que nous avons beaucoup de clients qui savent bien comprendre la profession des assurances, mais trouvent toujours que soit les compagnies sont trop petites, soit ils ont des risques énormes, que ces risques ne peuvent pas être couverts par des compagnies établies en Guinée. Or, malheureusement, ce manque de compréhension, aucune compagnie au monde ne garde un risque important à 100% dans son portefeuille. Dans la profession des assurances, il y a la loi des grands nombres, et toute la théorie de la chose est basée sur ça. Donc, un risque qu'on prend, on est obligé de le disperser. Pour le minimiser, on le disperse au maximum. Nous savons très bien que nous n'avons pas une assiette financière assez forte. Nous sommes convaincus d'une chose, c'est que nous avons suffisamment de technicité pour veiller à ce que les risques qu'on ne peut pas supporter soient confiés à d'autres personnes, à travers la co-assurance, à travers la réassurance, à travers le fronting, à travers toute une multitude de techniques qui existent et qu'on peut utiliser. Mon message, c'est de rassurer les gros investisseurs, c'est de rassurer ceux qui ont de gros risques, qu'ils peuvent nous les confier. Il suffit pas de regarder notre chiffre d'affaire ou notre capital qui tourne autour de 3 milliards de GNF. L'important ce n'est pas ça. L'important, c'est qu'on puisse les rassurer que les milliards de dollars qu'ils nous ont confié sont confiés à des personnes qui sont autrement très puissantes, et ce sont des personnes qui peuvent, en cas de sinistres, réagir. Malheureusement, chaque client ne peut pas en son sein avoir un risk manager qui va faire le boulot à sa place.

Puisque chaque client ne peut pas avoir des risk manager, que le client nous confie les gros risques.

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