THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



INTERVIEW AVEC
MONSIEUR OUSMANE ARIBOT


DIRECTEUR GENERAL
SOCIETE DES EAUX DE GUINEE (SEG)
 
Q1 Votre entreprise vient d'être créée, il y a quelques mois. Les anciennes entreprises la SEEG et la SONEG ont disparu. Quelles sont les raisons de ce changement ?

A1: Les raisons de ce changement sont diverses. Il y a d'abord, la fin en 1999 du contrat qui liait la SONEG à la SEEG. Mais une année auparavant, envisageant de renouveler le contrat avec nos partenaires, nous avions cru nécessaire d'engager des négociations. Ce qui n'était d'ailleurs pas prévu dans le contrat qui indiquait qu'au bout des dix (10) ans, l'exploitation reviendrait à la Société nationale. Bien que le choix de nouveaux partenaires devait s'opérer par voie d'appel d'offres, nous avons par anticipation, engagé les négociations avec les partenaires de la SEEG. Ces négociations qui ont duré deux ans, dépassèrent d'abord la durée normale du contrat. Nous avons donc dû recourir à deux avenants pour continuer l'exploitation et poursuivre nos discussions. N'ayant pas abouti à un accord, nos partenaires se sont retirés d'eux-mêmes.

Contrairement à ce qui a été dit, ils n'ont nullement été expulsés de la Guinée, loin s'en faut. D'ailleurs notre volonté d'aller vers la privatisation n'a jamais fait défaut. Leur départ s'explique par la fin du contrat et l'échec des négociations. C'est à partir de ce moment là que la SONEG a repris l'exploitation du service public de production et de distribution de l'eau potable en République de Guinée. Pour la petite histoire, je dois rappeler qu'en créant la SONEG en 1989, le Gouvernement guinéen lui a conféré toutes les attributions concernant la gestion du secteur de l'eau, de la recherche de financement à la réalisation des projets en passant par l'exploitation donc, la facturation, le recouvrement etc…Mais puisque, les bailleurs de fonds voulaient investir dans le secteur, il fallait le rendre attrayant à leurs yeux . C'est ainsi qu'un nouveau schéma institutionnel a vu le jour. Ce schéma, premier du genre en Afrique, a mis en place une Société de patrimoine et une Société d'Exploitation. Par la création de la SONEG, le Gouvernement s'est désengagé du secteur de l'eau, laissant à celle-ci le pouvoir de négocier les accords. C'est ce qui s'est traduit par la négociation et la signature du contrat d'affermage entre la SONEG et la SEEG. Ce sont donc, les deux Sociétés qui ont signé le contrat d'exploitation sans la participation du Gouvernement. Pour celui-ci, les installations sont la propriété de la SONEG. C'est à ce titre que cette dernière les a mises à la disposition de la SEEG pour exploitation. Celle-ci devrait à son tour lui verser une redevance. Durant les dix années au cours desquelles, nous avons travaillé ensemble, nos relations ont connu des hauts et des bas.

Alors que la partie guinéenne, lors des négociations, désirait que le nouvel accord prenne en compte les problèmes importants du secteur, les partenaires quant à eux voulaient, que le premier contrat soit tout simplement reconduit dans les mêmes termes qu'il y a dix ans. Leur position n'était pas tenable en raison de l'évolution de la situation économique. Les allègements fiscaux que le gouvernement avaient consentis, il y a de cela dix ans ne pouvaient plus être reconduits. De plus, les problèmes de performance, de production et du prix élevé de l'eau étaient des sujets que le partenaire ne souhaitait pas débattre. Il y avait donc beaucoup de problèmes qui n'ont pas milité en faveur de la reconduction du contrat avec les partenaires de la SEEG. Après leur retrait, la SONEG a repris ses installations et a crée en lieu et place de la SEEG un service d'exploitation des Eaux de Guinée pour assurer la continuité du service public de production et de distribution de l'eau potable à Conakry et dans les centres urbains de l'intérieur de la République de Guinée. C'est pourquoi, la transition s'est opérée en douceur. Il convient tout de même de souligner que bien que le personnel guinéen ait acquis une certaine expérience au coté des partenaires, force est de reconnaître que l'entretien et le renouvellement des installations sont demeurés le parent pauvre de leurs activités.

J'en veux pour preuve les tournées que j'ai effectuées à l'intérieur du pays. Sur 25 centres, pas un n'a été visité par les partenaires durant les 10 années du contrat.

La situation était donc catastrophique dans ces villes de l'intérieur. Depuis que nous nous sommes installés, nous avons constaté une dégradation des ouvrages et des équipements, une trésorerie inexistante, une charge élevée au niveau des produits pétroliers et des produits chimiques en très faible quantité. C'est de cette situation que nous avons brutalement héritée. En ce qui concerne les produits chimiques, les partenaires bénéficiaient pour leur acquisition de toutes les facilités en raison des commandes en gros qu'ils effectuaient pour toutes leurs interventions à travers le monde.

Or, aujourd'hui, la SEG les achète au prix du catalogue qui est très élevé. Ce qui a engendré pour nous de sérieux problèmes financiers. Néanmoins, nous avons pu grâce à l'Etat remonter petit à petit la pente. Ainsi, nous avons pu éviter la catastrophe que beaucoup prédisaient. En attendant d'aller plus loin, nous pensons aujourd'hui, que nous sommes sur la bonne voie. Je m'abstiendrais de faire ici un bilan des 10 années de partenariat dans la mesure ou les actionnaires de la SEEG, à savoir le Gouvernement Guinéen, la SAUR et VIVENDI ont chacun désigné un liquidateur. La procédure de liquidation suit son cours et je pense que dans les jours qui suivent le problème sera résolu. Il convient de noter que nous avons dès le départ opté pour une liquidation amiable

 
Q2 On aimerait avoir une brève présentation de la Société des Eaux de Guinée (SEG) et sa mission actuelle.

A2: Bien. La SEG a été créée à la fin de l'année 2001, suite à la dissolution de la SONEG et de son service d'exploitation rattaché qui était le SEEG. La SEG couvre désormais l'exploitation, la programmation des investissements et des travaux et le financement. C'est une structure publique mise en place depuis plus de six mois. Elle est appuyée par des consultants qui travaillent conformément au mandat qui leur a été confié par le Gouvernement en accord avec les Bailleurs de fonds.

Q3 Parlez-nous un peu des chiffres clés de l'Entreprise, le nombre d'employés, le nombre d'abonnés, le chiffre d'affaires et la structure actuelle.

A3: En fait comme je vous le disais, nous avons fait des efforts. Nous avons actuellement 550 travailleurs au niveau de la Société. Le nombre des abonnés est aujourd'hui de 74 000 Conakry et les villes de l'intérieur. La progression est extrêmement lente car les derniers investissements remontent à 12 ans. Or, des villes comme N'Zérékoré, Kankan, ou Kindia ont grandi et le réseau de distribution n'est plus en mesure de répondre aux besoins des populations. Au niveau de Conakry, nous réaliserons sur financement récent de la Banque Mondiale un projet qui portera sur 10.000 branchements nouveaux. Les autres bailleurs de fonds traditionnels tels que l'AFD, la KFW, la BAD préfèrent attendre qu'il y ait un nouveau partenaire pour continuer à nous prêter de l'argent. Ce qui est actuellement très difficile au moment ou des consultants sont en place pour assister la nouvelle structure. Un plan directeur réalisé en 1997, par un cabinet indépendant nous a montré qu'en l'an 2002, la population de Conakry allait croître et que la quantité d'eau distribuée n'aurait plus suffi.

Il fallait donc obligatoirement entrevoir de nouveaux investissements pour pallier à cette situation. Nous avions pensé que le contrat arrivant à son terme, nous aurions recruté un nouveau partenaire. Ainsi, les bailleurs de fonds auraient, avec le 3e projet Eau et Assainissement, financé une 3ème station d'eau et des équipements supplémentaires pour compléter les conduites. Les partenaires sont partis, les bailleurs de fonds n'ont pas donné les moyens. Ils nous ont laissé dans une crise que nous essayons de juguler en ce moment avec beaucoup d'effort et de courage grâce à l'ensemble des travailleurs.

Au début du contrat en 1990, il y avait à Conakry trois forages qui fonctionnaient : un à Kakimbo, un autre à Bassiya et un troisième à l'Université ( au stade ). Mais en 1992 malheureusement, ces forages furent arrêtés. Donc, quand il a fallu en 2000, afin de pallier au manque d'eau à Conakry les reprendre. Tous leurs systèmes électriques étaient défaillants. Nous nous félicitons que l'ensemble des travailleurs de la SEG ait mis le cœur à l'ouvrage pour essayer de relever le défi. Maintenant, nous sommes en place pour une période transitoire qui va durer le temps nécessaire à la préparation du dossier pour un nouveau mode de gestion du secteur.

Dans six à huit mois, nous pensons que le document sera soumis au gouvernement afin de connaître ses nouvelles orientations.

Q4 Que cherchez-vous chez ces partenaires ? Et que pouvez-vous leur offrir ?

A4: Ce que nous pouvons leur offrir dépendra du schéma qui sera retenu. Il y a lieu également d'envisager que les privés guinéens puissent s'occuper du secteur de l'eau. En tout état de cause, il faudra sécuriser le Gouvernement et rassurer les bailleurs de fonds. Plusieurs schémas sont possibles, donnant ainsi au gouvernement l'occasion de faire son choix. Pour notre part, nous sommes disposés à assurer la continuité du Service sur toute l'étendue du territoire de la République de Guinée. D'ailleurs, j'ai suivi ces deux dernières années des conférences internationales sur le secteur de l'eau à Dakar, Libreville, Accra et deux fois à Johannesburg. La dernière fut à l'occasion du dernier sommet mondial sur le développement durable. ou j'ai eu la chance d'être désigné par les bailleurs de fonds parmi les 15 experts africains devant se pencher sur la question de l'eau. A Johannesburg, le problème de l'eau, secteur sans lequel il n'y a pas de vie, a été au centre des échanges des points de vue des experts au dôme de l'eau et des préoccupations des chefs de l'Etat au sommet mondial à sandon City..

Q5 Il y a beaucoup de possibilités ouvertes et vous les étudiez toutes ?

A5: Absolument. C'est pour cela qu'on s'est rendu compte qu'en Amérique Latine et en Asie, il y a des Sociétés Publiques qui marchent, nous avons vu également ce qu'a donné chez nous la privatisation pendant dix ans. On en a tiré toutes les leçons. Bon ! il y a l'avenir qu'il faut aussi voir avec réalisme. Nous avons besoin des bailleurs de fonds et d'un autre coté, nous sommes dans l'obligation de fournir de l'eau à nos populations. Une chose est certaine, cette fois-ci, ça sera bien géré. Et voilà !

Q6 Quel message final, adresseriez-vous à nos 800.000 lecteurs ?

A6: Le message final est que nous sommes fiers et optimistes d'avoir su prendre la relève de la Société d'Exploitation des Eaux de Guinée ( SEEG ) et cela, sans trop de mal. Nous restons ouverts à toute sorte de coopération. Nous disons aux bailleurs de fonds que quel que soit le schéma retenu, nous espérons qu'il pourra les intéresser en ce sens que le secteur sera performant qu'il soit géré par le public ou par le privé. Nous évoluons actuellement avec des consultants qui peuvent évaluer notre travail et indiquer au gouvernement s'ils le veulent car, ceci n'est pas leur mission, ce qui peut être fait de mieux pour la Guinée et pour le Secteur de l'eau. Personnellement, je reste ouvert à toutes les formes de collaboration.

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