Q1 - M. Grenier tout
d'abord merci de nous recevoir. Pour commencer l'interview,
est-ce que vous pourriez nous retracer l'historique
de GETMA Guinée depuis le début de
ses activités en 1979 et son évolution
ces dernières années ?
A1 - Merci de votre présence en Guinée.
Parler de GETMA, c'est parler aussi un peu de l'histoire
récente, des 20 dernières années.
GETMA a été créée en
1979 par le Gouvernement guinéen et le groupe
DAER, en France. Elle avait pour objet d'apporter
la logistique nécessaire pour accueillir
le sommet de l'O.U.A qui devait se tenir en 1982,
puis 1984 à Conakry en Guinée. Cette
société a rempli totalement sa mission
en ce qui concerne la logistique des différents
projets qui ont été financés
par la France et d'autres pays amis de la Guinée.
Elle a assuré le transit, la logistique de
plusieurs opérations. En parallèle,
j'ai été moi-même concurrent
de la société GETMA, puisque j'avais
créé une première société
en Guinée, avec le groupe SAGE TRAER, qui
s'appelle SATAGUI. La société est
d'ailleurs restée une société
essentiellement de logistique et de transit. En
1989, le groupe DAER a décidé de la
vendre, et je l'ai racheté en avril 1989
avec un partenaire Français, transitaire
également, qui s'appelle ECOTRANS.
Nous avons repositionné la société
GETMA sur les trois métiers de base qui
sont l'agence maritime, la manutention portuaire
et la logistique. Grâce au travail des équipes
en Guinée et des positions que nous avons
su prendre avec un certain nombre d'armateurs,
nous sommes devenus, en 1992, agents de MAERSK
LINE en Guinée. Nous avons développé
la société GETMA sur l'Afrique de
l'Ouest. Nous avons créé un nouveau
réseau en Afrique, qui est le réseau
GETMA International avec en premier lieu le Cameroun,
le Gabon, le Liberia... Nous avons réussi
à implanter ce réseau dans 9 pays
en Afrique.
En 1997, la société MAERSK LINE
a décidé de faire elle-même
sa propre manutention en Guinée. Donc GETMA
Guinée n'avait plus d'armateurs au niveau
manutention portuaire ; et la société
GETMA Guinée était en fort danger
puisqu'elle perdait 70% de son CA. Cette situation
a créé un conflit entre actionnaires
de GETMA International - ECOTRANS et moi-même
- les partenaires Français voulant fermer
GETMA Guinée. Donc, nous sommes rentrés
en conflit, j'ai vendu mes parts de GETMA International
et j'ai racheté GETMA Guinée à
l'ancien groupe ; parce que je ne pouvais pas
admettre qu'on ferme une société
qui avait été le moteur du développement
et le trésorier du développement
en Afrique. Parce que c'est grâce au travail
de GETMA Guinée, au profit de GETMA Guinée
que le groupe GETMA s'est développé
en Afrique.
Donc nous avons, avec beaucoup de difficultés,
repositionné GETMA, ramené de nouveaux
armateurs, et GETMA a repris une position portuaire
importante à Conakry à partir de
1997. Après 2 ans de travail, la société,
avec 4 armateurs de lignes, représentait
30% du trafic conteneur et 47% du trafic consignation
du Port de Conakry.
Q2 - Est-ce que ce sont véritablement
les chiffres clés qui reflètent
au mieux la réussite de GETMA ?
A2 - C'est la position de classe de GETMA
Guinée. C'est 40% également du marché
de la consignation portuaire et environ 30% du marché
conteneur.
Q3 - GETMA est la 3e opérateur ?
A3 - GETMA est la 3e société
indépendante qui n'appartient pas à
un réseau étranger.
Q4 - Et donc aujourd'hui quelles sont les
priorités de GETMA en terme de développement
?
A4 - Alors en terme de développement,
les difficultés pour une société
qui est isolée en Afrique - de ne pas être
dans un network africain - puisque les armateurs
veulent avoir des réponses globales au niveau
des pays d'Afrique, ça leur est très
difficile de dialoguer uniquement avec une agence
dans un pays. Ils veulent avoir à faire à
un phénomène de réseau. Donc,
nous avons été amené, en janvier
2002, à développer avec des partenaires
en Afrique, un nouveau réseau qui s'appelle
African Maritime Agencies (AMA). Le concept de ce
réseau, c'est de fédérer, à
travers ce réseau commun, des sociétés
indépendantes dans le shipping et la manutention.
Nous avons très rapidement recréé
un réseau d'une dizaine d'agences, dans une
dizaine de pays entre l'Angola et le Sénégal.
Q5 - C'était la priorité n°1
de créer ce réseau pour simplifier
les démarches de vos clients ?
A5 - Oui, pour pouvoir apporter des réponses
globales à nos armateurs. Parce que les armateurs
veulent avoir un réseau d'interlocuteurs,
un interlocuteur pour plusieurs pays ; parce que
c'est très difficile de dialoguer avec 10
interlocuteurs en même temps parce qu'on a
un bateau qui escale sur plusieurs ports. Donc ça,
c'était une des priorités pour la
pérennité de GETMA Guinée de
pouvoir intégrer un réseau sur l'Afrique
de l'Ouest.
Nous sommes créateurs de ce réseau,
et nous participons activement à son développement.
Q6 - Et en terme d'objectifs au niveau de
GETMA Guinée ?
A6 - Alors au niveau de GETMA Guinée,
c'est d'une part d'avoir une identité qui
soit propre par rapport à GETMA International,
puisque nous avons des objectifs différents
et séparés. Et c'est de maintenir
sa position et de développer les investissements
dans la logistique et le portuaire dans les prochaines
années pour développer l'activité
propre de l'entreprise. Donc, nous allons être
amené à faire de l'investissement
dans des surfaces de magasin, de manière
à accueillir davantage ; apporter des réponses
aux importateurs et aux exportateurs par des surfaces
de magasinage. Nous étudions actuellement
un terminal sec à l'extérieur de Conakry
- à l'intérieur du pays - pour pouvoir
apporter des réponses différentes,
ou un complément, au problème des
volumes conteneurs qui devraient passer par le Port
de Conakry pour Bamako. Nous travaillons beaucoup
sur l'axe Bamako-Conakry actuellement. Donc notre
objectif, c'est d'apporter les outils qui correspondent
au besoin du marché guinéen.
Le marché a besoin de davantage de surface
au niveau magasinage, on a besoin d'outils de
réception des marchandises, de manière
à être de plus en plus professionnel.
Nous avons un port qui est petit et encombré
; il faut que nous trouvions des réponses
à cet encombrement. Dans les opérations
portuaires, c'est davantage de professionnalisme,
c'est mettre l'accent sur les travaux de nuit,
c'est-à-dire le travail 24/24h au port
- ça va être l'objectif, cette année,
avec nos interlocuteurs, nos partenaires portuaires.
Nous avons déjà initié un
certain nombre d'opérations de nuit au
Port de Conakry. Nous allons essayer d'aller plus
loin dans ce sens. Donc réalisation d'un
entrepôt dans le Port de Conakry pour permettre
de mieux travailler les bateaux au niveau accueil
et réception des marchandises ; un terminal
sec à l'extérieur du port pour pouvoir
stocker, mieux acheminer les conteneurs, désengorger
le Port et la ville de Conakry, puisque qu'aujourd'hui
nous avons un encombrement au niveau circulation
et stationnement des camions qui est de plus en
plus difficile à gérer.
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Q7 - Vous avez énormément
de partenaires et vous travaillez avec de nouveaux
armateurs. Je suppose qu'ils sont tous importants,
mais lesquels sont véritablement les piliers
?
A7 - Au niveau armement, nous essayons d'avoir
une couverture mondiale pour répondre à
tous les besoins de nos clients. Donc, parmi les
partenaires que nous représentons, nous avons
CMA CGM, MESSINA LINE qui est actuellement leader
sur le trafic méditerranéen, DEUTCH
AFRICA LINE qui a le meilleur service actuellement
sur l'Afrique de l'Ouest avec un bateau chaque semaine,
un service hebdomadaire, ce qui met le conteneur
dernier port-Europe à 9 jours de Conakry.
C'est le service le plus rapide actuellement sur
la Guinée, et c'est un service important
pour les importateurs.
Q8 - Et aujourd'hui, est-ce que GETMA Guinée
est à la recherche de nouveaux partenaires
?
A8 - Nous recherchons bien entendu en permanence
de nouveaux partenaires, de nouveaux armateurs,
notamment sur les Etats-Unis depuis le rachat de
TORM LINE par MAERSK. Nous avons là un handicap
que nous essayons de combler aujourd'hui. Et surtout
nous allons travaillé activement sur les
connexions inter-ports par des petits bateaux ;
ce service qu'assurait très bien TORM et
qui est nécessaire actuellement sur l'ensemble
des ports de l'Afrique de l'Ouest. Nous avons de
très bonnes liaisons à la descente,
nous avons des réponses dans le sens Nord-Sud.
Dans le sens Sud-Nord, nous avons des lacunes. Or,
les échanges africains sont dans les 2 sens.
Et ça, c'est un handicap majeur au niveau
maritime aujourd'hui.
Q9 - Vous nous avez dit hier que ça
faisait 23 ans que vous étiez en Guinée.
Quel regard portez vous sur le secteur du transport
maritime aujourd'hui ; à savoir, quelles
sont, selon vous, ses forces, ses faiblesses et
quel futur peut-on attendre ?
A9 - La principale faiblesse est que le Port
de Conakry est un port qui est considéré
par les armateurs comme secondaire, compte tenu
de sa taille et des volumes du pays. Conakry a 6
postes à quais, Abidjan en a 36. Abidjan
est le port de deux pays enclavés, Conakry
a peut-être une chance de devenir le véritable
3e Port Malien. Donc, il faudra que le 3e projet
portuaire soit fait rapidement, et que les bailleurs
de fond aident la Guinée à faire les
investissements nécessaires pour réaliser
l'extension de son port.
Le problème que nous avons aujourd'hui,
c'est qu'il y a déjà eu une première
réponse des bailleurs de fond. Certains
ont commencé à comprendre, et nous
avons eu un certain nombre d'investissements au
niveau routier qui ont été faits
pour faire cette connexion Conakry-Bamako. Et
cette connexion sera en principe réaliser
en 2004, avec les ponts qui permettront le franchissement.
Mais il faudra que le port suive l'évolution
de là haut. Parce que si nous avons des
routes et que le port n'a pas la capacité
d'accueillir les marchandises pour le Mali, ce
sera un peu compliqué.
Q10 - Donc l'objectif, c'est de gagner la
confiance des bailleurs de fond et de réussir
à créer cette dynamique ?
A10 - Oui, c'est d'arriver à montrer
professionnellement aux bailleurs de fond que l'axe
Conakry est un axe valable, que l'on a le potentiel,
que le projet est rentable, et que les récents
événements de la Côte D'Ivoire
démontrent que la Guinée a sa place
dans ce projet d'acheminement des marchandises pour
Bamako. Et il y a une véritable volonté
politique des deux Etats de développer cet
axe ; c'est-à-dire que le Mali lui-même
soutient la position guinéenne, ce qui est
un phénomène récent et important.
Q11 - J'aurais une dernière question
qui s'adresse plus directement au Directeur Général
de GETMA. Quelle est votre plus grande satisfaction
?
A11 - Ma plus grande satisfaction, c'est
d'avoir créer 304 emplois en Guinée.
C'est ma première satisfaction, d'avoir des
employés qui sont avec moi depuis 20 ans.
Parce que pour tout investissement, quel qu'il soit,
ce qui est intéressant, c'est de voir les
incidences que peut avoir, au niveau socioéconomique,
l'investissement que vous réalisez. Donc
ça, c'est la première satisfaction
personnelle.
La 2e satisfaction, c'est que j'ai participé
activement à la privatisation du port,
et cette privatisation s'est déroulée
dans d'excellentes conditions ; puisque nous avons
pu reprendre la totalité du personnel portuaire
qui était à l'époque fonctionnaire.
C'est une privatisation qui s'est fait sans conflits
sociaux et sans problèmes sociaux. Nous
avons très vite apporté les performances
que réclamaient les clients au niveau des
temps de changement, tant les réceptionnaires
que les armateurs. Aujourd'hui, nous avons une
qualité de travail de bateaux, notamment
au niveau des conteneurs, qui est largement équivalente
- sinon supérieure - à Abidjan au
niveau " transit time " et opérationnalité
des navires. Ça, c'est une réussite
d'équipe. Ce n'est pas simplement une société,
c'est l'ensemble des sociétés qui
travaillent dans le secteur conteneur avec le
pilote, avec le port, avec l'ensemble des autorités
portuaires ; nous avons réussi à
créer un outil qui fonctionne très
bien par rapport à d'autres ports de la
sous-région. Nous avons des performances
à Conakry qui sont équivalentes,
sinon supérieures, à Abidjan, ce
qui est assez remarquable malgré les difficultés
du port.
Q12 - Un message final aux lecteurs de l'EXPRESS,
aux investisseurs potentiels intéressés
par la Guinée ?
A12 - La Guinée est l'un des pays
qui a le potentiel le plus important d'Afrique de
l'Ouest. C'est la première réserve
mondiale de bauxite, première réserve
de fer, avec beaucoup d'atouts au niveau agricole,
au niveau nature... L'agriculture guinéenne
peut se développer de manière importante.
Il y a d'ailleurs maintenant de nouveaux investisseurs
qui commencent à s'intéresser aux
cultures de canne à sucre, filière
sucre, d'autres cultures comme le soja
La
Guinée peut apporter un certain nombre de
réponses aujourd'hui à des projets
de développement d'entreprises sur l'Afrique.
La note d'espoir que l'on a, c'est qu'on a un
certain nombre d'investisseurs qui commencent
à créer des industries parce qu'il
faut créer de la valeur ajoutée
sur place ; et on commence à avoir un certain
nombre d'initiatives pour créer des petites
industries qui commencent à apporter quelque
chose de nouveau, le pays étant exclusivement
un importateur de denrées et de produits
finis. On commence à avoir maintenant un
certain nombre d'entreprises qui sont en train
de se créer et de se développer.
C'est un signe très encourageant au niveau
d'une économie lorsque que vous voyez des
petites industries qui commencent à apparaître.
Ça veut dire qu'il y a une évolution
qui est en train de se faire, même si elle
est très lente ; mais c'est quelque chose
qui incite très fort dans une économie
quand vous voyez des petites industries qui sont
en train de naître.
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