THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



INTERVIEW AVEC

M. Jean Jacques GRENIER


Directeur Général de GETMA GUINEE S.A

20/02/2003
 
Q1 - M. Grenier tout d'abord merci de nous recevoir. Pour commencer l'interview, est-ce que vous pourriez nous retracer l'historique de GETMA Guinée depuis le début de ses activités en 1979 et son évolution ces dernières années ?

A1 - Merci de votre présence en Guinée. Parler de GETMA, c'est parler aussi un peu de l'histoire récente, des 20 dernières années. GETMA a été créée en 1979 par le Gouvernement guinéen et le groupe DAER, en France. Elle avait pour objet d'apporter la logistique nécessaire pour accueillir le sommet de l'O.U.A qui devait se tenir en 1982, puis 1984 à Conakry en Guinée. Cette société a rempli totalement sa mission en ce qui concerne la logistique des différents projets qui ont été financés par la France et d'autres pays amis de la Guinée. Elle a assuré le transit, la logistique de plusieurs opérations. En parallèle, j'ai été moi-même concurrent de la société GETMA, puisque j'avais créé une première société en Guinée, avec le groupe SAGE TRAER, qui s'appelle SATAGUI. La société est d'ailleurs restée une société essentiellement de logistique et de transit. En 1989, le groupe DAER a décidé de la vendre, et je l'ai racheté en avril 1989 avec un partenaire Français, transitaire également, qui s'appelle ECOTRANS.

Nous avons repositionné la société GETMA sur les trois métiers de base qui sont l'agence maritime, la manutention portuaire et la logistique. Grâce au travail des équipes en Guinée et des positions que nous avons su prendre avec un certain nombre d'armateurs, nous sommes devenus, en 1992, agents de MAERSK LINE en Guinée. Nous avons développé la société GETMA sur l'Afrique de l'Ouest. Nous avons créé un nouveau réseau en Afrique, qui est le réseau GETMA International avec en premier lieu le Cameroun, le Gabon, le Liberia... Nous avons réussi à implanter ce réseau dans 9 pays en Afrique.

En 1997, la société MAERSK LINE a décidé de faire elle-même sa propre manutention en Guinée. Donc GETMA Guinée n'avait plus d'armateurs au niveau manutention portuaire ; et la société GETMA Guinée était en fort danger puisqu'elle perdait 70% de son CA. Cette situation a créé un conflit entre actionnaires de GETMA International - ECOTRANS et moi-même - les partenaires Français voulant fermer GETMA Guinée. Donc, nous sommes rentrés en conflit, j'ai vendu mes parts de GETMA International et j'ai racheté GETMA Guinée à l'ancien groupe ; parce que je ne pouvais pas admettre qu'on ferme une société qui avait été le moteur du développement et le trésorier du développement en Afrique. Parce que c'est grâce au travail de GETMA Guinée, au profit de GETMA Guinée que le groupe GETMA s'est développé en Afrique.

Donc nous avons, avec beaucoup de difficultés, repositionné GETMA, ramené de nouveaux armateurs, et GETMA a repris une position portuaire importante à Conakry à partir de 1997. Après 2 ans de travail, la société, avec 4 armateurs de lignes, représentait 30% du trafic conteneur et 47% du trafic consignation du Port de Conakry.

Q2 - Est-ce que ce sont véritablement les chiffres clés qui reflètent au mieux la réussite de GETMA ?

A2 - C'est la position de classe de GETMA Guinée. C'est 40% également du marché de la consignation portuaire et environ 30% du marché conteneur.

Q3 - GETMA est la 3e opérateur ?

A3 - GETMA est la 3e société indépendante qui n'appartient pas à un réseau étranger.

Q4 - Et donc aujourd'hui quelles sont les priorités de GETMA en terme de développement ?

A4 - Alors en terme de développement, les difficultés pour une société qui est isolée en Afrique - de ne pas être dans un network africain - puisque les armateurs veulent avoir des réponses globales au niveau des pays d'Afrique, ça leur est très difficile de dialoguer uniquement avec une agence dans un pays. Ils veulent avoir à faire à un phénomène de réseau. Donc, nous avons été amené, en janvier 2002, à développer avec des partenaires en Afrique, un nouveau réseau qui s'appelle African Maritime Agencies (AMA). Le concept de ce réseau, c'est de fédérer, à travers ce réseau commun, des sociétés indépendantes dans le shipping et la manutention. Nous avons très rapidement recréé un réseau d'une dizaine d'agences, dans une dizaine de pays entre l'Angola et le Sénégal.

Q5 - C'était la priorité n°1 de créer ce réseau pour simplifier les démarches de vos clients ?

A5 - Oui, pour pouvoir apporter des réponses globales à nos armateurs. Parce que les armateurs veulent avoir un réseau d'interlocuteurs, un interlocuteur pour plusieurs pays ; parce que c'est très difficile de dialoguer avec 10 interlocuteurs en même temps parce qu'on a un bateau qui escale sur plusieurs ports. Donc ça, c'était une des priorités pour la pérennité de GETMA Guinée de pouvoir intégrer un réseau sur l'Afrique de l'Ouest.

Nous sommes créateurs de ce réseau, et nous participons activement à son développement.

Q6 - Et en terme d'objectifs au niveau de GETMA Guinée ?

A6 - Alors au niveau de GETMA Guinée, c'est d'une part d'avoir une identité qui soit propre par rapport à GETMA International, puisque nous avons des objectifs différents et séparés. Et c'est de maintenir sa position et de développer les investissements dans la logistique et le portuaire dans les prochaines années pour développer l'activité propre de l'entreprise. Donc, nous allons être amené à faire de l'investissement dans des surfaces de magasin, de manière à accueillir davantage ; apporter des réponses aux importateurs et aux exportateurs par des surfaces de magasinage. Nous étudions actuellement un terminal sec à l'extérieur de Conakry - à l'intérieur du pays - pour pouvoir apporter des réponses différentes, ou un complément, au problème des volumes conteneurs qui devraient passer par le Port de Conakry pour Bamako. Nous travaillons beaucoup sur l'axe Bamako-Conakry actuellement. Donc notre objectif, c'est d'apporter les outils qui correspondent au besoin du marché guinéen.

Le marché a besoin de davantage de surface au niveau magasinage, on a besoin d'outils de réception des marchandises, de manière à être de plus en plus professionnel. Nous avons un port qui est petit et encombré ; il faut que nous trouvions des réponses à cet encombrement. Dans les opérations portuaires, c'est davantage de professionnalisme, c'est mettre l'accent sur les travaux de nuit, c'est-à-dire le travail 24/24h au port - ça va être l'objectif, cette année, avec nos interlocuteurs, nos partenaires portuaires. Nous avons déjà initié un certain nombre d'opérations de nuit au Port de Conakry. Nous allons essayer d'aller plus loin dans ce sens. Donc réalisation d'un entrepôt dans le Port de Conakry pour permettre de mieux travailler les bateaux au niveau accueil et réception des marchandises ; un terminal sec à l'extérieur du port pour pouvoir stocker, mieux acheminer les conteneurs, désengorger le Port et la ville de Conakry, puisque qu'aujourd'hui nous avons un encombrement au niveau circulation et stationnement des camions qui est de plus en plus difficile à gérer.
Q7 - Vous avez énormément de partenaires et vous travaillez avec de nouveaux armateurs. Je suppose qu'ils sont tous importants, mais lesquels sont véritablement les piliers ?

A7 - Au niveau armement, nous essayons d'avoir une couverture mondiale pour répondre à tous les besoins de nos clients. Donc, parmi les partenaires que nous représentons, nous avons CMA CGM, MESSINA LINE qui est actuellement leader sur le trafic méditerranéen, DEUTCH AFRICA LINE qui a le meilleur service actuellement sur l'Afrique de l'Ouest avec un bateau chaque semaine, un service hebdomadaire, ce qui met le conteneur dernier port-Europe à 9 jours de Conakry. C'est le service le plus rapide actuellement sur la Guinée, et c'est un service important pour les importateurs.

Q8 - Et aujourd'hui, est-ce que GETMA Guinée est à la recherche de nouveaux partenaires ?

A8 - Nous recherchons bien entendu en permanence de nouveaux partenaires, de nouveaux armateurs, notamment sur les Etats-Unis depuis le rachat de TORM LINE par MAERSK. Nous avons là un handicap que nous essayons de combler aujourd'hui. Et surtout nous allons travaillé activement sur les connexions inter-ports par des petits bateaux ; ce service qu'assurait très bien TORM et qui est nécessaire actuellement sur l'ensemble des ports de l'Afrique de l'Ouest. Nous avons de très bonnes liaisons à la descente, nous avons des réponses dans le sens Nord-Sud. Dans le sens Sud-Nord, nous avons des lacunes. Or, les échanges africains sont dans les 2 sens. Et ça, c'est un handicap majeur au niveau maritime aujourd'hui.

Q9 - Vous nous avez dit hier que ça faisait 23 ans que vous étiez en Guinée. Quel regard portez vous sur le secteur du transport maritime aujourd'hui ; à savoir, quelles sont, selon vous, ses forces, ses faiblesses et quel futur peut-on attendre ?

A9 - La principale faiblesse est que le Port de Conakry est un port qui est considéré par les armateurs comme secondaire, compte tenu de sa taille et des volumes du pays. Conakry a 6 postes à quais, Abidjan en a 36. Abidjan est le port de deux pays enclavés, Conakry a peut-être une chance de devenir le véritable 3e Port Malien. Donc, il faudra que le 3e projet portuaire soit fait rapidement, et que les bailleurs de fond aident la Guinée à faire les investissements nécessaires pour réaliser l'extension de son port.

Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est qu'il y a déjà eu une première réponse des bailleurs de fond. Certains ont commencé à comprendre, et nous avons eu un certain nombre d'investissements au niveau routier qui ont été faits pour faire cette connexion Conakry-Bamako. Et cette connexion sera en principe réaliser en 2004, avec les ponts qui permettront le franchissement. Mais il faudra que le port suive l'évolution de là haut. Parce que si nous avons des routes et que le port n'a pas la capacité d'accueillir les marchandises pour le Mali, ce sera un peu compliqué.

Q10 - Donc l'objectif, c'est de gagner la confiance des bailleurs de fond et de réussir à créer cette dynamique ?

A10 - Oui, c'est d'arriver à montrer professionnellement aux bailleurs de fond que l'axe Conakry est un axe valable, que l'on a le potentiel, que le projet est rentable, et que les récents événements de la Côte D'Ivoire démontrent que la Guinée a sa place dans ce projet d'acheminement des marchandises pour Bamako. Et il y a une véritable volonté politique des deux Etats de développer cet axe ; c'est-à-dire que le Mali lui-même soutient la position guinéenne, ce qui est un phénomène récent et important.

Q11 - J'aurais une dernière question qui s'adresse plus directement au Directeur Général de GETMA. Quelle est votre plus grande satisfaction ?

A11 - Ma plus grande satisfaction, c'est d'avoir créer 304 emplois en Guinée. C'est ma première satisfaction, d'avoir des employés qui sont avec moi depuis 20 ans. Parce que pour tout investissement, quel qu'il soit, ce qui est intéressant, c'est de voir les incidences que peut avoir, au niveau socioéconomique, l'investissement que vous réalisez. Donc ça, c'est la première satisfaction personnelle.

La 2e satisfaction, c'est que j'ai participé activement à la privatisation du port, et cette privatisation s'est déroulée dans d'excellentes conditions ; puisque nous avons pu reprendre la totalité du personnel portuaire qui était à l'époque fonctionnaire. C'est une privatisation qui s'est fait sans conflits sociaux et sans problèmes sociaux. Nous avons très vite apporté les performances que réclamaient les clients au niveau des temps de changement, tant les réceptionnaires que les armateurs. Aujourd'hui, nous avons une qualité de travail de bateaux, notamment au niveau des conteneurs, qui est largement équivalente - sinon supérieure - à Abidjan au niveau " transit time " et opérationnalité des navires. Ça, c'est une réussite d'équipe. Ce n'est pas simplement une société, c'est l'ensemble des sociétés qui travaillent dans le secteur conteneur avec le pilote, avec le port, avec l'ensemble des autorités portuaires ; nous avons réussi à créer un outil qui fonctionne très bien par rapport à d'autres ports de la sous-région. Nous avons des performances à Conakry qui sont équivalentes, sinon supérieures, à Abidjan, ce qui est assez remarquable malgré les difficultés du port.

Q12 - Un message final aux lecteurs de l'EXPRESS, aux investisseurs potentiels intéressés par la Guinée ?

A12 - La Guinée est l'un des pays qui a le potentiel le plus important d'Afrique de l'Ouest. C'est la première réserve mondiale de bauxite, première réserve de fer, avec beaucoup d'atouts au niveau agricole, au niveau nature... L'agriculture guinéenne peut se développer de manière importante. Il y a d'ailleurs maintenant de nouveaux investisseurs qui commencent à s'intéresser aux cultures de canne à sucre, filière sucre, d'autres cultures comme le soja… La Guinée peut apporter un certain nombre de réponses aujourd'hui à des projets de développement d'entreprises sur l'Afrique.

La note d'espoir que l'on a, c'est qu'on a un certain nombre d'investisseurs qui commencent à créer des industries parce qu'il faut créer de la valeur ajoutée sur place ; et on commence à avoir un certain nombre d'initiatives pour créer des petites industries qui commencent à apporter quelque chose de nouveau, le pays étant exclusivement un importateur de denrées et de produits finis. On commence à avoir maintenant un certain nombre d'entreprises qui sont en train de se créer et de se développer. C'est un signe très encourageant au niveau d'une économie lorsque que vous voyez des petites industries qui commencent à apparaître. Ça veut dire qu'il y a une évolution qui est en train de se faire, même si elle est très lente ; mais c'est quelque chose qui incite très fort dans une économie quand vous voyez des petites industries qui sont en train de naître.

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