THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



INTERVIEW AVEC

M. N'Fa Ousmane Camara


Directeur Général de l'OPG (Office de la Poste Guinéenne)
14/11/2002
 
Question 1 : Monsieur Camara, merci de nous recevoir. Pour commencer, pourriez-vous nous retracer l'histoire de l'OPG et son évolution dans ces dernières années ?

Réponse 1: Merci cher ami. L'Office de la Poste Guinéenne est né en 1992, suite à la décision du gouvernement de se désengager du secteur des télécommunications. Donc il y a eu 2 entités qui ont été créées : la Sotelgui, du côté des télécommunications, et l'Office de la Poste Guinéenne, du côté du courrier. Depuis 1992, notre entreprise a été dotée d'une personnalité juridique et morale, et d'un capital initial estimé à 3 milliards de francs guinéens. Depuis cette date, l'OPG a subi beaucoup de mutations ; nous essayons de lui imprimer une direction de type privé. Aujourd'hui, ceci donne déjà ses résultats ; nous essayons de diversifier nos produits. Le personnel prend de plus en plus conscience des défis qui nous interpellent. Vous savez, quand on quitte le statut de fonctionnaire pour un statut d'employé d'entreprise, ça change beaucoup de choses. Tout ça est en train de se faire petit à petit. Nous pouvons dire aujourd'hui avec assurance que l'OPG a fait du chemin depuis 1992 dans le bon sens.

Q2 : Pouvez-vous nous indiquer les chiffres clés, à savoir le nombre d'employés, les colis qui sont livrés annuellement, le chiffre d'affaire…?

R2 : Alors, il va être très difficile pour moi de vous donner des chiffres rigoureusement exacts dans la mesure où je n'ai pas préparé l'interview. De mémoire, je peux vous dire que nous sommes environ 350 travailleurs au sein de l'OPG ; nous avons 72 bureaux de postes, dont 40 sont opérationnels sur l'ensemble du territoire national. Le chiffre d'affaire a évolué entre 1995 et 2001 de 800 millions de francs guinéens à 1,3 milliards. Ce que je peux rajouter, c'est que nous avons créé de nouveaux produits depuis l'érection de l'OPG en établissement public, industriel et commercial ; à savoir le courrier express que nous appelons " express mail service ", le " trans-postal guinée " qui est un système de transport hybride courrier/passager ; nous avons aussi créé le garage de la poste pour la maintenance du parc automobile qui grossit tous les jours. Ces trois produits, pour l'instant, sont ceux que nous avons créé et qui donnent de bons résultats.

Q3 : Quels sont donc les projets en cours et les projets futurs ?

R3 : Le grand projet que nous avons en cours, ce sont les caisses d'épargne et les chèques postaux. Depuis notre séparation avec Sotelgui, le personnel de l'OPG a revendiqué auprès du gouvernement la réouverture des chèques postaux et de la Caisse Nationale d'Epargne. Cette demande, je dirais même cette doléance, a été acceptée par le gouvernement ; et depuis 1998, une décision du ministre en charge des postes a été prise pour la réouverture des chèques postaux et de la caisse d'épargne. Naturellement, les données ayant changées, ceci a fait l'objet de la conception d'un projet qui est en cours d'exécution. Vous verrez un bâtiment en chantier qui est achevé à 75% ; le personnel d'encadrement a subi une formation déjà à Dakar ; le personnel d'exécution a subi une formation sur place et a effectué des stages pratiques chez les banques commerciales. Entre temps, il y a eu une intention du gouvernement de nous confier les activités de l'ancien crédit mutuel, ce qui vient grossir le projet, et donc un comité interministériel vient d'être mis en place pour la création, cette fois-ci, de la banque caisse d'épargne/crédit postal. Vous comprenez que notre projet a pris de nouvelles dimensions et est devenu beaucoup plus gros ; en principe ce comité va commencer à siéger, et nous envisageons la mise en route effective de ce projet dans 3 à 6 mois.

Q4 : Quelles sont vos prévisions et vos cibles, en terme de clientèle, pour les services que vous venez de nous décrire ?

R4 : Alors, notre première cible en matière de clientèle sont les fonctionnaires. Je peux vous dire qu'aujourd'hui il y a environ 53.000 fonctionnaires en Guinée ; et donc nous ciblons d'héberger les comptes des 53.000 fonctionnaires. Naturellement, nous irons de façon progressive. Nous commencerons par les travailleurs de la poste, ensuite les travailleurs de notre ministère, et nous prendrons les enseignants peut-être, ou les agents en uniforme. En tout cas nous irons progressivement, et notre objectif final est d'avoir le parc de tous les fonctionnaires de l'Etat.

Q5 : Vous avez également parlé du système de courrier express. Il y a des exemples de sociétés de coursiers privés, actives en Guinée. Qu'en est-il donc de la concurrence avec ces derniers pour la poste nationale ?

R5 : C'est un question très intéressante parce qu'effectivement il y a des coursiers privés sur la place qui opèrent à titre privé et qui ont des agréments délivrés par la tutelle. Ces coursiers ont leur clientèle ; nous avons notre part de marché car il faut le dire, nous restons toujours la structure qui couvre la totalité du territoire national. Nous sommes les seuls présents partout ; nous sommes moins chers, il faut le dire aussi. Les tarifs de la concurrence sont trois fois plus élevés que les nôtres. La plupart des concurrents utilisent les mêmes moyens logistiques que nous, c'est-à-dire les compagnies aériennes qui desservent la Guinée, à part DHL qui a une solution assez originale ces derniers temps pour le ramassage sur toute la côte Ouest africaine. Sinon, nous pouvons dire, sans nous tromper, que nous sommes très compétitifs, en terme de délai et en terme de coût.

Q6 : Est-ce que vous avez envisager une éventuelle collaboration avec l'un de ces opérateurs internationaux ?

R6 : Ce n'est pas impossible. Vous savez, nous ne pouvons plus rester fermés du fait de la mondialisation, du fait de la dérégulation du secteur ; parce que la Guinée est signataire des accords de l'OMC, et de ce fait, il y a des protections que l'Etat ne peut plus faire sur certains secteurs, dès lors que d'autres pays signataires des mêmes accords ont déjà autorisés certains opérateurs à s'installer.
Donc, ces opérateurs ont le droit de s'établir en Guinée s'ils le souhaitent, et l'Etat ne peut pas y faire obstacle. Donc, nous, en tant qu'opérateur public, nous avons l'obligation du service public, nous avons l'obligation du service universel, nous sommes obligés d'être présents partout, même si ce n'est pas rentable, ce qui n'est pas le cas chez les opérateurs privés. Il y en a parmi eux qui nous ont approché pour essayer de voir avec nous comment créer des produits qui ne soient pas des produits postes, qui ne soient pas leurs produits, des produits intermédiaires toujours dans le souci de la satisfaction des besoins, de plus en plus exigeants, de nos clients. Nous ne sommes donc pas fermés comme je l'ai dit tantôt. Des discussions sont en cours. Ne soyez pas surpris si un jour vous nous voyez en partenariat avec un ou deux coursiers privés ; mais nous resterons service public et même si partenariat il y a, ce sera dans le souci de satisfaire davantage le besoin de la clientèle.

Q7: Quand est t-il de la formation de votre personnel ?

R7 : La formation reste une préoccupation de tous les jours au niveau de l'OPG. Depuis que l'office a été érigé en établissement public, je peux vous dire que les programmes de formation ont toujours été planifiés, donc exécutés. Le personnel a été formé pour la plupart. Par contre, le grand problème de la poste est un problème de relève. L'école qui a formé les postiers depuis longtemps a cessé de former les postiers pendant plusieurs années, et donc il y a eu une rupture de préparation de relève. A un moment donné, nous connaîtrons un grand débat pour la retraite, et malheureusement, la relève n'est pas la pour combler ce gap. Nous avons donc été interpellés par cet état de fait ; et nous envisageons de mettre en place un programme de collaboration avec la société qui a repris l'école des PTT, pour que des programmes d'enseignement poste soient inscrits dans leurs programmes universitaires ; et là, nous conviendrons du niveau de recrutement afin que des étudiants soient orientés profil poste.

Q8 : Quels sont selon vous les défis qui attendent l'OPG ; et comment voyez-vous l'OPG à moyen terme ?

R8 : Alors, je dirais que les défis sont de deux ordres. Il y a d'abord des défis qu'on peut se permettre d'appeler " nationaux ", et qui sont beaucoup plus liés aux réalités du pays et aussi aux réalités de l'environnement immédiat ; quand on sait que des coursiers privés nous ravient une bonne partie de notre part de marché, à tort ou a raison. Il y a aussi des défis " internationaux ", quand on sait que la poste a un futur préoccupant par rapport aux nouvelles technologies de l'information, par rapport aux coursiers privés de grandes firmes internationales telles que DHL, Fédéral Express, Air Borne. Nous pensons que la poste demeurera malgré les nouvelles technologies et nous pensons pouvoir utiliser ces nouvelles technologies pour affiner les produits que nous offrons à notre clientèle ou pour créer de nouveaux produits, pourquoi pas. Et par rapport aux concurrents, nous pensons pouvoir nous maintenir parce qu'il reste clair que nous sommes les seuls à pouvoir être partout. Cet effet réseau constitue un effet majeur qu'aucun concurrent n'a ; quant aux prix de nos produits, nous avons des prix compétitifs. Nous resterons quand même dans la position de couvrir nos coûts ; nous nous battons pour ça, nous nous battrons toujours pour ça, mais en étant toujours moins chers parce qu'il faut tenir compte du pouvoir d'achat du guinéen.

Q9 : Comme dernière question, j'aimerais vous demander de nous parler de votre parcours professionnel, et nous décrire la plus grande satisfaction que vous ayez eu en tant que Directeur Général de l'OPG.

R9 : J'ai un parcours professionnel assez bizarre. Je suis de formation comptable-gestionnaire à l'origine. J'ai commencé par travailler à la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Guinée (BICIGUI) où je suis resté 11 ans. Après la BICIGUI, j'ai été directeur commercial de la pharmacie centrale de Guinée. La pharmacie centrale de Guinée est une pharmacie qui a pour mission d'approvisionner les structures sanitaires publiques de la Guinée en produits pharmaceutiques ; et c'est après la pharmacie centrale que j'ai été nommé Directeur Général de l'OPG. Donc pour tout vous dire, j'ai commencé par vendre de l'argent, ensuite j'ai vendu des médicaments ; maintenant, je vends du courrier. C'est un parcours très intéressant parce qu'à chaque fois ce sont de nouveaux défis, de nouveaux contacts, de nouveaux problèmes à résoudre. Je trouve ça très intéressant et je suis prêt à léguer ce que j'ai appris pendant ce parcours à une génération qui pourra vraiment en bénéficier.

Q10 : Et comme satisfaction ?

R10 : Je le disais tout de suite en d'autres termes. Je suis très satisfait de ce parcours et je pense que chaque fois qu'on peut surmonter le défi, qu'on peut être utile par endroit, il faut le faire pour son pays ; et je pense qu'en venant à la poste, j'allais a l'école et je pense qu'aujourd'hui, je ne suis pas un mauvais élève parce que je parle " poste " avec ce que j'ai trouvé ici il y a plusieurs années.

Q11 : Peut-être avez-vous un message final alors à nos lecteurs de l'Express ?

R11 : Oui, pourquoi pas. Le message final que je passerai aux lecteurs, mais aussi à mes collaborateurs, c'est que la poste est une entreprise, une grosse machine qui doit se maintenir, qui doit s'entretenir et qui doit être entretenue, je le dis par rapport au gouvernement. Nous bénéficions déjà de beaucoup de soutien du gouvernement de notre pays, mais nous en solliciterons toujours parce que le service public qui nous est commandé, le service universel qui nous est commandé aussi, ne peuvent être assurés que si nous avons le soutien du gouvernement. Les coursiers privés qui ne peuvent pas l'assurer, ne le peuvent jamais parce que ce n'est pas leur objectif. Leur objectif principal c'est de faire des bénéfices. Je demanderai donc aux lecteurs de l'Express de faire confiance à la poste guinéenne, de nous confier du travail et d'apprécier les résultats des travaux qu'on nous confie. Et à mes collaborateurs, beaucoup de courage pour relever les multiples défis qui nous interpellent et surtout beaucoup de souplesse pour imaginer de nouveaux produits toujours dans le souci de la satisfaction de la clientèle.

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