Question 1 : Monsieur
Camara, merci de nous recevoir. Pour commencer,
pourriez-vous nous retracer l'histoire de l'OPG
et son évolution dans ces dernières
années ?
Réponse 1: Merci cher ami. L'Office
de la Poste Guinéenne est né en 1992,
suite à la décision du gouvernement
de se désengager du secteur des télécommunications.
Donc il y a eu 2 entités qui ont été
créées : la Sotelgui, du côté
des télécommunications, et l'Office
de la Poste Guinéenne, du côté
du courrier. Depuis 1992, notre entreprise a été
dotée d'une personnalité juridique
et morale, et d'un capital initial estimé
à 3 milliards de francs guinéens.
Depuis cette date, l'OPG a subi beaucoup de mutations
; nous essayons de lui imprimer une direction de
type privé. Aujourd'hui, ceci donne déjà
ses résultats ; nous essayons de diversifier
nos produits. Le personnel prend de plus en plus
conscience des défis qui nous interpellent.
Vous savez, quand on quitte le statut de fonctionnaire
pour un statut d'employé d'entreprise, ça
change beaucoup de choses. Tout ça est en
train de se faire petit à petit. Nous pouvons
dire aujourd'hui avec assurance que l'OPG a fait
du chemin depuis 1992 dans le bon sens.
Q2 : Pouvez-vous nous indiquer les chiffres
clés, à savoir le nombre d'employés,
les colis qui sont livrés annuellement,
le chiffre d'affaire
?
R2 : Alors, il va être très
difficile pour moi de vous donner des chiffres rigoureusement
exacts dans la mesure où je n'ai pas préparé
l'interview. De mémoire, je peux vous dire
que nous sommes environ 350 travailleurs au sein
de l'OPG ; nous avons 72 bureaux de postes, dont
40 sont opérationnels sur l'ensemble du territoire
national. Le chiffre d'affaire a évolué
entre 1995 et 2001 de 800 millions de francs guinéens
à 1,3 milliards. Ce que je peux rajouter,
c'est que nous avons créé de nouveaux
produits depuis l'érection de l'OPG en établissement
public, industriel et commercial ; à savoir
le courrier express que nous appelons " express
mail service ", le " trans-postal guinée
" qui est un système de transport hybride
courrier/passager ; nous avons aussi créé
le garage de la poste pour la maintenance du parc
automobile qui grossit tous les jours. Ces trois
produits, pour l'instant, sont ceux que nous avons
créé et qui donnent de bons résultats.
Q3 : Quels sont donc les projets en cours
et les projets futurs ?
R3 : Le grand projet que nous avons en cours,
ce sont les caisses d'épargne et les chèques
postaux. Depuis notre séparation avec Sotelgui,
le personnel de l'OPG a revendiqué auprès
du gouvernement la réouverture des chèques
postaux et de la Caisse Nationale d'Epargne. Cette
demande, je dirais même cette doléance,
a été acceptée par le gouvernement
; et depuis 1998, une décision du ministre
en charge des postes a été prise pour
la réouverture des chèques postaux
et de la caisse d'épargne. Naturellement,
les données ayant changées, ceci a
fait l'objet de la conception d'un projet qui est
en cours d'exécution. Vous verrez un bâtiment
en chantier qui est achevé à 75% ;
le personnel d'encadrement a subi une formation
déjà à Dakar ; le personnel
d'exécution a subi une formation sur place
et a effectué des stages pratiques chez les
banques commerciales. Entre temps, il y a eu une
intention du gouvernement de nous confier les activités
de l'ancien crédit mutuel, ce qui vient grossir
le projet, et donc un comité interministériel
vient d'être mis en place pour la création,
cette fois-ci, de la banque caisse d'épargne/crédit
postal. Vous comprenez que notre projet a pris de
nouvelles dimensions et est devenu beaucoup plus
gros ; en principe ce comité va commencer
à siéger, et nous envisageons la mise
en route effective de ce projet dans 3 à
6 mois.
Q4 : Quelles sont vos prévisions et
vos cibles, en terme de clientèle, pour
les services que vous venez de nous décrire
?
R4 : Alors, notre première cible en
matière de clientèle sont les fonctionnaires.
Je peux vous dire qu'aujourd'hui il y a environ
53.000 fonctionnaires en Guinée ; et donc
nous ciblons d'héberger les comptes des 53.000
fonctionnaires. Naturellement, nous irons de façon
progressive. Nous commencerons par les travailleurs
de la poste, ensuite les travailleurs de notre ministère,
et nous prendrons les enseignants peut-être,
ou les agents en uniforme. En tout cas nous irons
progressivement, et notre objectif final est d'avoir
le parc de tous les fonctionnaires de l'Etat.
Q5 : Vous avez également parlé
du système de courrier express. Il y a
des exemples de sociétés de coursiers
privés, actives en Guinée. Qu'en
est-il donc de la concurrence avec ces derniers
pour la poste nationale ?
R5 : C'est un question très intéressante
parce qu'effectivement il y a des coursiers privés
sur la place qui opèrent à titre privé
et qui ont des agréments délivrés
par la tutelle. Ces coursiers ont leur clientèle
; nous avons notre part de marché car il
faut le dire, nous restons toujours la structure
qui couvre la totalité du territoire national.
Nous sommes les seuls présents partout ;
nous sommes moins chers, il faut le dire aussi.
Les tarifs de la concurrence sont trois fois plus
élevés que les nôtres. La plupart
des concurrents utilisent les mêmes moyens
logistiques que nous, c'est-à-dire les compagnies
aériennes qui desservent la Guinée,
à part DHL qui a une solution assez originale
ces derniers temps pour le ramassage sur toute la
côte Ouest africaine. Sinon, nous pouvons
dire, sans nous tromper, que nous sommes très
compétitifs, en terme de délai et
en terme de coût.
Q6 : Est-ce que vous avez envisager une éventuelle
collaboration avec l'un de ces opérateurs
internationaux ?
R6 : Ce n'est pas impossible. Vous savez,
nous ne pouvons plus rester fermés du fait
de la mondialisation, du fait de la dérégulation
du secteur ; parce que la Guinée est signataire
des accords de l'OMC, et de ce fait, il y a des
protections que l'Etat ne peut plus faire sur certains
secteurs, dès lors que d'autres pays signataires
des mêmes accords ont déjà autorisés
certains opérateurs à s'installer.
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Donc, ces opérateurs
ont le droit de s'établir en Guinée
s'ils le souhaitent, et l'Etat ne peut pas y faire
obstacle. Donc, nous, en tant qu'opérateur
public, nous avons l'obligation du service public,
nous avons l'obligation du service universel, nous
sommes obligés d'être présents
partout, même si ce n'est pas rentable, ce
qui n'est pas le cas chez les opérateurs
privés. Il y en a parmi eux qui nous ont
approché pour essayer de voir avec nous comment
créer des produits qui ne soient pas des
produits postes, qui ne soient pas leurs produits,
des produits intermédiaires toujours dans
le souci de la satisfaction des besoins, de plus
en plus exigeants, de nos clients. Nous ne sommes
donc pas fermés comme je l'ai dit tantôt.
Des discussions sont en cours. Ne soyez pas surpris
si un jour vous nous voyez en partenariat avec un
ou deux coursiers privés ; mais nous resterons
service public et même si partenariat il y
a, ce sera dans le souci de satisfaire davantage
le besoin de la clientèle.
Q7: Quand est t-il de la formation de votre
personnel ?
R7 : La formation reste une préoccupation
de tous les jours au niveau de l'OPG. Depuis que
l'office a été érigé
en établissement public, je peux vous dire
que les programmes de formation ont toujours été
planifiés, donc exécutés. Le
personnel a été formé pour
la plupart. Par contre, le grand problème
de la poste est un problème de relève.
L'école qui a formé les postiers depuis
longtemps a cessé de former les postiers
pendant plusieurs années, et donc il y a
eu une rupture de préparation de relève.
A un moment donné, nous connaîtrons
un grand débat pour la retraite, et malheureusement,
la relève n'est pas la pour combler ce gap.
Nous avons donc été interpellés
par cet état de fait ; et nous envisageons
de mettre en place un programme de collaboration
avec la société qui a repris l'école
des PTT, pour que des programmes d'enseignement
poste soient inscrits dans leurs programmes universitaires
; et là, nous conviendrons du niveau de recrutement
afin que des étudiants soient orientés
profil poste.
Q8 : Quels sont selon vous les défis
qui attendent l'OPG ; et comment voyez-vous l'OPG
à moyen terme ?
R8 : Alors, je dirais que les défis
sont de deux ordres. Il y a d'abord des défis
qu'on peut se permettre d'appeler " nationaux
", et qui sont beaucoup plus liés aux
réalités du pays et aussi aux réalités
de l'environnement immédiat ; quand on sait
que des coursiers privés nous ravient une
bonne partie de notre part de marché, à
tort ou a raison. Il y a aussi des défis
" internationaux ", quand on sait que
la poste a un futur préoccupant par rapport
aux nouvelles technologies de l'information, par
rapport aux coursiers privés de grandes firmes
internationales telles que DHL, Fédéral
Express, Air Borne. Nous pensons que la poste demeurera
malgré les nouvelles technologies et nous
pensons pouvoir utiliser ces nouvelles technologies
pour affiner les produits que nous offrons à
notre clientèle ou pour créer de nouveaux
produits, pourquoi pas. Et par rapport aux concurrents,
nous pensons pouvoir nous maintenir parce qu'il
reste clair que nous sommes les seuls à pouvoir
être partout. Cet effet réseau constitue
un effet majeur qu'aucun concurrent n'a ; quant
aux prix de nos produits, nous avons des prix compétitifs.
Nous resterons quand même dans la position
de couvrir nos coûts ; nous nous battons pour
ça, nous nous battrons toujours pour ça,
mais en étant toujours moins chers parce
qu'il faut tenir compte du pouvoir d'achat du guinéen.
Q9 : Comme dernière question, j'aimerais
vous demander de nous parler de votre parcours
professionnel, et nous décrire la plus
grande satisfaction que vous ayez eu en tant que
Directeur Général de l'OPG.
R9 : J'ai un parcours professionnel assez
bizarre. Je suis de formation comptable-gestionnaire
à l'origine. J'ai commencé par travailler
à la Banque Internationale pour le Commerce
et l'Industrie de la Guinée (BICIGUI) où
je suis resté 11 ans. Après la BICIGUI,
j'ai été directeur commercial de la
pharmacie centrale de Guinée. La pharmacie
centrale de Guinée est une pharmacie qui
a pour mission d'approvisionner les structures sanitaires
publiques de la Guinée en produits pharmaceutiques
; et c'est après la pharmacie centrale que
j'ai été nommé Directeur Général
de l'OPG. Donc pour tout vous dire, j'ai commencé
par vendre de l'argent, ensuite j'ai vendu des médicaments
; maintenant, je vends du courrier. C'est un parcours
très intéressant parce qu'à
chaque fois ce sont de nouveaux défis, de
nouveaux contacts, de nouveaux problèmes
à résoudre. Je trouve ça très
intéressant et je suis prêt à
léguer ce que j'ai appris pendant ce parcours
à une génération qui pourra
vraiment en bénéficier.
Q10 : Et comme satisfaction ?
R10 : Je le disais tout de suite en d'autres
termes. Je suis très satisfait de ce parcours
et je pense que chaque fois qu'on peut surmonter
le défi, qu'on peut être utile par
endroit, il faut le faire pour son pays ; et je
pense qu'en venant à la poste, j'allais a
l'école et je pense qu'aujourd'hui, je ne
suis pas un mauvais élève parce que
je parle " poste " avec ce que j'ai trouvé
ici il y a plusieurs années.
Q11 : Peut-être avez-vous un message
final alors à nos lecteurs de l'Express
?
R11 : Oui, pourquoi pas. Le message final
que je passerai aux lecteurs, mais aussi à
mes collaborateurs, c'est que la poste est une entreprise,
une grosse machine qui doit se maintenir, qui doit
s'entretenir et qui doit être entretenue,
je le dis par rapport au gouvernement. Nous bénéficions
déjà de beaucoup de soutien du gouvernement
de notre pays, mais nous en solliciterons toujours
parce que le service public qui nous est commandé,
le service universel qui nous est commandé
aussi, ne peuvent être assurés que
si nous avons le soutien du gouvernement. Les coursiers
privés qui ne peuvent pas l'assurer, ne le
peuvent jamais parce que ce n'est pas leur objectif.
Leur objectif principal c'est de faire des bénéfices.
Je demanderai donc aux lecteurs de l'Express de
faire confiance à la poste guinéenne,
de nous confier du travail et d'apprécier
les résultats des travaux qu'on nous confie.
Et à mes collaborateurs, beaucoup de courage
pour relever les multiples défis qui nous
interpellent et surtout beaucoup de souplesse pour
imaginer de nouveaux produits toujours dans le souci
de la satisfaction de la clientèle. |