THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



INTERVIEW AVEC

M. Philippe TULIERE

Directeur Général PMU+ Guinée
11/12/2002
 
Question 1 : Tout d'abord M. TULIERE, merci beaucoup de nous recevoir. PMU+ Guinée vient de fêter, au mois de septembre dernier, son premier anniversaire ; avec d'ailleurs une année plutôt réussie grâce aux restructurations que vous avez effectué depuis votre nomination. Pour commencer, pourriez-vous nous présenter brièvement l'évolution de PMU+ Guinée depuis sa création et nous expliquer sa relation avec la LONAGUI (Loterie Nationale de Guinée) ?

Réponse 1 : A l'origine, PMU+ Guinée fait partie du groupe FELICIAGGI, dont le président est Charles FELICIAGGI. Il est venu en Guinée, il a aimé le pays, et il est arrivé à implanter le PMU ici. Pour ce faire, c'est le Général Lansana Conté qui a fait, par décret, une entité qui s'appelle la Loterie Nationale de Guinée (LONAGUI), et qui a la lourde tâche de gérer tous les jeux en République de Guinée. Son Directeur Général, ADNAN Aboukhalil, est notre interlocuteur principal. Nous sommes obligés de passer par lui pour toutes les décisions importantes du PMU+, puisqu'il est là pour protéger les intérêts de l'Etat, et nous sommes l'un des plus grands bailleurs de fonds privés de Guinée. On est un peu le phare du pays à ce niveau là. La naissance de PMU+ n'a pas été si facile que ça au début. Comme tout entrepreneur le sait, lorsqu'on démarre quelque chose, il faut remonter ses manches et ne pas avoir peur du travail. Il y a des pièges qui sont tendus, comme dans tous les pays. Les 6 premiers mois ont quand même été assez difficile par rapport à la gestion humaine. La société a démarré avec plus de 1000 personnes ; et il y a eu un peu une guerre commerciale ; on a confondu la rentabilité avec le nombre de salariés. On dit que tout travail mérite salaire, mais tout salaire mérite aussi travail. Donc il y a eu un dilemme, parce qu'il y avait des gens qui ne travaillaient pas et qui venaient quand même demander leur salaire. A partir de là, c'est le financier un peu " dur " qui est arrivé, en conservant son côté humain, pour essayer de mettre de l'ordre dans tout ça. Il n'y a pas eu de " chasse aux sorcières ". Quand on est arrivé, on a créé un concept qui est celui du " premier cercle ". On vit tous par rapport à des mythes ; moi étant enfant, j'adorais ces mythes là, les chevaliers de la table ronde.

L'avantage du cercle c'est que personne ne commande, personne n'est en bout de table ; c'est l'unité, l'union absolue. Donc on a fait des brainstormings pour essayer de trouver des solutions à certains problèmes pour heurter le moins de sensibilités possibles, mais aussi savoir dans quelle direction aller ; parce qu'avec une boussole, il faut savoir si on va à droite, à gauche, ou tout droit. Pour nous, c'est clair ; on veut monter. On part du principe que si on monte, on monte ensemble ; si on descend, on descend ensemble. Là, je suis la voix de tout le monde, mais pensez qu'aujourd'hui, PMU+ c'est quand même 1587 personnes, entre emplois directs et indirects ; et en Afrique, quand vous pensez qu'un emploi fait vivre entre 9 et 10 personnes, il faut compter, au bas mot, que PMU+ Guinée fait vivre 20 000 personnes.

Par rapport à ça, on ne se prend pas pour Atlas, mais on a quand même un sacré poids sur les épaules ; donc il faut qu'on fasse le mieux possible, et on sait réellement maintenant où on veut aller. On le savait au début, mais il y a toujours le brouillard ; parce que faire des prévisions à 3 mois, 6 mois, 1 an, ce n'est pas toujours évident, mais les objectifs commencent à être atteints.

Question 2 : et en terme de statut ?

Réponse 2 : Nous sommes une société anonyme. Nous sommes une S.A. qui existe par l'intermédiaire de la LONAGUI. Nous avons un contrat qui nous lie à la Loterie Nationale de Guinée. C'est une convention qui nous autorise à faire le PMU+ en Guinée. PMU, c'est Pari Mutuel Urbain, mais ici c'est PMU+ Guinée ; nous avons, en plus, le droit à l'image par rapport à PMU France, puisque nous recevons toutes les images par l'intermédiaire de la chaîne Equidia, et nous sommes avalisés à 100% par PMU France. Pour éviter tous les ragots, nous avons un dossier en béton armé. Donc, quand quelqu'un vient, nous avons la convention, les images, l'autorisation et l'aval de PMU France. En fait, il y avait le PMU parallèle qui existe dans certains pays d'Afrique. Il faut parler un peu du négatif pour avoir le positif. Il faut s'auto critiquer tous les jours et accepter les critiques et les rumeurs parce que ça aide. Il n'y a pas de fumée sans feu.

On a commencé à dire que nous étions à l'essai avec PMU France, à dire que nous étions un PMU parallèle. Donc par rapport à ça, lorsque vous êtes sous la coupelle de l'Etat, vous ne pouvez pas être un PMU parallèle. Lorsque vous passez à la télévision et que PMU France vous félicite et parle de vous, vous coupez l'herbe sous le pied des gens qui vous veulent du mal. C'est un peu le combat entre le Bien et le Mal. On va parler de société, mais tout est une ambivalence. Ici, en Guinée, c'est là où vous avez vraiment le Bien et le Mal qui ressortent. En France, c'est le système " l'habit fait le moine ", le costard et les belles chaussures. Ici il faut mettre ça de côté. C'est le côté humain qui est important. Il y a une différence entre la dignité et l'argent. Dans certains villages du Sud de la France, tout le monde se connaît ; et la richesse d'un homme se mesure plus par rapport à la respectabilité de sa parole que par rapport à son compte en banque. Et ici, c'est un peu ça. Il y a le respect que nos grands parents nous ont appris en Europe qui est réellement réel ; je me répète, réellement réel. On respecte les doyens, la parole donnée. Si sur 100 personnes, il y en a 1 qui ment, ce ne sont pas les 99 personnes qui ont menti. Donc, la chance, c'est de se retrouver avec les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment. C'est ça qui fait la force des choses. Il y a les termes qu'on utilise dans les grandes écoles : " une grande société, c'est un véritable mammouth, c'est la préhistoire, on perd du temps, quand on pose une question et qu'on obtient la réponse, on ne se souvient même plus la question qu'on a posé ". Nous, on veut aller extrêmement vite ; et on a essayé de réduire au maximum les temps de réponse. Parce qu'il y a énormément de préjugés ; et c'est un peu une cassure au préjugés. Et je peux dire aux investisseurs qui vont venir qu'il faut avoir la chance d'être très bien entouré et jouer la carte du social et de l'humain, ce qu'on a un peu mis de côté dans la froideur des grandes écoles. Il faut savoir ce que les gens veulent. Est-ce qu'ils veulent réussir dans la vie, ou est-ce qu'ils veulent réussir leur vie ? Avant de venir ici, il faut déjà se poser la question. Une fois qu'ils sont ici et qu'ils ont la réponse, après ils vont être accueillis à bras ouverts, et vraiment ils vont trouver une satisfaction, les gens, un très beau pays. Moi, ça fait maintenant 9 mois que je suis ici, et comme on dit, " so far, so good ".

Question 3: Je voulais aborder cette froideur que représentent les chiffres ; PMU+ Guinée qu'est -ce que c'est en terme de points de vente, de chiffre d'affaires, de parieurs…?

Réponse 3 : Pour ce qui est du CA, ce n'est pas un non vouloir de notre part de vous communiquer cela, mais comme nous sommes régis par un organisme étatique, je préfère vous dire tout de suite que ces informations sont confidentielles. Sinon, au niveau des points de vente, dans la région de Conakry, nous avons 263 points de vente.

Au niveau national, cela fait environ 350, soit 90 en province. Chose importante, le C.A n'est pas un fait du hasard car nos agents sont d'abord formés, sensibilisés ; ce qui fait que nous constatons des prouesses dans ce sens. Ils travaillent avec opiniâtreté dans l'intérêt de toutes les parties engagées dans le Pari Mutuel Urbain Guinéen. Pour donner une explication par rapport aux points de vente, vous avez les kiosques que nous avons mis dans des points bien précis, par rapport à des carrefours pour répondre à une étude géographique des parieurs. Le kiosque, c'est bien, mais c'est un point particulier ; et l'avantage de la Guinée, c'est que c'est tellement convivial qu'on a fait un accord avec des licenciés. Un licencié qu'est-ce que c'est ? C'est quelqu'un qui a son petit café familial où les gens grignotent un morceau et viennent prendre leur " jus ", où on a inséré un petit coin avec un bureau et où nos revendeurs vendent. Donc, ils font partie, pour la plupart, de la famille. Ils viennent travailler chez le cousin, chez le frère… Pour le licencié, il est content parce que ça lui fait un " plus " vu que le PMU+ ramène des parieurs ; et pour nous, c'est mieux que le kiosque parce que les gens vont rester plus longtemps, rester 2 ou 3 heures ensemble pour discuter de celui qui va arriver premier. Dans certains petits cafés, on a 150 ou 200 personnes ! les gens y sont depuis le matin jusqu'au soir, et ne font que ça. Sur la ville de Conakry, on est à 180 licenciés.

Question 4 : et au niveau des parieurs, combien sont-ils par jour à jouer dans ces kiosques ?

Réponse 4 : Là vous allez avoir une drôle de surprise… Nous, on fournit les programmes. Par course, nous donnons gratuitement à nos parieurs entre 70 000 et 85 000 programmes. Donc la logique voudrait que ces programmes restent entre les mains d'un seul parieur. C'est faux. Un programme fait, en moyenne, 2,7 parieurs. Donc, on part sur une base minimale de 200 000 parieurs avec l'effet de roulement. Parce qu'il y a les parieurs qui ne jouent que le mardi, d'autres tous les jours ; certains le tiercé, d'autres le quarté. C'est réellement rentré dans les mœurs. Il y a des parieurs qui se lèvent le soir et attendent jusqu'à 22h pour aller récupérer le programme en premier pour faire les calculs le soir. Ça peut paraître un petit peu risible par rapport au côté français, mais on a vu des parieurs venir récupérer le gros lot, et arriver avec des valises entières pour nous montrer que depuis 1 an, ils gardent tous les programmes. Vous seriez surpris de voir les courbes que les gens peuvent vous sortir.

Sans être allé à l'école, ils vous font des cours de probabilités. Le PMU+ fait partie de la culture guinéenne. Ce sont des accros des chevaux. Parfois ils appellent leur famille en France pour savoir le temps qu'il fait ; et comme l'information circule tellement vite, dans le quart d'heure qui suit, il y a 50 000 personnes qui savent qu'à Vincennes, il fait 5°C. Et par rapport à ces 5°C, les gens vont dire : " ce cheval préfère quand il fait chaud ; là il fait trop froid, il va être mauvais ". C'est incroyable. Moi-même, je n'aurais jamais cru qu'il y avait un tel engouement et de tels calculs. Donc, il y a ce côté du jeu, le fait de dire que c'est de la rigolade. Ce sont des copains, et ils vont gagner par rapport aux voisins. Et comme on a créé ce fameux bonus, quand on a des arrivées faciles, on a facilement 5 000 ou 6 000 gagnants. Pour eux, en fin de compte, on ne va pas dire qu'il n'y a pas de perdants, mais il y en a très peu.

Les gens arrivent, ils perdent un jour ; le lendemain, l'arrivée est facile et ils vont gagner. Et donc ça fait un roulement ; et dans tous les quartiers on le fait. PMU+ au départ, c'est la Mutualité ; donc on essaie de faire énormément de social, mais le social ça ne veut pas dire n'importe quoi. On travaille pour essayer d'être parmi les meilleurs, et chaque jour on se pose des questions pour avoir des réponses et satisfaire le plus possible les parieurs. A tour de rôle, on parle et on fait plein de petites choses. Des choses qui peuvent paraître anodines aux grosses multinationales, mais quand vous êtes 1600 personnes, à la limite, en Europe, vous êtes considéré comme une boîte qui n'est déjà pas mal. Mais ici, ça reste familial. On ne peut pas fonctionner avec l'idée européenne de gestion ici. Je préfère prévenir les gens. Si quelqu'un arrive avec une autorité, commence à crier , n'a pas le respect de la personne, va être un peu trop orgueilleux, et va taper sur la table, alors il va mettre les gens contre lui. Ça je préfère le dire. Ce n'est pas du tout comme ça qu'on gère ici. Il faut arriver à comprendre la personne. Il faut arriver à prendre le temps ; mais une fois que vous arrivez à créer ce groupe là, c'est vraiment bien. Mais attention, il faut faire ses preuves avant. Parce que vous arrivez, vous avez un diplôme, c'est bien beau. On est là, on vous laisse avancer ; mais au fur et à mesure, ils voient que tu commences à te rapprocher. Ce n'est pas à vous de dire : " oui, je suis un gars sympa " ; c'est à eux de se rendre compte que vous êtes nature, sympa, que vous avez oublié d'être idiot ; alors on va faire quelque chose ensemble. Personne ici ne travaille pour moi, et moi je ne travaille pas pour eux. Je travaille avec eux.

Question 5 : Dans un grand nombre de journaux locaux, on parle beaucoup de vous et de PMU+ Guinée. Vous parlez souvent de votre volonté de transparence et de proximité. Est-ce que vous pourriez nous expliquer des différences majeures, en terme de gestion et de politique, entre aujourd'hui et les années précédentes ?
Réponse 5 : La plus grande évolution, je le répète, ça a été le respect. Parce que ce que les gens ont un peu oublié, c'est que j'ai toujours dit, quand j'étais dans différents pays, que lorsque vous voyez un " agent technique de surface ", comme on les appelle là-bas, heureux, avec une bonne mine et bien sûr de lui, vous pouvez être sûr que le patron, avant de le rencontrer, ça va être un gars bien. Parce que lorsque vous arrivez, et qu'on commence à vous faire la gueule, on vous fait attendre, on vous parle d'une manière un peu différente, vous vous dîtes qu'il y a quelque chose qui ne marche pas bien. Et comme nous ce sont des jeux, on n'est pas dans une tour d'ivoire. C'est par rapport à ce qui se passe dehors que l'on vit. Il ne faut quand même pas oublier ça. Nous, on ne dénigre pas le fait qu'on existe par rapport au fait qu'on est sympas, on est transparents et que nos clients, nos parieurs, ressentent cela. On ne leur impose pas une image. On a travaillé pour être nous-mêmes ; mais cette réceptivité, elle a été faite par rapport à la ville. Ce sont les parieurs qui ont vu que ça a changé. Avant, on ne pouvait pas rencontrer le " chef ", on les renvoyait de manière, disons, un peu particulière. Alors que là, sans rendez-vous, je reçois quelqu'un avec plaisir.

Par contre si je suis pris, avec politesse, je lui dis qu'il y a beaucoup de travail, qu'on a travaillé jusqu'à pas d'heure, mais qu'avec plaisir on se voit dans un ou deux jours. C'est un peu la loi des dominos ; vous faites tomber le premier et après, tous les autres vont tomber. Le tout, c'est d'arriver à les faire tomber dans la bonne direction. Et le respect aussi ; on connaît tout le monde par son prénom. On est tous une famille. Il y a des désaccords, comme partout, on ne peut pas le cacher. Mais ce qu'on essaye, c'est de laver notre linge sale en privé, en famille.

Quand quelqu'un a fait une erreur, on va un peu se servir du système japonais. On va lui dire pourquoi et comment il a fait cette erreur, et quel est le remède pour ne pas la commettre une nouvelle fois. Quand vous parlez d'ambiance aujourd'hui, moi je peux vous donner tous les noms des gars de la maintenance, des agents de surface… et au moins il y a la sensibilisation des gens.

L'autorité est quand même respectée ; mais il y a la manière de se faire respecter. Je ne vais pas dire qu'aujourd'hui, parce que je vais claquer des doigts, tout le monde se met au garde à vous ; et en plus ça me déplairait.

Mais si le matin on vous dit bonjour, c'est quand même plus sympa que la personne vienne vers vous parce qu'elle a envie de savoir comment vous aller, plutôt que de poser la question " bonjour comment ça va ? ", mais sans même attendre la réponse. Et ici, les gens ont l'initiative de vous poser la question et attendent la réponse. Le social compte énormément. Ici, il y a des dates bien précises dans ce pays qu'il ne faut pas oublier : votre anniversaire, celui de vos parents… Il y a des choses dans ce pays qui sont importantes. Parce que lorsque vous arrivez dans un pays, on doit quand même rentré dans le moule de la culture ; et comme j'adore ce " melting pot " de culture, on s'y est fait. Je suis bien conseillé, et on a envie d'agrandir la famille ; parce que l'union fait la force. PMU+ aujourd'hui, c'est beaucoup de personnes qui comptent dessus ; un, pour vivre, deux, par rapport à l'image qu'on a, par rapport aux enfants, par rapport aux T-shirts qu'on a donné, les bonbons, les nourritures, les petites fêtes... Ça, ce sont des choses qui se font ponctuellement. Quand, à l'intérieur du pays, on a ouvert Kankan, N'Zérékoré, Kissidougou, Mamou, et on va encore ouvrir une agence bientôt sur Boké, le PMU+ arrive comme la 7ème merveille du monde. Pour eux, c'est le fait de reconnaître que ce village ou cette région a de l'importance, et qu'on va quand même créer un concept auquel les gens adhèrent, et qu'on va créer surtout des emplois. Et ces emplois vont faire vivre toute une famille, vont permettre d'agrandir le village, et de faire des projets. On n'est pas une ONG. Mais on a un côté social qu'il ne faut pas occulter. Quelqu'un qui arrive ici avec un esprit hyper capitaliste, il va se casser la figure. Je ne dis pas qu'il faut faire du mécénat ; mais il y a des choses qu'on est tenu de faire.

Question 6 : Je voulais revenir sur cette grande " famille " du PMU. Il est clair que lorsqu'on rentre dans les locaux, on se rend compte qu'il y a une ambiance bon enfant, tout en restant professionnel. Comment définiriez vous l'esprit qui règne ici, et est-ce que vous pensez que ce travail en équipe est l'un des facteurs de votre succès ?

Réponse 6 : Je dirais que c'est le facteur principal du succès. Ce facteur a été créé par rapport à la compétence ; parce que pour avoir une bonne ambiance, il faut quand même dormir sur ses deux oreilles. Si vous avez des incompétents qui sont à la tête, il n'y aura pas cette sensibilité et cette tranquillité qu'on peut avoir. Et ça vous le gagnez comment ? Quand vous êtes le premier à arriver au bureau, et le dernier à en repartir, on se dit : " celui là, il a envie que ça marche ". Ce sont des choses bêtes ; pour les anniversaires de tout le monde, quand il y a une naissance, quand malheureusement il y a un décès, quand il y a un mariage, on est présent. C'est vraiment le concept de la famille. Comme on dit, la meilleure des qualités, c'est de ne pas trahir. Parfois, il y a des gens qui croient que le pire des défauts, c'est justement de ne pas trahir. Mais après, c'est votre ligne de vie. Vous voyez, je suis sympa, je suis gentil, je parle ; mais quand je ne suis pas d'accord, je vous le dis. Ce n'est pas moi qui vais infliger la sanction. Pour moi, la pire des sanctions qu'on puisse m'infliger, c'est que je déshonore le nom de ma famille, que mon père me dise : " tu as été ridicule, tu n'as pas été à la hauteur" ; et que tous mes amis me disent : " Philippe, tu t'es trompé, tu ne nous as pas écouté ". Parce qu'attention, je les écoute souvent. Le sport où j'excelle, c'est le sport en entreprise. Parce que c'est le seul sport en équipe que j'adore, et où l'on gagne. Je déteste l'échec. Et c'est pourquoi quant vous expliquez cela à quelqu'un qui est en bas de l'échelle, que j'ai besoin de lui.

Quand vous arrivez au bureau, il y a des papiers partout, vous avez une odeur d'urine, ça ne peut pas aller. Si les gars à la base ne font pas leur boulot, si les gars de la sécurité vous accueille en vous donner un coup de pied, ça ne va pas. Le gars a un travail à faire, mais hormis ça, il n'est pas obligé de sourire, il n'est pas obligé de dire bonjour.

Vous avez des cracks en bas. On a engagé des boxers. Et les gars ils sont humains, ils ont du boulot et ils sont contents. Pourquoi ? Parce que la plupart du temps, on m'appelle Philippe. Moi, ça ne me dérange pas qu'on m'appelle Philippe. Vous savez, quand je vais aux toilettes, je fais comme tout le monde.

Quand vous vous retrouvez torse nu avec eux, en train de faire de la boxe, pour eux c'est nouveau. On est à la même hauteur ; et en boxe, ils sont même plus forts que moi.

Donc, je trouve ça sympa. C'est ça qui fait l'ambiance ; ça a été le respect mutuel. Au moins, eux nous respectent par rapport au travail qu'on fait, et nous, on les respecte parce que si on arrive à travailler dans une tranquillité, c'est parce que lorsqu'il y a des gens qui arrivent avec des mauvaises intentions, et eux sont là pour faire barrage et permettre au groupe de continuer à travailler sereinement. Il y a des problèmes qui sont gérés à certains niveaux, on n'est même pas au courant ; et c'est ça qui fait notre force.

On leur a donné un travail, et ici, ça a beaucoup plus de valeur qu'en Europe. Un travail, par rapport à la famille, à la femme, à l'homme, c'est très important. Et la plupart des gens feront tout pour le conserver. Et l'esprit de famille, c'est de protéger toujours la famille. On dit qu'on ne choisit pas sa famille mais qu'on choisit ses amis ; ici, vous avez la chance de pouvoir choisir votre famille, ou c'est la famille qui vous choisit.

Quand vous avez la chance d'être rentré dans ce cocon, vous êtes sauvé. Je ne dis pas qu'un jour on n'aura pas d'autres difficultés, mais ils ont intérêt à se lever de bonne heure. Parce que là, ils ne vont pas toucher une personne, mais 20 000. La force, c'est la force tranquille. Nous, on ne veut de mal à personne. Là où je suis sévère, c'est avec les gens qui ne travaillent pas ; uniquement par rapport au respect de la personne qui est à côté d'eux et qui travaille. Eux-mêmes se font montrer du doigt. Il y en a beaucoup qui sont partis tout seul.

Question 7 : Parlons un peu de ce que vous nous réservez. Vous avez dit dans une interview que " la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a ". Est-ce que PMU+ nous a donné tout ce qu'on pouvait attendre d'elle, ou est-ce qu'on peut s'attendre à de nouvelle surprises dans un futur proche ?

Réponse 7 : Vous savez, on a tous des rêves. Il y en a qui ont la chance d'avoir des idées, et il y en a qui ont encore plus de chance que cela, puisqu'ils arrivent à les matérialiser. Certaines personnes croyaient qu'on allait arrêter fin mars ; j'espère que ceux-là liront l'interview et se tordront le cou en disant : " zut, ils sont encore là ! ". On veut surtout continuer à s'implanter à l'intérieur du pays ; arriver à être encore plus présents, par rapport aux enfants par exemple. Vous savez, rien que le fait de distribuer des ballons, vous le faîtes parce que ça vous fait plaisir. Vous avez remarqué, ici le soir, il y a énormément d'enfants qui jouent avec des ballons, des vélos… Ils n'ont pas à savoir d'où ça vient. Il y a quelqu'un qui arrive, qui donne 20 000 ballons de la part du PMU+ ; et vous faîtes le bonheur d'un quartier. Ce sont ces petites choses qui font énormément de choses par la suite. Ce qui est atroce pour un homme ou une femme, c'est l'inactivité. Donc, le fait est que PMU+ créé de l'emploi, et l'envie de réussir. On vend de l'espoir, mais aussi l'espoir d'avoir un travail. Les gens qui travaillent ici savent pertinemment qu'on est partis pour longtemps. Il y en a qui ont des enfants de 15 ans, et on sait que lorsqu'ils seront compétents dans 5 ou 10 ans, ils seront dans le PMU+. On agrandit la famille, ni plus ni moins. Et le plus beau cadeau qu'on va faire, c'est la surprise qui va arriver au mois d'avril/mai 2003. Il y a eu un peu de retard, mais je laisse la paternité à la LONAGUI lorsque nous allons faire ce grand pas. Il y a de gros projets qui ont démarré, mais je ne peux pas vous en parler. Il y a 2 grosses surprises ; dont une qui est déjà en construction, pour apporter un plus par rapport au pays et aux populations, pour laisser un héritage. Dans 50 ans, Dieu seul sait où l'on sera, mais il y a des choses qui seront encore là.

Question 8 : Comme dernière question, j'aimerais vous demander quelle est votre plus grande satisfaction depuis que vous étiez arrivé au PMU ?

Réponse 8 : Ce serait de dire que je suis heureux. Ça, c'est le côté égoïste ; mais je suis heureux. Par rapport à quoi ? Par rapport au fait que j'ai peut être laissé une famille là-bas, mais j'en ai retrouvé une ici. Et en 9 mois, arriver à pouvoir compter sur n'importe qui dans cette pièce, plus plein d'autres, c'est quand même génial. En France, quand le frigo est plein vous avez beaucoup de copains, mais quand les embêtements sont là, vous pouvez les compter sur les doigts de la main. Ici, le concept est totalement différent. Dieu a fait qu'on a fait nos preuves, qu'on a traversé des moments difficiles, et c'est dans les moments difficiles que les gens se rapprochent et se serrent les coudes pour, après, goûter aux meilleurs moments de la vie. Je suis content d'avoir eu beaucoup de problèmes sans lesquels on n'aurait pas montré aujourd'hui nos valeurs respectives. On aurait été des " fils à papa " qui ont eu la chance de tout avoir et de naître avec la cuillère en argent dans la bouche. La réussite, c'est une bataille de chaque jour. Cette guerre commerciale, elle n'est jamais gagnée. Chaque jour que Dieu fait, c'est une bataille. C'est comme si le matin on se levait, pour aller passer le bac ; et tous les jours on passe le bac, et ensemble on réussit.

Question 9 : Peut être un message final pour nos lecteurs ?

Réponse 9 : Et bien venez prendre le café au bureau ! On se fera un plaisir de vous accueillir et de pouvoir vous aider par rapport à l'expérience qu'on a eu ; sachant qu'avec les personnes que vous allez peut être faire venir, on va pouvoir faire autre chose, parce qu'il y a énormément de choses à faire ici. S'ils ne viennent pas avec un portefeuille plein, qu'ils viennent d'abord pour passer des vacances. La région est quand même extrêmement belle. On ne va pas aller faire du surf à Noël, mais on a quand même des belles plages, et quand on appelle les copains, on a beau être le 11 décembre, ce soir on va se baigner dans la mer ou dans la piscine. Ça a quand même des bons côtés…

C'est le lieu de remercier le Gouvernement Guinéen à travers la LONAGUI, pour sa franche collaboration et son soutien indéfectible. Merci également aux fidèles et amis parieurs qui continuent à nous faire confiance.

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