THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine



INTERVIEW AVEC

M. Raphaël Yomba TOURE


Directeur Général de l'UGAR (Union Guinéenne d'Assurances et de Réassurances)
29/01/2003
 
Q1 - M. Touré, tout d'abord merci de nous recevoir. Pour commencer cette interview,
pourriez-vous retracer brièvement l'évolution de l'UGAR ces dernières années ?


A1 - Je vous remercie encore une fois de l'opportunité que vous me donnez, de m'adresser aux lecteurs de vos publications, surtout pour parler de l'évolution de l'UGAR.

Il y a lieu de souligner d'entrée de jeux qu'au cours des trois dernières années, l'UGAR a évolué dans des conditions environnementales très difficiles.

? En 2000, à partir du 1er septembre, la Guinée a été victime des agressions armées sur plus de 1 000 km de frontières. Ce qui a provoqué des pertes en vies humaines, des dégâts matériels importants, et des déplacements massifs de populations des préfectures attaquées vers celles considérées paisibles. Ces destructions et ces mouvements de populations, ont naturellement ralenti les activités économiques sur l'ensemble du territoire national.

UGAR, comme la plupart des opérateurs économiques, qui couvrent le territoire national par leurs implantations, a enregistré une chute d'activités significatives. En effet si au cours des 3 premiers trimestres le chiffre d'affaires a progressé de 15% par rapport à la même période de l'exercice précédent, force est de constater qu'il a enregistré un brusque et important recul au cours du 4ème trimestre, en raison notamment de la fermeture des points de vente de Guéckédou, Macenta et Kissidougou.

Suite donc principalement aux agressions armées, la société a enregistré une baisse de chiffre d'affaires de 8,2% (de 4,405 milliards en 1999 à 10,464 milliards en 2000).

? En 2001, les attaques armées se sont poursuivies jusqu'en mars, avec leurs corollaires de destructions, de morts, de déplacements des populations et naturellement de ralentissement voir de gel d'activités. C'est dire que l'année 2001 avait mal commencé

Comme si cette dégradation sécuritaire générale de l'environnement ne suffisait pas, UGAR a subi en avril 2001 les méfaits d'une dégradation juridique, suite à une décision de justice pleine d'irrégularités, car non fondée ni dans la forme ni dans le fond.

Dans la forme l'arrêt contradictoire de la Cour d'Appel n° 26 du 19 décembre 2000 donnant droit à l'UGAR, a été attaqué et ses effets annulés, suite à une requête civile introduite le 30 janvier 2001 par violation de l'article 660 du CPCEA, dont les dispositions sont pourtant d'ordre public. Le délai de la requête étant d'un mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de rétractation qu'elle invoque, la démarche entreprise le 30 janvier 2001 par Etoile Auto Guinée était de nature irrecevable, parce que tardive et forclose.

Dans le fond, la garantie n'était pas acquise, car les conséquences directes et indirectes de la mutinerie militaire étaient expressément exclues dans le contrat liant Etoile Auto Guinée à l'UGAR, comme ça l'était avec plus de 33 autres assurés de l'UGAR victimes de la mutinerie. Les autres sociétés de la place qui avaient donné les mêmes types de garanties ont aussi rejeté les réparations des dommages subis par leurs clients. Cette position était si juste que pratiquement tous les clients l'ont acceptée et que l'Etat avait pris des dispositions d'ordre public en :

§ Demandant à toutes les victimes, matérielles les victimes corporelles et les ayants droits de se constituer parties civiles contre l'Etat (décision de la Cour de Sûreté de l'Etat qui a eu à connaître l'affaire des mutins) ;
§ Indemnisant certains gros opérateurs par notamment des exonérations fiscales et douanières. Etoile Auto Guinée fait partie des opérateurs économiques qui ont bénéficié des actions de réparation de l'Etat.

En dépit de ce non droit, et des actions de réparation déjà obtenues, Etoile Auto Guinée a fait condamner l'UGAR à lui payer plus 2,691 milliards de francs guinéens au titre des dommages subis lors de la mutinerie militaire des 2 et 3 février 1996.

Quand on sait que les capitaux assurés pour le site qui a subi les dommages ne dépassaient pas 100 millions de francs guinéens, on ne peut pas ne pas qualifier tout ceci de cabale juridico-financière.

Les réassureurs ne pouvant suivre la cédante UGAR dans un tel contexte de non droit, la démarche visait simplement à couler la société, pour la reprendre en sauveur.

? Depuis 2001 ce contentieux juridico-financier continue à préoccuper l'encadrement de la société jusqu'à maintenant. Certes il y a eu une ordonnance de suspension d'exécution, mais ceci ne règle pas définitivement le problème de cette mauvaise décision dont les méfaits latents et nocifs continuent de nuire

Heureusement que la clientèle dans sa grande majorité continue à nous faire confiance ; ce qui explique les bonnes progressions de notre chiffre d'affaires, soit 16% en 2001 et 27% en 2002.

Cette confiance de la clientèle se justifie essentiellement par la qualité de nos prestations, et par la rigueur de notre système de gestion qui permet de résister aux tentatives et pressions pour le payement des indemnités non dues.

Q2 - Vous avez parlé d'un chiffre d'affaire de 15,5 milliards en 2002. Pour ce faire, combien
de clients compte UGAR aujourd'hui ?


A2 - Je ne pourrais pas vous dire. Nous travaillons dans plusieurs branches et nous avons des clients qui se recoupent. Quand vous faîtes le traitement statistique par rapport aux produits, vous retrouvez le même client en automobile, en vie, en habitation… On n'est pas arrivé à le compter une seule fois, même s'il est 4 fois chez nous.

Q3 - Et d'un point de vue interne, combien de personnes travaillent pour UGAR ?

A3 - Environ 90 personnes, sans compter les mandataires que sont les 17 Agents Généraux dont les structures sont implantées dans tout le pays. Eux mêmes et leurs personnels ne sont pas considérés comme les employés de la société, ils exercent en fait une activité de sous-traitance.

Q4 - Selon vous, quelle est la spécificité de l'UGAR qui fait que vous êtes n°1 ?

A4 - La première spécificité est que l'UGAR a dans son tour de table le Groupe AXA qui détient 40% du capital de la société. Ce Groupe assure aussi l'assistance technique de la société, par la mise en place des approches clientèles et des procédures de gestion qui ont fait leurs preuves sous d'autres cieux. A cet effet AXA détache du personnel pour servir dans la société, effectue les contrôles sur place et organise à l'intention de l'encadrement des stages et des séminaires de formation. L'UGAR bénéficie de toutes les synergies offertes par son appartenance à ce Groupe Mondial de tout premier ordre.
La deuxième des spécificités est le paiement rapide de tout ce qui est dû, et éviter de se prostituer par des considérations non professionnelles dans la gestion des prestations.

A ces spécificités il faut ajouter la qualité exceptionnelle de nos réassureurs qui sont les partenaires indispensables de toute société d'assurance. Le portefeuille des affaires souscrites à l'UGAR bénéficie ainsi d'une protection efficace de couverture en réassurance. Si vous ajoutez à tout cela la qualité des ressources humaines de notre société, vous comprendrez pourquoi elle est la société de référence du marché.

Q5 - Justement, en terme de partenariat, vous nous avez parlé de l'AXA, mais quels sont
les autres partenaires ?


A5 - En termes d'actionnariat, le tour de table de l'UGAR est constitué de trois Groupes qui se répartissent le capital comme suit : 40% pour AXA S.A., 35% pour l'Etat guinéen et 25% pour les privés guinéens.

En termes de réassurances, citons AXA CESSIONS, AXA-RE, MUNICH-RE, AFRICA-RE, GENERALI, SUISSE-RE etc…

En termes d'intermédiaires l'UGAR travaille avec les grands courtiers internationaux tels que MARSH, GRAS SAVOYE, CECAR et JUTHEAUX, et aussi avec les courtiers nationaux pour la couverture des risques domestiques.

Quant aux grands courtiers, ils nous aident à protéger les patrimoines, chantiers et entreprises dont les financements sont d'origines extérieures.

Q6 - Quelles sont les priorités actuelles de l'UGAR ?

A6 - Les priorités de l'UGAR sont de trois ordres.

La première, c'est améliorer le chiffre d'affaires de la société; que nous voulons toutefois sain. Nous ne souhaitons pas faire des progressions qui pourraient se retourner contre nous en terme de résultat. Notre première priorité est donc de progresser dans le cadre d'une bonne sélection des risques.

La deuxième priorité est de renforcer l'amélioration des prestations, dans un marché où l'assurance n'est pas la première denrée.

Il y a notamment une faible culture d'assurance qui nécessite un plan de communication patiente et efficace, surtout que les cibles sont souvent courtisées et embrigadées dans toutes sortes d'association d'assistance. Peut-être la communication doit faire percevoir que l'assurance est un plier de l'assistance sociale, où tout au moins un complément de l'assistance dans le contexte africain

Le développement des produits d'assurance épargne est notre troisième priorité. Que ce soit dans le cadre de la protection santé, de l'épargne retraite ou de toute autre protection financière, les structures étatiques n'ont pas souvent donné de bons résultats. C'est pourquoi les sociétés commerciales d'assurance ont, grâce à de bonnes prestations, plus de réussites dans la satisfaction de leurs clients.

Le développement des produits Vie (épargne et retraite), qui génèrent de l'épargne longue, susceptible d'être investie sur de longues périodes, est cependant confronté à une lourde fiscalité. Des démarches sont initiées auprès de l'administration fiscale pour favoriser la distribution des produits Vie. Les 5% de taxe à la souscription sont exorbitants, quand on sait que dans les autres pays de la sous région cette taxe n'existe pas, si non elle ne dépasse pas 1%

Q7 - Est-ce qu'aujourd'hui UGAR est à la recherche de nouveaux partenaires ?

A7 - Pas particulièrement En ce qui concerne les actionnaires je ne puis me prononcer, tout dépend de leur propre volonté de partir ou de rester dans la société. Si non, la composition actuelle du capital me paraît satisfaisante.
Quant aux réassureurs, leur portefeuille évolue en fonction de la qualité et de l'importance des risques que la société prend en charge. Il évolue surtout en fonction de l'origine des financements des risques à couvrir. Dans tous les cas, l'ossature de qualité mentionnée ci-avant est constituée de nos vieux et permanents partenaires. La recherche des meilleures conditions de réassurance doit en fait être conjuguée avec la solidité et la notoriété internationale des réassureurs.

Q8 - Comment dernière question, en tant que Directeur Général d'UGAR, quelle est votre
plus grande satisfaction ?


A8 - Ma plus grande satisfaction, c'est d'abord de pouvoir, dans un environnement africain et guinéen de surcroît, tenir la société la faire progresser en termes de chiffre d'affaires, de prestations et de résultats pendant plus de 10 ans. Ce qui signifie que nous avons pu préserver les emplois pour plus de 300 personnes. L'autre satisfaction est d'avoir pu conserver une clientèle de qualité, composée essentiellement d'entreprises et de personnel d'entreprises.

Enfin la gestion du lourd contentieux avec le client Etoile Auto Guinée suite à la mutinerie des 2 et 3 février 1996, a aussi été très instructive ; la mobilisation des sympathies à tous les niveaux de la société guinéenne pour lutter contre l'injustice et la cabale financière, a aussi été un autre motif de satisfaction, même si nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. L'espoir fait vivre.

Q9 - Un message final à nos lecteurs de l'Express ?

A9 - Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la Guinée est un beau et riche pays, parce que vous êtes en séjour à Conakry, et pour certains d'entre vous c'est le 2ème ou 3ème séjour.

C'est un pays qui possède d'importantes richesses du sol et du sous-sol, des forêts, des réserves énergétiques et par dessus tout, des populations intelligentes et très accueillantes. On a naturellement pas le droit de laisser toutes ces richesses inexploitées.

C'est pourquoi je fais appel aux vrais investisseurs, c'est-à-dire ceux qui savent prendre les risques pour fructifier leur patrimoine, autrement dit des pionniers. Tout n'est pas effectivement parfait. Que les investisseurs potentiels ne pensent pas qu'en venant investir en Guinée, il suffira d'appuyer sur un bouton pour obtenir la meilleure communication, ou toucher un autre pour éclairer sa demeure

Venir investir en pionnier c'est venir participer à la réalisation de toutes ces commodités pour une exploitation optimale des richesses de ce pays, et c'est au bout de cet effort conjugué avec les ressources humaines locales qu'il y aura, nous en sommes sûrs, un juste retour sur investissement.

Je vous remercie.

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