MADAGASCAR
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V.I.P. INTERVIEWS
Mr Hafez Ghanem


Interview de

M. Hafez Ghanem
Directeur des operations pour Madagascar, Comores, Maurice et Seychelles. Banque Mondiale

Flag of Trinidad Tobago
Madagascar a connu récemment un taux de croissance impressionant mais il reste certaines mesures à mettre en place, pourriez vous nous dresser un bilan de la situation économique malgache ? 

La situation économique malgache est très complexe. D'un côté elle est très bonne, si vous regardez les chiffres de l'économie malgache, l'inflation qui était à 50% il y a 5 ans, est aujourd'hui stabilisée à 5%. Le taux de croissance qui était négatif il y a 6 ou 7 ans est  à 6,5% pour 2001, ce qui va placer Madagascar parmi les pays qui ont connu les plus forts taux de croissance. Si on regarde le taux d'investissements étrangers, il représente presque 2% du PIB aujourd'hui contre 0,3% il y a 5 ans. Il en est de même avec la pauvreté qui a régressé sur cette période. Il y a tous ces signes très positifs mais d'un autre côté, beaucoup de gens dans la rue ont une image plus négative de la situation. On retrouve ces deux réalités à Madagascar. D'un côté un taux de croissance parmi les plus élevés au monde et de l'autre côté des gens qui ne sont pas satisfaits des progrès. 

Quelles sont pour vous les explications possibles ? 

Je vois deux ou trois explications. Tout d'abord, jusqu'à présent la croissance était très concentrée du point de vue sectoriel et également du point de vue géographique. Par exemple le secteur textile dans les zones franches ou le secteur de la pêche et les produits halieutiques. Les autres secteurs de l'économie, et notamment l'agriculture, n'ont pas ressenti la croissance de la même manière. L'agriculture a connu un taux de croissance de 1% alors que 80% de la population malgache vit en milieu rural. Cette concentration sectorielle peut expliquer que beaucoup de Malgaches n'aient pas encore pu profiter de la croissance.

Si nous prenons Majunga comme exemple, la croissance est visible. En 6 mois, le trafic du port a triplé, et donc, le projet d'expansion que nous avions établi est devenu obsolète et nous devons réétudier un développement 4 fois ou 5 fois plus important. L'activité locale s'est accrue considérablement. Mais si vous faites une heure de route pour aller dans la campagne de Majunga, c'est comme remonter dans les années 1960. L'activité économique ne les a pas englobés.

La deuxième explication possible tient au fait que la libéralisation et la croissance se sont produites dans un cadre inadapté. Les institutions du pays comme la justice, le fisc, les douanes n'étaient pas prêtes. Les gens sentent qu'il y a eu une augmentation de la corruption, une baisse d'efficacité de la justice, et c'est un problème courant. Afin de permettre un bon développement il faut accompagner la croissance par le renforcement des institutions principales.

L'état des infrastructures est le troisième point que je mettrais en avant pour expliquer cette situation. Les infrastructures ne sont pas adaptées à une croissance soutenue. Les routes font défaut, l'électricité et l'énergie en général sont mal adaptées. Ce pays a donc besoin d'investissements considérables au niveau des infrastructures.

Voilà en termes très macro économiques, comment nous percevons l'économie malgache. Nous sommes vraiment très optimistes. En principe si ce pays continue à prendre les mesures économiques appropriées, il peut continuer à connaître des taux de croissance record pendant très longtemps. Le pays est très riche en ressources naturelles, riche en capacité humaine, et grâce à la réduction de la dette, des ressources ont été libérées pour faciliter l'investissement public. Avec l'avantage que procure l'ouverture des marchés Européens et Américain avec l'AGOA, Madagascar a des possibilités solides de développement. 

Quels sont les principaux programmes que vous supervisez actuellement et sur quels secteurs vous concentrez vous ? 

Nous avons comme vocation la lutte contre la pauvreté. Si vous regardez les chiffres de la pauvreté à Madagascar, entre 1993 et aujourd'hui, la pauvreté urbaine a baissé de 70% à 50% de la population. Dans le même temps la pauvreté rurale est restée stable aux alentours de 77%. Notre premier défi est donc d'aider le pays à lutter contre la pauvreté et donc de développer les zones rurales.

Nous avons 3 grands programmes en cours dans ce but. Le programme de Fonds d'Investissement pour le Développement (FID), qui est un fonds social qui finance les infrastructures sociales dans les zones rurales, comme les dispensaires, les écoles, les pistes.

Nous avons également le Projet de Soutien au Développement Rural (PSDR), qui finance les investissements productifs dans le secteur agricole.

Enfin, nous sommes en train de mettre en place un grand projet de pistes rurales.

Le développement rural est donc la première priorité de la Banque, mais également avec un programme environnemental solide.

La deuxième priorité s'attache au secteur sociaux. Nous avons un programme dans l'éducation et dans le secteur santé, dont par exemple, un projet de lutte contre le SIDA. C'est très important car aujourd'hui le taux de séropositivié à Madagascar est très faible, contrairement à ce qu'il se passe sur le continent, c'est donc maintenant qu'il faut agir pour le garder faible. Le dernier chiffre officiel, qui sous estime probablement quand même la réalité, est de moins de 1%.

La troisième priorité concerne le développement institutionnel. Nous financons des programmes d'appui à la justice, à la gestion budgétaire, à la gestion des mines et des ressources naturelles en général.

Les infrastructures sont la quatrième priorité. Les routes, l'énergie et l'eau potable.

La cinquième et dernière priorité prend en compte les privatisations et la libéralisation de l'économie. C'était notre première priorité jusqu'à récemment, mais nous pensons que cela s'est bien passé et que maintenant il faut perenniser ces bons résultats et soutenir la croissance. 

Les pays industrialisés maintiennent encore certaines barrières qui freinent les exportations de pays comme Madagascar, comment voyez vous l'évolution de cette problèmatique ?

La position de la Banque est claire. Nous tendons vers une réduction ou une élimination des barrières, qu'elles soient tarifaires ou non, surtout dans l'agriculture. Ce genre de mesure aurait peut être un impact beaucoup plus important que l'aide qu'on peut accorder à ces pays. Madagascar est un bon exemple, car on a pu constater que dès qu'ils ont eu une ouverture, par exemple aux USA avec l'AGOA, les exportations ont décollé, le taux de croissance s'est multiplié, des milliers d'emplois ont été créés et des devises sont entrées dans le pays. Tout cela sans financement des institutions internationales. L'ouverture du commerce international est donc un facteur clé. 

Est ce que vous pensez que ce qui s'est passé à Madagascar peut se reproduire dans les autres pays en voie de développement ?

C'est difficile à dire, dans certains pays où les conditions sont rassemblées, bien sûr. Cependant on ne peut pas généraliser. Madagascar possède quand même certains atouts qui n'existent pas ailleurs, notamment en terme de ressources naturelles. 
La réunion de Doha au Qatar entame un nouveau round de négociations pour le commerce mondial, pensez vous que les pays comme Madagascar sont prêts à accepter de nouvelles évolutions alors qu'ils n'ont pas encore apprivoisé le cadre actuel? 

Vous savez je suis un économiste, et comme la plupart des économistes, je crois vraiment à l'importance de la liberté d'échanges, donc à mon avis il faut continuer jusqu'à ce qu'on aie un véritable libre échange. C'est nécessaire pour Madagascar comme pour beaucoup de pays. Par exemple, si Madgascar avait un libre accès des produits agricoles sur l'Europe, vous pouvez imaginer l'impact que cela aurait sur l'économie. Cela prend du temps car dans toute libéralisation il y a des perdants et des gagnants et il faut du temps pour que l'équilibre se fasse. Mais il faut continuer ! Je suis convaincu que, à terme, c'est la meilleure façon d'aider au développement car ces pays sont très compétitifs. 

Pensez vous que le développement d'un axe Sud-Sud soit une alternative à l'influence de l'OMC ? 

Est ce que c'est une alternative ou un complément ? Pour moi c'est tout à fait complémentaire. Si je regarde Madagascar, qui est membre du COMESA et de la COI, je trouve que c'est une très bonne chose que les échanges se développent sur cet axe là. Toutes ces intitiatives régionales qui développent les échanges Sud-Sud sont quelque chose de très positif. Je pense qu'il faut encourager les initiatives régionales tout en continuant la libéralisation au niveau mondial. 

Quel rôle voyez vous pour Madagascar dans la région ? 

Madagascar peut jouer un rôle clé dans au moins 3 secteurs. Tout d'abord au niveau de l'agriculture, car Madagascar a des potentiels immenses dans l'agriculture et l'agroalimentaire, et dans le cadre de la région Océan Indien, on peut imaginer une agriculture malgache très forte. Cela pourrait même dépasser l'aspect régional pour exporter aux USA et en Europe.

Le deuxième secteur qui est très intéressant, c'est le secteur du tourisme où Madagascar a d'immenses possbilités, et on peut envisager au sein de la région un développement du tourisme. Ici à Madagascar l'écotourisme est le principal axe de développement. On peut donc envisager une grande complémentarité régionale avec un pays comme Maurice ou l'Afrique du Sud.

Troisièmement, le secteur industriel est prometteur. Madagascar est en train d'attirer des investissements dans les industries légères qui demandent de la main d'ouvre avec une qualification et relativement bon marché. Je pense que cela va continuer pour les 5 ou 10 prochaines années. Il serait logique, que de nombreuses sociétés de confection quittent Maurice ou la Réunion pour s'installer à Madagascar étant donnée la compétitivité des conditions, pendant que les autres pays passent à un niveau différent, à l'étape suivante. 

Quels conseils donneriez vous à des investisseurs qui souhaitent s'installer à Madagascar ? 

D'abord il faut venir, car à mon avis c'est un pays qui vaut le risque d'investissement. Ensuite il faut se focaliser sur l'exportation car le marché malgache est quand même d'une taille réduite. J'inclus le tourisme dans les exportations de services, et le potentiel de Madagascar dans ce domaine n'est plus à prouver.

Il faut également avoir de la patience car il y a de nombreux problèmes d'infrastructures, ceci dit les entreprises présentes sont performantes et réinvestissent sur place. 

Il y a donc une dynamique qui se crée ?

Tout à fait, mais le problème qui se pose maintenant, et pas seulement pour Madagascar, c'est l'impact des évènements du 11 septembre sur l'économie mondiale. Nous avons déjà commencé à le sentir dans les zones franches et ça tombe très mal car l'économie était sur la bonne voie. Nous avons calculé que la récession possible notamment au niveau des exportations malgaches, entrainerait une perte de l'ordre de 40 millions US$. Donc jusqu'à maintenant cela n'est pas trop alarmant mais on aurait pu vivre sans. 

Quelle a été l'expérience la plus marquante pour vous depuis votre arrivée à Madagascar ? 

J'ai eu deux expériences qui m'ont marqué, une positive et une négative. Tout d'abord, lors d'une visite dans un petit village sur la côte Est de Madagascar, dans le cadre du FID, nous venions de financer une petite piste de 3 ou 4 km pour désenclaver se village. J'ai été étonné par l'impact de cette piste. Ce village vit de la pêche et de la production de fruits également, et depuis le prix de leurs produits a plus que doublé. C'est une réelle réussite.

L'autre expérience, qui elle m'a marqué plutôt négativement, c'est lorsque nous sommes allés dans la région Nord de Sambava après le cyclone de 2000, j'ai visité la région qui était dévastée et nous sommes allés dans un village où les femmes faisaient la queue pour recevoir l'aide alimentaire, c'est quelque chose de très dur et très marquant que je n'avais jamais vu avant. 

Auriez vous un message final à adresser à nos lecteurs ? 

Comme je vous l'ai dit, ce pays a beaucoup de potentiel et si la stabilité politique et économique est maintenue, je ne vois pas pourquoi Madagascar ne prendrait pas plus d'ampleur dans la région. C'est un pays d'avenir, et même si vous n'êtes pas investisseurs, ça vaut la peine de visiter Madagascar.

Il y a également un secteur que nous n'avons pas abordé, celui des mines. C'est un secteur qui a son importance. Il faut séparer les grandes mines et les petits exploitants.

Pour les grandes mines Madagascar a beaucoup de richesses comme le nickel, l'iménite, et le cadre juridique va bientôt être mis en place.

Mais les petites mines sont également très intéressantes dans la création de richesses pour les populations. Les pierres précieuses sont exloitées de suite, sans transformation. Les acheteurs viennent acheter directement au petit exploitant et exportent en fraude. Une pierre vendue à Bangkok 100US$ est achetée ici 5 ou 10US$, parce que la valeur ajoutée apportée par la coupe de la pierre, le polissage et la vérification de la qualité de la pierre est réalisée à l'extérieur de Madagascar.

Il n'y a pas ici de structures qui permettent de réaliser cette valeur ajoutée avant exportation. Je pense que ça peut être un secteur très intéressant car aujourd'hui si on arrive à augmenter petit à petit la valeur ajoutée créée localement, vous verrez un impact rapidement. On peut mettre en place des structures d'apprentissage, un institut de gémmiologie, en collaboration avec des pays experts comme la Thaïlande par exemple. L'important c'est de créer ce transfert de technologie, ce transfert de savoir faire dont le Malgaches ont besoin dans certains secteurs ainsi que de permettre l'accès aux marchés étrangers qu'apportent les investisseurs. Quand Floréal est venu à Madagascar, ce n'est pas seulement Floréal qui est venu, ce sont tous ses clients également.

En résumé, les opportunités sont nombreuses et il faut vraiment s'y intéresser et venir participer au développement du pays.


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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on Madagascar published in Far Eastern Economic Review.  March 28 th, 2002 Issue.
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