Vous avez participé
à l'ouverture de votre pays sous divers aspects,
aujourd'hui vous étés à la
tête de l'Assemblée Nationale et par
ce biais vous gérer les lois de votre pays.
Tout d'abord pouvez-vous nous donner un aperçu
historique de l'évolution des conditions
d'investissement au Cambodge depuis 1993 ?
Je m'adresse à vous en ma qualité
d'ancien Premier Ministre, en ma qualité
de président de l'Assemblé Nationale
et enfin en ma qualité de candidat aux
futures élections et je l'espère,
candidat au poste de Premier Ministre. En 1993,
contre toute attente, aux élections organisées
par les Nations Unis, mon parti, le parti royaliste
Funcipec, a gagné les élections.
A cette occasion quelles sont les initiatives
que j'ai prises afin d'attirer les investissements
?
Tout d'abords j'ai créé le conseil
pour le développement du Cambodge (CDC).
Je voulais créer un " One Stop Service
System " ; Au lieu de se disperser, tous
les investisseurs seraient dirigés vers
cet organisme appelé le Conseil pour le
Développement du Cambodge. Ensuite, toujours
en tant que Premier Ministre, j'ai également
pris l'initiative de faire voter, le 4 août
1994, une loi sur les investissements. Très
simplement j'ai demandé à mes collaborateurs
d'étudier quels étaient les avantages
que proposaient les pays les plus libéraux
de l'Asie du sud-est et nous avons fait en sorte
de proposer mieux dans notre loi sur l'investissement,
qui en conséquence est l'une des plus libérales
au niveau mondial. Dans ce cadre, nous avons également
afin de garantir une sécurité aux
investisseurs, créé une loi sur
la protection de l'investissement. Ensuite, toujours
en ma qualité de Premier Ministre, j'ai
pris l'initiative de sillonner le monde ; j'ai
ainsi participé à divers forums
économiques, tel que Davos à deux
reprises ou encore des Forums économiques
à Hong Kong ou à Singapour. Cette
initiative avait pour objectif de faire connaître
notre pays, notre nouvelle loi ainsi que le rôle
du CDC. Nous organisions des petits déjeuners
et des déjeuners pendant lesquels je m'adressais
directement à des chefs d'entreprises pour
les inviter à s'intéresser au Cambodge.
Le résultat est simple; de 1990 à
1995 l'investissement était très
faible aux alentours de 100 millions de dollars.
En 1996, nous avons atteins les 600 millions de
dollars, démontrant que cette promotion
a effectivement eut un impact positif sur l'investissement.
En terme d'exportation cela s'est également
concrétisé ; en 1993 nous n'exportions
rien, en 1994 nous sommes passés à
700.000 USD et en 2002 nous avons dépassé
la barre du milliard de dollars. Il est important
de prendre en compte, lorsque nous parlons d'investissement,
que le climat d'investissement d'un pays n'intègre
pas uniquement les lois et organismes mis en place,
mais tout particulièrement la confiance
que les investisseurs ont dans la stabilité
du pays, et c'est cette confiance que nous avons
créé à travers cette promotion.
Afin d'apprécier l'évolution de
ces chiffres à leur juste valeur, il faut
également que vous considériez l'héritage
de l'époque qui se composait de peu d'intellectuels
et d'un pays détruit par trois décennies
de guerre, au niveau des infrastructures mais
également de la structure de la société
elle-même.
Le développement des infrastructures était
donc également une priorité afin
de pouvoir attirer les investissements ; le run-way
de notre aéroport à Phnom Penh a
donc été rénové, à
mon initiative. Cependant l'infrastructure ne
doit pas se limiter à la capitale ; j'ai
donc négocié un prêt avec
la BAD pour un montant de 14 millions de dollars
afin de rénover l'aéroport de Siem
Reap ; essentiel pour le développement
du tourisme dans le pays. Dans ce cadre, j'ai
également signé l'accord avec le
Groupe Raffles afin de construire l'hôtel
Royal à Phnom Penh et le Raffles à
Siem Reap qui nous permettraient d'accueillir
non seulement les touristes mais également
les businessmen. Malheureusement tous ces efforts
ont été réduits à
néant par les évènements
de 1997. Suite à ces évènements,
qu'il ne convient pas de nommer en cette occasion,
j'ai dut partager le pouvoir : ce qui est unique
au niveau mondial, un vainqueur partage le pouvoir
avec un vaincu.
Au niveau macroéconomique, quelle à
été l'évolution du pays pendant
cette même période et quels ont étés
les principaux axes de développements que
votre gouvernement a favorisés ?
Tout d'abords en ce qui concerne les conditions
macroéconomiques de l'époque ; l'inflation
a été ramenée à 0,3%,
ce qui est ridicule, la monnaie nationale était
au niveau de 2700 Riel pour un dollar ; et à
travers les années jusqu'à présent
nous avons été en mesure de maintenir
cet équilibre macro-économique.
En ce qui concerne les axes de développement
du pays je suis convaincu qu'il existe trois pôles
principaux ; tout d'abord le secteur agricole,
qui est un secteur traditionnel dans notre pays
et la création d'une agro-industrie.
Le second pôle est bien entendu le tourisme
; cependant nous désirons développer
un tourisme respectueux des divers environnements.
Tout d'abord l'environnement physique, ce que
nous avons fait récemment avec l'adoption
de la loi sur la protection des forêts,
afin de pouvoir développer un eco-tourisme.
Ensuite, il faut également considérer
l'environnement culturel traditionnel du Cambodge,
en développant nos danses, nos temples,
nos traditions et nos festivals et non pas le
tourisme sexuel, les karaokés ou les massages
qui ne sont pas des traditions khmères.
Le dernier pôle de développement
est celui de la création d'une industrie
légère, car il ne faut pas nous
bercer d'illusions et nous lancer dans une politique
industrielle car nous serions confrontés
à des pays tels que la Thaïlande,
le VietNam ou la Chine contre lesquels nous ne
pouvons être compétitifs. Dans ce
cadre, nous avions pensé à développer
l'industrie textile. Malheureusement cet objectif
n'a pas été atteint et nous n'avons
put développer que la confection ; en d'autres
termes les matières premières sont
importées. Malgré cela il est indéniable
que cette industrie a créé aujourd'hui
plus de 223.000 emplois et un chiffre d'exportation
qui dépasse la barre du milliard de dollars.
Cependant cette industrie est risquée due
à sa volatilité (facilement de-localisable),
mais également au système de quotas
qui nous rend vulnérables et dépendants
des Etats Unis. Il nous faut donc adhérer
au plus vite à l'OMC afin de réduire
cette vulnérabilité. Pour cela,
l'Assemblée Nationale facilite l'adoption
de toutes les lois nécessaires à
cette adhésion ; Tel que la loi sur la
propriété intellectuelle qui a été
récemment promus. Sans cette adhésion
le Cambodge ne pourra pas faire face à
la pression de pays tels que la Chine ou le VietNam.
Si nous adhésions à l'OMC en septembre
nous serions l'un des premiers pays en voie de
développement à relever ce défi.
La stabilité macroéconomique
et la mise en place d'un cadre légal favorable
sont les bases pour l'attraction de l'investissement,
Quels sont donc aujourd'hui les challenges pour
le Cambodge afin de consolider l'évolution
de ces dernières années?
Tout d'abord il faut considérer, comme
je vous l'ai déjà mentionné,
le climat d'investissement dans le pays. Dans
ce cadre j'inclus, bien évidement, la stabilité
politique du pays et les prochaines élections
de juillet vont être décisives sur
ce point.
Ensuite il faut apporter des remèdes à
certains maux dont le Cambodge souffre aujourd'hui
; tel que la corruption endémique. Je m'explique,
prenons l'exemple d'un conteneur de 40 pieds que
nous exportons depuis divers pays ; à Hong
Kong les charges s'élèvent à
250 USD, en Malaisie à 274 USD, au Sri
Lanka 205 USD, à Madagascar 400 USD et
au Cambodge 1124 USD. Il est évident que
dans ces conditions l'investisseur ne sera pas
attiré vers le Cambodge. Ce coût
pourrait être réduit, par exemple,
par la réduction du VAT (10%) qui me parait
trop élevé. Cependant la corruption
a sa part sur ce dernier point.
Analysons plus en profondeur ce phénomène.
Quand vous parlez de garanties légales,
la loi ne suffis pas ; en effet il faut une organisation
judiciaire qui donne confiance et qui applique
cette loi. La part du budget national accordé
au système judiciaire est de 0,4%, en d'autres
termes cela traduit des salaires bas pour les
juges et encourage donc la corruption. Encore
une fois, au risque de me répéter,
une garantie légale sans un système
judiciaire fiable n'est pas apte à créer
un climat de confiance, nécessaire à
l'investissement étranger. Avec Samdech
Hun Sen, lorsque nous étions co-président
du CDC, nous nous étions compromis à
donner l'accord aux investisseurs en une semaine
maximum. Cependant le One Stop Service (CDC) s'est
aujourd'hui transformé en multi-stop service
à cause de cette corruption, phénomène
qui est actuellement présent dans toutes
les sphères de la gente politique. Il est
donc inclus dans mon programme une lutte active
contre la corruption et c'est de cette manière
nous pourrons attirer des investissements sérieux.
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L'Asie du sud-est est une zone de forte croissance
économique au sein de laquelle le Cambodge
doit faire face, en ce qui concerne l'attraction
d'investissement étranger, à une
dure concurrence. Il est évident que la
taille et les ressources limités de ce
dernier sont un handicap important, comment pensez-vous
surmonter ces difficultés ?
Il ne faut pas considérer le Cambodge
comme un marché en lui-même, il faut
le considérer comme une plate-forme qui
permettrait un accès à d'autres
marchés, tel que le marché de l'ASEAN
qui représente aujourd'hui 500 millions
de consommateurs.
J'avais pensé à l'époque,
malheureusement nous n'avons put le concrétiser
à ce jour, à une initiative qui
s'inscrirait dans le cadre de la création
de cette plate-forme. Nous avons à Kampong
Chhnang un terrain d'aviation qui a été
créé par la Chine pour les Khmers
Rouge de l'époque ; un terrain d'une qualité
remarquable avec une piste de 3 kilomètres
pouvant être étendu à 4km.
J'ai ambitionné de créer un "
cargo Hub ". L'espace aérien Cambodgien
n'étant pas congestionné, ce qui
n'est pas le cas de nos pays voisins tels que
la Thaïlande ou Singapour, tous les cargos
pourraient s'approvisionner au Cambodge sur cet
espace privilégié. Annexe à
ce Cargo Hub, j'ambitionnais de créer une
zone duty free, à 3 kilomètres de
la piste d'envol, d'où nous pourrions exporter
les produits cambodgiens. Le site est exceptionnel,
car vous y cumulez une route d'accès, une
ligne ferroviaire, un fleuve ainsi que la piste
aérienne, ce qui permettrait, à
moindres coûts, de développer ce
Hub et augmenter la compétitivité
des exportations cambodgiennes.
Quelles est votre vision pour le développement
du Cambodge dans les prochaines années
?
Le Cambodge a sa place au sein de l'ASEAN, cependant
il faut baser le développement du pays
sur 3 points cruciaux ; tout d'abord la création
d'une atmosphère favorable aux investissements
; Une atmosphère politique, une atmosphère
sociale et également un climat de confiance.
La valeur de la monnaie, par exemple, se base
tout autant sur les performances économiques
que sur cette confiance.
En second lieu, il faut créer un substitut
à notre industrie de confection ; le substitue
valable, selon moi, est l'agriculture et l'agro-industrie
mais uniquement en terme d'excellence. En effet,
si nous ne développons pas une agriculture
de qualité supérieure, nous ne seront
pas en mesure de concurrencer nos voisins qui
bénéficient d'économies d'échelles.
Le troisième pôle est le plus important
aujourd'hui ; c'est le développement des
ressources humaines. Il faut prévoir les
besoins de chaque pôle de développement
du pays ; l'agriculture, l'industrie, le tourisme
ainsi que les services, et orienter notre politique
d'éducation dans ce sens. Si nous réussissions
à relever ces challenges le Cambodge peut
attirer des investissements sérieux et
accélérer son train de développement,
car les ressources humaines sont potentiellement
très riches ; nous avons un peuple travailleur,
volontaire et décidé à avancer
dans la bonne direction.
Vous êtes également à
la tête du parti royaliste, le Funcipec,
qui est actuellement en coalition avec le PPC
au sein du Gouvernement Royal du Cambodge, pouvez-vous
nous donner une brève introduction à
votre parti ainsi que vos objectifs pour les prochaines
années ?
Le Funcipec est un parti royaliste, créé
par Sa Majesté le Roi, pour lutter contre
l'invasion étrangère, pour tout
vous dire contre le VietNam en 1979. Nous avons
ensuite gagné les élections en 1993
et au jour d'aujourd'hui, plus que jamais, nous
sommes très reconnus.
Nous avons contribué à la construction
de notre pays, non seulement à travers
des mesures légales et la reconstruction
des infrastructures, mentionnées précédemment,
mais aussi par le rétablissement de la
monarchie constitutionnelle et du drapeau actuel
de notre patrie, ainsi que le retour de Sa Majesté
le Roi au Cambodge. Cependant, la plus grande
contribution du parti Funcipec a été
de favoriser la réconciliation nationale
et donc le rétablissement de la paix, qui
est un élément essentiel pour le
développement et la prospérité
de notre pays.
En ce qui concerne nos principaux objectifs,
je pense qu'il est nécessaire un changement
d'image du pays. Même si nous avons fait
d'énorme progrès dans ce sens, la
perception, qui est beaucoup plus subjective et
durable, n'est pas encore à la hauteur
des progrès qu'a réalisés
le Cambodge ces dernières années.
Dans ce cadre, il y a un point que j'aimerais
souligner ; le Cambodge est aujourd'hui un des
seuls pays au monde qui ne dispose pas d'une ligne
aérienne nationale. Si nous parlons de
changer la perception au niveau international
cet élément est essentiel. Si nous
prenons l'exemple de notre voisin thaïlandais
; l'année passée ils ont entrepris
une grande campagne de communication afin de se
promouvoir comme destination touristique et pour
cela ils ont, bien entendu, utilisé toute
leur flotte aérienne. Lors du lancement
du " Visit Cambodia Year 2003 " nous
ne disposions pas des mêmes atouts et n'avons
donc pas pu avoir le même impact. Il me
parait donc essentiel, à terme, de recréer
cet élément de notre identité
nationale.
Il y a un second point sur lequel nous devons
travailler, il faut garantir que le peuple bénéficie
du développement économique du pays.
Si nous prenons l'exemple du développement
touristique ; sur 100 USD qui sont dépensés,
uniquement 20% restent dans le pays. Si vous comparez
ce taux avec d'autres pays tels que la France
ou l'Espagne il atteint les 90%. Ces 20% cambodgiens
représentent les salaires, en ce qui concerne
la consommation des produits locaux, considérant
qu'ils sont tous importés, il n'y a aucun
effet démultiplicateur ce qui ne garanti
pas que notre peuple puisse bénéficier
du bienfait du tourisme dans le pays. C'est un
point important sur lequel nous devons nous atteler,
en faisant reconnaître nos produits par
exemple comme des produits bio, ce qui pourrait
garantir une consommation de produits nationaux.
Dans ce cadre, les entrées illégales
de produits par les diverses frontières
terrestres sont également un point important
sur lequel nous devons nous focaliser afin de
pouvoir permettre ce développement. C'est
ce visage du Cambodge qui pourra rendre une totale
confiance aux investisseurs.
Nous sommes également intéressés
par votre personne, pourriez-vous, Votre Altesse
Royale, nous donner un aperçu de votre
carrière et votre plus grande satisfaction
?
Comme vous le savez, je suis le troisième
fils du Roi. J'ai fais mes études secondaires
au Cambodge, avant d'entreprendre mes études
de droit en France, pendant la période
des Khmers Rouges. Je suis docteur en droit, dont
une spécialisation en droit public et en
droit aérien. En 1983, mon père
m'a demandé de prendre la tête de
la résistance car je suis, sans avoir suivi
de cours à l'Académie Militaire,
commandant en chef de l'armée. Pendant
Lon Nol, et la République Khmère,
j'ai été emprisonné à
deux reprises ; j'ai été, à
ces occasions, jugé et acuité. Je
considère par ailleurs que l'on ne peut
être politicien dans mon pays, si l'on n'a
pas été emprisonné.
Je suis également le seul spécimen
au niveau mondial de co-Premier Ministre, suite
aux évènements de 1997. Pour la
petite histoire à cette époque lorsque
nous étions, Samdech Hun Sen et moi-même,
en visite officielle à l'étranger
et que nous étions accueillis avec le tapis
rouge, il n'y avait pas suffisamment de place
pour notre ôte sur le tapis, celui-ci étant
prévu pour deux Premier Ministre uniquement,
ne considérant pas l'exception cambodgienne.
J'ai fait les choses différemment, peut-on
dire. J'ai également été
déposé, tout comme mon père,
par un coup d'état. Suite à 9 mois
d'exil et un jugement qui me condamna à
35 ans de prison et 24 millions USD de pénalités,
on m'a permit de participer aux élections
de 1998, à la suite desquelles je suis
devenu président de l'Assemblée
Nationale.
Plus personnellement je chante, je joue de la
musique et j'ai également réalisé
un film afin de promouvoir la culture cambodgienne.
J'ai une autre passion qui est celle de piloter.
Je pratique également le Golf, je ne triche
pas beaucoup, et je me maintien en forme par un
exercice régulier. Je me maintien également
en forme intellectuellement en étant professeur
en France dans mon ancienne université,
deux fois par ans, ainsi qu'a l'institut d'études
politiques où j'enseigne les régimes
politiques d'Asie du sud-est. J'assure également
deux cours en doctorat ; un cours de droit comparé
à la faculté d'Aix en Provence ainsi
qu'un cours de droit du développement.
J'ai par ailleurs réalisé plusieurs
thèses dont une sur les limites maritimes
entre le Cambodge et les pays frontaliers.
En dernier lieu, quel serait le message final
que votre Altesse Royale voudrait transmettre
aux investisseurs intéressés par
le Cambodge ?
Mon message final sera concis ; le Cambodge sur
le plan interne des ressources disponibles, naturelles
et humaines, ainsi que sur le plan externe, en
tant que membre de l'ASEAN et de la communauté
internationale, et nous l'espérons bientôt
en tant en membre de l'Organisation Mondiale du
Commerce, est un pays dans lequel il faut avoir
confiance. C'est en faisant confiance au Cambodge
et en participant à son décollage
économique que vous pourrez également
assister au décollage de vos investissements.
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