Congo: Interview with Philippe Loridon

Philippe Loridon

Directeur Général (Azur)

2011-07-07
Philippe Loridon
Filiale du groupe Bintel, Azur Congo est le quatrième entrant du secteur de la téléphonie mobile au Congo. Par la forte concurrence qui anime le marché, Azur Congo se positionne singulièrement comme un opérateur de taille réduite mais assurant une qualité de services sans équivoque, un réseau fiable et des produits adaptés aux besoins des clients et des marchés. Déjà présente en Centrafrique, au Gabon et en Somaliland, la marque ambitionne de pérenniser ses activités en créant une vraie identité Azur sur la sous-région d’Afrique Centrale. Cette signature de la marque fait et va continuer à faire son succès auprès d’un public partageant ses valeurs « à l’écoute, de transparence, et de solidarité avec la communauté».

« Bintel a la volonté de s’imposer en se positionnant comme un acteur différent, de taille réduite certes mais fiable, et s’adressant à un public relativement jeune et tourné vers des services de type nouveau. Nous voulons que le public se dirige vers Azur Congo pour ce que nous avons à proposer et pour la vraie valeur ajouté que nous apportons dans nos produits et services. […] Tout en restant réaliste, peu nombreux sont les pays où l’administration de tutelle (le Ministère et le régulateur) considère qu’un acteur qui a fait le pari d’investir dans ce pays mérite un vrai soutien, surtout au démarrage qui peut s’avérer parfois difficile ». M. Philippe LORIDON, Directeur Général d’AZUR Congo



Filiale congolaise du groupe libanais Bintel, Equateur Telecom Congo est exploitée sous la marque commerciale Azur. Pourriez-vous nous donner un bref historique d’implantation et une description de vos activités?


Suite à l’attribution d’une licence GSM en 2009, nous avons eu pour objectif de relancer notre réseau en septembre dernier (2010). Filiale du groupe saoudien BTC, Bintel a été créé spécifiquement pour faire de la téléphonie mobile. Ce dernier s’est concentré depuis ces trois dernières années à déployer son réseau en Afrique, plus précisément au Gabon, en Centrafrique, en Somaliland et au Congo, auquel s’ajoute la filiale suisse AGS. Le siège du groupe est actuellement situé à Beyrouth, au Liban. Aujourd’hui, Azur Congo propose uniquement des services « voix ». Nous nous lançons dans les services data de qualité très prochainement.



Présent au Gabon, en Centrafrique et en Somaliland, le groupe Bintel est aujourd’hui le quatrième opérateur de téléphonie mobile au Congo. De quelles ambitions se nourrit Azur par son implantation au Congo ? Comment Azur a-t-il su se démarquer sur un marché concurrentiel, peuplé d’acteurs majeurs du secteur ?


Nous évoluons effectivement dans un environnement difficile car le marché est très compétitif. Notre position de quatrième entrant ne facilite pas la tâche avec Airtel et MTN, deux géants de la téléphonie mobile en Afrique, qui se partagent près de 85% des parts de marché. De plus, le taux de pénétration de la téléphonie mobile au Congo est très élevé (90%), même si corrigé par le fait que le client possède deux voire trois cartes SIM, on en arrive réellement à un taux de 35 % (une personne sur 3 possédant un téléphone mobile). Cependant, il y a de la place pour un quatrième entrant si le positionnement se fait de façon clairvoyante. Azur a une vraie opportunité d’orienter sa stratégie commerciale sur des segments de marche encore peu attaques par la concurrence. Le fait aussi que notre infrastructure ne soit pas encore saturée par un gros volume de clients nous donne un réel avantage : celui de la qualité de nos appels. Avançant moins rapidement que les autres opérateurs, nous avons la possibilité de mieux gérer notre réseau technique et par conséquent, d’être plus efficace quant à la rentabilité de notre investissement. Le message de nos abonnes qui utilisent aussi les services de la concurrence semble confirmer cet avantage que nous allons bien sur exploiter et essayer de pérenniser.

Depuis notre arrivée l’année passée, les investissements réalisés s’élèvent à près de 20 millions de dollars (USD). Ce montant devrait atteindre les 40 millions de dollars d’ici cinq ans, période à laquelle nous verrons voir un retour sur notre investissement. Azur Congo n’aspire pas à faire du volume, en termes d’abonnés, mais cherche plus à se différencier par son positionnement sur le marché et à s’intégrer dans une stratégie du groupe en Afrique Centrale pour créer sur la sous-région une vraie identité Azur. Notre objectif à court terme est d’assurer la pérennité de notre activité  en générant suffisamment de revenus pour couvrir nos frais d’exploitation. Ensuite, nous passerons à la phase 2 de notre développement et programme d’investissements.



La gestion de votre activité en tant que quatrième opérateur semble parfois relever du défi. Sur quels atouts allez-vous vous appuyer pour arriver à vos fins ?


D’abord et commençons par le plus important, Azur Congo peut compter sur une équipe performante et motivée dirigée par des cadres expérimentés. J’ai personnellement travaille dans l’industrie de la téléphonie mobile sur les cinq continents et je suis très impressionne de la qualité de mes collègues de travail. Ensuite le support de Bintel qui assure un vrai suivi de nos actions et qui, par notre stratégie de groupe et au travers de nos économies d’échelle, nous permet d’être compétitifs en termes de couts. L’expérience d’être présent sur quatre marches quasiment tous frontaliers au Congo nous donne aussi la possibilité de voir ce qui se fait ailleurs, ce qui marche et ce qui ne marche pas et donc de pouvoir innover sur un certain nombre de produits et services. Nos objectifs, je le répète, ne sont pas de grandir autant que nos deux gros concurrents mais de nous positionner sur des segments de marche ou Azur peut vraiment créer la différence à travers un catalogue de produits innovants et de qualité. Nous sommes encore jeunes sur le marché, mais nos clients ont de vraies attentes et les produits développés par Azur Congo vont y répondre très prochainement. Certaines opérations vont être lancées pour communiquer auprès du public une nouvelle image de l’entreprise, plus en accord avec notre identité et leurs besoins.



Azur Congo entend développer son activité grâce à l’appui des partenaires locaux, afin de de s’affirmer parmi les meilleurs opérateurs du Congo. Quels sont vos principaux partenaires? Comment les trouvez-vous ?

Nous travaillons avec de nombreux partenaires de qualité et sur différents domaines. Nous pouvons citer Siteg pour la gestion et maintenance de notre réseau technique ainsi que pour l’approvisionnement de nos générateurs, Translo pour nos opérations d’importation et  de transit, SAI pour la gestion de notre personnel et encore bien d’autres. Notre partenaire et actionnaire local fait aussi beaucoup pour que nous soit évité certains aspects bureaucratiques qu’il nous arrive parfois de rencontrer et faciliter nos relations avec les autorités Congolaises. Enfin et surtout, notre stratégie commerciale est fondée sur un partenariat avec de nombreux distributeurs locaux, clés de notre future succès.



Le Congo est entré dans une phase profonde de mutations, et plus encore sur le secteur des TIC. La fibre optique est en cours d’installation, des licences 3G vont être attribuées d’ici peu, etc. Votre prédécesseur a d’ailleurs déclaré qu’ « [Azur veillera] à fournir de nouveaux services basés sur les dernières technologies et plateformes disponibles au niveau mondial afin de faciliter la vie de nos abonnés ». Comment Azur se prépare-t-il à l’ouverture de ces nouvelles perspectives ?


L’arrivée de ces nouvelles technologies est l’évolution naturelle de la téléphonie mobile, il suffit d’observer ce qui se passe dans le reste du monde. Le développement de nouveaux services data est aujourd’hui incontournable a celui qui veut rester en phase avec ce marché. Les cadres d’entreprises congolaises utilisent aujourd’hui par exemple beaucoup les services BlackBerry, le nombre de jeunes qui se connecte a Facebook est en croissance exponentielle, bref des signes qui ne trompent pas. Le message  envoyé  au Ministre et à l’autorité de régulation par notre actionnaire lors de sa récente visite à Brazzaville rentre clairement dans cette démarche. Notre groupe tient à être partie prenante de ces mutations et qui fait partie de notre développement stratégique au Congo. Nous travaillons déjà sur certaines applications qui verront le jour dans les mois qui viennent.



Lors de son entretien avec M. le Ministre Thierry MOUGALLA le 23 mars dernier, M. Ibrahim KHARBOUSH a « parlé [avec M. le Ministre,] du développement d'Azur Télécom et évoqué les possibilités d’investissement dans d’autres secteurs d'activités au Congo». Quels grands projets vont rythmer le développement d’Azur dans les cinq prochaines années ?


En premier lieu est concernée la partie télécommunications, dont les investissements devraient atteindre les 50 millions de dollars (USD) et qui inclut les couts du lancement il y a six mois. Ensuite, les autres domaines d’intervention dépendent plus de décisions du groupe Bintel. Ayant une expertise dans les solutions IT, systèmes d’intégrations, constructions et engineering, il est probable de le voir s’investir dans ces marchés. Ces décisions seront discutées plus en profondeur lors de la prochaine visite à Brazzaville de notre actionnaire.

Au niveau d’Azur Télécom, nous avons une stratégie de développement claire à laquelle nous allons nous tenir et apporter les évolutions que nous avons évoquées précédemment. Le marché congolais n’est cependant pas encore très sophistiqué, il nous faut donc rester prudent quant au rythme d’innovations à apporter sur ce marche pour rester en accord avec ses besoins. Dans les années à venir, les services data vont connaître en Afrique une très forte croissance. Pour Azur, c’est une vraie opportunité de se positionner à armes égales avec la concurrence. Enfin, Le groupe souhaite continuer son expansion dans la sous-région d’Afrique Centrale, dans l’optique d’un « plan régional », afin de donner à la marque une vraie identité et à plus long terme, la possibilité peut-être d’introduire Azur en bourse.



En tant que prestataire de services, la qualité dépend certes des moyens matériels déployés, mais aussi des compétences humaines. Quelle place Azur donne-t-il à la gestion des ressources humaines ?

Azur compte aujourd’hui 118 employés, répartis essentiellement entre Pointe-Noire et Brazzaville. Par ailleurs, cet effectif se compose d’environ 15% de stagiaires congolais. Intégrer les ressources humaines localement disponibles est aussi un objectif auquel Azur souhaite répondre. Le vivier universitaire congolais est riche et il y a vraiment de quoi recruter des jeunes collaborateurs de qualité. Etant aussi conscient des vraies difficultés existantes à obtenir un stage au Congo, nous voulons par cet engagement, donner une vraie chance à ces jeunes au travers une expérience professionnelle significative. Cette formation du personnel passe aussi par une structure singulière de l’organisation, où tous les employés travaillent en binôme. Chacun a un collègue de travail qu’il se doit de former dans la perspective que celui-ci puisse un jour le remplacer. Nous investissons énormément dans le capital humain local, en privilégiant l’emploi des compétences locales et en dispensant des formations. Nous relevons le défi de montrer qu’à termes les talents locaux seront capables de gérer et pérenniser Azur au Congo. Nous souhaitons positionner Azur comme l’opérateur le plus local sur le marché pour en faire une entreprise citoyenne. En outre, la Fondation Azur travaille sur certains projets à responsabilité sociale touchant tant à l’éducation qu’à la santé, la formation et l’environnement.



Parlons à présent aussi de vous. Pouvez-vous nous décrire votre parcours, qui vous a mené jusqu’à la direction d’Azur Congo?

Mes origines m’ont rapidement donné la passion du voyage. Je suis parti très tôt de France vers Hong-Kong, où j’ai exercé le métier de trader en Chine, puis chef de produit dans l’industrie de la planche à voile et au travers d’une heureuse coïncidence enfin rejoint le secteur de la téléphonie mobile pour le compte de Hutchison Whampoa Ltd., createur du groupe Orange. Je suis rentre en France au tout début des années 90 a la naissance du GSM. Apres deux années passées a la Direction Commerciale de notre filiale Française, je suis retourne en Asie pour le groupe comme business development Manager ou j’ai sillonne l’Asie du Sud Est. J’ai ensuite été en poste à Bombay pour le lancement de notre filiale, puis le Brésil, le Maghreb et le Moyen Orient. J’ai pris un job de Directeur General au Sri Lanka puis terminer ma carrière chez Hutchison comme directeur en charge de l’Amérique Latine. Après une période sabbatique, j’ai réintégré le secteur des télécoms en Israël puis à San Marin (Italie) pour monter un réseau 2G & 3G. Ma dernière expérience avant le Congo est le lancement d’un nouveau réseau en Papouasie Nouvelle Guinée. Il me manquait une vraie expérience en Afrique. Je suis ravi que le groupe Bintel m’ait donne récemment l’opportunité de vivre cette réalité.



VIDEO - Pour conclure, pouvez-vous partager avec nos lecteurs votre vision de la République du Congo, car peu de personnes connaissent vraiment ce pays plein de ressources. En quoi pensez-vous que la République du Congo soit un pays attractif pour les visiteurs et investisseurs étrangers?


Ayant travaillé dans le même secteur depuis plus de 20 ans et dans de nombreux endroits, j’ai souvent été au contact du Ministère de la Télécommunication ainsi que de l’autorité de Régulation.  Je constate depuis mon arrivée au Congo que notre industrie est très dynamique et que le marché congolais a attiré beaucoup d’investisseurs pour un pays de 4 million d’habitants. Quatre opérateurs, un taux de pénétration mobile très élevé, une situation tarifaire qui permet au congolais de communiquer… l’industrie de la téléphonie mobile au Congo se porte bien. Je crois que nous devons cela a notre Ministère de Tutelle et son Ministre M. MOUNGALLA, qui a une vraie vision du secteur des Télécommunications (l’arrivée du câble optique sur Pointe Noire est un autre exemple), notre Ministre a fait preuve d’une véritable ouverture qui avantage le consommateur Congolais et apporte un vrai soutien aux acteurs de la téléphonie pour éviter de mettre le secteur en danger. Ensuite, nous disposons d’un organe de régulation (ARPCE) très professionnel, fortement engagé dans le développement de nos activités, n’hésitant pas à prendre des initiatives pour améliorer les services, et intelligent dans ses démarches. Il s’agit plus d’un partenaire pour nous qu’un régulateur.

Il existe au Congo une vraie volonté d’aider l’investisseur. L’objectif n’est pas simplement d’attirer les capitaux, mais de pérenniser les efforts consentis par les entreprises venues s’implanter. Le cadre de régulation favorise un développement propre avec une vraie vision d’avenir. On parle d’identification des numéros pour sécuriser les abonnés ou de partage des sites pour limiter les impacts environnementaux ; ce sont des concepts nouveaux et pionniers par rapport à d’autres pays. «Et si je peux comprendre qu’il peut exister chez de nombreux investisseurs une peur de voir parfois les règles changées dans d’autres pays Africains, le Congo offre une vraie stabilité. Non seulement, le cadre législatif lie à notre secteur est clair et transparent mais en plus, l’investisseur peut compter sur un vrai soutien des autorités locales en matière de régulation de marche mais aussi en cas de vraies difficultés rencontrées au démarrage de l’activité. Au travers de mes propres expériences, le Congo dans ce domaine précis est une vraie exception.