Guinea, Republic of: Interview with Amara Camara

Amara Camara

Ambassador of Guinea to France (Government)

2011-11-10
Amara Camara

● Ma première question portera sur ce qu’il se passe au niveau politique dans votre pays. Nous savons tous qu’il n’y pas de développement économique sans stabilité politique et cette dernière a récemment été mise en place en Guinée Conakry avec une transition d’un régime militaire à un régime démocratique et ce par l’élection du Président Condé. Selon vous, quels sont les défis et les perspectives pour la transition démocratique de la Guinée Conakry ?

Tout d’abord je tiens à vous faire remarquer que la transition est terminée avec l'élection du Président de la République. Nous ne sommes plus en transition mais en période de gestion. Les défis sont dans un premier temps, la reconstruction nationale ce qui veut dire, un rassemblement des guinéens, que nous allions dans le même sens, pas forcément avec la même opinion politique, mais avec le souhait de travailler ensemble à la reconstruction du pays. Le deuxième défi c’est la lutte contre l’impunité et la corruption dont notre pays a souffert car cela créait des actions impunies et reproduites à plusieurs reprises ce qui était désastreux pour le pays. Enfin, l’amélioration des conditions de vie de nos populations est la finalité et cela comprend l’amélioration des besoins sociaux primaires comme la santé, l’éducation ainsi que le bien être de la population guinéenne.

● Quelle appréciation faites-vous du rôle de la communauté internationale – CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Nations Unies, les États-Unis, etc. – durant ces élections et dans la transition à un régime civil ?

Concernant les élections, la communauté internationale a joué un très grand rôle. Il y a eu un groupe international de contact qui pendant toute la période de la transition et des élections a été présent et a fait face aux difficultés rencontrées. Il était composé de l’ensemble des organisations que vous avez citées et celles-ci nous ont apporté non seulement un soutien politique mais également un soutien financier afin d’organiser les élections.

● En évoquant sa vision du futur de la Guinée, le Président Condé a dit qu’il attendait avec impatience de reconstruire un pays qui pouvait tenir le rôle qu’il était destiné d’avoir à l’indépendance quand il était « le moteur de l’Afrique de l’Ouest ». Quel rôle pensez-vous que la Guinée devrait tenir au niveau des politiques de la région ?

Nous avons une fierté nationale qui est d’avoir été le premier pays d’Afrique francophone à avoir obtenu l’indépendance en 1958. Durant les années 60, la Guinée était un pays phare mais est  malheureusement tombée ensuite dans l’obscurité. L’ambition du Président de la République est de redoré le blason du pays sur la scène internationale et cela commence par sa propre personnalité. Il a été longtemps Président de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire (FEANF) c'est-à-dire qu’il a une volonté d’un africanisme marqué. Il possède une stature internationale et a un long passé de lutte, presque 40 ans, pour la Démocratie et le développement de son pays. On lui a fait l’honneur, à la réunion de l’Union Africaine à Addis Abeba en janvier dernier, de prononcer le discours de clôture. Le Président Condé a été invité ici en France pour assister à la Conférence du G8. Vous pouvez donc voir que le retour sur la scène internationale se fait petit à petit.
 
● Améliorer la vie de chaque Guinéens est la principale préoccupation du Président Alpha Condé. Sur la liste des actions urgentes que  doit prendre le Président Condé pour guérir le pays, quelles sont pour vous les priorités majeures ?

Il y a eu un programme prioritaire d’action qui a été adopté au séminaire gouvernemental de janvier 2011 c'est-à-dire à peine un mois après l’investiture. Ce programme se base sur le projet de société que le candidat Alpha Condé avait proposé au pays. Ce programme se décline de la manière suivante, il s’agit du développement rural car, il est difficile de voir un pays se développer en  laissant de côté tous les ruraux, la sécurité alimentaire, ce qui est un besoin essentiel tout comme l’eau, l’électricité et les infrastructures. Il y a également un grand programme pour l’emploi des jeunes qui est fondamental et enfin la sécurité fait également partie de ce plan. Tout cela passe par une bonne gouvernance économique et financière. Le dernier point à ajouter est qu’il faut aussi un assainissement de l’espace juridique. L'unité nationale est la clé de voute de son action politique.

● L’investissement direct à l’étranger comme moyen de croissance économique à été accueilli par une majorité de nations africaines ces derniers temps. Encourager l’investissement étranger fait parti des cinq axes de changement sur lesquels la mission du Président Condé est basée. Que fait le gouvernement pour tenter d’attirer ce type d’investissement en Guinée ?

Tout d’abord, le Président s’est personnellement impliqué dans tout ce qui concerne l’investissement et les partenariats avec l’étranger. Quand il s’est rendu à Paris en mars dernier, il a rencontré le patronat français, donc le MEDEF, il a également rencontré le Conseil des Investisseurs d'Afrique Noire (CIAN) pour les assurer qu'en Guinée, désormais que tout se passera légalement, il y aura des textes pour protéger les investissements et un environnement juridique sain. Des spécialistes économiques guinéens ont accompagné le Président dans ces démarches là. Le Président s’implique aussi personnellement pour s’assurer du bon déroulement des missions des investisseurs en appelant les ministères correspondants pour s’assurer que tout est fait pour que les rendez-vous des investisseurs se déroulent de la meilleure manière qui soit. L’appel a été entendu si l’on en juge par le nombre de Visas que nous délivrons ici à Paris. La Guinée est un pays potentiellement riche et qui intéresse de ce fait beaucoup d'investisseurs. Nous essayons d'installer une situation de gagnant-gagnant avec nos partenaires.
 
● La Guinée est un pays avec un potentiel énorme. Il bénéficie de deux tiers des réserves mondiales de bauxite, de diamant et des gisements d’or ainsi que 4 milliards de tonnes de minerai de fer. Les ressources du pays offrent un potentiel pouvant contribuer au développement en catalysant l’augmentation des secteurs privés dans des secteurs clés. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour attirer de nouveaux investissements du secteur privé ?

Notre pays, avec ses énormes potentialités, intéresse beaucoup les investisseurs : les mines, l'agriculture, les infrastructures, les services sociaux de base, le tourisme, etc. Si j'en juge par l'accroissement des demandes de visas, je puis vous affirmer que « Guinea is back » comme l'a dit le Président de la République lors de son investiture.

La stratégie du Gouvernement est développée par le ministère de la coopération dans ce qu’on appelle une conscience de partenaire et qui n’est pas limitée aux grands pays mais est également ouverte aux pays émergents, des pays qui ont des potentialités, pour permettre dans un premier temps, de faire connaître les possibilités d’investissements de la Guinée mais aussi de savoir ce que nous exportons. Nos principales richesses sont les mines. Nous avons l’ambition de devenir un grenier, c'est-à-dire un pays producteur de richesses agricoles. La Guinée avait disparu de la circulation et quand le Président a dit au moment de son investiture « La Guinée est de retour », il désignait le fait qu’il ne faut pas seulement que la Guinée rouvre les vannes mais qu'elle montre  également qu’il y a de réelles possibilités d’investissement dans tous les domaines, que ce soit les mines, l’agriculture, l’énergie. Nous avons cet immense espoir de pouvoir être indépendant au niveau alimentaire, au niveau énergétique, et de faire des progrès au niveau de l’éducation et de la santé. Le taux de mortalité augmente et dans le même temps l’espérance de vie diminue. La Guinée est classée très bas dans les indicateurs internationaux. La principale raison en est la mauvaise gouvernance car si vous dilapidez, si vous gaspillez vos ressources, vous dégradez les conditions économiques de votre pays. Les ressources que nous avions n’étaient pas profitables au pays. La Guinée était riche et les guinéens pauvres et cela à cause de la corruption, du gaspillage et donc d’une mauvaise gouvernance. Sans faire de l’élitisme, c’est la première fois que nous avons un universitaire à la tête de l’État et cela change beaucoup les choses.

● Parlons maintenant d’un secteur majeur dans chaque économie et pour tout pays, l’agro-alimentaire. La Banque Mondiale a dit à propos de la Guinée que l’agroalimentaire était un secteur à fort potentiel. Quel est le schéma stratégique du Gouvernement pour exploiter au maximum l’énorme potentiel du pays pour créer une industrie agroalimentaire forte ?

Le Président considère que le premier scandale de la Guinée est agricole avant d'être minier. C'est  dire, s'il accorde une priorité à ce volet. Les deux volets que sont le vivrier et le fruitier seront développés en partenariat avec les grandes entreprises agro -industrielles.

Je vais tout d’abord vous dire que l’Agriculture est la priorité du Président, tant mieux si la Banque Mondiale va dans le même sens. On ne nous dictera pas notre politique économique. C’est très difficile, depuis un bureau à l’étranger, d’imaginer les conditions de vie d’un paysan guinéen. Pourtant ce sont les experts étrangers qui vont décider de la priorité des actions. Le Président l’a dit, comment peut-on importer des produits alimentaires avec une telle superficie cultivable comme nous en avons en Guinée. On a de l’eau, un grand nombre d’hectares de sol fertile. On peut, en se faisant un partenariat avec de grosses entreprises agro-industrielles, faire progresser notre agriculture et exporter une grande quantité de fruits et légumes.

● Que pensez-vous qu’il devrait réellement être fait pour pouvoir faire un secteur agroalimentaire efficace et servant toute la population notamment en terme de pouvoir économique ?

L'aide sera apportée aux paysans sous forme d'engrais et autres semences. Le Président leur a accordé une journée entière. il a promit de les amener à une agriculture plus moderne pour qu’ils puissent produire plus que ce qu’ils ne le font en ce moment. Ce sont des agents économiques très importants pour le futur et il ne faut pas les sacrifier et les remplacer par les grandes entreprises. On peut faire cohabiter les deux.

N'oublions pas l'aménagement de très grands périmètres et je puis vous affirmer que notre pays peut être non seulement auto-suffisant, mais être aussi en mesure d'exporter d'où le slogan : « PRODUIRE CE QUE NOUS CONSOMMONS ET CONSOMMER CE QUE NOUS PRODUISONS ».

● Concernant la relation entre la Guinée et les Etats-Unis : La Guinée est traditionnellement considérée comme une zone d’intérêts français. Cependant, nous avons pu voir que les États-Unis ont soutenus les dernières élections et ont montrés un intérêt grandissant pour ce qu’il se passait en Guinée. Voyez-vous l’intérêt croissant des États-Unis pour la Guinée en particulier et l’Afrique en général comme un développement positif ?

L'implication des États-Unis ou plus exactement son retour, est très positif. Comme vous le savez sans doute, la Guinée a eu d'excellentes relations avec les Etats Unis sous la Présidence de John F. KENNEDY. Son rôle actuel dans la consolidation de la démocratie est très utile et apprécié. Je regrette simplement que la prime à la Démocratie ne se décline pas en aide massive. Il ne faut pas attendre les problèmes pour déployer d'énorme moyens pour les résoudre. Alors qu'en nous aidant en amont, couterait moins cher et ferait progresser les conditions socio-politiques. Je demande aux États-Unis une aide post - électorale afin que nous puissions consolider la Démocratie.

● Ma dernière question sera la suivante : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous-même, votre parcours professionnel ainsi que les raisons qui ont fait que vous soyez Ambassadeur de la Guinée Conakry en France aujourd’hui ?

J’ai pratiquement fait la totalité de ma carrière à l’UNESCO, plus de trente ans. J’y ai fait tour à tour, l’administration et le programme. J'ai gardé de longue date, des relations particulières avec le Président Alpha CONDE. Tout en étant fonctionnaire international, nous ne sommes pas interdits d’avoir une opinion politique. Le Président a pensé que je pouvais l'aider en le représentant à Paris, contribuer à l'amélioration des relations entre la France et la Guinée, réconcilier les guinéens de France, arriver à entrainer des partenariats et rendre notre pays plus attractif sur le plan des investissements étrangers. Je pense que c’est parce que le Président pense que je peux le faire qu’il m'a confié cette mission, j'espère en être digne.