Guinea, Republic of: Interview with Lamine Cissé

Lamine Cissé

Directeur Général (Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières)

2017-11-30
Lamine Cissé

M. Cissé, étant donné ses ressources énergétiques, minières et agricoles, la Guinée a le potentiel pour devenir encore plus grand et plus important acteur dans la région. Selon vous, quelles sont d’autres opportunités d’investissement pour la Guinée ?

Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à la Guinée. Comme vous le savez, notre pays vient de très loin. Plongée dans une sorte de sclérose séculaire, la Guinée a été marquée par un manque d'esprit démocratique, et une absence d’Etat de droit.

Face à cette situation, nous avons compris qu’il fallait prendre notre destin en main comme le disait Alexis de Tocqueville « chaque génération a le droit de reformuler sa propre conception de l’Etat et de la nation ».

Il a fallu un leader comme le professeur Alpha Condé pour partager cette vision et prendre en compte les préoccupations des populations, en particulier celles des femmes et des jeunes. Et comme vous le constatez, depuis qu'il est arrivé au pouvoir, il y a eu beaucoup de réformes qui ont été réalisées dans les différents secteurs tels que les finances, les mines, l'agriculture, etc. A travers ces reformes, nous avons pu atteindre différents objectifs notamment sur le plan macro-économique, à savoir l’atteinte du point d’achèvement de initiative PPTE, mais aussi sur le plan sectoriel comme la réforme des forces de défense et de sécurité. Sur le plan minier, je pourrai citer l’adoption du schéma directeur des infrastructures minières et la consécration du principe de la mutualisation des infrastructures.

L’adoption de ce schéma directeur des infrastructures issu de la nouvelle politique minière exprimée par le Président de la République pour une politique cohérente et efficace des infrastructures a permis également de définir notre secteur minier en trois corridors : nord-ouest, Central et Est.

S’agissant de la mutualisation, une idée innovatrice dans le secteur minier, elle permettra à plusieurs acteurs miniers d’utiliser en commun les infrastructures minières, comme c’est le cas actuellement au niveau du corridor Nord-Ouest où CBG, GAC et COBAD vont utiliser les infrastructures minières de Boké.

C’est dire qu’avec cette nouvelle politique minière, la Guinée pourrait atteindre plus de 70 millions de tonnes à l’horizon 2027, et devenir le premier pays producteur de bauxite dans le monde. Et ce faisant, notre pays devient un acteur de premier plan sur le marché mondial de la bauxite. L’ambition aussi pour le Président de La République, c’est de promouvoir les investissements visant la transformation sur place de la bauxite en alumine et aluminium.

Mais, nous n’attendons pas à ce que ce secteur évolue seul, mais plutôt que cela influence aussi le développement de multiples secteurs, en occurrence le secteur agricole et l’électricité. Le Président Alpha Condé comprend très bien que le développement de différentes industries ne peut pas avoir lieu sans le développement énergétique. C'est pourquoi, il attire les investissements étrangers pour nous permettre de développer ce secteur avec tous les moyens nécessaires.

Malheureusement, au cours de cette dynamique, nous avons été frappés par la crise Ebola. Il fallait que le Professeur prenne son bâton de pèlerin, à travers le monde, pour que la Guinée ne soit pas isolée. Il a dit dans ses propos : il faut que les guinéens apprennent à considérer cette épidémie non pas comme un malheur, mais comme une chance et désormais, il poursuit « cette situation devra permettre à la Guinée de bâtir une véritable politique de santé publique et d’envisager des pistes de transformation de nos produits agricoles ».

Dans le cadre de la relance de secteur agricole Le Professeur Alpha Condé a engagé plusieurs initiatives pour permettre à la Guinée d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. La Guinée est considérée comme un scandale géologique mais le Président ajoute que la Guinée est également un scandale agricole. C’est pourquoi, il n’a ménagé aucun effort pour mettre à la disposition des agriculteurs des intrants et équipements nécessaires avec pour objectif l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire de notre pays.

Mais aujourd’hui, nous sommes persuadés que c'est le développement de secteur minier qui permettra également d’investir dans les autres secteurs économiques du pays (infrastructure, agriculture, transport, énergie, etc.).


Sous la présidence de Son Excellence le Professeur Alpha Condé le pays avait fait de grands progrès au niveau de la transparence et de la démocratisation. Cela favorise les investissements étrangers. Quel type de conséquences cela a-t-il produit en ce qui concerne le secteur minier ?

Il fallait d’abord restaurer les fondements d’un Etat de droit et permettre sa consolidation. C’est un processus. Il s’agissait surtout pour le Professeur Alpha Condé de créer un environnement stable pour assurer la sécurité juridique. Cela attire directement les investisseurs et mobilise toutes les ressources au service d’un développement économique et social du pays. Toutes les actions que nous menons, concourent à la restauration d’un climat de confiance pour les investissements dans le secteur minier, ce qui explique, d’ailleurs, l’engouement des acteurs miniers dans notre pays.


Maintenant, grâce à de très bonnes relations bilatérales entre la Chine et la Guinée, l'intérêt des investisseurs chinois sur les ressources et le développement de la Guinée est de plus en plus visible. Quel genre de résultat vous espérez de cette coopération entre les deux pays ? Quelles sont les actions que vous prenez pour promouvoir les efforts de votre entreprise et attirer de nouveaux partenaires ?

Comme vous le savez, les mines constituent le poumon économique de la Guinée, et sa contribution varie entre 12 et 15% du PIB aujourd’hui. Et pour faire face à l’enjeu social et économique que représente ce secteur dans un environnement mondial concurrentiel, un des leviers d’action pour attirer les investisseurs est le Code Minier. Aujourd’hui, nous avons un nouveau code minier qui est assez souple et qui vise à attirer les investisseurs. Outre, les préoccupations sociales, économiques et environnementales, le nouveau Code minier s’articule autour d’une meilleure gestion des titres miniers et du respect des règles de transparence.


La Chine est le principal consommateur d'aluminium au monde. En fait, l'Australie est le plus grand fournisseur de ce produit en Chine. Néanmoins, la Guinée est devenue un acteur clé pour l'approvisionnement de la Chine, sachant qu'elle possède la plus grande réserve de bauxite. Quels autres secteurs pourraient bénéficier de la demande de ce produit et contribuer aussi au développement de la production minière ?

Pour poursuivre le développement de l'industrie de la bauxite en Guinée, nous devons fournir les infrastructures nécessaires pour l’extraction, le traitement, la transformation, l'évacuation, le transport des substances minérales. Tout est lié. Comme je l’ai mentionné, nous avons la plus grande réserve de bauxite du monde et la qualité de la bauxite n'est même pas comparable à celle de la bauxite sur le marché. Elle est d’une qualité supérieure en raison de sa teneur très élevée en alumine et de son taux de silice très faible, suivant le procédé Bayer. De ce point de vue, la stabilité politique et notre nouvelle politique minière permettront de redonner la confiance à la Guinée. Nous avons aujourd’hui une vision claire et cohérente pour résoudre nos problèmes, puisque nous avons les ressources nécessaires. De plus, avec l'aide des investisseurs, nous entendons mettre tout en œuvre pour surmonter les défis dans le secteur minier.


A ce titre, dois-je rappeler que la Guinée a rejoint Africa50, un fond d’investissement dédié aux infrastructures et créée par la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette participation pourrait permettre à la Guinée de lever des fonds visant la réalisation d’infrastructures nécessaires au développement.


L’année dernière son Excellence le Professeur Alpha Condé avez effectué une visite d'Etat en Chine, qui a permis aux relations sino-guinéennes d'accéder à un nouveau palier. Cependant, le président l’a dit lui-même : «â€¯"Nous voulons que la coopération économique avec la Chine soit plus forte que la coopération politique". Quel genre de résultat vous espérez de cette coopération entre les deux pays ? Qu’est-ce qu’elle peut apporter au développement de secteur minier en Guinée ?

Ce que le Président a dit, n’est pas faux. Un pays avec une bonne position économique peut fournir plus qu'une simple relation diplomatique. Notre nouvelle étape sur la relation avec la Chine apportera de bonnes choses à la population guinéenne. Nous respecterons les conditions de cette relation de la même manière que nous sommes sûrs de participer ensemble à un environnement d'intérêt partagé. Nous avons suffisamment de ressources et ils ont le savoir pour exploiter ces ressources.

Le constat nous a montré que la Chine, à tout point de vue, est devenue incontournable en Asie. Le Président de la république a déclaré que nous devrions saisir des opportunités de nos bonnes relations avec la Chine pour renforcer cette coopération et relancer notre développement. Quoi de plus pragmatique.

Pour l’ANAIM, nous devons assurer les meilleures conditions pour exploiter nos ressources et nous croyons vraiment que l'intérêt de la Chine pour celles-ci nous permettra de poursuivre nos projets de construction et de développement d’infrastructures nécessaires à l’extension du secteur minier.


Mr Cissé, nous avons parlé de la confiance que le Professeur Alpha Condé vous a accordée, vous avez été désigné à la tête de l’ANAIM, ce qui constitue un véritable challenge et une marque de confiance de la part du Professeur. Quelles sont vos principales fiertés qui vous ont permis de réussir en tant que leader aujourd’hui ?

J'apprécie la confiance que le Professeur a placé en moi pour diriger l’une des entreprises publiques les plus importantes du pays. Je profiterai de cette occasion pour lui exprimer ma gratitude de m’avoir donné cette opportunité.

Il a déclaré récemment que la jeunesse d'Afrique constitue la plus grande richesse du continent. C'est pourquoi, nous devons mettre en place les moyens nécessaires pour former cette jeunesse afin qu’elle puisse faire face aux enjeux du siècle. Faire confiance à la jeunesse et lui apporter la formation adéquate demeurent le meilleur moyen de tirer profit de nos ressources et faire de l’Afrique le moteur de la croissance mondiale. C’est une des visions du professeur Alpha Condé ; c'est-à-dire fournir aux pays africains les moyens de résoudre leurs problèmes par leurs propres moyens.


Depuis que vous êtes à la tête de L’Agence Nationale D’aménagement Des Infrastructures Minières sous l'administration de Son Excellence le Professeur Alpha Condé, de plus récemment couronné d’un prix « Modèle de Réussite, Katala 224» dans le secteur public, quelle est la plus grande réussite pour laquelle voulez-vous qu’on se souvienne de vous ?

Je suis heureux de l'opportunité que le Président m'a donnée, c'est pourquoi je ne pourrais jamais le remercier assez. Sur le secteur minier, en ce qui concerne l'infrastructure, c'est sous ma direction, et dans le cadre des objectifs assignés par le Président de la République que beaucoup de progrès ont été réalisés. Je pourrais citer notamment le renouvellement de l’Accord de concession qui nous lie à la CBG ; il y a également les accords amendés et signés de Global Alumina Corporation (GAC) permettant à celle-ci d’avoir accès aux infrastructures ferroviaires et portuaires concédées à la CBG. Il y a lieu de citer aussi le contrat ayant permis à COBAD (RUSAL) d’avoir accès à ces mêmes infrastructures.

Mais le principal accord est celui du contrat d’opération multiutilisateurs (MUA) qui permet aujourd’hui aux acteurs miniers : CBG, GAC et COBAD d’utiliser en commun les infrastructures du Corridor Nord-Ouest. Croyez-moi, c’est une grande fierté.


Enfin, les lecteurs de South China Morning Post incluent majorité d’hommes d’affaires et politiciens les plus influents de la Chine et du monde entier (via la plateforme digitale). Avez-vous un message final à leur adresser sur la Guinée qui les inciterait à venir faire des affaires et investir ici ?

Je peux dire aux investisseurs, qu’aujourd’hui, la Guinée, du fait de son cadre législatif et réglementaire, est un pays qui offre un environnement favorable aux affaires. C’est un pays d’opportunités, en raison de l’augmentation de la production de la bauxite, de ses ressources naturelles mais également de la relance du secteur agricole grâce aux soutiens de l’Etat. En d’autres termes, nous sommes devenus un pays démocratiquement responsable et économiquement porteur de croissance.