Lebanon: Interview with S. E. M. Boutros Assaker

S. E. M. Boutros Assaker

Ambassadeur (Embassade Du Liban En France)

2010-02-08
S. E. M. Boutros Assaker

Les  relations entre le Liban et les Etats-Unis sont basées sur un respect mutuel jamais altéré par les divergences sur certains dossiers sensibles. La visite du Président Sleiman à Washington en décembre 2009 a permis de faire le point sur les l’ensemble de ces  dossiers et sur l’état du partenariat libano-américain. “

1. Les élections législatives du 7 Juin 2009 ont donné vainqueur M. Saad Hariri et sa coalition. Cette victoire a été perçue comme un signe fort qui incitait à l’optimisme. Saad Hariri a décidé de former un gouvernement d'unité nationale, rassemblant toutes les formations politiques libanaises, pour tourner la page des divisions du passé. Quel bilan faites-vous des avancées dans le pays depuis les dernières élections ?

Monsieur L’Ambassadeur: Des  étapes, décisives pour la stabilisation du Liban ont été franchies en 2009, suivies de près par toute la communauté internationale : la tenue d’élections législatives libres, transparentes et démocratiques constitue un signal fort de l’attachement ferme du Liban à ses traditions démocratiques.  Ce respect des échéances  constitutionnelles qui se sont déroulées dans le calme et la démocratie ravive la confiance du monde en notre pays : confiance en son  statut et en sa stabilité et confiance en la solidité de ses institutions. La formation d’un gouvernement d’union nationale présidé par Saad Hariri, prêt à  mettre en œuvre les engagements internationaux pris  tant au niveau des reformes institutionnelles qu’au niveau de la libéralisation économique promet une ère de modernisation et constitue la clé du renouveau libanais. Parmi les objectifs formulés dans la Déclaration Ministérielle, figurent la concrétisation  des décisions prises dans le cadre des conférences de Paris et les accords  qui déterminent les priorités stratégiques de la coopération internationale, ainsi qu’une politique de restructuration  dont l’objectif  est de redonner confiance aux libanais dans les institutions de leur pays. L’établissement des relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie consacre, dans le cadre des liens historiques et des réalités géographiques, la normalisation de leurs rapports, reflétant ainsi le souhait profond des deux peuples. L’accession du Liban au Conseil de Sécurité des Nations Unies en tant que membre non permanent est une preuve supplémentaire de la confiance internationale dans le rôle régional du Liban. L’organisation de conférences arabes et internationales à Beyrouth illustrent les progrès enregistrés et s’ajoutent au premier bilan de confiance déjà enregistré. Dans un contexte international difficile, le Liban a su  gagner en crédibilité et rester à l’abri des répercussions de la crise financière mondiale et attirer davantage de touristes et d’investisseurs en atteignant un taux de croissance de près de 7%.  Toutes ces évolutions positives permettent de penser que le Liban est entré dans une dynamique de renouveau et une ère de stabilité qui  feront  de lui  un acteur régional incontournable.

2. Le président de Etats-Unis d’Amérique M. Barack Obama a déclaré « Les Etats- Unis montreront leur appui à un Liban indépendant et souverain, en quête de la
paix ». Comment percevez-vous les relations bilatérales entre les Etats-Unis et le Liban ?

Monsieur L’Ambassadeur: Les Etats-Unis sont un pays proche et ami du Liban. Cette amitié s’est illustrée par des échanges commerciaux, des programmes de coopération et d’aide, par la proximité des valeurs démocratiques et par le rapprochement politique. La communauté libanaise vivant aux Etats-Unis -deux millions d’américains d’origine libanaise- témoigne de la proximité culturelle et affective entre nos deux pays. Les  relations entre le Liban et les Etats-Unis sont basées sur un respect mutuel jamais altéré par les divergences sur certains dossiers sensibles. La visite du Président Sleiman à Washington en décembre 2009 a permis de faire le point sur les l’ensemble de ces  dossiers et sur l’état du partenariat libano-américain. Le Congres américain -dont plusieurs membres sont d’origine libanaise (Nick Rahal, Darell Issa, Charles Boustany)-a réitéré le soutien des Etats-Unis à l’économie libanaise en donnant  son aval pour la reconduction d’un partenariat militaire et économique avec le Liban. Les échanges entre les Présidents Sleiman et Obama -dont le discours au Caire,  permettez moi de le souligner, a renouvelé la confiance des pays arabes dans l’administration américaine- ont permis des progrès concernant l’application de la résolution 1701. Même si des points de divergences persistent,  les deux pays se retrouvent  sur le fait que seul le dialogue doit permettre de solutionner  les  problèmes  de la région et qu’aucune solution au détriment des intérêts du Liban ne saurait être  acceptée, ni même envisagée.

3. Le Liban jouit d’une position géostratégique unique entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie et peut garantir une sécurité juridique aux investisseurs internationaux. Quelles sont selon vous les opportunités d’investissement les plus intéressantes pour les investisseurs internationaux ?

Monsieur L’Ambassadeur: La majorité des investissements directs étrangers (IDE) est dirigée vers l’immobilier et le secteur touristique en plein essor, notamment avec la construction d’un nombre important de nouveaux hôtels de luxe.
D’autres secteurs  représentent aujourd’hui des opportunités réelles pour les investisseurs locaux et étrangers. Selon un rapport du Conseil de Développement et de la Reconstruction (CDR) mais aussi d’autres organismes privés tel que la Lebanon Weekly Monitor de la Bank Audi, le secteur des infrastructures est un des plus prometteurs. Depuis septembre 2007, 650 projets d’infrastructures sont en cours, d’une valeur totale de 2,4 milliards de dollars. Ces projets portent sur des routes, des autoroutes, des ports, des chemins de fer, des barrages, l’électricité, l’éducation et l’eau. Les organismes publics et privés recommandent également dans leurs analyses prospectives, d’investir dans le secteur des technologies de l’information et des télécommunications (TIC). Dans ce domaine, le Liban pourrait devenir un centre régional grâce à la main-d’œuvre qualifiée et multilingue et aux agences publicitaires de haut niveau. Le gouvernement libanais  a des projets de développement des infrastructures télécoms créant par là même de nouvelles occasions d’investissements. Deux autres secteurs présentent des perspectives tout aussi intéressantes : les produits pharmaceutiques, dont les ventes s’élèvent à près de 400 millions de dollars chaque année et le secteur des  assurances ouvert et libéral.

4. D’après les chiffres du Ministère du Tourisme, plus d’un million et demi de touristes ont visité le Liban en 2009, ce qui représente une hausse de 43% par rapport à 2008 et de 84% par rapport à 2007. La plupart des touristes sont des Libanais expatriés et des touristes de la région mais le Liban est de plus en plus apprécié par les Européens et les Nord Américains. Quelles sont les attractions touristiques les plus importantes au Liban?

Monsieur L’Ambassadeur: On peut essentiellement identifier au Liban 2 types de tourisme : le tourisme culturel et le tourisme de « loisirs ».
Dans le premier cas de figure, le Liban est riche en sites archéologiques et son patrimoine culturel et urbanistique est varié. Certains de ces sites, qui figurent d’ailleurs sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, sont largement connus dans le monde, tels que Byblos, Tyr, Baalbeck, Tripoli et la vallée sainte de Qadicha. Ces différents sites englobent souvent une juxtaposition de civilisations allant des phéniciens jusqu’aux croisés.  Les  pays voisins tels que la Syrie et la Jordanie abritant également des sites archéologiques importants, le Liban pourrait  tout à fait constituer  le point de départ du touriste étranger désireux de découvrir le Proche-Orient.
Il convient à cette occasion  de préciser que le tourisme naturel, autrement dit l’écotourisme, est en train de se développer  sensiblement au Liban.  La diversité naturelle, en termes de montagnes, de fleuves, de forets et de plaines rurales offre des possibilités illimitées pour les étrangers en quête d’évasion et de découvertes.
Le deuxième type de tourisme, soit celui des loisirs, est en effet favorisé au Liban  par la diversité du climat, la présence de plages variées, de hautes montagnes (propices aux sports d’hiver), ainsi que par la qualité de ses hôtels et services touristiques. Un tourisme médical est également favorisé  au Liban par des compétences  certaines et des équipements à la pointe de l’innovation.

5. Nos lecteurs sont aussi intéressés par l’homme derrière la fonction. Pouvez-vous partager avec nous brièvement votre parcours professionnel jusqu’à votre nomination en tant qu’ambassadeur du Liban en France, ainsi que vos plus grandes satisfactions depuis que vous occupez ce poste?

Monsieur L’Ambassadeur: Mon parcours professionnel est relaté dans mon CV. Je suis personnellement convaincu que l’entière  satisfaction n’existe pas pour un diplomate. Le poste d’Ambassadeur du Liban à Paris est éminemment particulier compte tenu des relations très riches et diversifiées qui existent entre les deux peuples ainsi que les engagements mutuels et  la proximité des valeurs et des émotions. Les relations  franco-libanaises sont très particulières et  s’inscrivent dans l’histoire et la continuité, ce qui donne tout son sens à la fonction d’Ambassadeur du Liban en France. Il s’agit d’une lourde responsabilité mais aussi d’une mission passionnante que de relever tous les défis émanant d’une relation aussi riche et  complexe.
Quant’ au sentiment de satisfaction, je l’éprouve à chaque fois que je vois se consolider l’indépendance et la souveraineté du Liban, l’unité des libanais et leur bien-être. C’est aussi un sentiment inassouvi pour une personne engagée au service de son pays et de ses compatriotes.