Mauritania: Interview with M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine

M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine

Directeur Général (Fondation Nationale pour la Sauvegarde des Villes Anciennes)

2008-02-21
M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine

Q : Pouvez-vous nous donner rapidement les raisons qui ont amené à la création de la FNSVA ?

R : La Fondation Nationale pour la Sauvegarde des Villes Anciennes (FNSVA) est un établissement public à caractère administratif, créé en 1993 avec une mission spécifique de sauvegarde, de préservation et de promotion du patrimoine historique, culturel et architectural des villes de Ouadane, Chinguitty, Tichitt et Oualata. La création de cet établissement répondait à un double impératif : d’une part, celui d’agir d’urgence pour essayer de maintenir les population de ces villes dans leur terroir et de contrecarrer le mouvement d’exode massif qui vidait ces anciens ksours de leurs habitants, attirés par des conditions meilleures qu’ils espéraient trouver dans les grandes villes, et d’autre part, celui de mettre en place une structure chargée de piloter le processus qui devait conduire plus tard (en 1996) à l’inscription de cet ensemble sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, et ce après des tentatives menées par l’Institut Mauritanien des Recherches Scientifiques et la Commission Nationale des Villes Anciennes qui ont toutes échoué.

Q : Quels sont vos principaux moyens de promotion des villes anciennes ?

R : Les principaux moyens de promotion des villes anciennes proviennent des subventions de l’Etat Mauritanien. Cependant, depuis la création de la FSNVA, un effort important a été généreusement consenti par certains partenaires du pays, notamment l’UNESCO, le Royaume d’Espagne, le Portugal, l’Union Européenne, la Banque Islamique de Développement et la Banque Mondiale. Il faut cependant noter que depuis quelque temps, les apports de ces partenaires ont diminué et on espère que dans le nouveau contexte du pays et la confiance retrouvée avec ses partenaires, l’intérêt pour la culture en général et les villes anciennes en particulier reprendre de l’importance.

Q : Comment décririez-vous votre stratégie de développement d’activités et avez-vous une stratégie de communication ?

R : Notre stratégie est axée sur la préservation et la sauvegarde du patrimoine des villes anciennes, comme source de richesse et témoin de prospérité d’une civilisation qui s’est construite dans ces contrées désertiques à une certaine époque, mais aussi comme potentiel de développement économique aujourd’hui. Mais nous considérons qu’une action ciblant uniquement les élements du patrimoine matériel ne donnerait lieu à une restauration de monuments et ne répondrait pas entièrement au souci partagé de maintenir une présence permanente des populations dans ces villes. C’est pourquoi, une grande partie de notre activité a été consacrée à la promotion de projets socioéconomiques (eau, agriculture, santé, éducation, tourisme, artisanat, …etc.). Nous nous employons également à faire connaître ces sites du patrimoine mondial au plus grand nombre de public national et dans le monde, au moyen d’éditions de supports de communication (dépliants, articles dans la presse, films) et de participation aux différentes expositions par des stands spécifiques sur les villes anciennes.

Q : Avez-vous des rapports avec des investisseurs français ? Voulez-vous développer des relations avec des partenaires français ?

R : Bien que nous apprécions à sa juste valeur le rôle joué le Service d’Action et de Coopération Culturelle de l’Ambassade de France à Nouakchott, nous regrettons que l’action de la France n’ait pas touché directement les villes anciennes. Cependant, il faut mentionner que des actions ont été menées par l’UNESCO avec l’assistance de coopérants mis à sa disposition par le ministère de la culture français. Sur le plan privé, nous remarquons depuis un certain temps la présence de promoteurs français dans le domaine du tourisme, mais cette présence reste très timide par rapport au potentiel et aux attentes.

Q : Comment voyez-vous la situation des villes anciennes dans les prochaines années ?

R : A en juger par l’évolution qu’elles ont connue dans la dernière décennie, par la volonté politique nationale et par le potentiel de ces villes, je ne peux qu’être optimiste pour leur avenir. Cependant, il faut revenir à la réalité évidente que le pays manque de ressources, que les défis de tous genres sont énormes et que dans ce contexte il y a un grand risque que les villes anciennes soient la victime des arbitrages sur les priorités en terme d’allocation des ressources. C’est pour cela que nous comptons pour une grande part sur toutes les bonnes volontés à travers le monde pour nous aider à sauvegarder et à développer ces sites qui constituent un patrimoine commun pour toute l’Humanité. Dans ce cadre, la France a un rôle déterminant à jouer.

Q : Quel serait votre message final pour nos lecteurs, qui sont des gens d’affaires ?

R : Je leur dis qu’il y a de grandes opportunités d’investissement dans les villes anciennes, notamment par la promotion d’un tourisme culturel sélectif dans les sites eux-mêmes et d’un tourisme de découverte et d’aventures pour le grand public dans leur arrière pays. Les retombées d’une activité bien orientées et bien encadrée seraient très bénéfiques pour les promoteurs et pour le patrimoine des villes anciennes.