Mauritania: Interview with Mohamed Baro

Mohamed Baro

Directeur Exécutif (Banque pour le Commerce et l\'Industrie)

2008-04-22
Mohamed Baro

Q : Est-ce que vous pourriez nous donner quelques éléments sur l’histoire de la BCI ?

R : La Banque Internationale pour le Commerce a été créée au mois de septembre 1999 grâce à une association avec des partenaires privés hollandais. L’institution dispose actuellement de 8 agences à l’intérieur du pays avec un effectif de 164 employés. La banque est présente dans toutes les grandes villes de la sous région et a même ouvert une filiale à Bamako (Mali).

Q : Pourriez nous donner quelques chiffres clés de votre entreprise ?

R : Le chiffre d’affaires au 31 décembre 2007 tourne autour de 22 milliards d’ouguiya. Ce qui place l’institution au cinquième rang du système bancaire mauritanien. En terme de dépôt la BCI se situe aux alentours de 16 milliards d’ouguiyas. Ce qui positionne la banque en quatrième position au niveau national. Huitième institution privée à voir le jour en Mauritanie, la BCI a pu s’installer durablement dans le paysage bancaire mauritanien.

Q : Quelles sont pour vous les raisons de ce succès ?

R : Les raisons de cette réussite tiennent à la qualité et au dynamisme à travers lequel la direction met en œuvre, suit et accompagne les différents projets de l’institution. Ce sérieux a permis de gagner la confiance et attirer d’importants déposants parmi les opérateurs étrangers, à l’exemple de la société pétrolière malaisienne PETRONAS qui racheté les action de l’australienne Woodside dans le pétrole mauritanien, seule banque avec laquelle cette entreprise travail dans le pays. Il faut signaler au passage que PETRONAS est aujourd’hui le plus grand investisseur étranger en Mauritanie. Au niveau national nous comptons parmi nos déposants des sociétés comme la SNIM, la SOMELEC, la MAFCI, Air France, REPSOL et bien d’autres entreprises. Ainsi, la BCI a une large diversité de clients et opérateurs de la place avec lesquels la banque participe à une aventure commune.
Nous comptons également faire évoluer notre porte feuille à travers la négociation avec d’autres partenaires notamment des opérateurs dans le domaine minier.

Q : Quels sont les leviers sur lesquels on peut jouer pour relever le taux de bancarisation personnel qui reste très faible ?

R : Le niveau moyen de crédit tourne autour de 17 à 18%.La Banque Centrale travaille à baisser ses taux directeurs. Le niveau de l’épargne aussi est très faible, aux alentours de 38%. Il y a un véritable travail à faire dans ce domaine. Cette faiblesse est liée à la perception générale négative que les mauritaniens avaient des banques privées il y a encore tout juste 3 ans. Le changement est de plus en plus visible depuis 2 ans avec la redynamisation générale des activités commerciales des banques, orientation soutenue par une nouvelle politique de communication.

Q : Vous avez des partenaires néerlandais; est ce que la part des capitaux étrangers est essentielle au fonctionnement de l’institution ?

R : Le principal problème des banques mauritaniennes se pose en terme d’accès aux ressources et à la levée des capitaux. Absence d’un marché financier, d’un marché obligataire. Autant de problèmes qui annihilent la possibilité de lever des capitaux. Tenant compte de tous ces paramètres, nous disons effectivement que le partenariat des investisseurs étrangers est nécessaire à nos activités bancaires. Ils nous apportent des ressources que nous ne pouvons pas trouver sur le marché bancaire national.

Q : Comment communiquez vous dans vos rapports avec les partenaires étrangers ?

R : Notre communication est la base notre activité, sur nos résultats et sur le potentiel de développement qu’offre la BCI en termes d’investissement. Avec 14 à 15% de rémunération des capitaux, notre institution offre une bonne base d’investissement. Nous communiquons beaucoup par rapport à toutes ces données. Ce qui naturellement pousser de potentiels partenaires étrangers à plus d’intérêt pour nos activités et nous permet de disposer de nouvelles ressources. A ce titre on peut citer des investisseurs institutionnels comme la SFI, la Banque Islamique de Développement (BID) la BAD. Nous avons quand même un peu plus de mal à atteindre certains investisseurs. En Mauritanie ça commence. Il y a une prime de risque. On est en contact avec de nombreux opérateurs. Le manque d’accès aux ressources reste un handicap. Pour mettre en place notre filiale malienne, nous avons puisé sur nos ressources propres. Mais pour étendre ses activités vers d’autres pays, la BCI a besoin de nouveaux partenaires puisque la BCEAO a augmenté ses taux, le seuil étant passé de 2 à 5 milliards de francs CFA. Ainsi, la mobilisation des ressources devient plus difficile.

Q : Quels les avantages que vous pouvez offrir aux investisseurs étrangers dans le cadre d’un partenariat ?

R : Nous leur offrons une parfaite connaissance des potentialités du marché mauritanien, des secteurs d’investissement qui peuvent avoir une valeur ajoutée réelle. A titre d’exemple nous pouvons citer le domaine pétrolier, le domaine minier, celui du tourisme.

Q : Quelles sont les perspectives du groupe pour les 3 à 4 prochaines années dans le milieu financier mauritanien ?

R : Le système bancaire mauritanien se trouve aujourd’hui dans une phase d’évolution charnière, avec l’existence de 10 banques et la prochaine arrivée sur le marché à 4 à 5 autres institutions. Il s’agit là d’une réalité avec laquelle il faut désormais composer. N’étant ni le Qatar, ni l’Arabie Saoudite, la Mauritanie ne peut se permettre d’avoir autant de banques compte tenu du faible niveau de l’activité économique. Il faut partager ce qui existe et l’existant actuel n’offre pas un terrain d’activités à autant d’institutions. La réalité d’un tel constat devrait pousser les acteurs financiers à des regroupements. Aujourd’hui, les banques doivent être beaucoup plus crédibles financièrement et commercialement. Dans ce contexte, le souci de la BCI est de renforcer ses fonds propres pour prendre place parmi les 3 ou 4 institutions qui resteront dans le paysage bancaire.

Q : Quel est le rôle des entreprises privées dans le cadre de l’action du gouvernement visant la promotion de l’image de la Mauritanie à l’extérieur ?

R : Les institutions et entreprises privées accompagnent le développement du pays. Naturellement le secteur privé doit jouer un rôle dynamique dans l’action de promotion de l’image de la Mauritanie à l’extérieur. Elles doivent se mettre à la hauteur dans une perspective de canalisation de tous les nouveaux investissements étrangers souhaités par le gouvernement qui se préparent à arriver sur place. Les engagements pris à l’occasion de la réunion à Paris du Groupe Consultatif (GC) sur la Mauritanie fin 2007 ouvrent de nouvelles et intéressantes perspectives. Alors, il appartient à la Mauritanie (gouvernement et opérateurs privés) de préparer des projets convaincants pour régler le problème lié à la capacité d’absorption et permettre une mise à disposition effective de l’enveloppe promise.

Q : Pourriez vous nous donner quelques éléments de votre parcours personnel ?

R : Mon parcours n’est pas très original. Il ressemble à celui de nombreux étudiants. Une fois titulaire du Baccalauréat, j’ai entrepris des études supérieures en France (maîtrise, DESS en banques). Après je suis allé faire une année de langue aux USA. Retour au pays par la suite et intégration immédiate à la BCI, institution à travers laquelle s’est déroulée toute ma carrière professionnelle. Ce dont je suis particulièrement fier c’est d’avoir débuté comme cadre dans l’échelon inférieur et d’en arriver au poste que j’occupe actuellement. En avançant de manière graduelle, j’ai accompagné le développement des activités de la BCI. Je suis un pur produit de l’institution et j’en tire de la fierté.

Q : Avez-vous un message final pour les lecteurs de l’Express issus du milieu des affaires et les habitués du site www.winne.com ?

R : Un message de profonde conviction que la Mauritanie offre un important potentiel inexploité avec aujourd’hui une réelle volonté politique de mise en valeur par l’Investissement Direct Étranger (IDE). Le privé national est déterminé à accompagner ce mouvement et invite le capital privé étranger à se joindre à lui pour un partenariat gagnant- gagnant. La Mauritanie est un pays attachant qui offre une certaine singularité. Elle est un trait d’union entre 2 cultures, une diversité facteur de richesse. Négro africain, je travail en parfaite harmonie avec le PDG de la BCI, qui est lui arabe. C’est en fait souligner que dans l’unité, le peuple mauritanien est déterminé à réaliser le développement du pays. Il faut également parler du potentiel touristique (immensité et beauté du littoral).