Mauritania: Interview with Monsieur Mohamed Lemine Ould Aboye Ould Cheihk El Hadrami

Monsieur Mohamed Lemine Ould Aboye Ould Cheihk El Hadrami

Premier Ministre (Secrétariat d\'État à l\'Environnement)

2007-03-30
Monsieur Mohamed Lemine Ould Aboye Ould Cheihk El Hadrami

« Notre objectif commun sera de consolider la participation de notre Pays à l’action mondiale, O combien salutaire, pour la protection de l’environnement et ainsi intégrer dans notre stratégie les différentes thématiques Environnementales. »Website: www.environnement.gov.mr

Monsieur le Secrétaire d’Etat, la gestion de l’environnement dépendait, dans un passé récent, d’une simple direction. Aujourd’hui, celle-ci a été érigée en Secrétariat d’Etat auprès du Premier Ministre, chargé de l’Environnement. Quelle est la mission fondamentale de ce nouveau département ?

Il faut d’abord rappeler que l’accompagnement administratif à la gestion de l’environnement suit une logique contextuelle. C’est pourquoi, vous pouvez constater que le vocable « Environnement » n’a fait son apparition dans la nomenclature gouvernementale qu’à partir de 1993. Cela représentait une orientation issue du Sommet de Rio, tenu en juin 1992, auquel notre pays avait pris part. Depuis cette date, une direction centrale s’est vue confier la mission de gestion environnementale. Malheureusement, la proximité des thématiques agricoles et pastorales a joué un certain rôle dans la création de la confusion autour d’une compréhension très sectorielle de l’environnement, à un moment où cette notion devenait de plus en plus au cœur du développement durable.

A cette vision extérieure peu appropriée, se sont ajoutés de nouveaux aléas occasionnés par les difficultés rencontrées sur les plans institutionnel, juridique et réglementaire. Il s’agissait d’un véritable phénomène de cloisonnement sectoriel, lui-même aggravé par les lenteurs enregistrées sur le plan du renforcement des capacités de l’administration en charge.

Pendant toute cette période, le pays a, naturellement, continué à ratifier des conventions internationales et à participer à des évaluations à mi-parcours, tels que les Sommets du Millénaire ou encore Rio + 10, tenu à Johannesburg en Septembre 2002. Cela sans parler des conférences des parties des conventions où chaque pays est signataire est tenu de présenter son bilan et ses propres performances. C’est dire que le contexte international devenait quelque peu contraignant.

Sur le plan intérieur, le couvert végétal s’amenuisait dangereusement, affectant significativement les conditions de subsistance des populations rurales. Parallèlement de grandes questions sont restées pendantes, faute de réactivité et de prévoyance environnementale. C’est le cas des polémiques suscitées par l’extraction aurifère à base de cyanure dans l’Inchiri ou encore les problèmes de pesticides dans le bas delta, pour ne parler que de ces cas.

C’est pourquoi l’avènement du nouveau Cadre Institutionnel pour la gestion environnementale a été perçu et à juste titre comme étant un redressement global de la situation. Le Gouvernement de Transition s’est alors investi dans une approche anticipative et parfaitement inspirée de la nécessité du contexte.

Pour venir à votre question, le Secrétariat d’Etat auprès du Premier Ministre, chargé de l’Environnement est chargé de :

- L’élaboration et du suivi de mise en œuvre des stratégies et politiques relatives à la gestion et à la protection de l’environnement ;
- L’adoption, seul, ou conjointement avec les Ministères concernés des dispositions législatives, réglementaires ou normatives régissant la gestion et la protection environnementale ;
- La mise en œuvre des conventions internationales ;
- L’application des dispositions relatives à la loi cadre sur l’environnement ;
- L’établissement et le maintien des liens d’échange et de concertation avec ses partenaires de la gestion de l’environnement.

La problématique environnementale constitue, à nos jours, un défi à toute la planète. Dans cette optique, quelles sont les nouvelles mesures que propose votre département ?

Il est vrai que différentes études scientifiques et projections modélisées ont démontré que si des mesures urgentes et rigoureuses ne sont pas mises en œuvre pour inverser la tendance actuelle, des risques graves pèseront sur les ressources de la planète, y compromettant dramatiquement la qualité de vie, des générations futures. Mais cela n’est-il pas qu’une répercussion anthropique, c’est-à-dire de l’Homme ?

Il faut dire que plusieurs préoccupations environnementales sont éminemment transfrontalières, tandis que d’autres sont de gestion locale. Cela explique aisément le niveau de concertation à l’échelle mondiale et le sens de solidarité qui favorise le partenariat technique et financier.

Au Secrétariat d’Etat auprès du Premier Ministre chargé de l’Environnement, toutes les mesures ont été prises, d’abord pour couvrir les différentes thématiques environnementales, y compris les volets relatifs à la législation et à la réglementation. Ensuite, nous avons mis en œuvre un système de suivi d’évaluation qui fait que nos structures sont tenues à l’obligation des résultants.

S’agissant de la programmation, la politique que nous avons conçue, privilégie l’information, l’éducation et la communication comme soubassement de toute démarche susceptible de mener vers l’inversion des tendances actuelles. Dans cet ordre d’idées, nous comptons informer les Mauritaniens en permanence sur l’état de santé réel de leurs écosystèmes, ainsi que sur les vertus d’une bonne conduite respectueuse de ce patrimoine inaliénable, mais surtout irremplaçable.

En somme, il sera difficile de dresser une énumération des mesures que notre département propose, car la gestion environnementale est un exercice itératif et dynamique, mais je peux vous dire que depuis trois mois, nous avons entrepris des actions concrètes sur une multitude de dossiers. Les mesures préventives ou coercitives seront mises en œuvre progressivement avec la consolidation de nos rapports avec les départements sectoriels concernés par l’environnement dans notre pays. Comme vous l’avez constaté, pendant que nos bâtiments se métamorphosent pour accompagner la nouvelle réforme, nos structures sont déjà opérationnelles. Elle sont omniprésentes sur le terrain, au sein des collectivités, mais aussi avec les opérateurs et dans les rencontres internationales.

Avec 5 directions et 21 services, ne pensez-vous pas qu’il est très ambitieux de gérer, à la fois, l’environnement marin, l’environnement minier, l’environnement pétrolier et l’environnement urbain ?

La prise en charge des différents centres d’intérêts environnementaux requiert la mise en place d’interfaces administratives opérationnelles et dédiées. Les structures de la Direction des Politiques, à titre d’exemple, représentent des passerelles appropriées de concertation, de validation et de mise en œuvre entre notre département et l’ensemble des structures sectorielles initialement en charge d’une manière exclusive.

En plus, la gestion environnementale, si elle s’inspire d’un cadre de référence cohérent et si elle est de nature normative, rencontre plus de chances pour une mise en œuvre efficiente et traductible en tant que troisième pilier du développement durable. C’est pourquoi, nous avons procédé récemment à la réactualisation et à la présentation du Gouvernement des documents de Politique environnementale intégrée : le Plan d’Action National pour l’environnement (PANE) et la Stratégie Nationale de Développement durable (SNDD).

Ces outils de gestion représentent la pierre angulaire pour la bonne conduite des activités environnementales envisagées à court et moyen termes. Celle-ci couvre bien entendu l’environnement vert, bleu, brun etc. Le PANE, qui fait l’objet de la Section I du Chapitre II de la loi Cadre sur l’Environnement, constitue la démarche synoptique et stratégique pour gérer l’environnement dans toute sa diversité.

Je vous rappelle enfin que le Décret N° 86/06, créant le Secrétariat d’Etat auprès du Premier Ministre chargé à l’Environnement, lui confère aussi une mission de coordination des activités environnementales, seul ou conjointement dans les cas appropriés. Ces dispositions ont été également consignées dans la loi cadre sur l’Environnement (Loi 2000-045) et notamment en son article 8 du Chapitre I, relatif aux organes de gestion. Par conséquent, les activités environnementales qui se feront désormais, sans l’aval du Secrétariat d’Etat, seront qualifiées d’initiatives sectorielles en déphasage avec la Politique de l’Etat en la matière, voire une infraction aux dispositions juridiques et réglementaires en matière de gestion environnementale.

Que feriez-vous pour concilier entre toutes ces gestions ?

La gestion environnementale est une démarche cohérente si certaines conditions sont réunies. D’abord, il faudrait qu’elle s’articule sur une vision stratégique. Ensuite, il faut éviter les mises en œuvre verticales et les failles dans l’appropriation des bonnes pratiques environnementales. Tout cela doit se faire dans un cadre normatif, car des repères universels ont été définis et des seuils de performances ont été ciblés depuis plusieurs années au niveau mondial.

Il faut rappeler que les structures sectorielles initialement en charge continueront à jouer un rôle important, mais elles ne pourront ni élaborer de politique, ni la mettre en œuvre, sans l’aval de notre département. C’est une question de passerelles et de gestion conjointe et cela est un exercice faisable, si les différents départements s’inscrivent dans cette logique.

Notre département attribue, par ailleurs, une importance de premier plan au volet communication qui représente un pré requis et un élément fondamental dans l’accompagnement de la gestion environnementale dans sa plus grande transversalité.

Toute la Mauritanie est concernée par les questions de l’environnement. Avez-vous un plan de décentralisation pour couvrir tout le pays ?

Comme je vous l’ai dit, certaines politiques environnementales antérieures avaient échoué à cause de la nature très centralisée de leur mise en œuvre. Une exécution hiérarchique verticale est un facteur prédisposant à un minimum de capitalisation des œuvres environnementales, voire à un contexte conflictuel et très peu favorable à l’enregistrement d’une quelconque performance.

C’est pourquoi, nous avons pris en considération une déclinaison adéquate de l’ensemble des activités environnementales envisagées au niveau national. Cette déclinaison s’est basée sur les spécificités des quatre zones agro écologiques du pays.

Le Plan d’Action a été élaboré suivant une démarche participative, itérative et progressive ayant mis en jeu une série d’ateliers régionaux où l’ensemble des collectivités, ONGs, administrations, secteur privé et bailleurs de fonds ont été conviés.

Dans ce domaine, une série d’ateliers s’inscrivant dans la logique de mise en œuvre du PANE seront entamés dans les semaines qui suivront.

S’agissant des ramifications régionales de notre département, nous disposons d’une antenne régionale au niveau de chacune de nos Wilayas. Ces représentations sont en contact permanent avec les structures centrales du Secrétariat d’Etat.

Le pétrole étant une ressource très polluante, qu’est-ce qui est fait, spécifiquement, pour gérer son environnement ?

Les opérations d’exploration et d’exploitation pétrolière et gazière posent problème certes, notamment dans l’offshore, mais cela ne doit pas être vu comme une fatalité. Nous avons cette crainte que des fuites d’hydrocarbures viennent accidentellement ébranler l’équilibre de nos pêcheries, y compromettant de facto l’exploitation des ressources halieutiques. Cela est arrivé dans certains pays, où des catastrophes écologiques irréversibles ont engendrés une véritable récession économique. Ce genre de dégâts surviennent quand le développement économique et social à « oublier » la dimension environnementale.

L’Etat mauritanien ayant opté pour la mise à profit de ses ressources pétrolières, a mis en place une réglementation appropriée. Les opérateurs du secteur sont tenus de diligenter dans les règles de l’art, une étude d’impact environnemental et social. Ce processus est validé par nos structures compétentes de la Direction de l’Evaluation et du Contrôle Environnemental, avec la participation de la société civile. Ces études d’impact sont conjuguées à des plans de gestion qui font office de guides en temps de sinistres écologiques.

A cela, il faut rappeler que les partenaires pétroliers de notre pays sont dans la plupart des compagnies connues pour leur savoir faire et leur tradition de respect de la nature. Cela dit, le fait qu’aucune d’entre elles n’est à ce jour, certifiée ISO 14001, est un élément que nous ne négligeons pas dans l’approche de précaution à laquelle nous avons opté dans la gestion de ces risques pétroliers hypothétiques.

Quelles sont les mesures prises par votre département pour inscrire, ces programmes dans les objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ?

Comme vous le savez, le septième objectif du Millénaire pour le Développement est celui de l’environnement durable. Cela veut dire en d’autres termes qu’un environnement bien géré, bien respecté est un pilier du développement soutenable. Un environnement dont la santé n’est pas occulté par les aléas inhérents au développement économique et social.

Notre pays étant engagé aux objectifs du millénaire pour le Développement prend, de cet engagement convenu lors du sommet de New York en 2000, un véritable référentiel à performances parfaitement mesurables. Il faut rappeler, dans ce contexte, que le plafond temporel considéré pour l’atteinte des OMD est l’an 2015, soit le même horizon que celui défini pour le Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté, où l’environnement est encore omniprésent.

Peut-on connaître les raisons du rattachement du Parc National du Banc d’Arguin (PNBA) et du Parc National du Diawling (PND) au Secrétariat d’Etat à l’Environnement ?

Le PND étant initialement sous la tutelle du Ministère du Développement Rural et de l’Environnement devient une entité du Secrétariat d’Etat à l’Environnement dès sa création. Cela a été le cas avec le PNBA qui lui, était resté sous tutelle du Secrétariat Général du Gouvernement. Cette réforme est logique dans la mesure où ces deux institutions partagent la vocation de conservation et constituent des aires protégées de grande diversité biologique. On ne rappelle pas le caractère névralgique du Banc d’Arguin dans la régénération des ressources halieutiques. Il faudrait qu’il y ait synergie et étroite coopération entre des institutions consoeurs et partageant les mêmes centres d’intérêts.

En plus, les deux parcs suscitent les intérêts de l’administration en charge des conventions comme la Convention de RAMSAR sur les zones humides et la Convention sur la Diversité Biologique. A cela, il faut souligner leur importance en matière ornithologique, mais aussi éco touristique et culturelle. De plus, pour mieux gérer et protéger ces aires, il faudra les connaître et les évaluer dans toute leur complexité.


Propos recueillis par
Mr. Mael Ainine Ould Nema Chérif
Journaliste – Cinéaste
maelaynine7@yahoo.fr