Guinea, Republic of: Interview with S.E. Albert Damantang Camara

S.E. Albert Damantang Camara

Ministre de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle, de l’Emploi et du Travail, Porte-parole du Gouvernement (Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle, de l’Emploi et du Travail)

2016-11-10
S.E. Albert Damantang Camara

Longtemps, la Guinée comptait sur ses ressources minières pour maintenir le développement de son économie. Dorénavant le gouvernement met une importance prioritaire à de nouveaux secteurs porteurs comme l’agriculture, la télécom et l’éducation. A quel point l’éducation est-elle un déterminant de l’économie Guinéenne ?

 


Dès l’instant où l’éducation est le secteur qui est sensé mettre à disposition de notre développement des ressources humaines nécessaires à la réalisation d’un certain nombre de grands projets, à participer à la croissance, à la création de richesses, il est évident que ce secteur devient stratégique pour nos objectifs de développement. Sachant également que les enjeux au niveau de ce secteur sont énormes dès l’instant où nous avons aujourd’hui une pyramide inversée de compétence avec entre 16 et 20 cadres supérieurs pour un ouvrier spécialisé. Que ce soit les projets miniers, les projets agricoles, les projets infrastructurels, les projets de NTIC et les projets de tourisme, nous sommes en grand besoin de compétences qui font qu’une attention particulière doit être mise sur le secteur de l’éducation. C’est définitivement l’un des secteurs les plus importants pour notre pays en matière de mise à disposition de ressource pour le développement.

 

 

La Guinée fait face à un chômage important chez les jeunes dont la plupart entendent travailler dans l’administration au dépend de travail plus technique pour lequel il y a une réelle demande en Guinée. Quelles sont les mesures que vous prenez afin de rendre l’enseignement technique et professionnel plus attractif pour les jeunes?

 


C’est une problématique qui est assez partagée en Afrique, mais chez nous elle est encore plus spéciale. Pendant environ 25ans il n’y a pas eu d’investissement majeur pour la formation professionnelle, ce qui fait que nous avons à peine 50 établissements publics de formation qui n’ont pas assez de capacité d’accueil dans les centres pour former cette main d’œuvre intermédiaire. Les défis qui se posent sont d’augmenter la capacité d’accueil et la qualité de l’enseignement, pour cela nous concluons des accords avec des partenaires. Aujourd’hui nous avons la chance d’avoir en perspective dix nouvelles écoles de haut niveau de formation professionnelle au niveau de l’investissement. Mais développer le partenariat public privé va également être une des solutions et peut être la plus pérenne. Il faut savoir faire participer les professionnels, qu’ils soient miniers ou dans d’autres secteurs, pour assurer la formation de leur ressource humaine avec un appui institutionnel de l’Etat. Ceci d’abord pour augmenter les capacités d’accueil et aussi pour faire en sorte que les formations correspondent aux besoins du marché de l’emploi parce qu’elles auront été initiées et menées par les personnes qui ont besoin des ressources humaines.

 


Quels sont les besoins actuels sur le marché de l’emploi ?

 

 

Sur les dix projets miniers -Rio Tinto étant à mettre entre parenthèse- nous avions en prévision 52.000 emplois directs et ce chiffre montait jusqu’à environ 200.000 emplois en ajoutant les emplois indirects. Pour ce qui est du secteur du tourisme, nous sommes aujourd’hui autour de six à huit milles emplois potentiels. Nous n’avons pas encore de donnée suffisante sur tous les autres secteurs notamment en matière d’infrastructure, mais nous sommes dans le même ordre pour ce qui est de la construction des routes, du barrage de Souapiti et d’autres services. Au niveau des NTIC, avec le déploiement de la fibre optique, nous tournons aujourd’hui à un potentiel de cinq à sept milles emplois directs. Voilà à peu près les prévisions que nous avons, et nous sommes actuellement à étudier et identifier les différents bassins d’emplois en lien avec les grands projets qui devraient permettre d’avoir une idée plus claire des besoins aux ressources humaines. Sachant que tout ce que je viens de citer est minime par rapport aux énormes besoins que présente le secteur agricole pour lequel nous n’avons pas encore d’évaluation claire.

 

 

Le Professeur Alpha Condé a fixé comme priorité de relancer l’économie via la création d’emploi des femmes des jeunes. Quelles sont les principales actions prises au sein de votre Ministère afin de soutenir cette volonté du Professeur et créer un maximum d’emplois pour les jeunes et les femmes?

 


Mécaniquement les jeunes sont les plus nombreux sur le marché de l’emploi et ils représentent un bon pourcentage de notre population. Les projets de développement des secteurs et des métiers ruraux sortent régulièrement, nous en avons actuellement plusieurs. Nous avons également un partenariat avec des bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale et l’Union Européenne pour développer l’entreprenariat en milieu rural. Il y a donc effectivement un fort accompagnement mis en place au profit des femmes et des jeunes.

 

 

Avez-vous des projets pour créer de nouveaux partenariats à l’étranger dans les années à venir ?

 


Tout ce dont je vous parle, à savoir l’extension des capacités d’accueil, la qualification des programmes, l’acquisition d’équipements et les autres projets sont en majorité accompagnés, soit par l’Agence Française de Développement, l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Union Européenne, la Banque Mondiale, le PNUD ou l’UNICEF -à peu près tout ce qui existe en matière de bailleur de fonds. Cela est la preuve que nos partenaires ont décelé cette absolue nécessité d’accompagner le renforcement des capacités intermédiaires dans la formation professionnelle. Je suis raisonnablement confiant qu’avant 2020 nous aurons nos dix nouvelles écoles professionnelles car tout est pratiquement clôturé. Nous avons aussi mis en place dans les grandes villes des maisons de l’emploi et de compétences qui sont sensées accompagner les jeunes. Ces différents projets qui sont mis en place ont un potentiel d’emploi raisonnable entre 50 et 60 milles emplois directs et je ne compte pas ce qui est fait dans d’autres ministères comme le ministère de la jeunesse et bien d’autres encore.

 

 

La plupart des jeunes comptent rentrer après leurs études dans l’administration publique, au dépend des formations polytechniques, de postes où il y a de réels besoins. Est-ce que votre ministère fait en sorte de changer les mentalités au niveau des jeunes ?

 


Il y a deux choses, que ce soit au niveau très bas, intermédiaire ou supérieur. Il est vrai que les guinéens ont cette culture de travailler pour l’Etat, finir l’école et travailler pour la fonction publique. En effet, nous ne sommes pas encore sortis de l’esprit de la 1ère République où le tout emploi était présent au sein d’un régime collectiviste où tout le monde comptait sur l’Etat. Les vingt années pendant lesquelles nous avons fait l’expérimentation sur l’économie du marché du capitalisme n’ont pas changé ces mentalités. Les gens comptent entièrement sur l’Etat pour avoir un avenir professionnel.


La deuxième idée qu’il faut changer, et qui n’est pas seulement en Guinée est que les gens envisage l’enseignement professionnel après avoir échoué l’enseignement général. Il faut donc rendre cet enseignement plus attractif. C’est un travail de longue haleine que nous sommes en train d’entreprendre avec l’aide de professionnels. En effet, nous nous refusons de faire tout seul ce travail parce que pour être crédible nous devons cesser de mettre uniquement la parole de l’Etat face à des jeunes qui n’y croient plus forcément, mais mettre en phase des professionnels qui viennent leur expliquer de quelle compétence ils ont besoin, et les avantages à en prendre part. Nous commençons d’ailleurs à pérenniser ce travail avec un slogan qui est ‘’le développement a besoin de tous les métiers et tous les métiers mènent à la réussite’’. C’est un véritable travail de communication qui se fait parallèlement à tout ce que je vous ai dit précédemment et qui fait qu’en l’espace de 3 ans -de 2011 à 2013-, nous avons multiplié par cinq les demandes d’entrées dans les écoles professionnelles ce qui est un succès malgré les problèmes de capacité d’accueil. Parlant de ces écoles, il y en a une cinquantaine qui sont publiques et le reste qui sont dans différents secteurs. Nous sommes en tout 107 établissements de formation professionnelle, mais très peu sont consacrés aux jeunes.

 

 

D’un point de vu personnel, vous êtes à la fois Ministre de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle, de l’Emploi et du Travail, et également porte-parole du Gouvernement. Etant donné ces postes à responsabilité, il va s’en dire que vous faites figure d’exemple pour la jeunesse guinéenne soucieuse de réussir. Quelles ont été les principales étapes de votre parcours vous permettant d’arriver à ce poste aujourd’hui ?

 


Je tiens tout d’abord à rappeler que je m’appuis sur une équipe qui est dynamique et volontaire et j’organise le travail du département autour de cela. La 1ère République a eu l’idée de former de très bons cadres qui ont un savoir-faire avéré et je m’appuis sur eux pour mener à bien ces activités. Le secret est simple, de bonnes compétences pour une répartition des tâches équilibrée.


Pour ma part, j’ai travaillé dans le privé étant juriste d’entreprise de formation puis j’ai complété ma formation par du management commercial international. Avant d’être ministre, j’ai aussi travaillé en France -6ans quand même- où j’ai été formé à un peu de tout, j’y ai fait du recouvrement de créance et du télémarketing avant de revenir en Guinée et travailler à Total comme responsable juridique. Puis comme consultant pour mon propre compte avec des missions pour l’Union Européenne et les Nations Unis. C’est à ce moment là que j’ai été nommé Ministre par le Professeur qui m’a accordé sa confiance.

 

 

Quelles recommandations pourriez-vous donner aux jeunes pour réussir une carrière comme la vôtre ?

 


J’aime bien terminer par le slogan ‘’le développement a besoin de tous les métiers et tous les métiers mènent à la réussite’’. Nous sommes tous responsables de nos choix et j’ai pour principe de laisser les jeunes face à leurs responsabilités. Il faut leur parler en langage de vérité et je leur dis constamment qu’il ne faut pas rejeter la faute sur les autres car ce n’est pas avéré. En effet, lorsque vous dites que l’Etat a échoué à vous former, que vos parents n’ont pas été conséquents, que les professeurs n’étaient pas au niveau, ce qui restera c’est vous et votre avenir, il n’y aura personne pour assumer cela à votre place. C’est donc à vous de faire le nécessaire pour éventuellement rattraper le retard qui est le vôtre et saisir toutes les opportunités qui se présentent. Certains en sont déjà conscient bien que d’autres sont encore dans une situation de victimisation car ils n’ont pas forcément les outils pour réussir.


Ainsi, le plus important lorsque nous mettons en place des outils comme les maisons d’emplois et de compétences, au-delà de l’accompagnement à l’insertion professionnelle, est surtout la prise de conscience d’un certain nombre de réalités. L’objectif est de faire prendre conscience aux jeunes qu’ils doivent être capables d’affronter le marché du travail et d’affronter les problèmes de la société. Et en général cela réussit car nous avons d’ores et déjà des pourcentages où beaucoup de jeunes non formés ont accepté de retourner étudier pour s’assurer une formation et changer d’orientation. Notre premier travail aujourd’hui est cette sensibilisation et cette prise de conscience.

 

 

Les lecteurs de l’eBiz Guides incluent majorité d’hommes d’affaire et politiciens des plus influents du monde entier. Quel message final voulez-vous leur transmettre sur les raisons d’investir en Guinée ainsi que sur le Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle, de l’Emploi et du Travail ?

 


J’aimerais dire aux investisseurs de percevoir le retard relatif de la Guinée dans plusieurs domaines comme une opportunité pour venir créer des choses. Je ne vais pas aller jusqu’à demander d’expérimenter, mais il faut créer un certain nombre d’activité et explorer toutes les possibilités d’investissement et tout le potentiel inexploité que ce pays présente. Nous avons un formidable laboratoire à idée qui pourrait permettre à un certain nombre de Startup d’éclore à dans grand nombre d’activités génératrices de revenu tant que les projets sont menés avec persévérance et envie.