Question 1:
Mr GAUER, tout d'abord merci beaucoup de nous
recevoir. Depuis le fameux " NON "
de 1958 et le choix de l'indépendance,
la France a toujours eu une relation particulière
avec la Guinée. Comment décririez-vous
les relations bilatérales entre ces
2 pays aujourd'hui ?
Réponse 1: Les relations entre
la France et la Guinée ont effectivement
été difficiles à certains
moments, en particulier pendant toute la première
République, sous la présidence
de M. Sékou Touré. Nos relations
ont véritablement pris un nouvel essor
à partir de 1984, avec la Seconde République.
C'est à ce moment là que la
France a ouvert en Guinée une Mission
d'Aide et de Coopération, et que beaucoup
d'entreprises françaises et d'investisseurs
sont revenus en Guinée. Parce que nous
avons toujours considéré que
la Guinée avait un fort potentiel de
développement économique, et
que le seul obstacle résidait dans
les conditions de la gouvernance. La France
est rapidement redevenue le premier partenaire
économique et commercial de la Guinée.
Celle-ci effectue à peu près
20% de son commerce avec la France. La France
est aussi le premier bailleur de fonds, donc
le premier donneur d'aides à la Guinée,
à titre bilatéral et aussi à
travers l'Union Européenne. Et la France
a aujourd'hui une communauté d'à
peu près 3000 de ses nationaux en Guinée.
Q2: Combien d'entreprises françaises
sont présentes en Guinée aujourd'hui
?
R2: Nous avons environ 80 entreprises
françaises présentes en Guinée.
Il y a à la fois des filiales de grandes
entreprises françaises, que ce soit
dans le secteur bancaire ou dans le secteur
hôtelier, mais aussi des français
installés durablement en Guinée
et qui ont créé des petites
entreprises dans le secteur du bâtiment,
dans le secteur commercial, ou dans la restauration.
C'est une présence qui est très
diversifiée.
Q3 : Quelles sont selon vous les opportunités
majeures d'investissement pour les sociétés
françaises en Guinée ?
R3 : La Guinée réunit
beaucoup de conditions favorables pour le
développement. Ce pays bénéficie
d'abord d'espaces agricoles très étendus
et productifs. Le secteur agricole a naturellement
vocation à soutenir le développement
de Guinée. Avant l'indépendance,
la Guinée exportait par exemple 100.000
tonnes de bananes par an. Aujourd'hui, malheureusement,
cette activité d'exportation a quasiment
disparu. Mais les potentialités sont
toujours là et elles peuvent être
relancées. Il y a également
le domaine minier, pour lequel la Guinée
est bien connue du fait de ses réserves
de bauxite ; mais il n'y a pas que la bauxite.
Il y a aussi le minerai de fer des deux gisements
de Simandou et des Monts Nimba qui, d'après
les spécialistes, constituent le seul
site au monde de cette qualité à
n'être pas exploité. Il y a aussi
les réserves d'or, de diamant
Les possibilités restent nombreuses
dans ce secteur. La France y est présente
surtout à travers des entreprises de
sous-traitance très actives, tant implantées
localement qu'à partir de la France.
La Guinée a aussi une façade
maritime importante et des ressources halieutiques
qui sont loin d'être encore pleinement
exploitées. C'est un autre pilier sur
lequel peut s'appuyer le développement
économique du pays. Le tourisme, enfin,
reste à l'état embryonnaire.
Alors que la Guinée offre des sites
tout à fait intéressants. Ce
pays a l'avantage d'associer des régions
très diversifiées : il y a la
zone côtière, bien sûr,
mais aussi le plateau du Fouta Djallon, qui
bénéficie d'un climat très
agréable, frais du fait de l'altitude
et de paysages magnifiques. Il y a la Haute
Guinée, zone de savane, et enfin la
Guinée Forestière avec des réserves
protégées de forêt pluviale
(massifs de Ziama et de Diéké,
en plus des Monts Nimba à l'écosystème
très particulier).
Q4 : Dans quelle mesure l'Ambassade favorise-t-elle
l'exploitation de ce potentiel ?
R4 : Tout notre effort de coopération
vise à aider la Guinée à
tirer le meilleur parti de ses potentialités.
Nous menons ainsi des actions de grande ampleur
en faveur du secteur agricole et du monde
rural (soutien aux organisations de producteurs,
création de pistes rurales, micro -
crédit
.) Nous finançons
des infrastructures indispensables (barrage
de Garafiri, routes). Nous sommes aussi très
investis dans la valorisation des ressources
humaines et tous les aspects de la formation.
Nous apportons enfin un soutien institutionnel
pour promouvoir une meilleure gouvernance,
la sécurité juridique et un
véritable état de droit. L'objectif
est de créer les conditions qui permettent
le développement du secteur productif,
et d'attirer l'investissement. |
Q5 : Qu'en
est-il du rôle de l'Ambassade dans l'appui
des activités culturelles et dans la
défense de la Francophonie ?
R5 : Nous apportons un appui à
l'ensemble du système éducatif
guinéen, en particulier par la construction
d'écoles, et dans la formation des
maîtres. La Guinée a d'ailleurs
progressé dans ce domaine et le taux
d'alphabétisation est aujourd'hui d'environ
55%. Nous allons à l'avenir renforcer
encore notre effort en faveur de l'enseignement
secondaire et de l'enseignement supérieur,
aujourd'hui assez démuni. Dans le domaine
culturel, Le Président Chirac a inauguré
il y a trois ans, le Centre Culturel Franco-Guinéen.
Auparavant il n'y avait pas de structure équivalente,
et ce centre est devenu rapidement le lieu
de rendez-vous de tous les acteurs culturels
guinéens, comme de la jeunesse de Conakry.
C'est un espace qui est ouvert à toutes
les cultures.
Q6 : Nous aimerions aborder un autre volet
qui est celui des élections présidentielles
en décembre 2003. Quel est votre sentiment
face à ces élections ? Est-ce
que vous pensez que les relations entre la
France et la Guinée pourraient s'en
trouver changées, ou va-t-on rester
dans une certaine continuité ?
R6 : La Guinée s'est engagée,
à partir du début des années
90, dans le multipartisme et l'édification
d'une démocratie représentative.
Depuis lors, ont été organisées
des élections présidentielles,
législatives et communales. Les principaux
partenaires de la Guinée ont tous constaté
que ces processus électoraux, en particulier
les plus récents, n'étaient
pas pleinement satisfaisants. L'Union Européenne
est intervenue à plusieurs reprises
et a exprimé sa préoccupation,
se fondant en particulier sur l'accord de
Cotonou que la Guinée a ratifié
et par lequel elle s'est engagée en
matière de développement démocratique,
et d'amélioration de sa gouvernance
en général. Nous espérons
que des progrès seront enregistrés
dans ce domaine, parce qu'évidemment,
la mise en place d'un véritable système
démocratique est la condition d'une
stabilité durable et donc aussi du
développement et de l'attractivité
du pays pour des investisseurs.
Q7 : Enfin comme dernière question,
est-ce que vous pourriez nous parler de votre
parcours professionnel et de votre plus grande
satisfaction depuis que vous avez été
nommé Ambassadeur en Guinée
?
R7 : Mon parcours professionnel est
assez diversifié puisque, dans ma carrière
de diplomate, je me suis occupé de
dossiers très différents : les
relations franco-allemandes, l'Europe centrale,
j'ai été 2 fois en poste à
Moscou, également à Tokyo. C'est
ma première expérience dans
un pays africain. J'en suis particulièrement
heureux parce que j'ai été vraiment
fasciné par la Guinée, par la
beauté de ses paysages comme par l'accueil
et l'avidité de contacts, d'ouverture
au monde de ses habitants. En même temps,
ces 3 dernières années n'ont
pas été faciles, parce qu'il
y a eu en particulier, à partir de
septembre 2000, les attaques aux frontières,
en provenance du Libéria et de Sierra-Léone.
Il y a eu des dévastations et des flux
de réfugiés. Ce fut une rude
épreuve pour le pays. Et c'est une
grande satisfaction que la Guinée ait
pu surmonter cette épreuve et ait retrouvé
aujourd'hui la paix sur l'ensemble de son
territoire.
Q8 : Peut être auriez vous un message
final à nos lecteurs de l'EXPRESS,
aux investisseurs potentiels qui souhaitent
venir ici ?
R8 : Je leur dirais que la Guinée
a longtemps été considérée
comme devant devenir le pôle de développement
de toute l'Afrique Occidentale. Il y a plus
de possibilités et de potentiel réunis
ici que dans la majorité de ses voisins.
Les circonstances politiques ont fait que
ce potentiel n'a pu être vraiment exploité
jusqu'à présent, mais il est
toujours là. Et il faut aider ce pays
à trouver le moyen d'aller de l'avant.
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