THE REPUBLIC OF GUINEA
L'Exception Africaine


V.I.P. INTERVIEWS
MONSIEUR NYANKOYE FASSOU SAGNO Interview avec

MONSIEUR NYANKOYE FASSOU SAGNO

ANCIEN MINISTRE DE L'HYDRAULIQUE ET DE L'ENERGIE
Q1 Monsieur le Ministre, vous êtes chargé de diriger deux secteurs importants pour le développement de la Guinée à savoir les secteurs de l'hydraulique et de l'énergie. Pouvez vous nous présenter l'évolution de ces deux secteurs durant ces dernières années ?

A1: D'abord je vous remercie pour cette interview. Le secteur de l'hydraulique compte deux volets, il y a l'hydraulique villageoise et l'hydraulique urbain. L'hydraulique villageoise est la plus importante à mes yeux, parce qu'elle concerne plus de 80% de la population guinéenne, habitant essentiellement dans les zones rurales. C'est un secteur qui a connu beaucoup de développement et les investissements sont essentiellement faits par l'Etat compte tenu de leur caractère social. Les populations des zones rurales sont en effet relativement démunies. Donc on ne peut pas demander au secteur privé d'aller investir dans l'hydraulique rurale, parce que la rentabilité n'est pas si élevée. Par contre, dans l'hydraulique urbaine qui porte sur 20% des populations guinéennes, là nous avons ouvert l'exploitation aux opérateurs privés car c'est un secteur marchand. Ainsi, un contrat d'affermage d'une durée de dix ans avait été signé avec un groupe d'opérateurs privés constitué par Vivendi et SAUR international. A la fin de cette durée nous avons entrepris des négociations avec le groupe pour le renouvellement du contrat qui n'ont malheureusement pas abouti. Ces négociations ont échouées principalement à cause des désaccords sur le niveau de tarif à appliquer et sur le niveau des obligations d'investissement à la charge du groupe, car contrairement à l'affermage, on a demandé à l'opérateur de ne pas se contenter seulement d'exploiter, mais d'investir pour le développement de ce secteur. Cet échec des négociations a entraîné le départ du Groupe. Actuellement nous sommes dans une phase transitoire qui va nous permettre de faire un appel d'offre international et de choisir un nouvel opérateur privé qui viendra investir dans le secteur pour réhabiliter et exploiter les installations que nous avons, et procéder à leur extension.

Q2 Donc, c'est la raison pour laquelle vous avez fait la fusion des deux premières sociétés (S.E.E.G. et SONEG) au profit de la S.E.G. (Société de Eaux de Guinée) ?

A2: Les deux sociétés ont été fusionnées pour laisser la place à la S.E.G. (Société des Eaux de Guinée). Dans le cadre de l'affermage, il y avait la Société d'Exploitation des Eaux de Guinée (SEEG) qui exploitait les installations et la Société Nationale des Eaux de Guinée (SONEG) qui était propriétaire des installations et chargé de leur développement. Puisqu'il n'y avait plus d'affermage, le maintien dans le secteur de deux sociétés n'était plus justifié et nous avons préféré les fusionner en une seule société. Actuellement avec le concours des partenaires au développement et la Banque Mondiale nous avons mis en place une équipe d'assistants techniques qui va nous aider à gérer la période transitoire et à préparer les dossiers d'appels d'offre en vue de recruter un nouvel opérateur privé. Pour le secteur de l'énergie, les choses se présentent de la même manière. C'est à dire qu'en 1994, nous avons signé un contrat d'affermage qui s'inspirait de celui que nous avions dans le secteur de l'eau. Nous avons créé la Société Guinéenne d'Electricité (SOGEL) avec comme partenaires des groupes très connus: Hydro-Québec International, SAUR International (qui était dans le secteur de l'eau), et E.D.F (Electricité De France). L'idée était de bénéficier de leur expérience pour améliorer la gestion du secteur mais malheureusement les choses se sont passées autrement.

En effet, depuis 1994 jusqu'en Juin 2001, cette société n'a réalisé que des déficits d'exploitation. A la fin de cette période, le déficit cumulé se chiffrait à plus de 23 milliards de nos francs (c'est important) et le drame c'est que chaque fois qu'il y avait déficit, la société se tournait vers l'Etat pour que ce dernier finance le déficit. Alors qu'on a demandé à ces multinationales de venir nous aider à assainir les choses, on constate finalement qu'elles n'ont pas atteint les objectifs qu'on leur avait signifiés, et pire, cela nous coûtait de plus en plus cher. Les premières années, les déficits ont été financés par l'Etat, ce qui prouvait sa bonne foi dans le partenariat. Mais puisque cela perdurait, ça devenait un problème structurel, on a dit non! On ne peut pas continuer à financer les déficits, surtout que vous, vous êtes exploitants. En plus nous sommes partenaires dans la société, s'il y a déficit ce sont les associés et les partenaires qui doivent se partager le fardeau comme il en serait de même en cas de bénéfice. Donc il n'y a pas de raison que ça soit un seul associé qui supporte les pertes.

Q3 Donc c'est la raison pour laquelle vous avez crée l'E.D.G.?

A3: Oui! Parce que là aussi à l'image du secteur de l'eau, nous avions deux sociétés. Il y avait d'un côté ENELGUI (Entreprise Nationale d'Electricité de Guinée) qui était propriétaire du patrimoine et de l'autre côté il y avait la S.O.G.E.L. (la Société Guinéenne d'Electricité) qui exploitait les installations. Et puisque les objectifs que nous avions fixés n'ont pas été atteints, nous nous sommes dit que cela ne servait à rien de continuer à garder deux structures. D'autant plus que la SOGEL devrait verser des redevances mensuelles à ENELGUI qui devraient permettre à cette dernière de réaliser les investissements nécessaires au développement du secteur. Mais une société déficitaire ne pouvant verser des redevances, c'est des miettes qu'on donnait à ENELGUI juste pour assurer son fonctionnement. Elle ne pouvait pas accomplir sa mission. Face à cette situation, après le départ des partenaires, nous avons préféré fusionner les deux sociétés en une seule depuis le 18 Décembre 2001, pour donner naissance à l'E.D.G. ( Electricité De Guinée).




Q4 On parle souvent de la Guinée comme le château d'eau de l'Afrique de l'Ouest parce qu'elle a des potentialités énormes en termes de ressources hydrauliques. Qu'elles sont vos priorités dans ce domaine ?

A4: D'abord je voudrais vous rappeler que vous avez dit la Guinée château d'eau de l'Afrique de l'Ouest . Nous avons en Guinée, vingt trois bassins versants. Sur les vingt trois, il y en a quatorze, soit près de 60%, qui sont partagés avec les autres pays, donc qui ont un caractère international. La plupart des grands fleuves de la sous-région prennent leur source en Guinée. Cela veut dire donc que nous avons une grande responsabilité en matière d'approvisionnement en eau des autres pays de la sous-région. Ainsi, toute politique dans le secteur de l'eau aura forcément des conséquences sur les autres pays qui sont situés en aval de ces fleuves.
Nous sommes fortement impliqués dans la gestion des principaux cours d'eau de la sous-région. Sur le plan hydroélectrique, nous avons un potentiel énorme estimé à environ 6.000 mégawatts. Ce potentiel est suffisant pour alimenter toute la sous-région en électricité. Malheureusement, pour des raisons essentiellement financières, ce potentiel n'est exploité qu'à 2%. La production hydroélectrique actuelle de la Guinée tourne autour de 117 à 120 mégawatts. Actuellement notre objectif est de valoriser ce potentiel pour pouvoir subvenir à nos besoins et aussi exporter de l'électricité. Et c'est en cela que l'implication des investisseurs privés est importante pour nous, à cause des énormes besoins de financement auxquels nous ne pouvons faire face seuls, mais aussi du caractère très rentable de ces investissements. Le retour sur l'investissement dans ce secteur est en effet très rapide. Pourquoi? A cause des facteurs suivants : D'abord la taille du marché. La plupart des barrages à construire pourront servir non seulement la Guinée mais aussi plusieurs autres pays. Ensuite le risque-pays sera moindre, car le risque de défaillance de deux ou quatre pays est moins grand que quand il s'agit d'un seul pays. Je citerai l'exemple du barrage hydroélectrique de Fomi situé en haute Guinée qui est une des priorités de la CEDEAO dans le cadre de l'intégration sous-régionale. Il peut alimenter les sociétés d'exploitation des minerais de fer du Mont Nimba et de Simandou dans le sud de la Guinée. Fomi peut également alimenter une partie de la République du Mali et peut nous permettre de nous interconnecter avec la Côte d'Ivoire et y exporter de l'électricité moins chère. Voilà autant de possibilités qu'on a en construisant le barrage de Fomi qui peut produire au moins 90 mégawatts. A part Fomi, il y a Souapiti, un autre site qui peut produire 750 mégawatts. Nous envisageons de réaliser ce site dans la perspective future de construire une fonderie d'aluminium. Là également il y a des possibilités d'exportation de l'électricité en Guinée Bissau, en Gambie et au Sénégal notamment. On a d'autres sites tels ceux situés sur le fleuve Cogon. L'un de ces sites peut nous permettre de produire 45 à 50 mégawatts et aujourd'hui, la société de bauxite CBG est prête à développer ce site avec l'Etat : la compagnie prendra 20 mégawatts et les 30 autres restant seront exportés vers la Gambie et la Guinée Bissau. Ces deux pays nous demandent à chacune de nos rencontres de construire ce barrage et de leur fournir de l'électricité.

Q5 Donc pour réaliser ces projets de développement, il vous faut principalement des partenaires des pays étrangers … ?

A5: Ce sont essentiellement avec les partenaires étrangers dans la mesure où la capacité financière des partenaires locaux n'est pas assez importante pour faire face aux investissements dans ce secteur qui sont assez énormes. Ce sont les partenaires étrangers qui pourront s'associer avec des partenaires locaux. Dans ce cadre, nous avions depuis 1998 promulgué une loi sur les contrats BOT qui permet l'implication du secteur privé dans le développement du secteur de l'énergie en matière de production, de distribution et de transport de l'énergie électrique.

Q6 Monsieur le Ministre, nos lecteurs veulent connaître la personne qui est derrière la politique de l'énergie en Guinée. Quel est votre parcours professionnel ?

A6: Je n'aime pas parler de moi. Tout de même je peux vous dire que je suis économiste de profession ayant un doctorat en économie appliqué de l'Université Paris 9. En Guinée j'ai servi longtemps au Ministère de Plan et de la Coopération. D'abord comme expert auprès de la Direction Générale du plan en 1994, puis comme Directeur Général du plan et de l'économie, une fonction que j'ai assumée pendant 5 ans environ. Et depuis 1999, le chef de l'Etat, le Général Président Lansana Conté a porté sa confiance en moi en me nommant à la tête de ce département.

Q7 Quel serait votre plus grande satisfaction à la tête de ce département ?

A7: Ma plus grande satisfaction serait que dans un bref délai je puisse efficacement contribuer à la valorisation du potentiel hydroélectrique de la Guinée à travers la construction de barrages hydroélectriques dans chacune des régions du pays. Nous avons identifié des sites dans les deux régions qui sont le plus dans l'obscurité. Je pense à la Haute Guinée qui a une grande potentialité agricole. Je pense à la Guinée forestière qui est en passe de devenir le poumon économique de la Guinée. Si je parvenais à fournir de l'électricité fiable à ces deux régions, je considérerais que ma mission est accomplie à 50%.

Q8 Quel message adresseriez-vous à nos 800.000 lecteurs de l'Express ?

A8: Ce que je pourrai dire aux lecteurs du Journal "l'Express" que je considère comme un journal de grande édition, un journal sérieux qui a un lectorat qui est au top des affaires, c'est qu'en Guinée, investir dans le secteur de l'eau, de l'électricité est un investissement rentable pour toutes les raisons que je viens d'évoquer. Parce que le potentiel est là. Il permet de donner de l'électricité à plusieurs pays en même temps. Donc le risque est moindre que si vous donnez de l'électricité à un seul pays. Enfin rentable, parce que l'environnement est très favorable. La loi sur le B.O.T a également été adopté pour cela. Personnellement si j'avais de l'argent, je crois que je démissionnerais de mon poste pour investir dans ce secteur et faire des affaires.

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