Question 1
- Tout d'abord, M. le Ministre, merci de nous
recevoir. Pour commencer, pourriez-vous nous
donner les chiffres clés qui, selon
vous, reflètent au mieux les efforts
du Gouvernement ?
Réponse 1 - Merci Mme Dounia
et M. Vannier. Je suis très heureux
de vous accueillir ici à Conakry, et
plus particulièrement dans mes installations
de Boulbinet. Je vous donnerais 2 chiffres
clés. L'un est l'expression achevée
de la gestion macro-économique ; et
l'autre, l'un des éléments de
cette gestion macro-économique qu'est
la politique budgétaire et financière
de l'Etat. Donc, le premier chiffre est l'inflation.
Depuis près d'une décennie déjà,
nous sommes autour de 5% de taux d'inflation.
Et dans le domaine de la politique budgétaire
et financière, depuis 10 ans, ce n'est
qu'en 2002 que nous avons pu atteindre et
même dépasser les objectifs de
recettes budgétaires de l'Etat. En
fait, nous avons réalisé des
recettes budgétaires en terme de recouvrement
d'actifs à 101,6%. Pour moi, ce sont
deux indicateurs clés des efforts d'amélioration
de la gestion macro-économique auxquels
le gouvernement est attelé depuis 1986.
Question 2 - et quels sont les objectifs
programmés à moyen terme ?
Réponse 2 - A moyen terme, les
objectifs programmés sont de divers
ordres. Il s'agit pour nous de poursuivre
les efforts axés essentiellement sur
la mise en uvre de notre stratégie
nationale pour la croissance et la réduction
de la pauvreté, ainsi que la mise en
uvre d'une stratégie régionale.
En Guinée, après l'élaboration
et l'adoption par le Gouvernement et les population
guinéennes concernées de la
stratégie nationale pour la croissance
et la réduction de la pauvreté,
nous sommes passés à une phase
secondaire qui est celle de concevoir une
stratégie de proximité, spécifique
à chacune des régions administratives
de notre pays. Nous en avons 8, et aujourd'hui,
nous avons au total une stratégie pour
l'ensemble de la Nation, et 8 stratégies
régionales de réduction de la
pauvreté, de sorte que nous puissions
cerner de près et identifier avec exactitude
les problèmes et les préoccupations
que rencontrent les populations guinéennes,
que nous puissions connaître avec beaucoup
plus de netteté et de précision
les atouts et les potentialités de
chacune des régions administratives.
Car pour nous, Gouvernement Guinéen,
il ne saurait y avoir de stratégie
efficace de réduction de la pauvreté
en l'absence d'une très forte implication
des populations bénéficiaires
finales de l'atteinte des objectifs de ces
stratégies. Il faut savoir ce que veulent
les populations, il faut qu'elles se sentent
impliquées, il faut qu'elles sachent
que leur bonheur ne se construit pas à
leur insu et qu'il faut pleinement leur contribution
et leur participation. En fait, il s'agit
de faire comprendre aux populations qu'elles
doivent d'abord compter sur elles-mêmes
avant de compter sur le Gouvernement central.
L'approche participative, à cet égard,
constituait la pierre angulaire de notre démarche,
tant dans la conception, l'élaboration,
l'approbation que dans la mise en oeuvre et
le suivi de la mise en uvre de la stratégie
de réduction de la pauvreté.
C'est une démarche, je crois, qui a
été apprécié par
les populations elles-mêmes, et également
apprécié par le Gouvernement
du fait de l'engouement que les populations
ont manifesté pour cette démarche
fortement participative.
Question 3 - Dans le cadre de cette
lutte pour la réduction de la pauvreté,
le Gouvernement s'appuie, entre autres,
sur l'intégration sous-régionale,
sur l'harmonisation des différentes
économies de la sous-région.
La Guinée fait des efforts pour respecter
les préalables au lancement de la
ZMAO, à savoir le respect des critères
de convergences et la réalisation
de la stabilité macro-économique.
Je rappelle que l'union monétaire
est prévue pour le 1er juillet 2005
et qu'elle est considérée
comme une étape importante vers la
création de la zone monétaire
unique de la CEDEAO. Pourriez vous nous
décrire brièvement les implication
et les perspectives de la participation
de la République de Guinée
à la ZMAO ?
Réponse 3 - Nous sommes Etat
partie dans la réalisation de la 2ème
zone monétaire, qui est une phase importante
vers la création d'une zone économique
et monétaire unique en Afrique de l'Ouest.
Cette 2ème zone monétaire, appelée
la ZMAO, doit fusionner à terme avec
la zone UMOA. Les gouvernements de la République
Fédérale du Nigeria, du Ghana,
de la Sierra-Léone, de la Guinée
et de la Gambie se sont retrouvés à
Conakry, le 7 novembre 2002, pour examiner
les différents préalables à
la création de la 2ème zone
monétaire qui devait intervenir en
janvier 2003. Au regard des résultats
macro-économiques réalisés
par chacun des états, les Chefs d'Etat
et de Gouvernement, au sommet du 7 novembre
à Conakry, ont jugé utile de
proroger la date de création de la
2ème zone monétaire, de janvier
2003 au mois de juin 2005.
Comme vous le savez pour avoir été
des témoins privilégiés
de la création de l'Union Européenne,
la création d'une zone monétaire
n'est pas une tâche facile pour les
gouvernements, surtout pour des gouvernements
de pays en développement, confrontés
que nous sommes, dans la sous-région
ouest-africaine, à des conflits politiques,
civils et armés depuis plus d'une
décennie. Ces considérations,
avec leurs conséquences négatives
sur la gestion macro-économique de
nos 5 états respectifs, ont amené
nos Chefs d'Etat et de Gouvernement à
proroger la date convenue en avril 2000
à Accra, date convenue pour la création
de la 2ème zone monétaire
de janvier 2003 à juin 2005. Je rentre
d'une mission à Abuja où il
a été question de la mise
en uvre de décisions du sommet
des Chefs d'Etat de Conakry, notamment la
rencontre trimestrielle des Ministres chargés
des Finances, donc des Ministres responsables
de la mise en uvre effective des critères
de convergence. Les Chefs d'Etat ont jugé
utile de mettre cet atelier en place, parce
que par le passé, n'ayant pas réussi
cela, nous nous sommes rendus compte que
nous étions assez loin, chacun, des
objectifs de convergence macro-économiques.
Donc, l'accent a été mis,
à Conakry, sur la réalisation
préalable des critères de
convergence macro-économiques avant
de parler de la création de la 2ème
zone monétaire de l'Afrique de l'Ouest.
Aujourd'hui, les Gouvernements des 5 Etats
parties travaillent d'arrache pied, chacun
de leur côté, tant au niveau
des politiques macro-économiques
qu'au niveau des politiques budgétaires
et de leur politique monétaire respectives,
à inscrire dans leur programme économique
et financier toutes les dispositions qu'il
leur faut pour être au rendez-vous
du 30 juin 2005.
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Question 4
- Depuis votre nomination à tête
du Département de l'Economie et des
Finances, on a pu enregistré des progrès
notables, notamment au niveau de l'adoption
régulière de votre programme
par les institutions de Bretton Woods. Aujourd'hui,
comment définiriez-vous vos relations
avec les principaux bailleurs de fonds et
les différentes institutions financières
internationales ?
Réponse 4 - Avec les IBW, les
Institutions de Bretton Woods, nos relations
sont excellentes, notamment avec le Fonds
Monétaire International et la Banque
Mondiale. Le Gouvernement a réussi,
ces dernières années, à
entretenir des relations constantes, continues,
efficaces et responsables. Nous avons, à
ce titre, conclu le 30 septembre 2000 le programme
triennal précédent, et négocié
avec eux un nouveau programme triennal dont
les résultats macro-économiques
et structurels de la première année
ont été approuvés par
le conseil d'administration du FMI le 24 juillet
2002, et celui de la Banque Mondiale le 25
juillet 2002. Auparavant, mon gouvernement
a bénéficié d'appuis
budgétaires substantiels de la Banque
Mondiale pour un montant d'environ USD 50
millions en août 2001, et de la Banque
Africaine de Développement pour USD
20 millions en septembre 2001, appuis budgétaires
consacrés à la mise en uvre
de la stratégie pour la croissance
et la réduction de la pauvreté.
Nous sommes dans la 2ème année
de ce nouveau programme triennal axé
sur la croissance et la réduction de
la pauvreté. Et dans quelques jours,
j'attends l'arrivée de la mission trimestrielle
d'évaluation de nos résultats
macro-économiques. Avec les partenaires
bilatéraux, nous entretenons également
des relations réciproquement fructueuses,
notamment avec la France, le Canada, ou encore
le Japon.
Question 5 - Le Gouvernement mène
depuis 1985 une politique de type libérale.
Aujourd'hui, quel bilan dresseriez-vous
du programme de privatisation mené
depuis bientôt presque 20 ans ?
Réponse 5 - Mené depuis
17 ans, ce programme est globalement positif.
Vous devez mentionné que la Guinée
revient de très loin. Nous avons chez
nous aujourd'hui toutes les caractéristiques
d'une économie encore en transition.
Nous sommes passés d'une gestion de
type socialiste et révolutionnaire
où tous les moyens de production appartenaient
à l'Etat, où l'Etat détenait
l'intégralité des actions de
toutes les sociétés et entreprises
à un type de gestion économique
où l'Etat n'est plus présent
et a volontairement accepté, depuis
le discours programme du 22 décembre
1985 du Président de la République,
de se désengager du secteur productif
pour travailler à encourager la création
d'un secteur privé moderne capable
de prendre le relais de l'Etat et de créer
des emplois, de générer des
revenus. Je crois que de plus en plus, sans
occulter les difficultés que l'on peut
rencontrer dans ce genre d'entreprise, nous
commençons à récolter
les fruits de ce désengagement de l'Etat
du secteur productif. En 1986, plus de 90%
des recettes de l'Etat provenaient d'un seul
secteur : le secteur minier ; parce qu'il
n'y avait pas de secteur privé disposant
de revenus pouvant servir de matière
fiscale. Aujourd'hui, nous sommes aux alentours
de 20% de recettes budgétaires issues
du secteur minier. Les 80% sont procurés
à l'Etat par le secteur privé,
notamment au niveau de la fiscalité
de porte, les recettes douanières,
et de la fiscalité intérieure,
la Direction Nationale des Douanes. Depuis
1986, l'Etat a, avec l'ambitieux Programme
des Réformes Economiques et Financières
(PREF), opéré des réformes
institutionnelles très importantes
qui lui ont permis petit à petit, lentement
mais sûrement, de mettre en pace les
jalons d'un système économique
fondé sur le libéralisme et
le secteur privé comme moteurs de la
croissance.
Question 6 - La Guinée assure
la présidence du Conseil de Sécurité
des Nations Unies durant tout le mois de
mars 2003, au sein d'une conjoncture internationale
qu'on pourrait qualifier de tendue. Quelles
sont les implications de cette présidence
pour la Guinée en terme de politique
internationale ?
Réponse 6 - La première
implication hautement positive, c'est que
ça a permis à la Guinée
de mieux se faire connaître sur la scène
internationale. Notre présidence au
Conseil de Sécurité est arrivée,
comme vous venez de le dire à juste
raison, à un moment capital sur la
scène politique internationale. Moment
important pour les décideurs de ce
monde en ce sens que nous avons été
confrontés à la crise irakienne.
Je crois que pour la République de
Guinée, l'histoire retiendra qu'elle
est arrivée à la présidence
du Conseil de Sécurité dans
une période extrêmement palpitante
et pleine d'enseignements sur la scène
internationale, et qu'elle a essayé
de faire de son mieux pour faire entendre
d'abord sa voix, pour partager avec le reste
du monde ses principes ; principes qui fondent
l'Etat Guinéen, à savoir la
paix et la sécurité - qui sont
des gages indispensables pour le développement
économique et la lutte contre la pauvreté
- l'amitié et la solidarité
entre les peuples. Ces sont ces principes
cardinaux qui ont donc marqué la présidence
de la Guinée au Conseil de Sécurité.
Je crois d'ailleurs que c'est une présidence
qui arrive à son terme le lundi 31
mars 2003. Nous continuons à uvrer
avec les 5 états membres permanents
du Conseil de Sécurité, ainsi
qu'avec les autres non permanents, pour un
monde de paix, un monde de solidarité,
un monde où les pays riches feront
beaucoup plus attention à la situation
qui prévaut dans les pays en développement.
Question 7 - Auriez vous un message
final aux lecteurs de l'Express et aux investisseurs
potentiels qui seraient intéressés
par la Guinée ?
Réponse 7 - Je voudrais les
inviter à choisir la Guinée
comme destination d'investissement. Non pas
à cause de l'importance des ressources
naturelles de ce pays, mais aussi et surtout
parce que la Guinée est aujourd'hui
un havre de paix dans une sous-région
ouest-africaine encore agitée par des
conflits internes chez certains de nos voisins.
Nous avons, au cours des douze dernières
années, offert gîtes et couverts
à plus d'1,5 millions de réfugiés
et personnes déplacées en provenance
de Guinée Bissau, de Sierra Léone,
du Libéria et de Côte d'Ivoire.
Malgré les attaques rebelles dont notre
pays a été victime durant 10
mois - de septembre 2000 à juin 2001
- nous avons réussi à garder
le cap, c'est-à-dire continuer à
donner asile, paix, pain et liberté
aux populations en détresse venant
de chez nos voisins. Le Gouvernement a aussi
veillé à la stabilité
politique, à une meilleure gestion
de l'environnement macro-économique
et a, à cet effet, mis en place des
instruments très attractifs pour les
investisseurs. Malheureusement, c'est une
autre image de la Guinée qui est présentée
par certains médias, et qui fait qu'il
y a une mauvaise perception de la Guinée
; mauvaise perception qui fait que ceux qui
n'ont pas encore choisi la Guinée comme
destination d'investissement hésitent
; mais ceux qui ceux venus ne comptent plus
quitter la Guinée et travaillent aujourd'hui
à l'extension de leurs activités.
Je pense notamment à certaines sociétés
importantes dans l'exploitation de l'or, de
la bauxite et à une autre société
internationale, Rio Tinto, qui a signé
avec le Gouvernement Guinéen, le 26
novembre 2002, une convention d'établissement
pour l'exploitation des riches et importants
gisements de fer des Monts Simandou. Avec
l'exploitation de ces riches gisements de
fer, nous comptons, avec nos partenaires Rio
Tinto et plus tard, BHP Billiton, construire
un rêve guinéen qui est le "
trans-guinéen ", qui va quitter
la côte pour aller chercher les minerais
de fer du Simandou dans le Guinée Forestière.
Ce chemin de fer permettra de désenclaver
une très bonne partie de la Guinée
et faciliter le drainage des marchandises
et des personnes.
Je voudrais donner l'assurance aux candidats
investisseurs de la Guinée que nous
sommes un pays politiquement stable, en
dépit de tout ce qui se dit sur la
Guinée à l'étranger,
et qui date d'ailleurs de 1958 depuis l'accession
à l'indépendance. Nous avons
des instruments adéquats, attractifs,
notamment le code des investissements, le
code minier, le code foncier rural, leur
garantissant non seulement la sécurité
de leurs investissements, mais aussi et
surtout le rapatriement de leurs capitaux
quand ils le désirent, et où
ils le désirent.
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