THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Harris N'Kouka Interview avec:

M. Harris N'KOUKA

Directeur Général de PEMACO (Pêche Maritime Congolaise)
12 Mai 2002
 
Pouvez-vous nous donner un aperçu historique de votre société ?

Notre société s'appelle PEMACO (Pêche Maritime Congolaise). C'est une société de pêche maritime spécialisée dans la crevette. Nous ne faisons essentiellement que de l'export, principalement vers l'Espagne. Tout au début nous avons essayé la vente sur le marché local, mais il y a un problème d'habitudes culinaires des clients. On ne consomme pas beaucoup la crevette au Congo.

Actuellement, nous sommes en train d'essayer la pêche aux poissons. Nous sommes sur une expérience qui devrait se dénouer peut être d'ici la fin du mois prochain. Nous avons des contacts pour prendre des bateaux en affrètement. Ce serait essentiellement des poissons de fonds.

Quelle est la structure de votre société, le capital, le nombre d'employés ?


Au départ on a commencé avec des bateaux d'affrètement espagnols. Au fil du temps, nous avons réussi à affréter trois bateaux sous pavillon congolais. Mais la pêche n'est pas facile, cela demande de très gros moyens. Nos bateaux sont assez vieux.
Nous avons une cinquantaine d'employés permanents. Avec les temporaires on tourne autour de 70 employés.

Le problème que nous rencontrons, en dehors des bateaux qui sont vieux, est celui de la qualification du personnel. Il n'y a pas d'école de pêche ici. On a presque tout fait sur le tas. Quand les bateaux sont arrivés on a profité de la présence et de l'expérience des espagnols qui nous ont appris le travail. Et au fur et à mesure, ces espagnols ont été remplacés par le personnel local.

Quelle évaluation faites-vous du secteur de la pêche au Congo ?


En ce qui concerne mon secteur, je pense qu'il y a encore des crustacés. Parce que nous sommes les seuls (heureusement ) à faire ce type de pêche. Les autres font plutôt de la pêche côtière. Nous, nous pêchons un peu plus loin, dans les eaux plus profondes. C'est pourquoi nous avons cette chance d'être seuls.

En ce qui concerne cette pêche au grand large, il n'y a que 4 bateaux sur une côte de 170 km. En une journée on a fait le chalutage. C'est le petit avantage que nous avons. Je continue à penser que 5 à 6 bateaux pourraient venir. Cela ne gênerait pas la production.

Par contre sur les bas côtés ou les petits fonds, je ne sais pas. Je vois beaucoup de bateaux qui s'entrelacent et je ne pense pas qu'il y ait autant de potentialités. Sauf si éventuellement on étend la zone de pêche jusqu'en Angola ; il y a en effet des accords de réciprocité avec ce pays et la même chose est en cours avec le Gabon. Et éventuellement avec la Namibie.

Quelle quantité de crustacés sortez-vous de l'eau?


On tourne autour de 400 à 500 tonnes par an de crustacées, principalement des crevettes. Soit des prises de 400 kg par jour et par unité.

Que représente votre chiffre d'affaires et quelles sont vos prévisions en terme de croissance ?


Pour le C.A., prenez un taux moyen de 7000 F cfa ( 9.33 $) le kilo et faites les calculs. En terme de croissance, la grosse préoccupation que nous avons c'est la vétusté du matériel. Un bateau performant coûte aujourd'hui autour de 1 milliard de F.cfa. On a parlé de chiffre d'affaires, mais il s'évapore vite dans les charges.

A côté de cela, il y a le problème de structures. Le Port de Pointe-Noire a été coupé du monde pendant près de deux ans, sans carénage. Cela veut dire que, vous le vouliez ou pas, vous étiez obligé de garder le bateau dans un état de non-fonctionnement, puisqu'on ne peut pas le hisser pour caréner afin de refaire la structure. L'activité a heureusement repris depuis décembre 2001. Mais il y a toujours un manque de matériel.
Petit à petit on va avoir de nouveaux bateaux. C'est bien ! Mais en même temps, il y a l'environnement qui n'est pas favorable. Je veux parler des banques qui n'existent pas. L'aide et l'accès aux crédits sont inexistants. C'est une grave entrave à l'achat de nouveaux bateaux. Il y a beaucoup de choses qui nous empêchent d'évoluer normalement.

Votre produit est destiné à l'exportation ; le marché de l'Union européenne est soumis à des réglementations très strictes en matière d'hygiène et de qualité, est-ce un problème pour vous ?


Nous en avons fait la triste expérience ! Aujourd'hui la nouvelle réglementation est telle qu'on ne fait pas la différence entre les USA et le Congo. Quand le produit entre en Europe, il y en a qui n'ont que faire de savoir s'il sort des USA ou du Congo. A l'époque où nous n'avions pas notre autorisation d'exporter, les USA étaient eux aussi exclus de la liste. C'est pour vous montrer la rigueur de cette institution.

Moi-même j'ai dû aller à Bruxelles pour des négociations. On y a associé le gouvernement par après. En ce moment, le Congo a été remis en selle. Mais uniquement pour les bateaux qui font toutes les opérations en mer. C'est à dire qui font l'extraction, l'emballage et le conditionnement en mer. C'est notre cas heureusement. Donc aucune opération au sol n'est possible.

Il y a un déséquilibre commercial entre le poisson importé et le poisson congolais ?


Oui ! Tout à fait. J'imagine que le poisson importé est de qualité inférieure et donc moins cher. Il y a là des poissons qui sont restés en congélation pendant 6 mois et plus ! Mais je pense que cela suppose simplement que la demande est plus forte que ce que les pêcheurs locaux ne produisent. Ils ne peuvent fournir localement que 20 à 30 % de la demande.

Mais il y a toujours, sous jacent à cela, cette question de matériels qui ralenti notre production. Les filets sont importés, les huiles les câbles, etc., tout vient de l'étranger. A la limite il est plus facile d'être importateur que pêcheur. A ce niveau, je pense que la solution ne viendra que des pouvoirs publics pour renverser la tendance.
 
Est-ce que l'activité pétrolière au large gêne votre activité ? Avec réduction du périmètre de pêche par exemple.

Nous avons constaté en ce qui concerne la crevette que plus l'activité pétrolière a augmenté, plus les captures ont baissé. Est-ce lié aux changements climatiques constatés dans le monde ou à l'afflux des sites pétroliers ? On ne sait pas ? En tous les cas, il est sûr que les captures ont baissé.

Et paradoxalement, on a aussi constaté que les sites pétroliers constituent des refuges pour les poissons et malheureusement, nous n'avons pas le droit de chaluter autour d'un site pétrolier. Nous n'avons que 170 km de côte. S'il faut en plus ajouter le nombre de sites pétroliers qui nous sont interdits, vous voyez qu'il ne nous reste pas grand chose.

Où en sont vos accords avec les pays voisins ?


J'ai participé moi-même à des missions en Namibie, qui sont toujours restés dans les tiroirs. Mais parlant de la Namibie, il faut du temps pour y arriver à partir du Congo. Donc il faut des outils ou des navires performants, avec beaucoup d'autonomie. Pour les petits navires par contre, des accords avec l'Angola nous arrangent. Mais là encore nous sommes confrontés à des obstacles.

Je prends un cas de figure : Aujourd'hui, on s'achemine vers la taxation des produits venant de l'Angola. Le Congo a des accords de réciprocité avec l'Angola. Ce pays nous autorise de pêcher le poisson. Mais notre pays le Congo est en train de nous taxer ou de facturer le poisson pêché en Angola. C'est à dire que le poisson pêché en Angola doit être déclaré et soumis à la taxation. Donc en réalité cet accord ne nous profite pas réellement.

La loi est en train de se mettre en place. Au niveau du syndicat nous avons essayé de protester, on ne comprend pas ce genre d'attitude de la part des pouvoirs publics.

Votre société reste donc principalement sur les côtes congolaises ?


Oui ! Principalement. On peut aller en Angola pour le poisson. Par contre, ils ont protégé la crevette.

Devez-vous faire face à la concurrence des sociétés internationales ?


Ce sont beaucoup plus des navires qui pêchent illégalement. On nous signale tout le temps des navires étrangers, on ne va pas citer lesquels, qui viennent pêcher dans les eaux congolaises. Pour des raisons qu'on peut imaginer, les eaux congolaises ne sont pas protégées. Il n'y a aucun bâtiment qui garde les eaux territoriales.

Moi personnellement j'ai été arraisonné au Congo. C'est drôle ! Il est vrai qu'à l'époque mon navire avait pêché illégalement en Angola. Mais mon bateau a été poursuivis jusque devant le Port de Pointe-Noire. C'est à dire que la marine de l'armée angolaise est rentré tranquillement jusqu'au Congo, venir chercher notre navire et le ramener en Angola. Tout simplement, nous n'avons pas de garde frontière. Donc des étrangers peuvent venir pêcher tranquillement chez nous, et être sûr de ressortir sans être inquiétés.

La pêche maritime artisanale a une importance significative au Congo. Ne gêne -t-elle pas votre activité ?


Moi je pêche plus loin. Mais il nous a été rapporté des accrochages avec les pêcheurs artisans qui eux sont censés pêcher à moins de 6 miles. Ils vont plus loin. Quand vous discutez avec eux, ils disent que nous poursuivons le poisson. Mais comme ils n'ont pas d'engins de repère, ils dépassent souvent les limites qui leur sont imparties ; quand ce n'est pas nous qui venons chercher le poisson un peu plus bas. Mais je ne pense pas que ce soit là le vrai problème qui empêche de pêcher. Ce sont plutôt des problèmes d'infrastructures.

Y a-t-il assez de réserves de poissons et de crustacés ou alors ces réserves s'épuisent ?


Il y a eu des chutes de prises, mais cela ne peut pas empêcher de travailler. Je pense que pour le moment, 3 à 5 bateaux de plus peuvent encore venir pêcher, la crevette essentiellement. Je parlai tantôt des prises de 400 kg par jour, mais il y a des jours et des périodes où on peut atteindre 600 à 700 kg par jour et par unité.

Quel est le plus gros frein au développement de votre activité?


Je pense que tout est lié à l'environnement du pays. On ne peut pas parler de développement dans un secteur si le pays ne s'y prête pas économiquement et politiquement.
Par exemple, on n'a jamais eu de crédits en banques. Vous êtes obligés de vous débrouiller. Il n'y a pas non plus d'école pour former les travailleurs. Tout le matériel que nous utilisons vient d'ailleurs, même les emballages sont importés. Personnellement on peut faire des efforts, mais pour un grand développement, tout passe par l'Etat.

Vous avez quand même de l'espoir ?


Oui bien sûr ! Beaucoup de choses ont été faites depuis la dernière guerre. Nous osons espérer que ça va aller en s'améliorant. Il y a également des changements au niveau bancaire, de nouvelles agences sont en train d'ouvrir. Elles apportent de l'espoir.
Comment voyez-vous l'évolution du secteur de la pêche à court terme ?
J'ai espoir que les Congolais sauront se prendre en charge et se rendre compte qu'il faut aller à l'essentiel. Nous avons perdu beaucoup de temps. Je pense qu'il y a un désir national qui est en train de se dessiner pour que les choses marchent.

Quelle est l'expérience la plus satisfaisante que vous ayez vécue ?


C'est d'être parti de rien et être arrivé à ce que nous avons fait. En 10 ans nous sommes partis de bateaux affrétés à des bateaux qui nous sont personnels. Nous sommes partis avec aucun travailleur qualifié, nous avons maintenant des patrons de pêche et des chefs mécaniciens. En dix ans nous avons quand même donné du boulot à plus de 50 congolais, avec ce que cela représente comme effets induits. Nous avons fait tourner le Port de Pointe-Noire ; je crois qu'il y a des raisons d'être fier.
Aujourd'hui, dans le secteur de la pêche maritime, nous pouvons nous targuer d'être parmi les premiers.

Avez-vous un message pour les 600.000 lecteurs de Forbes ?


Mon plus grand message c'est l'espoir.

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