Pouvez-vous nous donner
un aperçu historique de votre société
et de ses activités ?
La Congolaise de Raffinage (CORAF) a été
créée en 1982 pour gérer
une raffinerie qui a été construite
au début des années 1970. Les installations
appartiennent à l'Etat congolais. La CORAF
est une société de gestion de ces
installations. En décembre 2002, nous allons
fêter notre 20ème anniversaire.
En 1997, la CORAf a été contrainte
d'arrêter ses activités. Comment
a t-elle pu renaître de ses cendres ?
La raffinerie était totalement arrêtée
le 15 octobre 1997, en pleine guerre civile. Moi-même
j'ai été nommé directeur
général après le 15 octobre
1997, c'est à dire après la guerre.
Lorsque l'entreprise a cessé de fonctionner,
on manquait de tout. La trésorerie était
nulle. On était complètement endetté
vis-à-vis de nos fournisseurs. Nous n'avions
même plus de pièces de rechange en
magasin. On ne pouvait donc plus redémarrer.
Il a fallu alors engager des négociations
avec certains partenaires.
Comme la raffinerie n'était plus entretenue,
la première négociation a été
avec ABB LEMUS, une entreprise de travaux locale.
Cette société nous a fait des travaux
pour 2,5 milliards de F. cfa. Sur ce montant,
750 millions ont été pris en charge
par l'Etat congolais et le reste nous l'avons
payé nous même par notre fonctionnement
normal.
Nous avons ensuite négocié un contrat
de " processing " avec TRAFIGURA, une
société basée à Londres.
Le contrat de processing veut dire que TRAFIGURA
achetait du brut pour nous, nous le traitions,
nous le raffinions et on leur remettait le produit
fini. On nous paye ce qu'on appelle les frais
de façonnage. Comme nous n'avions pas de
pièces de rechange, nous avons négocié
et obtenu de TRAFIGURA un prêt de 2 millions
de dollars. Avec ces 2 millions de dollars, nous
avons acheté des pièces de rechange
et payé une partie de la dette auprès
de nos fournisseurs, français essentiellement.
C'est ainsi que nous avons pu redémarrer
en mars 2000. Personne ne nous donnait gagnant
lors de ce redémarrage. Aujourd'hui nous
en sommes là.
Le contrat de processing est-il toujours en
cours ?
Non. le contrat de processing a pris fin le 1er
septembre 2001. Et depuis cette date nous sommes
totalement autonomes. Nous achetons notre brut
et nous vendons nos produits.
Vous n'avez donc plus de dettes ?
Nous avons complètement apuré nos
dettes sur la fourniture des pièces de
rechange. Nos ouvriers qui avaient accumulé
14 mois d'arriérés de salaire ont
aussi été remboursé.
Que produisez-vous exactement aujourd'hui?
Nous produisons du gaz butane, de l'essence,
du kérosène pour les avions, du
gasoil, du fuel oil léger, qui est consommé
sur place, et du fuel lourd, qui est exporté
principalement aux USA.
Nous raffinons donc le pétrole brut produit
au Congo, que nous achetons aux principaux producteurs
de la place. Nous achetons aussi le pétrole
à notre maison-mère, la SNPC, qui
vend le brut de l'Etat.
Quelle est la structure du capital de la CORAF
?
La CORAF est détenue à 100 % par
la SNPC. A sa création, l'entreprise était
propriété à 40 % d'Elf Aquitaine
et à 60 % d'Hydro-Congo, la société
étatique de distribution des hydrocarbures.
En 1994, lorsqu'on préparait la privatisation
de la CORAF et qu'Elf était intéressé
par le rachat, il a fallu que cette dernière
sorte du capital. L'Etat a donc dû récupérer
les 40 % de la société pétrolière
française. Après la guerre de 1997,
en vue de préparer la privatisation d'Hydro-Congo,
toutes les actions ont été remises
à la SNPC. Ce qui fait qu'aujourd'hui,
cette entreprise détient les 100 % du capital.
La CORAF est toujours en voie de privatisation.
Où en êtes-vous actuellement dans
le processus?
La CORAF fait toujours partie des entreprises
à privatiser, mais le processus n'a pas
encore démarré. Nous avons programmé
pour le mois d'octobre un grand arrêt pour
nous permettre de réaliser certains aménagements.
On ne parlera pas de privatisation avant 2004.
Entre-temps, on peut préparer les dossiers.
Pour le moment, il y a des sociétés
intéressées par le rachat, mais
ce n'est pas encore dans le cadre d'un appel d'offres.
Combien de personnes emploie la CORAF ?
Actuellement, nous sommes 260 employés
et ouvriers. Mais l'effectif optimum est de 300
agents, tous Congolais.
Quel est votre chiffre d'affaires et quelles
sont vos prévisions en terme de croissance
et d'investissements ?
Le chiffre d'affaires dépasse les 50 milliards
de F.cfa. En terme de croissance, nous dépendons
essentiellement de l'activité économique
du pays. Nous pensons consommer cette année
près de 550.000 tonnes de pétrole
brut. En même temps, nous envisageons d'avoir
des marchés à l'export. Nous sommes
en négociation avec la RDC, et nous avons
aussi un partenaire qui a un gros marché
en Angola. Donc si tout va bien, on pourrait atteindre
700.000 tonnes de brut. Du point de vue des investissements,
nous avons de très intéressants
projets, avec des temps de retour d'investissements
très courts. Nous sommes à la recherche
de financements en ce sens.
Quels sont concrètement ces projets d'investissements
?
Nous voulons construire une unité de production
de bitume. Le projet est déjà très
avancé et l'étude est réalisée.
Nous avons aussi le projet de construire un viscoréducteur.
C'est à dire installer un procéder
qui permet de produire moins de fuel et beaucoup
plus de produits dits " blancs ". Cette
étude là est aussi très avancée.
Enfin nous projetons aussi de " dégoulotter
" les unités qui existantes. C'est à
dire augmenter la capacité actuelle de production. |
Avez-vous des accords
de partenariat avec des sociétés pétrolières
installées au Congo?
Nous n'avons que des relations de fournisseurs à
clients avec les entreprises basées ici.
Bien sûr, nous avons aussi des contacts techniques
avec des sociétés étrangères.
Par exemple avec la société PEDEX
à Paris.
Quelles sont vos relations avec la SNPC ?
C'est donc notre maison-mère, elle est représentée
à 100 % au conseil d'administration. Toutes
les grandes décisions sont prises avec l'accord
de la SNPC et du gouvernement bien sûr, puisque
les installations appartiennent à l'état.
Quel est votre marge de manuvre par rapport
à la SNPC?
Quand le budget est voté, c'est la direction
générale de la CORAF qui le gère
et l'exécute, sans tenir compte de qui que
se soit.
Pouvez-vous nous parler de vos accords commerciaux
avec Hydro-Congo?
Actuellement cela se déroule bien. Dans le
passé, Hydro-Congo ne payait pas ce qu'il
nous devait. Cette fois-ci, nous avons pris des
précautions. Nous avons signé un contrat
de " tierce détention ". C'est
à dire que nous remettons nos produits à
Hydro-Congo qui les vend à des clients ;
ces clients sont obligés de verser l'argent
sur un compte bancaire conjoint à CORAF et
Hydro-Congo. A la fin de chaque mois, nous faisons
ensemble le point. CORAF présente ses factures
et Hydro-Congo présente ses charges. On fait
la répartition.
Ne pensez-vous pas diversifier cette clientèle
?
Sur le plan national, on ne peut rien faire d'autre
que de vendre à Hydro-Congo. Il est le seul
autorisé à distribuer sur le territoire.
Dans nos projets, nous voulons diversifier à
l'étranger, mais nous ne sommes pas très
compétitifs pour les pays éloignés.
Il y a les coûts de transport. Nous pouvons
cependant être compétitifs pour nos
voisins, l'Angola et la RDC. Nous avons déjà
effectué quelques ventes avec l'Angola, mais
pas encore avec la RDC. Nous avons des projets d'accords
en ce sens.
Notre programme de transformation de brut ou de
production est élaboré en fonction
des marchés que nous trouvons. Mais rappelons
le, nous travaillons d'abord par rapport au marché
congolais. Le stock qui est ici nous permet uniquement
de satisfaire la demande nationale. En ce moment
par exemple, nous avons en stock l'équivalent
d'un mois de consommation nationale.
Vous avez des stocks et il y a pourtant de longues
files devant les stations services?
Nous ne sommes pas responsables de cela. C'est l'affaire
d'Hydro-Congo, de ses revendeurs et aussi, il faut
le dire, des difficultés de fonctionnements
du chemin de fer. Les stations services sont gérées
par de petits opérateurs privés qui
généralement, n'ont pas beaucoup d'argent
et n'ont pas non plus de grandes réserves.
Une fois qu'ils ont vendu leur carburant, ils n'ont
plus rien. Il faut alors attendre qu'ils soient
à nouveau alimenté. Ce qui provoque
de longues files d'attentes à la pompe. Ce
n'est donc pas un problème de manque de carburant
à Pointe-Noire, c'est plutôt un problème
de distribution et surtout de mauvaise gestion des
stations services.
Quels sont les problèmes que vous rencontrez
au quotidien dans la gestion de votre société
?
Actuellement, le problème le plus important
est celui de la gestion des pièces de rechange.
Ces pièces sont importées de l'étranger.
Pendant la période des deux ans d'arrêt
total de nos activités, nous n'avions pas
su payer nos dettes envers nos fournisseurs ; nous
avons donc perdu leur confiance. Ce qui fait qu'actuellement,
nous sommes contraints d'acheter nos pièces
de rechange au comptant. Même lorsque nous
faisons des virements bancaires aux fournisseurs,
tant que l'argent n'est pas entré sur leurs
comptes bancaires, ils ne nous envoient pas les
pièces de rechange. C'est contraignant et
nous sommes de surcroît très mal servi
par nos banques en matière de transfert de
fonds. Ainsi, au lieu d'avoir des délais
de livraison de moins de 2 mois, il nous arrive
que ces délais se prolongent jusqu'à
6 mois. C'est trop ! Cela veut dire qu'il nous faut
un stock de 6 à 7 mois.
On appelle la CORAF " la fierté congolaise
". Pourquoi cette appellation ?
Je ne sais pas exactement. Peut être est-ce
parce que c'est une société qui était
complètement morte et que les Congolais ont
réussi eux-mêmes à la remettre
sur pied.
Quelle a été votre plus grande
satisfaction à la tête de cette entreprise
?
C'est tout simplement d'avoir réussi remettre
la CORAF sur les rails. Je suis un agent de la CORAF,
ingénieur de formation. J'ai commencé
ici, jusqu'à en être le directeur général.
Je connais donc tout de la société
et j'y suis fort attaché. C'était
un réel soulagement pour moi de voir revivre
l'usine.
Comment voyez-vous le rôle de la CORAF
dans le développement économique du
Congo ?
Je crois que la CORAF a un rôle important
à jouer. Prenez n'importe quel pays d'Europe,
je pense qu'aucun ne voudrait dépendre d'un
autre du point de vue de l'énergie. Avoir
son pétrole et sa raffinerie sur place permet
d'élaborer une bonne politique énergétique.
Si, par exemple, vous n'avez pas de source de production
d'électricité, c'est dangereux de
dépendre de l'étranger. Un pays doit
avoir une certaine autonomie énergétique
sans quoi il court le risque de se retrouver totalement
bloqué. La CORAF a donc un rôle clef
dans l'avenir de ce pays.
Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes
?
Pour nous c'est une bonne chose d'être connu.
J'espère qu'à travers ce reportage,
la CORAF sera connue de vos lecteurs. |