THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Nestor Mawandza Interview avec

M. Nestor MAWANDZA
Directeur Général de la CORAF
22 mai 2002
 
Pouvez-vous nous donner un aperçu historique de votre société et de ses activités ?

La Congolaise de Raffinage (CORAF) a été créée en 1982 pour gérer une raffinerie qui a été construite au début des années 1970. Les installations appartiennent à l'Etat congolais. La CORAF est une société de gestion de ces installations. En décembre 2002, nous allons fêter notre 20ème anniversaire.

En 1997, la CORAf a été contrainte d'arrêter ses activités. Comment a t-elle pu renaître de ses cendres ?

La raffinerie était totalement arrêtée le 15 octobre 1997, en pleine guerre civile. Moi-même j'ai été nommé directeur général après le 15 octobre 1997, c'est à dire après la guerre. Lorsque l'entreprise a cessé de fonctionner, on manquait de tout. La trésorerie était nulle. On était complètement endetté vis-à-vis de nos fournisseurs. Nous n'avions même plus de pièces de rechange en magasin. On ne pouvait donc plus redémarrer. Il a fallu alors engager des négociations avec certains partenaires.
Comme la raffinerie n'était plus entretenue, la première négociation a été avec ABB LEMUS, une entreprise de travaux locale. Cette société nous a fait des travaux pour 2,5 milliards de F. cfa. Sur ce montant, 750 millions ont été pris en charge par l'Etat congolais et le reste nous l'avons payé nous même par notre fonctionnement normal.
Nous avons ensuite négocié un contrat de " processing " avec TRAFIGURA, une société basée à Londres. Le contrat de processing veut dire que TRAFIGURA achetait du brut pour nous, nous le traitions, nous le raffinions et on leur remettait le produit fini. On nous paye ce qu'on appelle les frais de façonnage. Comme nous n'avions pas de pièces de rechange, nous avons négocié et obtenu de TRAFIGURA un prêt de 2 millions de dollars. Avec ces 2 millions de dollars, nous avons acheté des pièces de rechange et payé une partie de la dette auprès de nos fournisseurs, français essentiellement. C'est ainsi que nous avons pu redémarrer en mars 2000. Personne ne nous donnait gagnant lors de ce redémarrage. Aujourd'hui nous en sommes là.

Le contrat de processing est-il toujours en cours ?

Non. le contrat de processing a pris fin le 1er septembre 2001. Et depuis cette date nous sommes totalement autonomes. Nous achetons notre brut et nous vendons nos produits.

Vous n'avez donc plus de dettes ?

Nous avons complètement apuré nos dettes sur la fourniture des pièces de rechange. Nos ouvriers qui avaient accumulé 14 mois d'arriérés de salaire ont aussi été remboursé.

Que produisez-vous exactement aujourd'hui?

Nous produisons du gaz butane, de l'essence, du kérosène pour les avions, du gasoil, du fuel oil léger, qui est consommé sur place, et du fuel lourd, qui est exporté principalement aux USA.

Nous raffinons donc le pétrole brut produit au Congo, que nous achetons aux principaux producteurs de la place. Nous achetons aussi le pétrole à notre maison-mère, la SNPC, qui vend le brut de l'Etat.

Quelle est la structure du capital de la CORAF ?

La CORAF est détenue à 100 % par la SNPC. A sa création, l'entreprise était propriété à 40 % d'Elf Aquitaine et à 60 % d'Hydro-Congo, la société étatique de distribution des hydrocarbures. En 1994, lorsqu'on préparait la privatisation de la CORAF et qu'Elf était intéressé par le rachat, il a fallu que cette dernière sorte du capital. L'Etat a donc dû récupérer les 40 % de la société pétrolière française. Après la guerre de 1997, en vue de préparer la privatisation d'Hydro-Congo, toutes les actions ont été remises à la SNPC. Ce qui fait qu'aujourd'hui, cette entreprise détient les 100 % du capital.

La CORAF est toujours en voie de privatisation. Où en êtes-vous actuellement dans le processus?

La CORAF fait toujours partie des entreprises à privatiser, mais le processus n'a pas encore démarré. Nous avons programmé pour le mois d'octobre un grand arrêt pour nous permettre de réaliser certains aménagements. On ne parlera pas de privatisation avant 2004.
Entre-temps, on peut préparer les dossiers. Pour le moment, il y a des sociétés intéressées par le rachat, mais ce n'est pas encore dans le cadre d'un appel d'offres.

Combien de personnes emploie la CORAF ?

Actuellement, nous sommes 260 employés et ouvriers. Mais l'effectif optimum est de 300 agents, tous Congolais.

Quel est votre chiffre d'affaires et quelles sont vos prévisions en terme de croissance et d'investissements ?

Le chiffre d'affaires dépasse les 50 milliards de F.cfa. En terme de croissance, nous dépendons essentiellement de l'activité économique du pays. Nous pensons consommer cette année près de 550.000 tonnes de pétrole brut. En même temps, nous envisageons d'avoir des marchés à l'export. Nous sommes en négociation avec la RDC, et nous avons aussi un partenaire qui a un gros marché en Angola. Donc si tout va bien, on pourrait atteindre 700.000 tonnes de brut. Du point de vue des investissements, nous avons de très intéressants projets, avec des temps de retour d'investissements très courts. Nous sommes à la recherche de financements en ce sens.

Quels sont concrètement ces projets d'investissements ?

Nous voulons construire une unité de production de bitume. Le projet est déjà très avancé et l'étude est réalisée. Nous avons aussi le projet de construire un viscoréducteur. C'est à dire installer un procéder qui permet de produire moins de fuel et beaucoup plus de produits dits " blancs ". Cette étude là est aussi très avancée. Enfin nous projetons aussi de " dégoulotter " les unités qui existantes. C'est à dire augmenter la capacité actuelle de production.
Avez-vous des accords de partenariat avec des sociétés pétrolières installées au Congo?

Nous n'avons que des relations de fournisseurs à clients avec les entreprises basées ici. Bien sûr, nous avons aussi des contacts techniques avec des sociétés étrangères. Par exemple avec la société PEDEX à Paris.

Quelles sont vos relations avec la SNPC ?

C'est donc notre maison-mère, elle est représentée à 100 % au conseil d'administration. Toutes les grandes décisions sont prises avec l'accord de la SNPC et du gouvernement bien sûr, puisque les installations appartiennent à l'état.

Quel est votre marge de manœuvre par rapport à la SNPC?

Quand le budget est voté, c'est la direction générale de la CORAF qui le gère et l'exécute, sans tenir compte de qui que se soit.

Pouvez-vous nous parler de vos accords commerciaux avec Hydro-Congo?

Actuellement cela se déroule bien. Dans le passé, Hydro-Congo ne payait pas ce qu'il nous devait. Cette fois-ci, nous avons pris des précautions. Nous avons signé un contrat de " tierce détention ". C'est à dire que nous remettons nos produits à Hydro-Congo qui les vend à des clients ; ces clients sont obligés de verser l'argent sur un compte bancaire conjoint à CORAF et Hydro-Congo. A la fin de chaque mois, nous faisons ensemble le point. CORAF présente ses factures et Hydro-Congo présente ses charges. On fait la répartition.

Ne pensez-vous pas diversifier cette clientèle ?

Sur le plan national, on ne peut rien faire d'autre que de vendre à Hydro-Congo. Il est le seul autorisé à distribuer sur le territoire. Dans nos projets, nous voulons diversifier à l'étranger, mais nous ne sommes pas très compétitifs pour les pays éloignés. Il y a les coûts de transport. Nous pouvons cependant être compétitifs pour nos voisins, l'Angola et la RDC. Nous avons déjà effectué quelques ventes avec l'Angola, mais pas encore avec la RDC. Nous avons des projets d'accords en ce sens.

Notre programme de transformation de brut ou de production est élaboré en fonction des marchés que nous trouvons. Mais rappelons le, nous travaillons d'abord par rapport au marché congolais. Le stock qui est ici nous permet uniquement de satisfaire la demande nationale. En ce moment par exemple, nous avons en stock l'équivalent d'un mois de consommation nationale.

Vous avez des stocks et il y a pourtant de longues files devant les stations services?

Nous ne sommes pas responsables de cela. C'est l'affaire d'Hydro-Congo, de ses revendeurs et aussi, il faut le dire, des difficultés de fonctionnements du chemin de fer. Les stations services sont gérées par de petits opérateurs privés qui généralement, n'ont pas beaucoup d'argent et n'ont pas non plus de grandes réserves. Une fois qu'ils ont vendu leur carburant, ils n'ont plus rien. Il faut alors attendre qu'ils soient à nouveau alimenté. Ce qui provoque de longues files d'attentes à la pompe. Ce n'est donc pas un problème de manque de carburant à Pointe-Noire, c'est plutôt un problème de distribution et surtout de mauvaise gestion des stations services.

Quels sont les problèmes que vous rencontrez au quotidien dans la gestion de votre société ?

Actuellement, le problème le plus important est celui de la gestion des pièces de rechange. Ces pièces sont importées de l'étranger. Pendant la période des deux ans d'arrêt total de nos activités, nous n'avions pas su payer nos dettes envers nos fournisseurs ; nous avons donc perdu leur confiance. Ce qui fait qu'actuellement, nous sommes contraints d'acheter nos pièces de rechange au comptant. Même lorsque nous faisons des virements bancaires aux fournisseurs, tant que l'argent n'est pas entré sur leurs comptes bancaires, ils ne nous envoient pas les pièces de rechange. C'est contraignant et nous sommes de surcroît très mal servi par nos banques en matière de transfert de fonds. Ainsi, au lieu d'avoir des délais de livraison de moins de 2 mois, il nous arrive que ces délais se prolongent jusqu'à 6 mois. C'est trop ! Cela veut dire qu'il nous faut un stock de 6 à 7 mois.

On appelle la CORAF " la fierté congolaise ". Pourquoi cette appellation ?

Je ne sais pas exactement. Peut être est-ce parce que c'est une société qui était complètement morte et que les Congolais ont réussi eux-mêmes à la remettre sur pied.

Quelle a été votre plus grande satisfaction à la tête de cette entreprise ?

C'est tout simplement d'avoir réussi remettre la CORAF sur les rails. Je suis un agent de la CORAF, ingénieur de formation. J'ai commencé ici, jusqu'à en être le directeur général. Je connais donc tout de la société et j'y suis fort attaché. C'était un réel soulagement pour moi de voir revivre l'usine.

Comment voyez-vous le rôle de la CORAF dans le développement économique du Congo ?

Je crois que la CORAF a un rôle important à jouer. Prenez n'importe quel pays d'Europe, je pense qu'aucun ne voudrait dépendre d'un autre du point de vue de l'énergie. Avoir son pétrole et sa raffinerie sur place permet d'élaborer une bonne politique énergétique. Si, par exemple, vous n'avez pas de source de production d'électricité, c'est dangereux de dépendre de l'étranger. Un pays doit avoir une certaine autonomie énergétique sans quoi il court le risque de se retrouver totalement bloqué. La CORAF a donc un rôle clef dans l'avenir de ce pays.

Avez-vous un message pour les lecteurs de Forbes ?

Pour nous c'est une bonne chose d'être connu. J'espère qu'à travers ce reportage, la CORAF sera connue de vos lecteurs.

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