Vous avez récemment
eu la visite du FMI, cela concernait-il le programme
pour la reconstruction ?
En fait, il y a deux programmes. Nous avons le "
Programme Intérimaire Post-Conflit ",
un programme du gouvernement congolais qui court
sur 3 ans et s'achève fin 2002, et le "
Programme d'Urgence Post-Conflit " avec le
Fonds Monétaire, qui a duré un an
et s'est achevé le 31 octobre 2001. Nous
sommes donc dans la dernière tranche ; elle
se déroule dans un contexte très particulier
car nous sommes dans le processus électoral.
Le F.M.I. a fait le bilan du programme d'urgence
en octobre, et une mission récente faisait
les dernières évaluations, avant
d'ouvrir les négociations sur un programme
de 3 ans pour pouvoir prétendre à
des facilités pour la croissance et la
lutte contre la pauvreté. Nous nous sommes
fixé un certain nombre d'engagements à
respecter, et le Fonds Monétaire revient
au Congo au mois de juin. Ceci nous permettra
d'ouvrir de nouvelles négociations pour
définir le cadre macro-économique
et les bases du nouveau programme pour le pays.
Le Congo y attache une grande importance car nous
avons vécu une dizaine d'années
tumultueuses, et nous n'avons pas pu revoir les
principaux paramètres notamment au niveau
de la dette, qu'elle soit bilatérale ou
multilatérale. Cela nous permettrait de
voir l'avenir avec une plus grande sérénité
et de poursuivre nos efforts.
Etes vous satisfaits du niveau des recettes
budgétaires aujourd'hui ?
Il y a des améliorations très nettes
au niveau des recouvrements. Il est vrai aussi
qu'au début il existait un système
d'exonérations, qui était alors
une nécessité. Mais le Fonds Monétaire
n'a pas bien compris le bien fondé de ces
exonérations accordées de 1998 à
1999. Brazzaville était complètement
détruite, et nous n'avions rien à
offrir aux gens qui avaient tout perdu ou qui
essayaient de participer à la reconstruction.
l'Etat ne pouvait qu'alléger la fiscalité.
Pour ce qui est de la reconstruction nous avions
donc accordé un an d'exonération
totale, et pour le renouvellement de l'habitat,
une exonération de 50%. N'oublions pas
qu'à la sortie de la guerre l'inflation
était à 22%, son niveau le plus
haut. Nous avions donc décidé d'accorder
une plus grande souplesse aux opérateurs.
Ces mesures ont été critiquées
par le FMI entre autres, mais à présent
tout est rentré dans l'ordre et les recettes
ont repris très nettement. Au niveau des
impôts, nous avons dépassé
les prévisions depuis plusieurs années.
La douane quant à elle, suit le même
cours depuis le dernier trimestre 2001. Malgré
tout, nous avons le sentiment d'être en
deçà des recettes optimales. Il
nous faut donc faire des efforts au niveau des
structures et des procédures, pour permettre
une amélioration de l'efficacité
et de la productivité. Les réformes
sont en cours, nous mettons en place tout un dispositif
de mesures et de transmission de l'information,
à travers l'informatisation de l'ensemble
des départements. Nous avons effectué
un appel d'offres et deux cabinets ont été
sélectionnés pour réaliser
l'audit et nous aiguiller sur les priorités,
pour nous débarrasser des goulots d'étranglements
qui nuisent à la productivité de
l'ensemble.
Nous sommes certains que nous arriverons à
accroître l'ensemble des ressources et nous
avons en projet une extension de la TVA. Aujourd'hui,
certains secteurs ne sont pas touchés,
par exemple l'informatique. Nous avons donc sollicité
l'aide des organismes internationaux pour que
l'état puisse se donner les moyens de sa
politique.
Etes vous parvenu à réduire
les dépenses publiques de manière
satisfaisante?
La réduction des dépenses publiques
était à la fois un objectif, mais
en même temps un leurre. Le pays venait
de sortir du chaos, nous n'avions pas d'autres
solutions que d'entamer immédiatement la
réhabilitation et la reconstruction pour
permettre aux gens de retrouver un minimum vital,
notamment dans les secteurs sociaux comme l'éducation
ou la santé. Il fallait que les gens retrouvent
des conditions de vie plus acceptables. Il était
difficile de réduire les dépenses
car l'état se devait d'être présent.
De plus, au sortir de la guerre, une importante
partie de la population était exilée
de l'autre côté du fleuve, à
Kinshasa, dans les forêts, ou au Gabon.
Il fallait apporter de l'aide à toutes
ces personnes. Nous nous sommes donc retrouvés
face à une augmentation des charges. Nous
avons également dû réorganiser
les administrations et les services publiques,
en procédant à une réduction
des effectifs. Toutes ces mesures étaient
nécessaire pour préparer un contexte
favorable à une relance efficace.
Pourriez vous aborder le thème de la
privatisation et son application au Congo, en
particulier au niveau du secteur financier ?
La privatisation est un vieux sujet dans notre
pays, cela remonte à plus de dix ans. Cependant,
pour privatiser il faut réunir plusieurs
conditions. Tout d'abord il faut que l'environnement
d'accueil corresponde à ce qu'attend un
investisseur. Ensuite il faut que les conditions
juridiques soient réunies, et enfin qu'il
y ait une réelle volonté de privatiser.
Le gouvernement a donc décidé de
rendre l'environnement propice, de créer
un Comité de Privatisation pour gérer
le processus, et de demander l'assistance des
institutions internationales comme la Banque Mondiale
pour faciliter le déroulement sans heurts
de ce processus.
Les appels d'offres pour les entreprises du premier
périmètre ont donc été
lancés, et nous avons déjà
pu privatiser toutes les sociétés
forestières, le secteur pétrolier,
et deux banques, pour ce qui est du secteur financier.
Une banque est encore à la recherche d'un
repreneur et nous avons mis en place un appel
d'offre qui, nous l'espérons, aboutira
d'ici la fin juin.
Nous mettons tous nos efforts dans ces privatisations,
car elles s'inscrivent dans un processus sous
régional dont nous ne voulons pas rester
en marge. L'unification de l'espace sous régional
est en net progrès au niveau aérien
déjà. Au niveau bancaire, il existe
un agrément unique pour toute la région.
Il existe par exemple désormais, une charte
d'investissement communautaire dont chaque pays
peut s'inspirer pour la mise en place de sa propre
charte. Au niveau douanier, nous avons atteint
une parfaite harmonisation. Le chantier de la
sous région impose donc à chaque
pays de se mettre au diapason, de suivre l'évolution
de la réglementation communautaire. Le
Congo a perdu du temps à cause des évènements
intérieurs, mais maintenant, nous faisons
tous les efforts pour rattraper les autres et
même les dépasser dans certains domaines,
car notre système d'exploitation marche
très bien et nous avons pu concrétiser
quelques belles réussites au niveau national.
Les cours du pétrole sont une source de
revenus considérables pour l'économie
congolaise, la communauté internationale
vous a reproché une gestion " obscure
" de ces revenus, quelle est la situation aujourd'hui
?
Le miracle du revenu pétrolier est un faux
miracle. Il ne faut pas croire que parce que la
production de pétrole augmente, le Congo
en retire d'énormes bénéfices.
Nous ne percevons que les redevances et les impôts
; nous sommes dans un système de partage
de production et les paramètres de ce partage
ne sont pas toujours en notre faveur. Ce qui est
réparti, c'est la part non affectée,
après déduction de tous les coûts
pétroliers, y compris les coûts financiers.
Par conséquent, c'est le résidu du
pétrole que nous nous partageons avec les
contracteurs qui exploitent le pétrole. Donc,
non seulement nous n'en dégageons pas des
bénéfices colossaux, mais en plus
nous avons des engagements domiciliés chez
des pétroliers, qui nous retirent une partie
de ce qui revient au Congo. |
Le revenu pétrolier
n'est donc pas une manne extraordinaire, qui nous
permettrait de relancer l'économie avec beaucoup
de faste. Cela nous permet néanmoins de vivre.
Les revenus sont entièrement affectés
au Trésor, et nous servent à couvrir
les charges salariales de l'état, qui représentent
un poste très sensible du budget. L'année
dernière nous avions établi avec le
FMI que la masse salariale devait représenter
114 milliards de F CFA. Mais nous avons fait le
compte et nous atteignons presque 118 milliards
de F CFA car au sortir de la guerre, nous devons
faire face à certains problèmes qu'il
faut résoudre en priorité. Par exemple,
la réinsertion des anciens miliciens au sein
de la police ou de l'armée génère
un coût additionnel.
Le revenu pétrolier est donc absorbé
en partie par ces charges salariales, la part restante
est affectée à des investissements
d'entretien ou de reconstruction. Les critiques
que nous avons essuyées étaient fondées
sur des erreurs de procédures comptables
qui, à Washington sont assimilées
à une " gestion obscure ". Nous
avons clarifié la situation et à présent
tout est en ordre. L'incompréhension est
peut être également venue du fait que
nous ayons créé une société
d'état pour commercialiser la part de pétrole
congolaise.
Cela n'a pas très bien été
accepté par la Banque Mondiale et le FMI.
Il y a eu suspicion de non-transparence. Ceci dit,
la création d'une société pour
suivre l'évolution des marchés nous
est apparue nécessaire et les résultats
nous donnerons raison.
Quelles sont vos prévisions de croissance
?
Nos prévisions pour cette année étaient
de l'ordre de 4,1%. Malgré les coups d'arrêts
dû aux évènements que nous connaissons,
nous avons pu atteindre ce taux, qui est également
dans la moyenne sous régionale, c'est à
dire entre 3,5 et 4,1%. Actuellement, notre pays
connaît un fort taux de croissance, notamment
grâce aux nombreux travaux d'infrastructures,
à la reprise de la production dans de nombreux
secteurs et au secteur pétrolier, qui a connu
un léger ralentissement, mais devrait bénéficier
de la mise en production de la zone commune entre
l'Angola et le Congo.
Quelles sont vos attentes en ce qui concerne
l'agrément au terme de l'initiative des Pays
Pauvres Très Endettés (PPTE), et l'obtention
de la réduction de la dette ?
C'est plus que vital pour nous parce qu'actuellement,
nous avons un endettement insoutenable, notre budget
ne peut pas prendre en charge le remboursement.
Il nous faut donc restructurer la dette du Congo.
Nous avons besoin d'un accord avec le FMI et d'un
cahier de négociations avec les bailleurs
de fonds et la communauté internationale.
Cela nous permettra d'avoir un gain substantiel
qui sera affecté à la lutte contre
la pauvreté et à la croissance, par
le renforcement des capacités de production.
Nous avons l'exemple du Cameroun, qui une fois arrivé
au point de décision, a bénéficié
d'un abandon important de la dette sans même
que l'on ait à discuter. C'est le principe
de l'initiative PPTE, lorsque vous arrivez au point
de décision, vous avez un allègement
sensible de votre endettement, notamment au niveau
des arriérés. Puis, lorsque vous arrivez
au point d'achèvement, votre dette est restructurée,
d'abord sur la base des conditions de Naples, c'est
à dire l'abandon de 67% sur une assiette
calculée d'un commun accord avec le club
de Paris et les institutions financières
internationales. Mais ensuite on peut avoir d'autres
arrangements car l'initiative des PPTE vise à
atteindre un taux d'abandon de la dette de 90%.
Les 10% restants seront ensuite négociés
par chaque pays bilatéralement. La France
par exemple a d'ores et déjà annoncé,
que si un pays atteignait ce taux de 90%, elle annulerait
le solde des 10% restants.
C'est notre objectif, pour essayer de soulager nos
finances publiques, pour les concentrer sur le cadre
qui permettrait à l'activité de se
développer, tant au niveau du privé
que du publique.
Quelles opportunités mettriez vous en
avant pour les investisseurs aujourd'hui ?
Notre économie est essentiellement primaire,
avec le pétrole tout d'abord, puis également
les minerais tel que le magnésium. Nous avons
également une grande richesse forestière,
dont l'exploitation est strictement surveillée
et prend en compte la préservation de l'écosystème.
Notre pays était avant tout un pays agricole,
mais avec la découverte du pétrole,
nous avons abandonné quelque peu cette vocation
; alors que justement, nous devrions promouvoir
une diversification économique à partir
de l'agriculture. Cela devrait nous préparer
à mieux résister aux chocs extérieurs
comme la crise asiatique.
Nos principales exportations, le pétrole
et le bois sont des produits très sensibles
aux variations du marché international.
Nous souhaitons également attirer l'économie
volatile, les délocalisations par exemple
comme dans le cadre de l'AGOA. Le Congo est un parfait
point d'appui pour une entreprise exportatrice C'est
pourquoi nous allons mettre en place des zones de
développement économique privilégiées,
avec des facilités fiscales pour créer
des pôles d'exportation à partir du
Congo.
Le Congo a toujours eu cette vocation de pays de
transit, et cela nous permet de convoiter des marchés
sous régionaux importants. Notre rôle
dans la sous région est vraiment celui d'un
pivot pour le développement.
Quel est votre plus grand défi ?
Notre plus grand défi, si je puis me permettre
de parler en général, c'est la pauvreté.
Avec les guerres, le congolais est devenu encore
plus pauvre qu'avant. Nous étions déjà
un pays à revenu intermédiaire et
nous sommes tombés dans la catégorie
" PMA " parce que le revenu par habitant
a beaucoup chuté.
Nous sommes passés de presque 1000 dollars
à 500 dollars par habitant. Donc nous avons
connu une aggravation de la pauvreté, du
chômage, une dégradation au niveau
économique, dans les secteurs sociaux également
avec la réapparition de maladies qui avaient
disparues, comme la tuberculose, la bilharziose,
sans compter les conséquences du développement
du Sida. Le taux de prévalence est déjà
de 10% dans notre pays, et nous devons parvenir
à juguler son développement.
Le second défi concerne les infrastructures.
Le Congo est un pays équatorial, avec une
nature abondante, de nombreux cours d'eau, et une
variation de qualité des sols qui peut être
très importante. Ce qui implique un besoin
de maintenance, d'entretien et de renouvellement
des infrastructures très important afin de
permettre d'assurer la liaison entre les provinces
et même les pays voisins. Aujourd'hui, le
pétrole est un levier pour notre économie
et il doit nous permettre d'aller de l'avant. Mais
l'économie de base, celle qui nous permettra
d'inscrire notre développement dans la durée,
est encore à mettre en place. Il faut des
conditions d'approvisionnement en eau, électricité,
télécommunications qui soient d'une
fiabilité et d'un niveau suffisant à
l'implantation d'une économie d'avenir. Il
y a des îlots de prospérité
dans le pays, et d'autre part, le vaste champ de
la pauvreté. C'est cela que nous devons changer.
Quel message final adresseriez vous aux investisseurs
?
Aujourd'hui, le cadre est propice. Nous avons choisi
la compétition et la productivité
comme mode de développement de l'économie,
il faut que l'investissement soit rentable. Le Congo
garantit les initiatives, donc les investisseurs
trouvent ici un terrain propice qui réunit
les conditions favorables à la réalisation
d'un retour sur investissement considérable.
Le Congo est ouvert aux investisseurs de tous horizons,
nous ne sommes pas la chasse gardée de la
France. L'investissement n'a pas de nationalité
ou de langue ! |