L'économie
congolaise a souffert des récents évènements,
mais votre secteur s'est vite relevé. Quelle
est votre vision de la situation économique
du Congo et de votre secteur en particulier ?
L'économie est en plein redressement, et
le secteur forestier est en plein extension. Il
dépasse le stade de la reconstruction, il
dépasse le stade d'une restructuration post-conflit,
et se jette plutôt dans un développement
réel, à travers quelques axes essentiels,
notamment la transformation de la plus grande partie
du bois dans le pays, à travers la promotion
de l'investissement dans la zone Nord-Congo, qui
a permis justement de mettre en place plusieurs
nouveaux complexes d'exploitation forestière
et de transformation du bois.
Nous avons pu aussi restructurer les entreprises
d'Etat, en les privatisant toutes. Les capitaux
privés injectés dans ce secteur
public permettent maintenant de relancer le secteur
véritablement.
Le résultat de tout ce travail qui a été
abattu ces trois dernières années,
en particulier, c'est l'augmentation de la production.
Dans les deux années qui suivent, nous
devrions pouvoir doubler la production nationale
qui passera de 700.000 à un million et
demi de mètres cubes. Pour la première
fois, on aura dépassé le seuil de
800.000 mètres cubes qui a été
historiquement le plafond de la production de
bois. Donc, nous allons doubler la production
à l'horizon 2003, avec l'entrée
en production des concessions forestières
de la Likouala, de la Sangha, de la Cuvette-Ouest
et aussi avec la réactivation de la production
dans la zone Sud du pays, notamment dans le Niari
et le Lékoumou.
A l'horizon 2004, 2005 nous devrions atteindre 2
millions, sinon dépasser 2 millions de mètres
cube de bois.
Comment faites vous pour rétablir la confiance
des opérateurs et des investisseurs ?
Au cours des différents entretiens avec le
secteur privé, nous avons présenté
la situation réelle dans notre pays, la paix
en marche dans le pays, les dispositions qui sont
prises pour protéger l'investissement et
rassurer les investisseurs. Et puis les sociétés
forestières qui ont fonctionné dans
le Nord ont pu apporter leurs témoignages
expliquant que leur activité n'avait pas
été dérangée, excepté
au niveau du transport intérieur. Les forestiers
ont été obligés d'emprunter
les voies extérieures comme celles du Cameroun
ou de la RDC pour évacuer leurs productions
à l'étranger. Mais, elles n'ont pas
arrêté de travailler.
Les seuls problèmes d'arrêt de production
que nous avons connu, ont eu lieu dans les régions
méridionales, dans le Niari et la Lékoumou,
mais ce sont également des régions
productrices marginales de bois. Le plus gros
de la production, 80% proviennent du Nord-Congo,
et je suis certain que nous passerons à
un pourcentage plus élevé au moment
où tous les chantiers du Nord-Congo seront
mis en route.
Où en sont actuellement les travaux
d'infrastructures justement pour l'évacuation
de la production ?
D'abord les sociétés forestières
construisent elles-mêmes leurs infrastructures
routières. Par exemple les routes d'évacuation
des bois vers le Cameroun sont réalisées
par les forestiers, vers la RCA ou vers d'autres
destinations sont réalisées par les
forestiers.
Ensuite la filière nationale de transport
est en train de se restructurer. Le Chemin de fer
est en cours d'investissement. La voie ferrée
va bénéficier d'importants investissements
dans les prochains mois, et nous attendons la privatisation
du transport fluvial. L'autonomie qui va être
accordée aux différents ports (port
maritime de Pointe-Noire, port fluvial de Brazzaville,
et les autres ports fluviaux secondaires) va permettre
peut-être de changer la manière de
travailler et d'améliorer les performances
sur le plan du transit et du transport.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le SNR
et son rôle ?
Le Service National de Reboisement (SNR) a pour
rôle d'exécuter la politique du gouvernement
en matière d'afforestation et jusque-là
son rôle s'est cantonné à l'afforestation
en savane. Nous avons réalisé, depuis
une trentaine d'années d'importantes étendues
de forêts d'eucalyptus et de pins notamment
dans le Sud du pays près de la côte,
dans le Niari mais aussi dans la Bouénza
et dans le Mayombe.
Aujourd'hui, avec la nouvelle politique forestière,
nous sommes en train de revoir le plan d'action
du SNR pour lui donner un peu plus de compétences
dans l'application des résultats des recherches
forestières, dans l'assistance des privés
et des paysans qui pourraient faire l'arboriculture.
Nous allons lui donner de plus en plus, un rôle
technique dans la création des forêts
composées pour échapper aux effets
de la monoculture ou des plantations monospéficiques.
Il y a donc beaucoup de choses qui reviendront au
SNR dans les prochaines années qui constitueront
comme une sorte de redressement de ses objectifs.
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Quelle est la situation
dans le secteur de la pêche et des ressources
halieutiques?
Elle est caractérisée par de faibles
captures, aussi bien en mer qu'en eau douce. Nous
n'avons pas beaucoup d'armement en mer. Le potentiel
halieutique est sous-exploité, tandis que
dans d'autres pays il est surexploité ou
à la limite de la surexploitation. Donc,
nous avons encore la possibilité de créer
de nouveaux armements pour améliorer les
captures et essayer de nous approcher du potentiel
de nos eaux maritimes.
En eau douce, là aussi le potentiel est fortement
sous-exploité. Théoriquement, nous
pouvons produire cent mille tonnes de poissons,
à partir de nos rivières, et du fleuve
Congo. Mais, c'est à peu près le tiers
ou un peu moins qui est produit. La production en
eau douce est supérieure à celle qui
provient de la pêche maritime. Le nombre de
pêcheurs en eau douce est bien sûr beaucoup
plus important, mais travaillant avec des moyens
rudimentaires qui limitent les captures, qui ne
permettent pas l'optimisation des recettes, notamment
à cause des pertes importantes après
capture. Il y a un problème de conservation,
de conditionnement du produit pour lui faire supporter
plus de temps et l'amener sur un rayon plus long
de commercialisation. Nous sommes en train de travailler
sur ces questions pour relever le défi et
le gouvernement, ces dernières années,
avec le concours de la FAO au début, se permet
de distribuer des matériels de pêche,
notamment des filets aux pêcheurs sinistrés
du fait des guerres ou bien des inondations. Nous
introduisons des techniques nouvelles de pêche,
mais surtout de conservation à travers la
salage et le séchage de poisson, le fumage
de poisson à partir de fours améliorés
qui permettent d'avoir de meilleurs rendements et
un produit de meilleure qualité.
Quelles seraient aujourd'hui pour les investisseurs
étrangers les opportunités que vous
mettriez en avant ?
Les différents secteurs ouverts ne sont pas
concurrentiels. Ils sont très différents
par la nature de leurs activités. Nous mettons
l'accent partout. Nous voudrions optimiser le potentiel
de chaque secteur afin qu'il contribue au mieux
au produit intérieur brut. Nous voulons que
chaque secteur contribue fortement à l'économie
nationale. Nous poussons à l'industrialisation
de la filière bois, à une meilleure
gestion du domaine forestier, à une gestion
durable de la ressource forestière à
travers un certain nombre de mesures que nous avons
prises, nous cherchons à maximiser la pêche
dans nos eaux aussi bien maritimes que douces pour
accroître les captures, rendre auto-suffisant
le pays en poisson, parce que nous importons près
de 30.000 tonnes de poisson chaque année,
ce qui est paradoxal pour un pays qui dispose de
ressources halieutiques suffisantes, qui n'a pas
une grande population et donc qui peut devenir rapidement
auto-suffisant.
Il est aussi vrai qu'avec la libéralisation
de l'économie, ces activités sont
du ressort du secteur privé et l'Etat ne
peut que les accompagner dans leur développement
et aider à la vulgarisation des techniques
nouvelles surtout pour assister les petits producteurs.
Mais, on offre également suffisamment d'avantages
pour inciter les privés à investir
aussi bien dans la forêt que dans la pêche,
mais aussi dans l'exploitation des aires protégées.
Nous disposons de 3 millions 600 mille hectares
d'aires protégées qui représentent
11% du territoire national, ce qui est un record
au plan international. Donc 11% du territoire congolais
sont convertis en aires protégées.
Et dans les 3,6 millions d'hectares, nous avons
3,5 millions d'hectares de forêt, c'est-à-dire
près de 95% de nos espaces protégés
sont constitués de forêts productives,
ce qui est également une première
au plan international. Donc. Si les forêts
qui échappent, ou que nous avons soustraites,
à l'industrie du bois, étaient exploitées,
nous aurions à peu près 5O millions
de dollars chaque année de revenus directs
tirés de cette exploitation . Mais, nous
avons consenti de convertir tout ce revenu dans
la conservation de la biodiversité. C'est
une première et le Congo, grâce à
sa politique de gestion rationnelle de ces aires
protégées veut jouer un rôle
moteur dans le bassin du Congo, aussi bien dans
la gestion de la faune que de l'espace forestier.
Je voudrais aussi vous dire que nous sommes les
premiers au monde à avoir mis au point le
clonage de l'eucalyptus. Au milieu des années
70, le Congo a mis au point la technique de clonage
de l'eucalyptus, à partir de laquelle l'Afrique
du Sud, le Brésil et d'autres pays d'Amérique
latine ont pu développer de vastes programmes
de plantation avec le concours des bailleurs de
fonds internationaux, alors que le père de
l'invention n'a pas du tout bénéficié
des capitaux internationaux pour jouir de ces résultats.
Toutefois nous nous sommes efforcés de mettre
en place 42 mille hectares de plantation d'eucalyptus
à Pointe-Noire, donc près du port.
Au départ ces plantations étaient
destinées à l'approvisionnement d'une
usine de pâte à papier. Puis avec la
conjoncture avec la chute des prix du pétrole,
en 1984/85, ce projet a été mis entre
parenthèses. Nous ne l'avons pas relancé,
mais nous avons continué à développer
les plantations dans la perspective de la mise en
place d'un autre projet industriel qui pourrait
remplacer l'usine de pâte à papier.
Aujourd'hui, ces plantations qui appartiennent à
100% à l'Etat font l'objet de négociation
avec une société sud-africaine pour
les privatiser ; avec l'obligation à nos
partenaires d'installer à moyen terme une
unité de transformation, de valorisation
industrielle de ces plantations.
Quel message final aimeriez-vous passer à
la communauté des investisseurs ?
Que le Congo est un pays sûr où il
y a une fiscalité stable ; où les
incitations à l'investissement sont nombreuses
; c'est un pays en plein développement et
la filière bois est en plein expansion. Nous
souhaitons dans le cadre de la diversification de
l'investissement obtenir des professionnels tournés
vers une transformation plus poussée, à
haute valeur ajoutée, donc pour récupérer
le maximum de bois et nous créer plus d'emplois
dans le pays.
La paix est revenue dans notre pays. Elle est irréversible.
Le processus démocratique a été
redéclenché. Nous allons vers la mise
en place des institutions démocratiquement
élues, des institutions stables sur la base
de la nouvelle Constitution qui tient compte absolument
de la sociologie et de psychologie politique de
ce pays. Donc il y a tout à fait intérêt
à venir investir ici. Venez, venez voir,
installez-vous et il y a de l'argent à gagner.
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