Pourriez vous nous
dresser un état des lieux du secteur des
Transports aujourd'hui ?
Il y a un aphorisme qui dit " qu'un pays a
l'économie de sa géographie ".
Voyez le Congo, qui est un pays étiré
en longueur, et qui est prédestiné
au niveau de l'Afrique Centrale à faire la
jonction entre la mer et un vaste interland. Cette
configuration géographique nous prédispose
à être un pays de transit. Le transport,
par nature, occupe une place de choix, il unifie
les territoires, dynamise l'économie, mais
pour nous ce rôle est décuplé
car nous avons cette vocation naturelle qui est
le transit.
Ces dernières années, avec les évènements
que le pays a connu, cette vocation n'a pu être
assumée comme il se devait. D'abord par
le fort endommagement de l'axe ferroviaire : six
ponts et viaducs détruits, plus d'une dizaine
de gares incendiées et des dégradations
importantes de la voie. On peut donc dire que
le chemin de fer a payé un lourd tribut
à la guerre. Pendant un an et demi, l'axe
ferroviaire a été fermé et
notre vocation de transit a été
compromise par un déroutement du trafic.
La voie camerounaise qui est notre voie concurrente
nous a pris toute une partie du marché,
notamment le bois. Le port de Pointe Noire, port
des années 1930, qui a un bassin portuaire
de près de 4 hectares avec un chenal de
1200 m, a lui été engorgé
pendant longtemps par des sédiments. Cela
a également contribué à la
perte de cette vocation de transit. A cela s'ajoute
la destruction du port de Brazzaville par Kabila.
80% de ses capacités ont été
détruites à la suite de bombardements
arbitraires.
Il a donc fallu travailler pour reconquérir
notre statut de pays de passage. Transiter par
le Congo représente la meilleure alternative
pour le commerce. Nous battons la voie camerounaise,
et celle de la RDC. La chaîne congolaise
de transport comprend le Port de Pointe Noire,
le Chemin de Fer Congo Océan, et le fleuve
Congo qui est un boulevard naturel très
puissant et pénètre un hinterland
de près de 4 millions de km2 pour un grand
marché de près de 80 millions de
consommateurs. Ce fleuve est très important
pour les Congolais. L'un de nos poètes
a dit que c'était " le fleuve essentiel
" ! Il fait la vie des Congolais, il contribue
à leur transport mais également
leur donne la nourriture et le divertissement.
Il traverse l'hinterland, dessert le bassin Est
et se prolonge vers le nord. A Bangui il est prolongé
par la route jusque N'Djaména, une fois
là, vous allez en Libye, c'est à
dire que vous atteignez la Méditerranée
et l'Europe.
Parmi les modes de transports traditionnels, la
route est un peu le parent pauvre du système.
Le réseau routier est dans un état
d'enclavement et de dégradation important.
Ceci dit, sans parti pris, il y a eu avant nous
un grand immobilisme dans la gestion de ce secteur.
Les 17.500 kilomètres de routes que nous
avons n'ont pas du tout été entretenu.
Dieu merci, nous avons commencé depuis
deux ans, la réhabilitation du réseau
routier.
En ce qui concerne le transport aérien,
nous avons deux aéroports internationaux
: Brazzaville, avec une piste de près de
3000 mètres et Pointe Noire qui est pour
le moment à 1800 mètres, mais en
court d'allongement pour atteindre 2700 mètres
et pouvoir recevoir des Airbus A340. Nous avons
également un aéroport d'éclatement
à Dolisie, l'aéroport d'Ouesso et
en plus, nous avons 16 aéroports secondaires
qui desservent les villes du pays.
Pourriez vous nous éclairer sur le
choix d'Ollombo pour la construction du nouvel
aéroport international ainsi que sur son
intérêt pour la région ?
L'aéroport de Brazzaville a besoin d'être
élargi et modernisé, tout comme
celui de Dolisie pour qu'il fasse pivot entre
Pointe Noire et Brazzaville ; celui de Pointe
Noire va donc aussi être remis à
neuf et modernisé.
Nous voulons construire un aéroport d'éclatement
dans le Nord, à même de recevoir
des avions de gros tonnages. Pourquoi le choix
d'Ollombo ? Nous voulons un aéroport d'éclatement,
mais également de désenclavement.
Ce choix est, de plus, dicté par d'autres
paramètres d'ordre techniques et régionaux.
Par exemple, aujourd'hui, si un avion quitte Yaoundé
et a des ennuis, il doit retourner à son
aéroport d'origine.
Cependant s'il est déjà trop éloigné,
il n'a pas d'alternative, il doit tenir jusque
Brazzaville.
Yaoundé accueille des avions de gros tonnages,
ils ne peuvent pas s'arrêter sur un aéroport
secondaire, c'est une donnée technique
qui explique en partie le choix des plateaux,
et d'Ollombo. Les plateaux étant le centre
du pays, le Nord étant enclavé au
niveau économique et un peu arriéré,
cela permettra de le dynamiser. Nous allons également
nous ouvrir vers les pays de la sous-région,
comme le Cameroun et la République Centre
Africaine. Nous pouvons développer des
échanges Sud-Sud, mais il n'existe pas
aujourd'hui de pôle de nature à dynamiser
les échanges sous-régionaux. Nous
espérons que cet aéroport d'éclatement
permettra de prolonger le trafic par le fleuve,
et les pays de la sous-région.
Aujourd'hui le transport domestique est plus dynamique,
mais nous avons une grande réserve de trafic,
suffisante pour avoir une compagnie nationale
qui fonctionne. Notre compagnie nationale pour
le moment connaît des problèmes,
mais nous allons ouvrir le capital et prendre
un partenaire stratégique de référence,
comme Air France par exemple. Dans ce contexte,
nous pourrons dynamiser le trafic sous-régional,
et le trafic de la zone d'exploitation unique
qui revenait à Air Afrique avant. Tous
les états de l'ex-Air Afrique sont des
destinations potentielles. Mais il nous faut un
instrument qui fonctionne.
Avez vous fixé une échéance
pour la création de cette entité
?
Oui, nous devons avoir bouclé la mise en
activité pour la fin 2003. Cette compagnie
se spécialisera dans le transport sous-régional
et la zone d'exploitation unique. Air France s'impliquera
au niveau intercontinental, mais pas au niveau régional
car la rentabilité est moindre. Il faut donc
que nous nous dotions d'instruments nationaux pour
gérer ce trafic inter Etats. Aujourd'hui
pour aller à Bangui, vous avez le choix de
passer par Paris, ou bien de passer plusieurs jours
à Douala ou Libreville à attendre
une correspondance.
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Quels sont les projets
à l'ordre du jour ?
Au niveau du Chemin de Fer Congo Océan
(CFCO), nous avons dû accomplir un travail
titanesque pour réhabiliter la ligne relativement
vite. Nous avons bénéficié
en cela de l'aide de la SNCF International. Nous
avons également acquis quelques locomotives
en leasing en RSA pour augmenter la capacité
de transport. Nous avons rénové
les matériels qui pouvaient l'être,
et aujourd'hui au niveau du chiffre d'affaires,
on peut dire que nous revenons au niveau des années
1980. Environ 17 milliards de F.cfa par mois.
Le problème principal aujourd'hui est le
goulot d'étranglement constitué
par la voie. Nous avons deux voies en une seule.
De Pointe Noire à Brazzaville au kilomètre
200, vous avez le chemin de fer des années
1930, donc nous devons réduire les vitesses
et cela augmente les délais de passage.
Nous devons améliorer et réduire
la durée de passage, et en même temps
augmenter la capacité du port de Brazzaville.
Refaire les grues, les quais, réhabiliter
le port, le programme est en place et a débuté.
Le CFCO a ce rôle vital que vous avez
mentionné, mais il reste fragile comme
on l'a vu récemment avec les attaques du
Pool, avez vous d'autres projets pour suppléer
au chemin de fer ?
On a longtemps hésité à construire
une route, mais maintenant la décision
est prise. Cela va faire concurrence au CFCO,
mais c'est devenu nécessaire. Nous allons
construire une autoroute à péage
entre Pointe Noire et Brazzaville en même
temps que nous allons dynamiser le corridor Pointe-Noire
- Brazzaville - Kinshasa - Matadi. Pour cela nous
voulons construire le pont rail-route entre Brazzaville
et Kinshasa. Ce sont les capitales les plus proches
au monde, mais quand on regarde vraiment il n'y
a pas d'échanges excepté un commerce
informel. La construction du pont pourrait provoquer
la mort du port de Matadi donc il y a quelques
réticences en RDC, mais au besoin, nous
pouvons limiter le projet à un pont routier.
Vers le Nord nous sommes en train de construire
une route jusqu'à la frontière du
Gabon pour relier le fleuve, et la route qui descend
à Brazza. Mais le chemin de fer garde un
rôle prépondérant. D'ici 2004,
nous allons le donner en concession pour une vingtaine
d'années à un exploitant privé.
L'appel d'offres à déjà
connu un certain succès il me semble ?
Tout à fait, ce projet a suscité
un grand engouement. Nous sommes en train de travailler
avec la Banque Mondiale. Au départ la Banque
Mondiale était pour une liquidation pure
et simple mais finalement, elle s'est rangée
à notre point de vue et nous avons adopté
un processus par étape. Nous avons scindé
ce holding étatique qu'était l'Agence
Transcongolaise de Communication (ATC), et malgré
les peurs de certains devant l'ampleur de la tâche,
nous sommes parvenus à " dégraisser
le mammouth " comme l'a dit Claude Allègre,
l'ancien Ministre français de l'Education.
En disloquant l'ATC, nous avons donc créé
trois unités distinctes : le Port Autonome
de Pointe-Noire, le CFCO et le Port Autonome de
Brazzaville et Ports Secondaires. Si le Port de
Pointe-Noire garde une gestion publique où
les activités connexes seront gérées
par le privé, le CFCO lui, est appelé
à être gérer totalement par
un privé, grâce à une concession.
L'Etat se désengage des secteurs marchands,
et va se cantonner à son rôle de
gardien du cadre institutionnel, pour prévenir
l'anarchie et le capitalisme barbare. Voilà
la réforme majeure du département
: scinder cette Agence Transcongolaise de Communication
pour pouvoir améliorer la gestion, la qualité
et l'efficacité.
Quelles sont aujourd'hui les opportunités
que vous mettriez en avant pour un investisseur
?
La grande opportunité est d'abord ce grand
vent de libéralisme dans le pays. On peut
tout faire aujourd'hui dans le domaine du transport,
créer des compagnies dans le secteur aérien,
pour le trafic domestique, mais surtout dans l'optique
d'un trafic sous-régional. On peut se lancer
dans la construction de routes ou dans la gestion
de cette autoroute à péage qui est
en projet. Sans compter les activités connexes
dans les ports de Pointe Noire et Brazzaville.
Le secteur des Transports est très ouvert
et offre de nombreuses opportunités.
Depuis votre accession, on peut dire que vous
n'avez pas chômé, quelle a été
votre plus grande satisfaction ?
Ma satisfaction est d'avoir créé
une structure synergique. Cette synergie était
perdue, les maillons de la chaîne ne fonctionnaient
plus. Ma première satisfaction est d'avoir
fait re-fonctionner la chaîne. Maintenant,
je serais encore plus heureux si chaque maillon
fonctionne au mieux et si le programme que l'on
s'est donné se réalise, au travers
de la mise en concession du CFCO, de la libéralisation
de toutes les activités des deux ports,
de la réhabilitation du port de Brazzaville.
Mais ma plus grande satisfaction, c'est d'avoir
réussi à " dégraisser
le mammouth ".
La création du Conseil Congolais des Chargeurs
a été également une étape
réussie, car nous sommes parvenus à
rendre encore plus attractif cette chaîne
de transit, et à défendre au mieux,
les intérêts des chargeurs congolais
qui étaient laissés à l'abandon.
Aujourd'hui ils ont une oreille de l'Etat et peuvent
avoir des allègements en ce qui concerne
les problèmes douaniers et de transport.
Nous avons également créé
avec le Président Sassou-Nguesso, la Conférence
Internationale du bassin Congo-Oubangui-Sangha
(CICOS) qui va gérer notre grand bassin
fluvial. Nous sommes actuellement en attente de
la dernière signature, celle de la RDC.
Auriez vous un dernier message pour nos lecteurs
?
Venez découvrir notre pays, il est magnifique
et il y a de nombreuses opportunités à
saisir, notamment en matière de transport. |