THE REPUBLIC OF CONGO
Enormous potential for investors/D'énormes potentialités d'investissements

M. Isidore M'VOUBA Interview avec

M. Isidore M'VOUBA
Ministre des Transports, de l'Aviation Civile, Chargé de la Marine Marchande
Vendredi 19 avril 2002
 
Pourriez vous nous dresser un état des lieux du secteur des Transports aujourd'hui ?

Il y a un aphorisme qui dit " qu'un pays a l'économie de sa géographie ". Voyez le Congo, qui est un pays étiré en longueur, et qui est prédestiné au niveau de l'Afrique Centrale à faire la jonction entre la mer et un vaste interland. Cette configuration géographique nous prédispose à être un pays de transit. Le transport, par nature, occupe une place de choix, il unifie les territoires, dynamise l'économie, mais pour nous ce rôle est décuplé car nous avons cette vocation naturelle qui est le transit.

Ces dernières années, avec les évènements que le pays a connu, cette vocation n'a pu être assumée comme il se devait. D'abord par le fort endommagement de l'axe ferroviaire : six ponts et viaducs détruits, plus d'une dizaine de gares incendiées et des dégradations importantes de la voie. On peut donc dire que le chemin de fer a payé un lourd tribut à la guerre. Pendant un an et demi, l'axe ferroviaire a été fermé et notre vocation de transit a été compromise par un déroutement du trafic. La voie camerounaise qui est notre voie concurrente nous a pris toute une partie du marché, notamment le bois. Le port de Pointe Noire, port des années 1930, qui a un bassin portuaire de près de 4 hectares avec un chenal de 1200 m, a lui été engorgé pendant longtemps par des sédiments. Cela a également contribué à la perte de cette vocation de transit. A cela s'ajoute la destruction du port de Brazzaville par Kabila. 80% de ses capacités ont été détruites à la suite de bombardements arbitraires.

Il a donc fallu travailler pour reconquérir notre statut de pays de passage. Transiter par le Congo représente la meilleure alternative pour le commerce. Nous battons la voie camerounaise, et celle de la RDC. La chaîne congolaise de transport comprend le Port de Pointe Noire, le Chemin de Fer Congo Océan, et le fleuve Congo qui est un boulevard naturel très puissant et pénètre un hinterland de près de 4 millions de km2 pour un grand marché de près de 80 millions de consommateurs. Ce fleuve est très important pour les Congolais. L'un de nos poètes a dit que c'était " le fleuve essentiel " ! Il fait la vie des Congolais, il contribue à leur transport mais également leur donne la nourriture et le divertissement. Il traverse l'hinterland, dessert le bassin Est et se prolonge vers le nord. A Bangui il est prolongé par la route jusque N'Djaména, une fois là, vous allez en Libye, c'est à dire que vous atteignez la Méditerranée et l'Europe.

Parmi les modes de transports traditionnels, la route est un peu le parent pauvre du système. Le réseau routier est dans un état d'enclavement et de dégradation important. Ceci dit, sans parti pris, il y a eu avant nous un grand immobilisme dans la gestion de ce secteur. Les 17.500 kilomètres de routes que nous avons n'ont pas du tout été entretenu. Dieu merci, nous avons commencé depuis deux ans, la réhabilitation du réseau routier.
En ce qui concerne le transport aérien, nous avons deux aéroports internationaux : Brazzaville, avec une piste de près de 3000 mètres et Pointe Noire qui est pour le moment à 1800 mètres, mais en court d'allongement pour atteindre 2700 mètres et pouvoir recevoir des Airbus A340. Nous avons également un aéroport d'éclatement à Dolisie, l'aéroport d'Ouesso et en plus, nous avons 16 aéroports secondaires qui desservent les villes du pays.

Pourriez vous nous éclairer sur le choix d'Ollombo pour la construction du nouvel aéroport international ainsi que sur son intérêt pour la région ?

L'aéroport de Brazzaville a besoin d'être élargi et modernisé, tout comme celui de Dolisie pour qu'il fasse pivot entre Pointe Noire et Brazzaville ; celui de Pointe Noire va donc aussi être remis à neuf et modernisé.

Nous voulons construire un aéroport d'éclatement dans le Nord, à même de recevoir des avions de gros tonnages. Pourquoi le choix d'Ollombo ? Nous voulons un aéroport d'éclatement, mais également de désenclavement. Ce choix est, de plus, dicté par d'autres paramètres d'ordre techniques et régionaux. Par exemple, aujourd'hui, si un avion quitte Yaoundé et a des ennuis, il doit retourner à son aéroport d'origine.

Cependant s'il est déjà trop éloigné, il n'a pas d'alternative, il doit tenir jusque Brazzaville.

Yaoundé accueille des avions de gros tonnages, ils ne peuvent pas s'arrêter sur un aéroport secondaire, c'est une donnée technique qui explique en partie le choix des plateaux, et d'Ollombo. Les plateaux étant le centre du pays, le Nord étant enclavé au niveau économique et un peu arriéré, cela permettra de le dynamiser. Nous allons également nous ouvrir vers les pays de la sous-région, comme le Cameroun et la République Centre Africaine. Nous pouvons développer des échanges Sud-Sud, mais il n'existe pas aujourd'hui de pôle de nature à dynamiser les échanges sous-régionaux. Nous espérons que cet aéroport d'éclatement permettra de prolonger le trafic par le fleuve, et les pays de la sous-région.
Aujourd'hui le transport domestique est plus dynamique, mais nous avons une grande réserve de trafic, suffisante pour avoir une compagnie nationale qui fonctionne. Notre compagnie nationale pour le moment connaît des problèmes, mais nous allons ouvrir le capital et prendre un partenaire stratégique de référence, comme Air France par exemple. Dans ce contexte, nous pourrons dynamiser le trafic sous-régional, et le trafic de la zone d'exploitation unique qui revenait à Air Afrique avant. Tous les états de l'ex-Air Afrique sont des destinations potentielles. Mais il nous faut un instrument qui fonctionne.

Avez vous fixé une échéance pour la création de cette entité ?

Oui, nous devons avoir bouclé la mise en activité pour la fin 2003. Cette compagnie se spécialisera dans le transport sous-régional et la zone d'exploitation unique. Air France s'impliquera au niveau intercontinental, mais pas au niveau régional car la rentabilité est moindre. Il faut donc que nous nous dotions d'instruments nationaux pour gérer ce trafic inter Etats. Aujourd'hui pour aller à Bangui, vous avez le choix de passer par Paris, ou bien de passer plusieurs jours à Douala ou Libreville à attendre une correspondance.
Quels sont les projets à l'ordre du jour ?

Au niveau du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO), nous avons dû accomplir un travail titanesque pour réhabiliter la ligne relativement vite. Nous avons bénéficié en cela de l'aide de la SNCF International. Nous avons également acquis quelques locomotives en leasing en RSA pour augmenter la capacité de transport. Nous avons rénové les matériels qui pouvaient l'être, et aujourd'hui au niveau du chiffre d'affaires, on peut dire que nous revenons au niveau des années 1980. Environ 17 milliards de F.cfa par mois. Le problème principal aujourd'hui est le goulot d'étranglement constitué par la voie. Nous avons deux voies en une seule. De Pointe Noire à Brazzaville au kilomètre 200, vous avez le chemin de fer des années 1930, donc nous devons réduire les vitesses et cela augmente les délais de passage. Nous devons améliorer et réduire la durée de passage, et en même temps augmenter la capacité du port de Brazzaville. Refaire les grues, les quais, réhabiliter le port, le programme est en place et a débuté.

Le CFCO a ce rôle vital que vous avez mentionné, mais il reste fragile comme on l'a vu récemment avec les attaques du Pool, avez vous d'autres projets pour suppléer au chemin de fer ?

On a longtemps hésité à construire une route, mais maintenant la décision est prise. Cela va faire concurrence au CFCO, mais c'est devenu nécessaire. Nous allons construire une autoroute à péage entre Pointe Noire et Brazzaville en même temps que nous allons dynamiser le corridor Pointe-Noire - Brazzaville - Kinshasa - Matadi. Pour cela nous voulons construire le pont rail-route entre Brazzaville et Kinshasa. Ce sont les capitales les plus proches au monde, mais quand on regarde vraiment il n'y a pas d'échanges excepté un commerce informel. La construction du pont pourrait provoquer la mort du port de Matadi donc il y a quelques réticences en RDC, mais au besoin, nous pouvons limiter le projet à un pont routier.
Vers le Nord nous sommes en train de construire une route jusqu'à la frontière du Gabon pour relier le fleuve, et la route qui descend à Brazza. Mais le chemin de fer garde un rôle prépondérant. D'ici 2004, nous allons le donner en concession pour une vingtaine d'années à un exploitant privé.

L'appel d'offres à déjà connu un certain succès il me semble ?

Tout à fait, ce projet a suscité un grand engouement. Nous sommes en train de travailler avec la Banque Mondiale. Au départ la Banque Mondiale était pour une liquidation pure et simple mais finalement, elle s'est rangée à notre point de vue et nous avons adopté un processus par étape. Nous avons scindé ce holding étatique qu'était l'Agence Transcongolaise de Communication (ATC), et malgré les peurs de certains devant l'ampleur de la tâche, nous sommes parvenus à " dégraisser le mammouth " comme l'a dit Claude Allègre, l'ancien Ministre français de l'Education.

En disloquant l'ATC, nous avons donc créé trois unités distinctes : le Port Autonome de Pointe-Noire, le CFCO et le Port Autonome de Brazzaville et Ports Secondaires. Si le Port de Pointe-Noire garde une gestion publique où les activités connexes seront gérées par le privé, le CFCO lui, est appelé à être gérer totalement par un privé, grâce à une concession.

L'Etat se désengage des secteurs marchands, et va se cantonner à son rôle de gardien du cadre institutionnel, pour prévenir l'anarchie et le capitalisme barbare. Voilà la réforme majeure du département : scinder cette Agence Transcongolaise de Communication pour pouvoir améliorer la gestion, la qualité et l'efficacité.

Quelles sont aujourd'hui les opportunités que vous mettriez en avant pour un investisseur ?

La grande opportunité est d'abord ce grand vent de libéralisme dans le pays. On peut tout faire aujourd'hui dans le domaine du transport, créer des compagnies dans le secteur aérien, pour le trafic domestique, mais surtout dans l'optique d'un trafic sous-régional. On peut se lancer dans la construction de routes ou dans la gestion de cette autoroute à péage qui est en projet. Sans compter les activités connexes dans les ports de Pointe Noire et Brazzaville. Le secteur des Transports est très ouvert et offre de nombreuses opportunités.

Depuis votre accession, on peut dire que vous n'avez pas chômé, quelle a été votre plus grande satisfaction ?

Ma satisfaction est d'avoir créé une structure synergique. Cette synergie était perdue, les maillons de la chaîne ne fonctionnaient plus. Ma première satisfaction est d'avoir fait re-fonctionner la chaîne. Maintenant, je serais encore plus heureux si chaque maillon fonctionne au mieux et si le programme que l'on s'est donné se réalise, au travers de la mise en concession du CFCO, de la libéralisation de toutes les activités des deux ports, de la réhabilitation du port de Brazzaville. Mais ma plus grande satisfaction, c'est d'avoir réussi à " dégraisser le mammouth ".

La création du Conseil Congolais des Chargeurs a été également une étape réussie, car nous sommes parvenus à rendre encore plus attractif cette chaîne de transit, et à défendre au mieux, les intérêts des chargeurs congolais qui étaient laissés à l'abandon. Aujourd'hui ils ont une oreille de l'Etat et peuvent avoir des allègements en ce qui concerne les problèmes douaniers et de transport.

Nous avons également créé avec le Président Sassou-Nguesso, la Conférence Internationale du bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS) qui va gérer notre grand bassin fluvial. Nous sommes actuellement en attente de la dernière signature, celle de la RDC.

Auriez vous un dernier message pour nos lecteurs ?

Venez découvrir notre pays, il est magnifique et il y a de nombreuses opportunités à saisir, notamment en matière de transport.

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